Leo Frobenius et L’Afrique : sa part de Vérité



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 Leo Frobenius et L’Afrique : sa part de Vérité



                                        

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Leo Viktor Frobenius : 29 juin 1873 à Berlin - 9 août 1938, Biganzolo, Lac Majeur, Piémont, Italie, 

ethnologue allemand.  

 

Leo Frobenius entreprend en 1904 sa première expédition en Afrique, dans le Kasaï congolais. Il 

voyagera en Afrique jusqu’en 1918, notamment au Soudan. En 1920, il fonde l'Institut pour la 



morphologie culturelle à Munich. Il est nommé professeur honoraire de l'Université de Francfort en 

1932, et, en 1935, directeur de son musée ethnographique. L’ouvrage le plus célèbre de Frobenius

porte, dans la traduction française, le titre : Histoire de la civilisation africaine, Paris, Gallimard, 

1936. 


 

Leo Frobenius (anciennement Haute Volta) a séjourné du 3 septembre au 28 décembre 1908 au 

Burkina Faso et a tout particulièrement travaillé sur la société Mossi. Le centenaire de ce séjour a 

fait l’objet d’une commémoration à Ouagadougou, du 2 au 5 novembre 2008



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  Leo Frobenius et L’Afrique :  

sa part de Vérité 

 

 



 Théophile 

OBENGA 

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À la glorieuse mémoire des professeurs : 

 

- Cheikh Anta Diop, mon maître 

- Abdou Moumouni, si accueillant à Niamey 

- Joseph Ki Zerbo, rayonnant de savoir et de sagesse :  

tous m’ont accordé leur amitié. 

 

 



Communication faite par l’auteur au Colloque “Leo FROBENIUS et la Civilisation africaine” 

organisé pour commémorer le centenaire du séjour de l'ethnologue allemand Léo Frobenius au 

Burkina Faso. Ce colloque s’est déroulé du 2 au 5 novembre 2008 à Ouagadougou, à l’initiative du 

Club Léo FROBENIUS de Ouagadougou, avec la participation de l’ambassade d’Allemagne au 

Burkina Faso.  

 

Summary:  Leo Frobenius and Africa: his part of Truth. Leo Frobenius was the European 

scholar who went farthest in the effort to conceptualize African history and civilization. His 

intellectual capacities were particularly extensive and original. His work deserves careful and 

repeated study, on account of the extraordinary range and comprehensive nature of his grasp of 

African history and civilization. Like all scholars he was fallible, but in his study of Africa’s cultural 

history, he was able, at least, to produce a magnificent testimony to the spirit animating and 

imparting meaning to the historical experience of the African peoples, as part of the common 

narrative of humanity.  

 

The work of Frobenius is characterized by a semantic richness that expresses his methodological 

innovativeness and his burning passion to deepen the enterprise of knowledge. When he wrote that the 

black people of Africa were civilized down to the marrow, he scandalized the West. 

 

For the West, arrogant and triumphalist, turns predictably ironical or sarcastic the moment anyone 

comes up with anything positive, no matter how trifling, about African civilization. Frobenius, 

admittedly, was not entirely exempt from this general Western penchant, as can be seen from his 

doctrine of Hamitic Circles and Currents, etc. But the bulk of his work was immensely positive, and 

more valuable than the loads of caricatures produced by all the Eurocentric Africanists put together. 

For that, if for nothing else, his work deserves the appreciation Africa reserves for it. 

 

 



 

 

 



1. Le poids des mots 

 

 



L

’avènement de l’humanité, au sein du règne animal, eut lieu lorsque la raison s’affirma, 

faisant de l’Homo  l’Homo sapiens, il y a environ 150 000 ans. 

 

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Depuis, l’humanité porte la lumière avec soi. Si tant est que l’Afrique est le berceau de 

l’humanité, aux deux stades d’Homo et d’Homo sapiens, le continent africain est par 

conséquent le sol natif de la raison humaine qui sépare radicalement le “Phénomène 

humain” de l’Animal. 

