Frère Sylvestre


ABREGE DE LA VIE DU P. CHAMPAGNAT



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ABREGE DE LA VIE DU P. CHAMPAGNAT

sous forme de documents pouvant servir

à l'introduction de sa cause
Cette vie renferme en outre sous le nom de conclusion une vue générale sur l'état actuel de la congrégation et un appendice supplémentaire.
1886-87

Saint-Genis-Laval [71]


AVERTISSEMENT
Rédigeant ici la vie du Père Champagnat, sous forme de documents, j'ai évité généralement de donner le texte de certaines citations, soit à cause de leurs longueurs, soit parce qu'il n'est guère pos­sible de les reproduire intégralement, lorsqu'elles ne sont qu'un simple souvenir.

Je me suis donc contenté de donner le sommaire de ce qu'elles ont de plus important. On trouvera peut-être que les derniers moments de la vie de notre Vénéré Fondateur et quelques autres faits sont racontés avec plus de détails qu'il ne convient à notre abrégé, mais cette espèce de prolixité tient à ce que j'ai moi-même été témoin de ce que je dis ou que je le tiens de témoins oculaires. On doit comprendre aussi qu'une Vie écrite sous cette for­me ne saurait présenter le même intérêt, ni com­porter l'élégance du style comme si les citations étaient textuelles, les faits plus détaillés et les réflexions plus multipliées.

A part cela, on trouvera, ce me semble, dans cet écrit, tout ce qu'il y a de plus saillant et de plus édifiant dans la vie du Vénéré Père. Du reste, je l'ai écrite dans ce genre par obéissance; j'espère qu'elle aura au moins ce mérite si elle n'en a pas d'autre. Je demande à ceux qui la liront une prière pour moi à notre Vénéré Fondateur, qui a, je n'en doute pas, un crédit tout particulier auprès de la Ste Vierge dont il a été un des plus dévots ser­viteurs. [73]
AVANT -PROPOS
On me permettra, avant de donner cette Vie abrégée du Père Champagnat, d'indiquer les sources où j'ai puisé les faits que j'y rapporte.

Les voici généralement:

1") dans mes souvenirs, ayant vécu pendant neuf ans sous l'obéissance du Vénéré Père, c'est-à-dire de 1831 à 1840;

2°) dans des entretiens que j'ai eus avec Philippe Arnaud, l'un de ses neveux, menuisier de profession, né dans la paroisse de St-Sauveur (Loire); il est resté bon nombre d'années à l'Hermitage, travaillant de son métier sous les yeux du Père Champagnat dont il était le confident dans beaucoup d'affaires importantes;

3°) dans mes rapports fréquents avec le cher Frère Stanislas, dont j'ai été l'aide pendant près d'un an. Ce bon frère, né Fayolle Claude à St. Médard (Loire), et arrivé dans la Congrégation en 1822, alors qu'elle ne comptait que cinq à six sujets16, a toujours été jusqu'à la mort du Vénéré Père son bras droit et sa consolation. Je sais par lui-même que, dans des moments d'expansion intime, notre Fondateur lui faisait connaître plusieurs affaires secrètes concernant sa famille, et d'autres, très particulières, relatives à la Congrégation, dont lui seul a eu connaissance ;


4") d'après les récits du cher F. Jean-Baptiste arrivé dans la Congrégation un mois environ après le F. Stanislas. Je sais que le Père Champagnat [74] le consultait souvent parce qu'il lui connaissait un grand jugement, un talent rare pour connaître les caractères et diriger les classes. Pendant plusieurs années il a été mon Assistant et avant cette charge, je lui avais été adjoint à l'Hermitage, par le Père Champagnat pour faire la classe aux Frères Etudiants ;

5") d'après le cher F. François, premier Général, et successeur du Père Champagnat: les Frères Anciens savent que le cher F. François, après avoir donné sa démission, se retira à l'Hermitage et y remplit pendant plusieurs années les fonctions de Directeur de cette maison; or, à la même époque, j'y étais professeur et je me rappelle qu'il nous parlait à tout propos du Père Champagnat ;

6°) d'après le cher F. Louis-Marie avec lequel j'ai fait mon noviciat; de plus, il a été mon Directeur à La Côte-St-André pendant plusieurs années, et a mérité ensuite par sa piété et sa capacité d'en être rappelé par le Père Champagnat pour l'aider dans le gouvernement de la Congrégation, dont il a été le deuxième général ;

7°) enfin, dans les récits que j'ai entendus de la propre bouche d'anciens Frères qui ont vécu longtemps avec le Père Champagnat et dont plus de quarante sont encore vivants aujourd'hui. Je les citerai quelquefois seulement d'une manière générale, leur nom s'étant effacé de ma mémoire ;

8°) d'après d'autres personnes étrangères à la Congrégation ;

9°) d'après ce qu'en rapporte la tradition.


