Frère Sylvestre


IL RENOUVELLE LA PAROISSE DE LAVALLA



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IL RENOUVELLE LA PAROISSE DE LAVALLA

1°. Mis sous les auspices de Marie, ainsi que nous venons de le voir, plein de cette soif débordante des âmes qui s'était déjà manifestée en lui à Verrières et qui avait crû d'année en année au grand séminaire de Lyon, doué naturellement d'un caractère franc, gai, ouvert et tout à la fois doux et ferme ainsi qu'il a été dit, le Père Champagnat ne pouvait manquer de voir son ministère couronné de brillants succès. Aussi, d'après ce que j'ai ouï raconter par d'anciens Frères, il réforma toute cette paroisse où régnaient avec une grande ignorance plusieurs mauvais vices, entre autres: l'ivrognerie, des danses nocturnes, la lecture des mauvais livres, l'abandon des sacrements et la négligence de l'instruction et de l'éducation des enfants, qui, jusqu'à ce jour, n'avaient point encore eu d'instituteur.

2°. Déjà avant son ordination, il avait tracé à l'avance un règlement qu'il s'était proposé de suivre fidèlement dans le poste où il serait nommé, règlement que l'on a trouvé depuis dans ses écrits après sa mort. Il le compléta à Lavalla quand il fut au courant de ce qu'il y aurait à faire. Il fixa son lever à quatre heures; ce premier acte de la [90] journée était toujours suivi de sa méditation à la suite de laquelle il célébrait la Ste messe, et c'est ainsi qu'il faisait encore à l'Hermitage pendant mon noviciat. En général, la célébration de la Ste messe, la prière, l'étude de la théologie, la visite des malades et le confessionnal occupaient sa journée; il se couchait le plus tôt à 9 heures et le plus tard à dix.

3°. Ayant beaucoup prié et étudié devant Dieu les moyens les plus propres et les plus efficaces pour arriver à extirper les vices que nous avons signalés ci-dessus, il dressa ses plans d'attaque et les communiqua à M. le curé pour lequel il eut toujours la soumission la plus absolue, ne faisant jamais (rien)27 de tant soit peu important sans le consulter et suivant en tout point ses avis, ses conseils et ses ordres. Disons en passant que ce nouveau supérieur n'était plus pour lui M. Gardette; plusieurs défauts de caractère, surtout une grande susceptibilité, lui donnèrent beaucoup à souffrir; il avait en outre un autre défaut trop ostensible qui, malheureusement, lui avait enlevé le respect, l'estime et l'affection de ses paroissiens, chose que déplorait amèrement le Père Champagnat, mais tout cela ne l'empêcha pas d'avoir toujours pour son curé les égards et toute la déférence possibles.

4°. Avant de mettre à l'exécution la stratégie qu'il avait résolu d'employer pour faire une guerre à mort aux vices dont nous avons parlé ci-dessus, voyant que les habitants de Lavalla étaient des gens simples, dociles, ayant un bon cœur, mais [91] sans instruction et pleins de préjugés contre leur curé, il chercha d'abord à gagner leur affection par une grande popularité et par des procédés conformes à leur simplicité et à leurs occupations champêtres; ce qui lui fut facile, vu l'excellent caractère dont la nature l'avait doué. Aussi, jeunes et vieux aimaient-ils à le rencontrer, car il avait toujours un bon mot pour tous; même quand le temps le lui permettait, il ne craignait pas de converser un peu longuement avec les uns et les autres, leur parlant de leurs travaux, de leurs affaires temporelles, mais toujours, dans ces entretiens prolongés, il tâchait d'amener la conversation sur des choses édifiantes, propres à encourager les uns et à faire rentrer en eux-mêmes ceux dont la conduite laissait à désirer.

Aussi, ses manières affables et sa simplicité pleine de dignité qui mettaient à l'aise tout le monde, lui gagnèrent-elles bientôt tous les cœurs et toutes les sympathies des habitants de la paroisse.

5°. Tout cela cependant n'était que des préliminaires, car il avait en vue, en agissant ainsi, de les attirer à ses sermons qui commençaient déjà à faire du bruit. Comme dans l'un des articles de son règlement il avait statué qu'il ne monterait jamais en chaire sans une sérieuse préparation, il arriva que la première fois qu'il y parut, il charma tellement ses auditeurs qu'au sortir de l'église, ils disaient tout ébahis: « Jamais dans la paroisse nous n'avons eu un prédicateur pareil. » Cette renommée, jointe à la stratégie dont nous avons parlé ci-dessus, finit par attirer autour de sa chaire la population tout entière.