 

Si, d’autre part, l’axiome “Tous les êtres humains sont nés libres et égaux” est de portée 



universelle et vraie, alors, comme affirmait Descartes, en 1637 : « Le bon sens est la chose 

du monde la mieux partagée »  (Discours de la méthode).  Descartes nomme la “raison” 

tantôt par “bon sens” tantôt par “lumière naturelle”. 

 

Ainsi, à partir de ces évidences -Afrique, berceau de l’humanité et de la raison, et la raison 



ou lumière naturelle est « la chose du monde la mieux partagée ».  

 

Les “Études Africaines” auraient pu éviter de travailler dans le cadre des paradigmes de la 



“Mentalité primitive” élaborés au début du XX

ème


 siècle par Lucien Lévy-Bruhl (1857-

1939) et toutes les écoles d’Anthropologie et d’Ethnologie occidentales africanistes. 

 

La raison, la rationalité, les processus cognitifs et réflexifs rationnels sont “normalement” 



refusés aux peuples noirs du continent africain à  cause des préjugés et des positions 

dogmatiques des anthropologues “évolutionnistes”, “fonctionnalistes”, “diffusionnistes”, 

“structuralistes”, “cross-culturalistes”, “multi-culturalistes”, etc. 

 

La conséquence, très grave, du déni de la raison humaine en Afrique par l’Occident, depuis 



surtout la philosophie de Hegel (1770-1831) en son cours d’hiver 1830, Die Philosophische 

Weltgeschichte, est que les faits culturels furent identifiés décrits, analysés et classifiés sous 

des terminologies pour le moins arbitraires : 

 

- “fétichisme” et “animisme” pour religion et théologie ; 



 

-   “visions du monde”,  “systèmes de pensée africains” et “ethnophilosophie” pour 

philosophie ; 

 

- “pratiques et conduites empiriques” pour science et logique ; 



 

- “coutumes traditionnelles” pour Droit traditionnel ; 

 

- “traditions orales tribales sans temporalité” pour histoire et historicité, pour civilisation ; 



 

- “art primitif, nègre, sauvage” pour art africain. 

 

Ainsi le poids des mots. L’africanisme occidental avait interdit de parler de  “science”, de  



“logique”, de  “philosophie”, d’ “histoire”, de  “civilisation”, de  “théologie”, de “Droit”, d’ 

“Art” en tant qu’ensemble complexe de forme et d’idées. 

 

Ces “interdits africanistes” sont-ils tous levés de nos jours ?  



 

Le continuum historique africain de la vallée du Nil égypto-nubienne à nos jours est-il le 

tracé objectif et fondamental de l’historiographie africaine contemporaine ? 

 

Ainsi le poids des mots. Ainsi les interdits africanistes.  



 

 

 



 

 

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Un faux montage linguistique existe depuis 164 ans, le “chamito-sémitique” ou 

“afroasiatique”, jamais questionné, fût-ce superficiellement, par aucune école africaniste 

occidentale. 

 

La seule méthode, universellement valable, en Linguistique historique, pour rendre probable 



et probante l’existence du “chamito-sémitique” ou “afroasiatique”, est la reconstruction de 

l’ancêtre commun des langues attestées, c’est-à-dire l’ancêtre primitif commun au 

sémitique, à l’égyptien pharaonique et au copte, au couchitique, au tchadique et au berbère.  

 

Aucune tentative par aucun chercheur, professionnel ou amateur, n’a jamais réussi 



l’épreuve de la reconstruction du “chamito-sémitique” ou “afroasiatique”. 

 

Ainsi le poids des mots de la terminologie africaniste occidentale. Le travail d’éveil 



intellectuel qui est précisément une besogne critique se doit d’examiner, historiquement et 

psychologiquement, les mots du lexique africaniste eurocentriste, leur impact sur la 

mentalité africaine, leur poids dans les programmes des “Études Africaines”, leurs 

territoires délimités par des interdits, - par exemple l’interdit d’évoquer l’Égypte 

pharaonique. 

 

Or, il y a des chercheurs, peu nombreux il est vrai, qui ont opéré de grandes césures 



épistémologiques dans le cadre des “Études Africaines”, rompant ainsi avec les routines 

intellectuelles séculaires qui bénéficient presque toujours du préjugé de la majorité. 