Du reste, je suis tellement convaincu personnellement de la vérité de ce que j'avance dans cet écrit que je crois, en conscience, pouvoir l'affirmer, sinon pour la forme, du moins pour le fond, sous la foi du serment. [75]

CHAPITRE Ier

1°. Tous ceux qui ont connu le Père Champagnat savent généralement qu'il est né à Marlhes, paroisse du diocèse de Lyon, dans le village du Rosey, le 20 mai 1789. Envoyé dans cette commune par le Père Champagnat lui-même en 1834 pour y faire la classe, j'ai eu le bonheur de voir, non seulement le village du Rosey, mais de plus d'entrer dans la maison paternelle du Vénéré Père, laquelle cette époque appartenait encore, ce me semble, a quelques membres de sa parenté. Je me rappelle que l'on disait, en parlant de lui, qu'il était le plus jeune des Champagnat et que sa famille était une des plus braves du pays, très pieuse, sans bruit et aimant beaucoup le travail.

Le moulin qu'ils faisaient valoir existait alors et je sais qu'il fonctionne encore aujourd'hui.

2°. Ce fut le jour de l'Ascension de Notre-Seigneur, ainsi qu'il nous le disait lui-même, qu'il eut le bonheur de recevoir l'onde sainte qui le fit enfant de Dieu et de la Ste Eglise, Notre Mère17, car c'était l'expression dont il se servait presque toujours pour la nommer. Aussi, ce jour-là, faisait-il célébrer à l'Hermitage, avec la plus grande pompe [76] possible, tous les offices de cette fête. Il me semble encore le voir dans cette solennité tout rayonnant de joie et de bonheur, surtout lorsqu'il célébrait le St Sacrifice de nos autels.

3°. Philippe Arnaud m'a raconté, et le cher Frère Stanislas me l'a répété, que le petit Marcellin-Joseph-Benoît (ce sont les prénoms qu'il avait reçus au baptême)18, étant encore au berceau, sa pieuse mère avait aperçu, plusieurs fois, sortir de la poitrine de son enfant comme une espèce de flamme, qui bientôt tournoyait autour de sa tête, puis s'élevait, éclairait pendant quelque temps l'appartement et ensuite s'évanouissait. Présage sans doute de la flamme du zèle qui, embrasant son cœur, le rendrait plus tard chef d'une grande famille religieuse laquelle, à son exemple, brûlant du salut des âmes, irait porter le flambeau de la foi dans les contrées les plus lointaines.

4°. Le cher Frère Stanislas m'a dit plusieurs fois que le Père Champagnat lui parlait souvent de sa pieuse mère et de sa vertueuse tante et que même sur son lit de mort, il se réjouissait en pensant que bientôt il aurait le bonheur de les voir, ainsi que tous les bons Frères à qui le bon Dieu avait accordé la grâce de persévérer dans leur vocation. Dans plusieurs circonstances le Vénéré Père lui avait raconté que cette bonne tante était une ancienne religieuse chassée de son couvent pendant la révolution, qu'elle lui apprenait ses prières, lui faisait réciter son catéchisme et lui avait inspiré une grande dévotion à la Ste Vierge.



5°. Sa mère et sa tante, voyant en lui les plus [77]

heureuses dispositions à la vertu, prirent un soin particulier de protéger son innocence en lui inspirant l'horreur du mal et en le formant à toutes les pratiques de la vie chrétienne.

Je ne sache pas que le Frère Stanislas m'ait jamais parlé de son père comme se mêlant de l'éducation religieuse du petit Marcellin, parce que, sans doute, il était absorbé par les affaires temporelles; ce que je sais, c'est qu'il était très adroit et qu'au besoin il faisait un peu de tout.

C'est de lui que le Vénéré Père apprit la menuiserie et les autres travaux manuels qui devaient lui être si utiles plus tard. Aussi, combien de fois n'ai-je pas vu à l'Hermitage le Père Champagnat, à l'exemple de St Joseph, son saint patron, le rabot à la main, réparer des meubles, faire des planchers, etc., et surtout maçonner avec toute l'adresse d'un bon ouvrier.

