De la grammatologie


LINGUISTIQUE ET GRAMMATOLOGIE



Yüklə 2,11 Mb.
Pdf görüntüsü
səhifə15/158
tarix25.07.2018
ölçüsü2,11 Mb.
#58700
1   ...   11   12   13   14   15   16   17   18   ...   158

LINGUISTIQUE ET GRAMMATOLOGIE

linguistique générale : « L'objet linguistique n'est pas défini

par la combinaison du mot écrit et du mot parlé ; ce dernier

constitue à lui seul cet objet » (p. 45. Nous soulignons).

La forme de la question à laquelle il est ainsi répondu pré-

destinait la réponse. Il s'agissait de savoir quelle sorte de mot

fait l'objet de la linguistique et quels sont les rapports entre

ces unités atomiques que sont le mot écrit et le mot parlé.

Or le mot (vox) est déjà une unité du sens et du son, du

concept et de la voix, ou pour parler plus rigoureusement le

langage saussurien, du signifié et du signifiant. Cette dernière

terminologie a d'ailleurs été d'abord proposée dans le seul

domaine de la langue parlée, de la linguistique au sens étroit

et non de la sémiologie (« Nous proposons de conserver le

mot signe pour désigner le total, et de remplacer concept et



image acoustique respectivement par signifié et signifiant. »

p. 99). Le mot est donc déjà une unité constituée, un effet de

« ce fait en quelque sorte mystérieux, que la « pensée-son »

implique des divisions » (p. 156). Même si le mot est à son

tour articulé, même s'il implique d'autres divisions, tant qu'on

posera la question des rapports entre parole et écriture en

considérant des unités indivisibles de la « pensée-son », la

réponse sera toute prête. L'écriture sera « phonétique », elle

sera le dehors, la représentation extérieure du langage et de

cette « pensée-son ». Elle devra nécessairement opérer à partir

d'unités de signification déjà constituées et à la formation des-

quelles elle n'a eu aucune part.

On nous objectera peut-être que, loin de la contredire, l'écri-

ture n'a jamais fait que confirmer la linguistique du mot. Nous

avons semblé considérer en effet jusqu'ici que seule la fasci-

nation par cette unité qu'on appelle mot avait empêché d'accor-

der à l'écriture la considération qu'elle méritait. Par là nous

avions paru supposer qu'en cessant d'accorder un privilège

absolu au mot, la linguistique moderne se rendrait d'autant plus

attentive à l'écriture et cesserait enfin de la suspecter. André

Martinet aboutit à la conclusion inverse. Dans son étude sur

Le mot

 1

, il décrit la nécessité à laquelle obéit la linguistique

1. in Diogène, 51, 1965. A. Martinet fait allusion à l' « audace »

qu'il « aurait fallu » naguère pour « envisager d'écarter le terme

« mot » au cas où la recherche aurait montré qu'il n'y a pas possi-

bilité de donner de ce terme une définition universellement appli-

47



DE LA GRAMMATOLOGIE

actuelle lorsqu'elle est conduite, sinon à se passer partout du

concept de mot, du moins à en assouplir l'usage, à l'associer

à des concepts d'unités plus petites ou plus grandes (monèmes

ou syntagmes). Or en accréditant et en consolidant, à l'inté-

rieur de certaines aires linguistiques, la division du langage

en mots, l'écriture aurait ainsi encouragé la linguistique clas-

sique dans ses préjugés. L'écriture aurait construit ou du moins

condensé 1' « écran du mot ».

« Ce qu'un linguiste contemporain peut dire du mot

illustre bien à quelle révision générale des concepts tradi-

tionnels la recherche fonctionnaliste et structuraliste des trente-

cinq dernières années a dû procéder afin de donner une

base scientifique à l'observation et à la description des langues.

Certaines applications de la linguistique, comme les recherches

relatives à la traduction mécanique, par l'accent qu'elles

mettent sur la forme écrite du langage, pourraient faire

croire à l'importance foncière des divisions du texte écrit

et faire oublier que c'est de l'énoncé oral qu'il faut toujours

partir pour comprendre la nature réelle du langage humain.

Aussi est-il, plus que jamais, indispensable d'insister sur la

nécessité de pousser l'examen au-delà des apparences immé-

diates et des structures les plus familières au chercheur. C'est

derrière l'écran du mot qu'apparaissent bien souvent les traits

réellement fondamentaux du langage humain. »

On ne peut que souscrire à ces mises en garde. On doit

toutefois reconnaître qu'elles n'appellent la suspicion que sur

un certain type d'écriture : l'écriture phonétique se conformant

aux divisions empiriquement déterminées et pratiquées de la

cable ». (p. 39) ... c La sémiologie, telle que de récentes études

le laissent entrevoir, n'a aucun besoin du mot. » (p. 40) ... « Il

y a longtemps que grammairiens et linguistes se sont avisés que

l'analyse de l'énoncé pouvait se poursuivre au-delà du mot sans

verser pour cela dans la phonétique, c'est-à-dire aboutir à des

segments du discours, comme la syllabe ou le phonème, qui n'ont

plus rien à faire avec le sens. » (41). « Nous touchons là à ce

qui rend la notion de mot si suspecte à tout véritable linguiste :

il ne saurait être question pour lui d'accepter les graphies tradi-

tionnelles sans vérifier au préalable, si elles reproduisent fidèle-

ment la structure véritable de la langue qu'elles sont censées noter. »

(p. 48). A. Martinet propose pour conclure de remplacer, « dans

la pratique linguistique » la notion de mot par celle de « syntagme »,

« groupe de plusieurs signes minima » qu'on appellera « monèmes ».

48



Yüklə 2,11 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   11   12   13   14   15   16   17   18   ...   158




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©genderi.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

    Ana səhifə