 

Il faut citer, parmi ces chercheurs critiques de grande clairvoyance, le missionnaire belge 



Placide Tempels, l’ethnologue français Marcel Griaule, et le multi-dimensionnel 

chercheur allemand Leo Frobenius

 

 

 



2.  Coupures épistémologiques par Tempels, Griaule et 

Frobenius 

 

 



On peut, à mon avis, associer ces trois illustres chercheurs comme trois systèmes 

galactiques dans l’univers occidental des “Études Africaines” : 

 

 

Placide Tempels 



 

Les prémisses du missionnaire au Congo, alors colonie belge, sont fort discutables, et Aimé 



Césaire  en a fait une rapide observation pertinente dans son Discours sur le colonialisme. 

 

Tempels ne présente pas sa “documentation ethnographique” d’où il tire son essai 

philosophique. C’est un défaut majeur, car les “sources” doivent être examinées pour ce 

genre de travail d’analyse restituante d’une pensée vécue. 

 

Ce qui surprend le plus, au plan philosophique strict, c’est que Tempels initie la quête 



ontologique par la question de la mort, c’est-à-dire, la fin de la vie humaine organique, et 

non par l’interrogation sur l’Être, le Sujet (le Moi), l’étant en tant qu’étant, le Réel, bref la 

question primordiale et radicale de “quoi est ?”, qui aurait pu conférer une assise 

ontologique à la “force vitale” car celle-ci, à bien y regarder, est plutôt une position 

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dogmatique que l’essence de l’être qui serait alors une essence vitale locomotrice dans 

l’univers et dans l’histoire : un tel matériau philosophique peut-il fonder, par exemple, une 

éthique philosophique ? 

 

Enfin, Tempels n’a pu fonder une Éthique car, dans son essai philosophique, le “bien” et le 



“mal” ont à égalité, fondamentalement, la même “force vitale” : donc le “bien” et le “mal” 

s’équivalent, ayant la même force vitale ontologique, et il n’y a même pas besoin  de lutter, 

parce que la lutte serait infinie et toujours égale, la même force vitale luttant à jamais contre 

elle-même, tantôt du côté du “bien” tantôt du côté du “mal”. 

 

Tempels ne scandalisa pas l’Africanisme occidental à cause de ses réflexions théologico-

philosophiques de missionnaire auprès des Luba du Congo mais, de toute évidence, à cause 

du mot “philosophie”, si noble, utilisé, sans quiproquo, pour désigner un mode de pensée 

africain : La Philosophie bantoue (1947). 

 

Des expressions comme “pensée bantoue”, “vision du monde bantoue”, “Système de pensée 



bantoue”, “Âme bantoue”, etc., auraient été plus “acceptables”, plus “appropriées”, plus 

“dignes” de l’Homme noir africain, rivé pour de bon à la “mentalité primitive”. 

 

Voilà pourquoi, pendant des décades, une question fut répétée à satiété : “Existe-t-il une 



philosophie africaine ?”.  

 

En d’autres mots plus explicites : “Y a-t-il en Afrique noire des productions de la raison que 



l’Occident pourrait qualifier, sans abus de “philosophie ? ”.    

 

La réponse est : non, à cause du poids du mot "philosophie" et des interdits heuristiques 



africanistes. 

 

Il faut par conséquent reconnaître et admirer le courage intellectuel du Père Placide 



Tempels pour avoir employé, dès 1947, le mot prohibé de “philosophie” pour nommer la 

pensée africaine. 

 

 

Marcel Griaule 



 

Sans doute, Marcel Griaule restera encore longtemps le plus compétent de tous les 

ethnologues et anthropologues français. Son œuvre sur les Dogon des Falaises de 

Badiangara ne sera peut-être jamais égalée. 

 

Il a radicalement rompu avec l’Africanisme eurocentriste en observant les Dogon de 



l’intérieur, sans paradigmes évolutionnistes, fonctionnalistes, diffusionnistes ou 

structuralistes. 

