De la grammatologie



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DE LA GRAMMATOLOGIE

de vérité ou de signifié premier, en quelque sens qu'on l'entende.

La lecture et donc l'écriture, le texte, seraient pour Nietzsche

des opérations « originaires

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 » (nous mettons ce mot entre



guillemets pour des raisons qui apparaîtront plus loin) au regard

d'un sens qu'elles n'auraient pas d'abord à transcrire ou à

découvrir, qui ne serait donc pas une vérité signifiée dans l'élé-

ment originel et la présence du logos, comme topos noetos,

entendement divin ou structure de nécessité apriorique. Pour

sauver Nietzsche d'une lecture de type heideggerien, il ne faut

donc surtout pas tenter, semble-t-il, de restaurer ou d'expli-

citer une « ontologie » moins naïve, des intuitions ontologiques

profondes accédant à quelque vérité originaire, toute une fon-

damentalité cachée sous l'apparence d'un texte empiriste ou

métaphysique. On ne saurait mieux méconnaître la virulence

de la pensée nietzschéenne. Il faut au contraire accuser la

« naïveté » d'une percée qui ne peut esquisser une sortie hors

de la métaphysique, qui ne peut critiquer radicalement la méta-

physique qu'en utilisant d'une certaine manière, dans un cer-

tain type ou un certain style de texte, des propositions, qui, lues

dans le corpus philosophique, c'est-à-dire, selon Nietzsche, mal

lues ou non lues, ont toujours été et seront toujours des « naï-

vetés », des signes incohérents d'appartenance absolue. Peut-

être ne faut-il donc pas soustraire Nietzsche à la lecture hei-

deggerienne mais au contraire l'y offrir totalement, souscrire

sans réserve à cette interprétation ; d'une certaine manière et

jusqu'au point où le contenu du discours nietzschéen étant à

peu près perdu pour la question de l'être, sa forme retrouve

son étrangeté absolue, où son texte enfin appelle un autre type

de lecture, plus fidèle à son type d'écriture : Nietzsche a écrit

9. Ce qui ne veut pas dire, par simple inversion, que le signi-

fiant soit fondamental ou premier. La « primauté » ou la « priorité »

du signifiant serait une expression intenable et absurde à se formuler

illogiquement dans la logique même qu'elle veut, légitimement sans

doute, détruire. Jamais le signifiant ne précédera en droit le signi-

fié, sans quoi il ne serait plus signifiant et le signifiant « signifiant »

n'aurait plus aucun signifié possible. La pensée qui s'annonce dans

cette impossible formule sans réussir à s'y loger doit donc s'énoncer

autrement : elle ne pourra sans doute le faire qu'à suspecter l'idée

même de signe, de « signe-de » qui restera toujours attachée à

cela même qui se trouve ici mis en question. Donc à la limite en

détruisant toute la conceptualité ordonnée autour du concept de



signe (signifiant et signifié, expression et contenu, etc.).

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LA FIN DU LIVRE ET LE COMMENCEMENT DE L'ÉCRITURE

ce qu'il a écrit. Il a écrit que l'écriture — et d'abord la sienne

— n'est pas originairement assujettie au logos et à la vérité.

Et que cet assujettissement est devenu au cours d'une époque

dont il nous faudra déconstruire le sens. Or dans cette direc-

tion (mais seulement dans cette direction, car autrement lue,

la démolition nietzschéenne reste dogmatique et, comme tous

les renversements, captive de l'édifice métaphysique qu'elle pré-

tend abattre. A ce point et dans cet ordre de lecture, les démons-

trations de Heidegger et de Fink sont irréfutables), la pensée

heideggerienne n'ébranlerait pas, réinstallerait au contraire l'ins-

tance du logos et de la vérité de l'être comme « primum signa-

tum » : signifié en un certain sens « transcendantal » (comme on

disait au Moyen Age que le transcendantal — ens, unum, verum.

bonum — était le « primum cognitum ») impliqué par toutes

les catégories ou toutes les significations déterminées, par tout

lexique et par toute syntaxe, donc par tout signifiant linguis-

tique, ne se confondant simplement avec aucun d'eux, se lais-

sant pré-comprendre à travers chacun d'eux, restant irréductible

à toutes les déterminations époquales qu'il rend pourtant pos-

sibles, ouvrant ainsi l'histoire du logos et n'étant lui-même que

par le logos : c'est-à-dire n'étant rien avant le logos et hors de

lui. Le logos de l'être, « la Pensée obéissante à la Voix de

l'Etre


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 » est la première et la dernière ressource du signe,

de la différence entre le signans et le signatum. Il faut qu'il

y ait un signifié transcendantal pour que la différence entre

signifié et signifiant soit quelque part absolue et irréductible.

Ce n'est pas un hasard si la pensée de l'être, comme pensée

de ce signifié transcendantal, se manifeste par excellence dans

la voix : c'est-à-dire dans une langue de mots. La voix s'entend

— c'est sans doute ce qu'on appelle la conscience — au plus

proche de soi comme l'effacement absolu du signifiant : auto-

affection pure qui a nécessairement la forme du temps et qui

n'emprunte hors de soi, dans le monde ou dans la « réalité »,

aucun signifiant accessoire, aucune substance d'expression étran-

gère à sa propre spontanéité. C'est l'expérience unique du signi-

fié se produisant spontanément, du dedans de soi, et néanmoins,

en tant que concept signifié, dans l'élément de l'idéalité ou de

l'universalité. Le caractère non-mondain de cette substance d'ex-

10. Postface à Was ist Metaphysik, p. 46. L'instance de la voix

domine aussi l'analyse du Gewissen dans Sein und Zeit (p. 267 sq.).

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