6°. Il est certain, d'après la tradition, que le jeune Marcellin passa ses premières années dans une grande innocence et qu'il fit sa première communion avec une telle piété qu'il édifia toute la paroisse de Marlhes. Bien que sa mère et sa tante lui eussent donné quelques leçons de lecture, elles crurent devoir l'envoyer chez un maître d'école; mais celui-ci, l'ayant découragé par ses mauvais procédés, il le quitta et ne s'appliqua plus qu'à seconder ses parents dans leurs divers travaux sans penser à embrasser aucun autre genre de vie.

7°. Comme alors il y avait une grande pénurie d'ecclésiastiques dans le diocèse de Lyon, à cause de la Révolution qui avait décimé ou dispersé un grand nombre de prêtres, ordre fut donné à MM. les curés du diocèse d'en recruter dans leurs paroisses respectives en choisissant des jeunes gens propres à cette sublime vocation. A cette époque, la [78] paroisse de Marlhes était desservie par M. Allirot, très digne ecclésiastique, dont on parlait encore quand j'étais dans cette communauté, et qui avait fondé notre établissement. Il avait été remplacé par M. Duplay19, supérieur du grand séminaire de Lyon, qui lui-même avait remplacé M. Gardette, confesseur de la foi pendant la grande Révolution. C'est sous ce vénérable prêtre que le Vénéré Père fit sa théologie; plus tard il devint son Directeur extraordinaire et son ami intime. Par ses conseils et ses encouragements le Père Champagnat triompha d'une difficulté sérieuse que nous signalerons plus loin, difficulté qui menaçait d'anéantir sa Congrégation naissante. Donc, pour en revenir à notre Vénéré Père, un joui, un envoyé du grand séminaire, natif de Marlhes, et qui y allait prendre ses vacances, s'adressa à M. Allirot de la part de M. Courbon, alors grand Vicaire et intime ami de M. le curé, pour lui demander s'il n'y aurait pas dans la paroisse quelques jeunes gens ayant envie d'apprendre le latin. Celui-ci lui répondit d'abord négativement mais, se ravisant, il lui dit: « Il y a bien au hameau du Rosey tire famille qui compte plusieurs garçons assez retiré;. Passez-y et vous verrez. » Il y passa en effet et décida le plus jeune, qui n'était autre que le petit Marcellin dont nous avons parlé ci-dessus, à se faire prêtre, car la naïveté, la candeur et surtout la franchise de cet enfant lui avaient singulièrement plu. Son parti étant pris irrévocablement, le jeune Marcellin, lui, se met immédiatement à l’œuvre, biens que ses parents semblassent y mettre opposition vu son peu de goût et son manque d'aptitude pour l'étude. [79]

8°. Reconnaissant lui-même qu'il ne savait ni assez lire, ni assez écrire pour apprendre le latin, il pria ses parents de vouloir bien le mettre pen­dant une année chez l'un de ses beaux-frères, insti­tuteur à St-Sauveur, et c'est ce qu'ils firent. Celui-ci, voyant le peu de mémoire et les faibles progrès de son neveu20, chercha à le dégoûter de son projet. Mais Marcellin avait réfléchi et arrêté définitive­ment a vocation; dès lors, rien n'aurait pu lui em­pêcher de marcher de l'avant. Il abandonna donc la vie des champs, eut une conduite encore plus édifiante qu'auparavant et surtout redoubla de dé­votion envers la Ste Vierge en récitant tous les jours le chapelet. Ce fut à cette époque, et après être resté une année chez son oncle21, qu'il entra en octobre 1805 au petit séminaire de Verrières, situé non loin de Montbrison.