 

Griaule a révélé au monde entier le savant et le philosophe dogon  Ogotemmêli, la 

spiritualité dogon, et aussi les grandes connaissances des Dogon relatives à la cosmogonie, 

l’astronomie, la botanique, l’agriculture, la pédagogie, le langage symbolique des choses, 

l’enracinement ontologique des festivités cycliques. 

 

En effet, depuis au moins le VIII



ème

 siècle, les écoles astronomiques dogon ont patiemment 

observé les corps célestes, calculé leur grandeur, étudié leur périodicité, évalué leur masse, 

apprécié leur luminosité, signalé leur environnement immédiat, par exemple avec le cas de 

Sirius et de ses deux compagnons, pourtant invisibles à l’œil humain nu. 

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Dans son magnifique ouvrage, Le Cosmos, le célèbre astronome américain, Carl Sagan, a 

cru nécessaire de faire état des connaissances astronomiques accumulées, des siècles durant, 

par des fins observateurs du ciel parmi le peuple dogon

 

Il s’agit tout simplement de reconnaître l’existence d’une véritable science astronomique 



dogon

 

Ce que Laird Scranton, un “software designer” et un “ancient lecturer” à Colgate 



University, vient de faire, en publiant deux ouvrages :  

 



The science of the Dogon. Decoding the African Mystery Tradition, en 2002, et  

 



Sacred Symbols of the Dogon. The key to advanced Science in Ancient Egyptian 

Hieroglyphs, en 2007. 

 

Le mot “science”, s’agissant de l’Afrique noire “traditionnelle”, a toujours  son poids de 



mot interdit, de mot tabou chez les africanistes eurocentristes.  

 

Le réflexe prohibitif africaniste est encore plus fort pour ce qui est des relations culturelles, 



pourtant intrinsèques, entre l’Ancienne Égypte pharaonique et le reste de l’Afrique Noire. 

 

Sous peu, à cause du mot “science” appliqué aux savoirs de la tradition dogon,  Laird 



Scranton  sera qualifié d’ “Afrocentriste”, comme ce le fut pour Martin Bernal, auteur 

mal aimé des trois volumes de Black Athena.  

 

C’est-à-dire, à bien y voir, l’ironie due à la mauvaise foi africaniste eurocentriste tient lieu 



de “débat” et d’“arguments scientifiques contradictoires”.  

 

Dans la dérobade, on cherche désespérément refuge dans le mot “afrocentriste”, inventé 



pour perpétuer les dogmes et préjugés de l’Africanisme eurocentriste. Celui-ci doit mourir 

comme est mort l’“Orientalisme”. 



 

 

Leo Frobenius 

 

Tempels a introduit, par-delà les interdits, le mot philosophie, Griaule le mot science, et 



Frobenius le mot civilisation dans les “Études Africaines”. 

 

Frobenius, lui aussi, a opéré une radicale  rupture épistémologique dans le vaste champ des 

recherches poursuivies pour connaître et comprendre  l’humanité des peuples africains. 

 

Là où l’on voyait “peuplades paléonigritiques”, “populations non-civilisées”, “tribus 



éparpillées sans référence culturelle partagée”, le génie de Frobenius a détecté de puissants 

“foyers culturels originaux”, de vastes ensembles “historico-culturels” le tout traversé par 

des “courants culturels” qui portent les longues durées de l’histoire culturelle des peuples 

noirs du continent africain, depuis les moments inauguraux de la Préhistoire. 

 

Saisissons donc au mieux la problématique heuristique de Leo Frobenius dans ses 



composantes essentielles. 

 

 



 

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3. L’exception de Leo Frobenius 

 

a.  L’Enquête 



 

Ethnologue - explorateur, Frobenius a parcouru presque tout le continent africain, avec une 

curiosité intellectuelle,

 

passionné



 

pour de nouvelles connaissances, grand amour pour 

l’Afrique et ses habitants. 

 

Savanes, sahels, steppes, forêts, déserts, Frobenius a tout sillonné, sur la trace d’anciens 



itinéraires, visitant royaumes et empires sans toute leur gloire de jadis.  