6°. Cependant, tout en captivant ses auditeurs par le charme de ses paroles douces, insinuantes et pleines de feu, il avait le talent, suivant le [92] sujet qu'il traitait, de donner à sa voix un ton ferme, énergique et même terrible qui atterrait tout son auditoire. C'est ce qui arrivait lorsque son sujet roulait sur la grandeur du péché, le jugement, l'enfer, et sur les vices qui régnaient dans la paroisse. Je l'ai entendu moi-même traiter ces sujets effrayants et terribles, et quand j'y pense, j'en suis encore dans la stupeur, et néanmoins je voudrais l'entendre encore. Je ne suis pas étonné que l'on s'informât quand il devait prêcher et qu'on s'y rendît en si grand nombre que l'église pouvait à peine contenir tous ses auditeurs.

7°. Outre ses discours pathétiques et ses chaleureuses exhortations, un autre moyen qu'il employa pour ramener au bien les habitants de la paroisse et qui eut des résultats merveilleux fut de se charger, lui seul, du catéchisme, ce que lui accorda volontiers M. le curé. La sollicitude particulière qu'il avait pour les enfants et l'amour de prédilection qu'il leur portait, joints à son air de bonté et à son rare talent pour enseigner les rudiments de la doctrine chrétienne, donnèrent aux enfants qu'il catéchisait un goût prononcé pour accourir à ses catéchismes; aussi plusieurs bravaient-ils le froid, la pluie et la neige pour s'y rendre; et cela pour un grand nombre, malgré la longueur du chemin qui les séparait souvent de l'église de plusieurs kilomètres.

8°. Sa manière de faire le catéchisme était simple, claire et méthodique. D'abord il faisait réciter la lettre aussi parfaitement que possible à ceux qui pouvaient l'apprendre, et lui-même faisait répéter la leçon à ceux qui ne savaient pas lire. Puis, par des sous-demandes courtes, claires et précises, il s'assurait si la leçon récitée avait été bien comprise, et, au besoin, il se servait pour l'expliquer [93] d'expressions plus usuelles, de comparaisons frappantes et de paraboles simples, naturelles, piquantes même. Il ne manquait pas surtout de tirer de chaque instruction quelques conclusions pratiques. Ordinairement, il terminait son catéchisme par une petite histoire édifiante ou par une pieuse exhortation. Des récompenses plutôt que des punitions et un entrain dont lui seul connaissait le secret étaient le véhicule de la grande émulation et de la forte discipline qui caractérisaient ses catéchismes. Les soins pour préparer les enfants qui devaient être admis à la première communion étaient son principal souci, et il ne se donnait ni paix ni trêve pour qu'ils fissent ce grand acte de la vie avec toute la piété et la ferveur possibles. Afin qu'ils y pensassent longtemps d'avance, il attirait par de pieuses industries à ses catéchismes ceux mêmes qui, encore trop jeunes, n'étaient pas obligés d'y assister, sans toutefois les obliger à apprendre par cœur la leçon du jour. Le Frère François nous assurait qu'il les avait fréquentés dès l'âge le plus tendre.

9°. Les parents, voyant l'empressement de leurs enfants pour aller écouter le zélé vicaire, émerveillés de leur entendre raconter les jolies choses et les belles histoires qu'ils avaient entendues au catéchisme, prirent envie d'y aller eux-mêmes. Aussi, bientôt on y vit accourir, surtout le dimanche, les jeunes gens, les femmes et même les vieillards. Dans ces cas, il changeait un peu la forme de ses catéchismes, de manière à pouvoir en tirer quelques réflexions pratiques tendant à corriger les vices de la paroisse et à ramener à la fréquentation des sacrements ceux qui ne s'en approchaient pas ou qui ne le faisaient que rarement. Ses catéchismes et ses discours, toujours bien préparés et arrosés par la prière, deux points importants qu'il ne manquait jamais de nous recommander lorsque nous [94] le ferions plus tard à nos élèves, rapportèrent les fruits les plus abondants; c'est ce que nous verrons après que nous aurons fait connaître les moyens qu'il employa pour corriger les principaux vices qui infectaient la plupart des habitants de cette localité.

10°. Le vice de l'ivrognerie fut celui contre lequel il s'éleva avec plus de force et qui lui donna plus de peine pour en purger la paroisse. Les sermons frappants et pleins de force qu'il fit à ce sujet, flétrissant les coupables, les menaçant de la colère divine, et en outre diverses industries auxquelles il eut recours, auraient dû naturellement diminuer plus tôt le nombre si considérable de cabarets et de buveurs, mais hélas une cause, dans M. le curé, paralysait ses efforts incessants.