9°. J'ai ouï dire plusieurs fois qu'il n'eut pas d'abord de brillants succès et que même on voulait le renvoyer comme dépourvu des talents requis pour le but qu'il se proposait, mais les vives ins­tances qu'il fit auprès du Supérieur pour le garder encore quelques mois déterminèrent celui-ci à ob­tempérer à sa demande, pensant d'ailleurs en lui­-même que, ne réussissant pas, il quitterait sans tarder le petit séminaire; mais bientôt son travail excessif et sa constance énergique joints à de fer­ventes prières, ne tardèrent pas à prouver à ses maîtres que les moyens ne lui faisaient pas défaut, puisque cette année-là il fit ses deux premières classes. Ce qui est notoire, c'est qu'il parcourut son cours de petit séminaire d'une manière satisfaisante et qu'il put sans difficulté aucune entrer au grand séminaire où il fut admis au mois d'octobre 1812. [80]

10°. Quant à la conduite qu'il tint à Verrières pendant tout le temps qu'il resta, elle devenait chaque jour de plus en plus édifiante et exemplaire par l'attention qu'il portait à combattre ses défauts et à acquérir les vertus chrétiennes, prenant, selon les circonstances, des résolutions pratiques qu'il corroborait toujours par une pénitence secrète quand il venait à y manquer. Il s'attacha particu­lièrement à vaincre, par une profonde humilité, son amour-propre qu'il avait résolu d'extirper jusqu'à la racine quelque long et opiniâtre que pût être le combat. Par sa piété, sa régularité et son obéis­sance, il mérita toute l'estime et la confiance des supérieurs qui lui en donnèrent des marques vi­sibles en l'établissant surveillant de son dortoir. Ajoutons que par son caractère gai, franc et ouvert, il acquit les sympathies de tous ses condisciples et celles des différentes personnes employées dans le séminaire. [81]


CHAPITRE II ième




LE GRAND SEMINAIRE

1°. D'après la tradition, il est de fait que le Père Champagnat, une fois entré au grand séminaire, résolut avant tout d'observer fidèlement le règlement de cette maison comme étant l'expression de la volonté de Dieu, unique chose qu'il désirait d'accomplir car, comme il nous le répétait souvent: « Celui qui vit selon la règle, vit selon Dieu ». En cela, il avait dans M. Gardette, son supérieur, un modèle de régularité devenue proverbiale : car plusieurs fois j'ai entendu dire que c'était la règle incarnée. Aussi le Père Champagnat fit-il l'admiration du séminaire par la manière scrupuleuse dont il l'observa constamment. Du reste, il trouva cette règle si sage qu'il la prit pour type de celle qu'il donna plus tard à la Congrégation. Plusieurs sujets qui, avant d'entrer au noviciat de l'Hermitage, avaient passé par le grand séminaire, disaient qu'ils trouvaient dans notre Règle à peu près les mêmes exercices de piété et les mêmes pratiques de dévotion qu'au grand séminaire, et, dans le Père Champagnat, la régularité de M. Gardette, leur ancien supérieur.

2°. Comme pendant les vacances il ne lui était pas possible de suivre le règlement du grand séminaire, [82] il s'en était tracé un au sein de sa famille afin de tenir en laisse la liberté dont il aurait pu jouir alors, et nous savons qu'il l'accomplissait avec la même exactitude que celui du grand séminaire. Par des écrits qui en font foi, on remarque qu'il en avait subordonné les articles au genre de vie que menaient ses parents, surtout pour l'heure des repas et pour l'ordinaire de la famille, ne voulant pas qu'on apprêtât aucun mets particulier pour lui. Il ne prenait jamais rien d'un repas à l'autre et se faisait même scrupule de boire de l'eau, de goûter un fruit, etc. A ce propos, on me permettra de citer un fait que nous a souvent rappelé le cher Frère François. Il nous disait donc qu'un jour le Vénéré Père, passant sous un cerisier, en détacha une cerise pour la déguster, mais à peine l'a-t-il entamée que, se reprochant cette immortification, il la cracha net comme du poison. Aussi ai-je vu faire plusieurs fois au Vénéré Père de sévères corrections à de certains Frères qui sans nécessité se permettaient de prendre des fruits ou même seulement quelques grains de raisin. Il exigeait, le cas arrivant, qu'on vint lui en faire l'aveu autant que possible, avant de se présenter à la sainte table, tant il trouvait cette sorte de gourmandise déplacée dans un religieux.

3°. Mais revenons au grand séminaire. Après cette résolution qu'il avait prise d'observer ponctuellement le règlement de la maison, il prit à tâche de poursuivre le combat contre l'orgueil qu'il avait commencé à Verrières, défaut qu'il croyait être sa passion dominante. Il en fit d'abord le sujet de son examen particulier et adressa au ciel de ferventes prières pour demander la vertu d'humilité. Mais ayant compris que l'important était d'en venir à la pratique, il prenait, suivant l'occurrence, de fortes résolutions qui tendaient à détruire son amour [83] propre sous toutes les formes où il paraissait se déguiser, résolutions qu'il sanctionnait toujours par des pénitence et des mortifications qu'il ne manquait jamais d'accomplir lorsqu'il y avait été infidèle, allant jusqu'à se priver de son déjeuner.