 

Chez les Mossi (Moose) du Morho Naba, ici même au Burkina Faso, chez les Yoruba et 



Edo (Bini) du Nigeria, au Cameroun, au Congo, en Afrique australe et en Afrique orientale, 

Leo Frobenius observe, photographie, dessine, interroge, réfléchit et accroît ses Notes 

transcrites sur le vif. 

 

Tout a gravement retenu l’attention de Frobenius : le fil de raphia, le morceau de terre 



cuite, tout fragment de fer forgé, les ocres de peintures rupestres du Sahara et de l’Afrique 

australe. 

 

Rites, cérémonies, sacrifices et libations, prières, statuettes, masques, musiques et danses de 



joie comme de souffrances : Leo Frobenius questionne toute expression du Réel et voudrait 

en saisir nettement le Sens ultime. 

 

Il n’y a chez Frobenius, aucun fait africain “primitif”, “sauvage”, “non-civilisé”. Il s’est 



purifié psychologiquement, tel un ascète de l’Inde traditionnelle. 

 

Faits et faciès culturels africains sont là, observables, comme pendant l’Expédition 1928 – 



1930 qui permit à Frobenius de parcourir toute l’Afrique méridionale, de l’Océan Indien à 

l’Océan Atlantique, et de la Zambie en Afrique du Sud. Et d’où sortit le bel ouvrage 

intitulé: Erythräa. Lander und Zeiten des heiligen Königemordes, Berlin / Zurich, Atlanttis-

Verlag, 1931, 368 – VII pages, nombr. illustr. , carte. 

  

b.  La Quête du Sens 

 

L’ouvrage le plus célèbre de Frobenius, on le sait, porte ce titre dans la traduction 



française : Histoire de la civilisation africaine, Paris, Gallimard, 1936. 

 

Dans cet ouvrage qui introduisit le concept de « civilisation africaine » dans les Temps 



Modernes occidentaux, l’idée directrice de Frobenius, sa Vorstellung, c’est-à-dire sa 

Kulturproblematik, n’est pas de procéder à la manière de la description ethnographique a-

temporelle et fragmentaire, mais, et c’est tout à fait nouveau, de faire une théorie des 



données culturelles comme firent en leurs époques Ibn Khaldun (1332-1406) au XIV

ème


 

siècle dans Al-Muqaddima, “Prolégomènes” Discours sur l’Histoire universelle où le grand 

historien se propose d’étudier la civilisation (al- 'umran), l’essence et la nature de la 

civilisation humaine.  

 

On peut aussi penser à Vico (1668-1744), auteur de La Scienza Nuova où le Napolitain 



entreprend d’exposer en grands tableaux

 

l’histoire idéale éternelle de l’humanité en scrutant 



la nature humaine et le changement historique. 

 

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Vraisemblablement,  Frobenius a été influencé par la philosophie historique allemande, 

notamment par Johann Gustav Droysen (1808-1884), lui-même élève de Hegel. Dans son 

essai intitulé Grundriss der Historik (Leipzig, 1882), traduit en français sous le titre Précis 



de théorie de l’histoire (Paris, les Éditions du Cerf, 2002), Droysen entend lire l’histoire 

différemment de Kant et de Hegel. Pour lui, l’histoire est à lire comme un accomplissement 

de l’humanité. 

 

Quel est l’organon théorique de la recherche historique, en Afrique noire, par l’Africanisme 



eurocentriste ? Aucun. Quelle est la pensée philosophique en matière d’histoire de la part de 

tout l’Africanisme ? Aucune réflexion pouvant retenir l’attention du lecteur.  

 

Ainsi l’Africanisme travaille sans perception théorique, sans concepts opératoires, sans 



explications thématisées, sans idée que l’histoire africaine, si particulière soit-elle, 

appartient intrinsèquement à l’Histoire générale de l’Humanité entière. 

 

Frobenius innove de façon radicale et profonde. Les matériaux historiques ne sont pas que 

des faits organiques. Ils produisent aussi des univers mentaux. D’où le concept de 

“morphologie historique” que Frobenius a dû emprunter à Droysen

 

Ce concept est crucial parce que, à partir des mosaïques culturelles régionales singulières 



éparpillées, on peut recomposer la morphologie historique totale qui autorise de parler de 

“civilisation africaine”.  