Le Père Champagnat, après lui avoir fait là-dessus d'honnêtes représentations, crut pour les rendre efficaces de se contenter de boire de l'eau à ses repas, et c'est ce qu'il fit en effet. Enfin Dieu bénit son zèle vraiment héroïque. Ces lieux d'intempérance diminuèrent considérablement, ceux qui subsistèrent encore devinrent tellement déserts qu'on osait à peine y entrer par nécessité.

Il avait une aversion si prononcée pour ce vice que jamais il ne buvait de vin pur. C'est souvent que je l'ai entendu répéter cet adage vulgaire « homme de vin, homme de rien ».

11°. Les danses nocturnes, ce fléau destructeur de bonnes mœurs, furent l'objet d'une attention particulière. Il résolut, après avoir fortement déclamé en chaire contre ce scandale d'user de ruse pour l'abolir. Pour cela, il s'informait secrètement des hameaux où la danse devait avoir lieu et y allait faire le catéchisme, bravant même la pluie, la neige et les chemins pleins de boue. Si la danse était [95] déjà en train, il entrait furtivement et se présentait gravement dans l'assemblée. Aussitôt, à son aspect chacun de s'enfuir, de gagner la porte et de sauter même par les fenêtres, tant sa présence inspirait la crainte et le respect quand il prenait quelqu'un en faute. Peu à peu, ce désordre disparut entière­ment de la paroisse.

12°. Quant aux mauvais livres, dans sa visite chez les particuliers, il s'enquérait en général s'ils avaient des livres et, dans le cas d'affirmation, il se les faisait montrer. Alors, s'il en trouvait de mau­vais, il engageait leur propriétaire à les faire brûler, mais ordinairement, il demandait à les emporter, en faisait un feu de joie, et les remplaçait par d'au­tres édifiants et convenables qu'il donnait gratuite­ment. Par ses soins une bibliothèque fut créée dans la paroisse pour procurer le moyen de faire de bon­nes lectures dans les familles. Heureusement le nom­bre de livres qui furent la proie des flammes ne dut pas être très considérable, car la plupart des habitants ne savaient pas lire. Mais il y en avait assez pour répandre dans la paroisse les poisons subtils que contiennent ces mauvaises productions. Cependant j'ai ouï dire que dans une circonstance il en fit une collecte telle qu'il en eut pour se chauffer toute une journée.

13°. A son arrivée dans la paroisse, bon nombre de paroissiens et surtout les vieillards ne remplis­saient pas même le devoir pascal. Touchés des sermons du Vénéré Père, des exhortations qu'il faisait dans ses catéchismes, ils ne tardèrent pas à venir à résipiscence. Bientôt son confessionnal, sur­tout les grandes fêtes, devint tellement encombré qu'il était obligé d'y passer une partie notable de la journée. De l'aveu de ses pénitents, il avait un don particulier pour leur inspirer un vif repentir [96] de leurs fautes; ses touchants avis leur faisaient répandre d'abondantes larmes, auxquelles souvent il mêlait les siennes à la vue de voir Dieu tant offensé et encore plus d'être témoin de sa grande miséricorde envers les pécheurs repentants. Quand il en connaissait d'endurcis, il faisait naître l'occa­sion de les rencontrer, soit aux champs ou ailleurs; il leur parlait avec bonté, les égayait même par quelques plaisantes paroles, puis lorsqu'il tenait le cœur, il leur faisait promettre de venir se con­fesser, promesse qu'ils tenaient généralement tous. Il est de fait, d'après la tradition, que tous les pécheurs renforcés qu'il a convertis ont presque tous persévéré dans la pratique du bien. Ce qui est notoire, c'est que grâce à son zèle apostolique, à ses discours, à ses catéchismes, à ses bons exemples, à ses ferventes prières, à sa dévotion à Marie, dont il avait établi le mois dès le début de son vicariat, et à de fréquentes visites à Notre-Seigneur, il se produisit une véritable révolution du mal en bien dans toute la paroisse. Aussi, à peine quelques années s'étaient-elles écoulées depuis qu'il en avait foulé le sol qu'elle n'était plus reconnaissable sous le rapport religieux, et de plus, le bien qu'il y a opéré s'est maintenu jusqu'à ce jour.