4°. Cette tactique, qu'il nous conseillait beaucoup pour nous corriger de nos défauts et pour acquérir les vertus opposées, lui fit faire de rapides progrès dans la voie de la perfection. Aussi le grand séminaire fut-il pour lui non seulement un temps d'études théologiques, mais encore une école d'acquisition de toutes sortes de vertus, et d'amendement dans sa conduite dans tout ce qu'à ses yeux elle paraissait avoir de défectueux, et surtout dans tout ce qui aurait pu faire de la peine aux autres; car, disait-il un jour: « Sans le savoir nous pouvons quelquefois être une croix pour ceux avec qui nous vivons22 ». Et à ce sujet il nous racontait qu'au grand séminaire il avait éprouvé mille contrariétés de la part de son co-chambrier: sa manière de marcher, de s'asseoir, de se moucher, de fermer la porte, d'ouvrir la croisée, etc. lui déplaisait au possible et lui paraissait même ridicule, mais qu'un jour, ayant fait réflexion que celui-ci pouvait bien éprouver une peine semblable à son endroit, il prit la résolution de souffrir ces petites épines en toute patience, et il l'accomplit, car il ajoutait qu'il ne lui en avait jamais parlé.

5°. Une vertu caractéristique qui se développe surtout pendant ses études théologiques, et dont le symbole s'était révélé lorsqu'il était encore au [84] berceau, fut la flamme du zèle pour le salut des âmes. Déjà à Verrières, on avait pris garde que lorsque l'occasion s'en présentait, il ne manquait jamais d'engager ses condisciples à la pratique de la vertu, de les redresser au besoin, surtout quand ils se permettaient des plaintes souvent imaginaires contre leurs maîtres, et il les déterminait à poursuivre leurs études malgré les dégoûts et les difficultés qu'elles peuvent présenter en temps et lieu. Il en fit autant au grand séminaire, surtout à l'égard de ceux sur lesquels il pouvait avoir quelque influence. Cependant, ce n'est pas tant en cela qu'il fit consister le bien qu'il pouvait faire, mais plutôt en offrant à tous le modèle, aussi parfait qu'il était en son pouvoir, d'un séminariste qui se prépare à la plus sublime des vocations.

6°. Ce zèle ardent pour le salut des âmes se manifestait surtout pendant le temps des vacances, ayant plus de latitude pour l'exercer, soit dans sa famille, soit dans toute la paroisse, particulièrement à l'égard des enfants. En effet, la tradition nous apprend que tous les jours avaient lieu en commun dans la maison paternelle une lecture spirituelle les prières du matin et du soir, et de plus, les dimanches et les fêtes, la récitation du chapelet; c'est lui-même qui faisait ces divers exercices. Il ne manquait pas aussi, dans l'occasion, de les instruire des vérités de la doctrine chrétienne, de leur faire connaître les diverses pratiques de dévotion établies dans l'Eglise et de leur donner de sages avis et de bons conseils. Après ses parents, sa principale sollicitude était pour les enfants. Il les réunissait, leur faisait le catéchisme, leur apprenait leurs prières, etc. Les bonnes et paternelles paroles qu'il leur adressait avaient principalement pour but de leur inspirer l'horreur du péché et de leur faire goûter le bonheur d'un enfant bien sage. [85]

Il était aimé, respecté et craint de tous ; son seul souvenir, disait l'un d'eux, suffit pour m'empêcher d'offenser Dieu.

7°. Parmi les séminaristes, le Père Champagnat n'était pas le seul que travaillait la flamme du zèle apostolique. Plusieurs autres, animés de la même ardeur, se réunissaient de temps à autre, afin d'aviser aux moyens de sauver le plus d'âmes qu'il leur serait possible, lorsqu'un jour leur vint la pensée d'établir une société de prêtres dont le but serait de faire des missions et de travailler à l'instruction de la jeunesse. Or, comme tous professaient une dévotion particulière envers la Ste Vierge, ils décidèrent d'un commun accord que cette société future porterait le nom de Marie.

A la tête de ces réunions figuraient en première ligne M. Colin et M. Champagnat. Ils firent part de leur projet à M. Cholleton, alors grand Vicaire du diocèse23, lequel, non seulement l'approuva, mais voulut lui-même faire part de ces réunions et leur prêta l'appui de sa direction.

