De la grammatologie



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DE LA GRAMMATOLOGIE

« Où » et « quand » peuvent ouvrir des questions empi-

riques : quels sont les lieux et les moments déterminés des

premiers phénomènes d'écriture, dans l'histoire et dans le

monde ? A ces questions doivent répondre l'enquête et la

recherche des faits : histoire au sens courant, celle qu'ont pra-

tiquée jusqu'ici à peu près tous les archéologues, épigraphistes

et préhistoriens qui ont interrogé les écritures dans le monde.

Mais la question d'origine se confond d'abord avec la ques-

tion de l'essence. On peut dire aussi bien qu'elle présuppose

une question onto-phénoménologique au sens rigoureux du

terme. On doit savoir ce que c'est que l'écriture pour pouvoir

se demander, en sachant de quoi l'on parle et de quoi il est

question, où et quand commence l'écriture. Qu'est-ce que l'écri-

ture ? A quoi se reconnaît-elle ? Quelle certitude d'essence doit

guider l'enquête empirique ? La guider en droit car il y a une

nécessité de fait à ce que l'enquête empirique féconde par

précipitation la réflexion sur l'essence

 1

. Celle-ci doit opérer

sur des « exemples » et l'on pourrait montrer en quoi cette

impossibilité de commencer par le commencement de droit,

tel qu'il est assigné par la logique de la réflexion transcendan-

tale, renvoie à l'originarité (sous rature ) de la trace, c'est-à-dire

à la racine de l'écriture. Ce que nous a déjà appris la pensée

de la trace, c'est qu'elle ne pouvait être simplement soumise

à la question onto-phénoménologique de l'essence. La trace



n'est rien, elle n'est pas un étant, elle excède la question

qu'est-ce que et la rend éventuellement possible. On ne peut

même plus faire ici confiance à l'opposition du fait et du droit

qui n'a jamais fonctionné que dans le système de la question

qu'est-ce que, sous toutes ses formes métaphysiques, ontolo-

giques et transcendantales. Sans nous aventurer jusqu'à la néces-

sité périlleuse de la question sur l'archi-question « qu'est-ce

que », abritons-nous encore dans le champ du savoir gramma-

tologique.

L'écriture étant historique de part en part, il est à la fois

naturel et surprenant que l'intérêt scientifique pour l'écriture

1. Sur ies difficultés empiriques d'une recherche des origines

empiriques, cf. M. Cohen, La grande invention de l'écriture, 1958,

T. I. p. 3 sq. Avec "Histoire de l'écriture, de J. G. Février

(1948-1959), c'est en France l'ouvrage le plus important sur l'his-

toire générale de l'écriture. M. V.-David leur a consacré une étude

dans Critique, juin 1960.

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DE LA GRAMMATOI.OGIE COMME SCIENCE POSITIVE

ait toujours pris la forme d'une histoire de l'écriture. Mais la

science exigeait aussi qu'une théorie de l'écriture vînt orienter

la pure description des faits, à supposer que cette dernière

expression ait un sens.

L'algèbre : arcanum et transparence.

A quel point le XVIII

e

 siècle, marquant ici une coupure,



a tenté de faire droit à ces deux exigences, c'est ce que trop

souvent l'on ignore ou sous-estime. Si, pour des raisons pro-

fondes et systématiques, le XIX

e

 siècle nous a laissé un lourd



héritage d'illusions ou de méconnaissances, tout ce qui concerne

la théorie du signe écrit à la fin du XVII

e

 et au cours du



XVIII

e

 siècles en a souffert par privilège



 2

.

Il nous faut donc apprendre à relire ce qui est ainsi brouillé



pour nous. Madeleine V.-David, l'un des esprits qui, en France,

ont sans cesse animé l'enquête historique sur l'écriture par la

vigilance de la question philosophique

 3

, vient de rassembler



dans un précieux ouvrage les pièces essentielles d'un dossier :

celui d'un débat passionnant tous les esprits européens à la

fin du XVII

e

 et tout au long du XVIII



e

 siècles. Symptôme

2. M. V.-David en propose une explication particulière. « Il est

certain que, dans la pensée du XIX" siècle, un vide s'est produit, à

la suite de l'apologie, trop exclusive, des faits de langue (commencée

avec Herder). Paradoxalement, le siècle des grands déchiffrements

a fait table rase de la longue préparation à ces déchiffrements, en

affichant sa désaffection à l'égard du problèmes des signes... Ainsi

un vide reste à combler, une continuité à rétablir... On ne saurait

mieux faire en ce sens que de signaler... les textes de Leibniz qui

traitent, souvent conjointement, des faits chinois et des projets d'écri-

ture universelle, et des multiples positions possibles de l'écrit et du

parlé... Mais peut-être ne souffrons-nous pas uniquement des aveu-

glements du XIX

e

 siècle à l'égard des signes. Sans doute notre qua-



lité de scripteurs « alphabétiques » concourt-elle puissamment aussi

à nous dissimuler tels aspects essentiels de l'activité scripturale ».

(Intervention in E.P. p. 352-353).

3. Elle l'a fait en particulier dans Les dieux et le destin en



Babylonie (P.U.F. 1949) ; (cf, surtout le dernier chapitre sur Le

règne de l'écriture) et dans de nombreux articles de la Revue Philo-

sophique, du Bulletin de la société linguistique de Paris, de Cri-

tique, du Journal de psychologie et du Journal asiatique. M.V.-David

a été la disciple et la traductrice de B. Hrozny.

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