 

L’anthropologie, l’ethnologie et l’ethno-histoire africaniste ne travaillent jamais que sur des 



notions “race”, de  “tribu”, de “culture”, d’ “animisme”, etc. 

 

S’il y a eu un passé, c’est qu’il y aura, dans le devenir, un avenir, un futur. D’où de concept 



de “Destin (Schicksal) des civilisations”. L’immense défaut de l’histoire africaine selon les 

intentions africanistes réside dans le fait que la finalité historique du travail historique est 

totalement ignorée.  

 

Le mode narratif de la monographie historique africaniste est sérieusement animé par quelle 



Idée, quelle Pensée,  quel Concept (Begriff), quelle configuration historique, la historische 

Gestalt, expression de Droysen également utilisée par Frobenius

 

L’histoire, toute l’histoire humaine, asiatique, européenne, américaine, océanienne, 



africaine, est toujours la quête de lumière et de vérité, et toute l’histoire humaine est la 

connaissance de soi de l’humanité. 

 

Cet objectif fondamental de toute enquête historique a conduit Leo Frobenius à créer des 



concepts et des paradigmes historiques originaux pour une nouvelle épistémologie 

historique africaine. 

 

c.  L’univers conceptuel de Leo Frobenius relatif à l’épistémologie historique africaine 

 

L’histoire a un vaste champ d’investigation dans le temps et dans l’espace : le passé humain 

qui a survécu et dont l’historien

 

peut établir les faits en appliquant la méthode historique 



aux diverses sources documentaires. 

 

Quant à l’interprétation des faits établis et à leur explication selon les causations 



appropriées, elles dépendent des paradigmes socio-culturels, des contextes intellectuels et 

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ANKH n°18/19/20     années 2009-2010-2011

 

 



 

 

 



 

 

 



 

 

  




 

 

 Leo Frobenius et L’Afrique : sa part de Vérité



                                        

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des présupposés idéologiques et/ou philosophiques

 

qui sont


 

de l’historien à la recherche de 

la vérité historique. 

 

Voilà pourquoi la critique historique qui a ses critères et ses exigences est le fondement de 



toute recherche historique sérieuse. La compétence historique est donc plus qu’une simple 

affaire de méthodologie historique. 

 

Le tout, comme disait Kant  dans son texte de 1791 Sur l’insuccès de tous les essais de 



Théodicée (traduction par Paul Festugière, Paris, J.Vrin, 1931), est d’avoir “conscience de 

sa (propre) conviction”, c’est-à-dire dans le cas de l’historien, d’être sincère dans l’énoncé 

et l’exposé de ses cadres mentaux de recherche. 

 

Ceci est tellement crucial que les historiens africanistes eurocentristes, professionnels ou 



amateurs, n’ont jamais été féconds sur l’exposé de leurs motifs intellectuels, avec sincérité, 

à la recherche de la véracité historique. 

 

Or Joseph Ki ZerboCheikh Anta Diop et Leo Frobenius par exemple, parce que grands 



historiens, ont suffisamment fait état de leurs paradigmes intellectuels, en toute conscience 

de leur conviction de chercheur et de penseur. 

 

  Joseph Ki Zerbo et l’historiographie africaine 



 

Il faudra lire avec soin les textes réflexifs de Ki Zerbo, sortes de prolégomènes à une 

lecture véridique et authentique de l’histoire africaine. On peut y  dégager une théorie de 

l’histoire. C’est un travail nécessaire à entreprendre.  

 

Voici cependant quelques nécessités théoriques du travail historique en Afrique noire selon 



la problématique de Ki Zerbo : 

 

- l’étude et la connaissance de “la civilisation africaine d’hier et de demain” ont pour but 



essentiel la réalisation de soi, dans les Temps contemporains : déployer à nouveau son 

essence humaine, son génie créateur, dans une “néo-culture” africaine.  

 

L’historicité africaine, c’est-à-dire la capacité des peuples de poursuivre et d’opérer de 



nouveaux accomplissements ; 

 

- aussi  Ki Zerbo assigne-t-il à l’histoire, métaphoriquement, le rôle de “levier 



fondamental”, c’est-à-dire un acte positif pour mobiliser la “conscience collective africaine” 

en vue de nouveaux horizons historiques. Ceci dans un texte de 1961.  