14°. Les visites fréquentes qu'il faisait aux ma­lades et son empressement à les administrer quand leur état paraissait alarmant, était tel qu'il a pu dire à un de ses intimes amis, après qu'il fut sorti de la paroisse, que grâce à Dieu aucun malade n'était mort sans qu'il ne fût venu à temps pour l'administrer. Dans ces circonstances, il ne marchait pas, mais il volait. Avant d'entreprendre cette sorte de visites et même en général avant toutes celles qu'il faisait dans la paroisse, il ne manquait jamais, avant le départ, de faire une visite au très saint Sacrement et même au retour s'il le pouvait. Pour [97] comprendre combien cette partie de son ministère lui a coûté de peines et de sacrifices, il faut savoir que la paroisse de Lavalla, et j'en puis parler pertinemment, est située dans des gorges de montagnes qui avoisinent le mont Pilat. Elle est composée d'un grand nombre de hameaux considérables séparés les uns des autres par des ravins profonds; les chemins qui conduisent d'un hameau à l'autre sont pour la plupart scabreux, boueux, étroits et peu entretenus. On conçoit dès lors les marches pénibles qu'a dû faire notre Vénéré Fondateur pour y remplir les fonctions de son ministère car, à la visite des malades, il faut joindre le soin de faire remplir le devoir pascal aux infirmes, d'autant plus que pour ménager son curé, il s'était chargé presque absolument de tout ce travail. La tradition rapporte que ni la neige tombant quelquefois à gros flocons, ni les chemins couverts de glace, ni une pluie battante, ni même l'obscurité de la nuit ne l'arrêtaient quand il s'agissait d'aller préparer quelqu'un au grand voyage de l'éternité. Combien de fois, ont dit les confrères qui l'accompagnaient, il ne dut son salut qu'à une assistance visible de la protection de la Ste Vierge, à laquelle il recourait toujours dans les dangers imminents. Remarquons encore qu'en arrivant il ne prenait rien et se contentait de se chauffer si ce n'était pas l'heure du repas.

Dans les chaleurs, sa fatigue n'était pas moindre pour faire l'ascension de ces divers hameaux et pour descendre leurs pentes fortement inclinées. J'en ai parcouru quelques-uns dans l'hiver et dans l'été, et je comprends combien notre Vénéré Père dû souffrir dans les nombreuses courses qu'il a faites d'un hameau à l'autre, ou du presbytère à ces derniers. Du reste, ces allées et ces venues n'avaient pas seulement pour but la visite des malades, mais encore de rétablir l'union dans les familles, de réconcilier des ennemis, de soulager les [98] pauvres, de consoler les affligés et de rappeler à leur devoir les personnes qui s'en écartaient et qui ne parlaient pas toujours charitablement de leur pasteur, car il avait un don naturel pour reprendre et corriger sans jamais froisser. Enfin il disait un jour à un de ses amis en allant, ce me semble, de l'Hermitage à Lavalla: « Si l'eau que j’ai transpirée en parcourant ces divers hameaux était toute recueillie, je crois qu'il y en aurait suffisamment pour prendre un bain. » Du reste, il aurait fallu entendre raconter au Frère Stanislas et à d'autres qui quelquefois l'accompagnaient dans ses courses, toutes les peines et les fatigues que ces diverses visites lui ont coûtées.

15°. Finissons ce chapitre par un autre acte de zèle qui eut pour but de faire sanctifier chrétiennement le dimanche aux habitants du bourg. Comme il était dans l'usage de la paroisse de chanter les vêpres immédiatement après la grand-messe à cause de l'éloignement des hameaux, il avait établi pour occuper la soirée de ce jour l'exercice que voici: on chantait d'abord les complies, on faisait ensuite la prière du soir et on terminait par une lecture spirituelle que le Vénéré Père commentait presque toujours en l'entremêlant de pieuses réflexions. Grand fut l'empressement de s'y rendre,) aussi la clientèle des cabaretiers diminua-t-elle considérablement, et c'était justement là le principal but que le Vénéré Père avait eu en établissant cet exercice, qui se faisait ordinairement dans les moments où ils étaient le plus fréquentés. Enfin, comme il n'y avait point dans la paroisse d'instituteur, il en fit venir, pour commencer l'instruction et l'éducation des enfants qui étaient comme nulles, en attendant que sa Congrégation, dont il commençait déjà à jeter les fondements, pût continuer et perfectionner cette tâche importante. [99]

Tout ce que je viens de relater dans ce chapitre est tellement traditionnel parmi nous que personne n'oserait le révoquer en doute. [100]

CHAPITRE IV ième





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