Plusieurs fois, dans ces petits comités pieux, le Vénéré Fondateur avait manifesté le désir qu'avec des prêtres, il y eût encore des Frères pour faire le catéchisme aux enfants du peuple. Comme il revenait sans cesse sur cette question, on finit par lui dire: « Eh bien! chargez-vous des Frères puisque la pensée vous en est venue. »

Le Père Champagnat, regardant cette parole comme un ordre du ciel, ne pensa plus qu'à la réaliser le plus tôt possible. Telle est, ainsi que me l'ont raconté le Frère Stanislas et d'autres [86] Frères, l'origine de notre Congrégation dans la personne de son Fondateur.

8°. La pensée de former plus tard une congrégation de Frères catéchistes, n'était pas la seule chose qui préoccupait l'abbé Champagnat, car il voyait arriver le moment où il allait être appelé aux saints ordres et, comprenant toute la sainteté de cette vocation, il s'y préparait par de ferventes prières. Enfin arriva le moment où le maître des cérémonies vint lui annoncer qu'il était appelé à faire partie de la prochaine ordination. Donc le 6 janvier 1814, fête de l'Epiphanie de Notre-Seigneur, il reçut avec la tonsure cléricale, les quatre ordres mineurs et le sous-diaconat, des mains de son Eminence le cardinal Fesch, archevêque de Lyon. Il avait alors vingt-quatre ans et quelques mois. Ce jour fut à jamais privilégié pour lui; aussi je me rappelle que cette fête commémorative de son entrée au sacerdoce était célébrée à l'Hermitage avec une solennité sans pareille, par reconnaissance, disait-il, d'un si grand bienfait. Le roi-bois24, qu'il faisait servir ce jour-là au réfectoire et dont l'usage s'est conservé jusqu p aujourd'hui, était principalement pour en rappeler le souvenir à toute la communauté. Enfin il fut fait diacre l'année d'après; et le 22 juillet 1816, il reçut l'onction sacerdotale en vertu d'une autorisation du Cardinal Fesch25, des mains de Monseigneur Dubourg, évêque [87] de la Nouvelle-Orléans. On comprend assez avec quelle piété, quel recueillement et quel amour il célébra sa première messe, après s'y être préparé avec tant de soin, lui dont le cœur était si embrasé d'amour pour Notre-Seigneur.

9°. La plupart des séminaristes de la réunion26 furent ordonnés avec lui et, par conséquent, les uns et les autres virent bientôt le moment où il fallait se séparer pour remplir les divers postes où les appelait l'obéissance. Alors ils promirent d'entretenir entre eux une correspondance suivie afin de réaliser leur projet le plus tôt possible.

10°. Comme après l'ordination plusieurs séminaristes se préoccupaient beaucoup de leur placement, le Père Champagnat, qui ne s'en inquiétait pas beaucoup, nous disait une fois à l'Hermitage, avant de lire la liste des placements que, dans pareille circonstance, au grand séminaire, il se figurait qu'on allait le nommer dans la dernière paroisse du diocèse et qu'alors, estimant qu'il n'en méritait pas davantage, il s'y soumettait d'avance puisque telle était la volonté de Dieu, et que, de cette manière il n'était pas possible de voir jamais ses espérances déçues. Effectivement, elles ne le furent pas puisque après son ordination, il fut nommé vicaire dans la paroisse populeuse de La Valla, canton de St. Chamond.

11°. Avant de quitter la ville de Lyon, il se rendit à la chapelle de Fourvière et, dans cet antique sanctuaire où tant de vœux et de prières sont [88] adressés à Marie, il se consacra de nouveau à cette bonne Mère et mit son ministère sous sa spéciale protection. Je ne sais pas au juste si c'est à cette époque qu'il fut autorisé à chanter une grand-messe dans cette chapelle, mais dans tous les cas, d'après ce qu'on m'a raconté pendant mon noviciat, il le fit avec une telle piété, une gravité si imposante et d'un ton de voix si expressif que les assistants se demandaient en sortant du saint lieu: « Quel est donc cet ecclésiastique si digne et si pieux qui a dit la messe? c'est un saint. » Telle était l'impression qu'il produisait dans la communauté toutes les fois qu'il célébrait le saint sacrifice, ainsi qu'il le sera dit plus tard. [89]



CHAPITRE IIIème





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