 

Le travail de “restauration de l’histoire africaine” est “entreprise fondamentale” qui, par-



delà l’École, doit s’imposer comme “l’imprégnation massive de tout un peuple par la 

connaissance de son passé” : il y a eu pédagogie de l’histoire africaine, nette, chez Ki 



Zerbo 

 

- ainsi, sans se répéter, “l’histoire recommence” : texte écrit en 1957, l’année de 



l’indépendance du Ghana, symbole, avec Kwame Nkrumah, du mouvement 

d’émancipation des peuples d’Afrique noire. 

 

Pour Ki Zerbo, l’histoire africaine est la mesure de la valeur de l’existence des peuples 



africains, pour vivre éveillés et responsables. 

 

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 Leo Frobenius et L’Afrique : sa part de Vérité



                                        

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  Cheikh Anta Diop et l’historiographie africaine 



 

L’historiographie africaine contemporaine doit aussi énormément à Cheikh Anta Diop. De 

nombreux concepts, aujourd’hui couramment utilisés dans la recherche historique africaine 

ont été forgés par Cheikh Anta Diop. On ne peut que résumer en allant à l’essentiel : 

 

l’Afrique noire précoloniale : L’Afrique noire a existé avant la traite négrière atlantique 



par tout l’occident, avant le partage de la proie africaine à Berlin, avant la colonisation par 

tout l’occident.  



 

L’Afrique morcelée, pauvre et fragile que nous avons aujourd’hui est de naissance récente, 



après ces tragédies historiques, aujourd’hui encore amplifiées par les Programmes 

occidentaux d’ajustement structurel anciens et ré-actualisés ; il y a même une antériorité 

historique noire ; 

 

- et, par-delà la grande souffrance subie, Cheikh Anta Diop, dès 1948, plaide, dans un 



article puissant, pour l’idée d’une Renaissance Africaine : renaître à soi, renaître au monde, 

c’est-à-dire assumer sa part de responsabilité dans le monde contemporain ; 

 

- pour cela, le sentiment de solidarité,  d’unité culturelle du monde noir, doit être 



conscientisé à l’échelle continentale ; 

 

- et, le continuum historique négro-africain rétabli depuis l’Égypte pharaonique nègre, 



évaluées les ressources sociales, culturelles et naturelles, bénéficiant des acquis positifs de 

l’humanité, notamment dans les sciences et les technologies, la construction d’un État 



fédéral d’Afrique noire mettra assez l’Afrique noire à l’abri des enjeux destructeurs des 

géopolitiques internationales contemporaines ; 

 

- ainsi, l’Afrique sera du côté de la civilisation et non de la barbarie, des dettes injustes, de 



l’“euphorie financière” selon l’expression de John Kenneth GalbraithA Short History of 

Financial Euphoria, 1990, 1993, 1994 : la mania spéculative entraîne presque sûrement un 

effondrement, nous dit l’histoire). 

 

La dynamique de la pensée historique de Cheikh Anta Diop, constamment combattue par 



l’Africanisme eurocentriste, est un travail de lumière.  

 

Dans la Caverne de Platon, allégorie pour l’ignorance, le préjugé collectif, la sottise agrée, 



les prisonniers, même sans plus leurs chaînes, éprouvent de la peine à fixer la lumière. Mais 

le temps de connaître, sans compromis, le bien, le beau, le juste et le vrai viendra. 

 

 

 Leo Frobenius et l’historiographie africaine 



 

Le seul Européen qui a pu concevoir une théorisation de l’histoire de la civilisation 

africaine est, de loin, Leo Frobenius. Son arsenal conceptuel est fort original et riche : 

 

die Begründung, fondement de la civilisation, et les ponts culturels (Kulturbrücke), 



 

der Bereich, champ de l’histoire africaine, son enracinement, sa signification (Bedeutung), 

 

die Entwiccklung, évolution de l’histoire africaine, inimaginable en Ethnologie, 



 

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 Leo Frobenius et L’Afrique : sa part de Vérité



                                        

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das Ziel, but de l’étude des civilisations africaines, 

 

die Kulturmorphologie, morphologie culturelle des données historiques africaines, c’est-à-



dire le Sens (Sinn) des phénomènes culturels, 

 

Kulturkreislehre, doctrine (Lehre) des cercles culturels, des foyers et courants culturels 



circulaires, 

 

Der Ursprung der afrikanischen Kultur, origine de la culture africaine et de son 



émergence. 

 

Il y a chez Frobenius une richesse sémantique, révélatrice d’innovation méthodologique, de 



passion ardente d’approfondissement des connaissances.  

 

Et  Frobenius scandalisa l’Occident lorsqu’il écrivait clairement que les Noirs d’Afrique 



étaient civilisés jusqu’à la moelle des os. 

 

L’Occident, arrogant et triomphant, est toujours soit ironique soit sarcastique vis-à-vis du 



peu de bien que l’on peut reconnaître à la civilisation africaine.  

 

C’est aussi dire toute la reconnaissance africaine pour l’œuvre immense de Frobenius, en 



dépit de sa doctrine des cercles et des courants culturels hamites et autres. Vaut mieux Leo 

Frobenius que tous les cartons africanistes eurocentristes réunis.  

 

Les travaux de Leo Frobenius on été reliés et publiés en  7 volumes tout  en lin, sans 



compter des manuscrits. Le volume V, Das Sterbende Afrika, a pour sous-titre : Die Seele 

eines Erdteils, première complète édition.  

 

Le volume VIMonumenta Africana, porte ce sous-titre : Der Geist eines Erdteils.  Die 



Seele veut dire l’âme, l’esprit (en anglais soul et  mind), c’est-à-dire le Soi, l’essence 

fondamentale, le cœur (sens figuré : du fond du cœur).  

 

Et le mot der  Geist signifie l’esprit (en anglais mind et intellect).  Frobenius est à la 



recherche de l’âme, de l’intellect, de l’élément spirituel d’un continent, le continent noir, 

berceau de l’Humanité.  

 

Voilà pourquoi Leo Frobenius fut adopté, presque sans examen critique par les grands 



intellectuels du mouvement littéraire et culturel de la Négritude qui ont considéré 

Frobenius comme leur source pour l’illustration et la défense de ce que l’homme noir 

apporte à la civilisation dite de l’universel. Ces valeurs noires de portée universelle ne 

seront par conséquent que des apports de complément d’âme à la civilisation occidentale 

qui cultive le Néant et prédit la mort prochaine de Dieu, peut-être pas de Bacchus latin ou 

de Dionysos grec. 

 

Malgré cette exploitation utilitariste par les tenants de la Négritude qui ne manque pas de 



mérite, Frobenius mérite qu’on le lise et relise attentivement à cause de l’envergure, rare, 

de sa synthèse sur l’histoire de la civilisation africaine. 

 

En guise de conclusion, il est important de séparer Placide Tempels,  Marcel Griaule et 



Leo Frobenius de la gent  africaniste eurocentriste qui inspire des discours tout à fait 

officiels, comme celui  de Dakar, le 26 Juillet 2007.  

 

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Des africanistes eurocentristes impénitents ont cru utile et clairvoyant de sauver du désastre 

commis quelques idées positives de ce discours fameux : sauver des idées positives, et que 

fait-on des idées négatives, de loin les plus nombreuses ? Les africanistes eurocentristes ne 

peuvent plus suivre. Leur agitation en est la preuve concrète. 

 

Du moins, Leo Frobenius, questionnant l’histoire culturelle africaine, a un magnifique 



témoignage sur l’esprit (Geist) qui anime et donne Sens à la vie historique des peuples 

africains comme tous les autres peuples de notre humanité. 



 

 

 

 

 

 L’auteur :  

http://www.ankhonline.com

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ANKH n°18/19/20     années 2009-2010-2011

 

 



 

 

 



 

 

 



 

 

  



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  • 1. Le poids des mots 
  • 2.  Coupures épistémologiques par Tempels, Griaule et Frobenius 
  • 3. L’exception de Leo Frobenius 

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