Maîtrise d'Histoire (1973) michele grenot



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SON MILIEU SCOLAIRE


Nanti de l'éducation de ses parents, Henri a fait ses études au collège royal de Valenciennes. Nous savons peu de choses sur ses études, si ce n'est qu'il remportait tous les prix. M. et Mme A.WALLON ont choisi comme collège pour leur fils un collège d'Etat et non une école libre ; donc nous pouvons imaginer qu'Henri a été habitué, avec ses camarades à s'affronter avec d'autres opinions que les siennes.

Cet enseignement laïc sera tempéré par l'influence de son professeur de 3ème, M.RARA. Henri l'a apprécié et aimé au point de lui rester profondément attaché toute sa vie. Ils correspondront pendant 50 ans. M.RARA est un homme profondément religieux. Il rentrera d'ailleurs dans les Ordres. Henri dit en parlant de lui : "Cet homme respectable, le seul qui, jusqu'à présent, ait pu exciter mon admiration sans mélange. . . " Une lettre d'Henri du 16 octobre 1836 nous annonce que celui-ci rentre au séminaire en vue de devenir prêtre et Henri rassure sa mère à l'idée qu'il peut céder à des influences le poussant vers les Ordres. Henri le visitera régulièrement dans son séminaire :



"C'est aussi une bien belle heure de ma semaine que celle où je vais voir M.RARA. On rencontre encore de très bonnes et très vertueuses personnes, mais un homme dans lequel la vertu est si douce et si affable, si ferme - force et douceur à la fois -, c'est un bien inexprimable de le voir et de l'entendre, non de vertu (c'est sa spécialité et on ne plaît pas dans sa spécialité), mais d'une foule de petites choses qui exhalent la vertu. . . "

Cette fidélité d'Henri à son professeur, pendant 50 ans, nous indique bien le caractère de notre personnage. Même très jeune, pour lui la qualité première pour un homme se place dans sa disposition constante à faire' le bien et à éviter le mal. Déjà l'élève Henri WALLON apprécie les qualités morales avant les qualités intellectuelles de ses professeurs ; qu'il ait eu des principes de haute élévation morale si jeune est un signe. Et ce sera le même but poursuivi par la professeur Henri WALLON enseignant et l'homme politique dans ses discours, dans ses prises de position. Ce qui explique, peut-être, sa prudence, son effacement, mais aussi sa fermeté à l'occasion.

M.RARA sera son conseiller quand il n'arrive pas à prendre une décision :

« Je vais voir M.RARA et ses conseils, j'espère, m'éclaireront ».

Ce M.RARA était très proche de ses élèves ; une petite anecdote racontée par Henri le prouve et nous donne une idée de l'évolution des idées pédagogiques au 19ème siècle ; une ordonnance de M.de SALVANDY précise que les professeurs devront prendre leurs repas à la table de leurs élèves (justement pour être plus proches d'eux). Apparemment, cette ordonnance ne s'appliquera pas toujours :



"M.RARA a repris son logement au Collège ; il y prend même aussi sa pension, se faisant appliquer, à lui tout seul, l'ordonnance de M.SALVANDI sur les tables communes et partageant en conséquence la nourriture des élèves avec l'avantage de payer l franc de plus qu'eux", nous dit Henri.

Que dire de ces années au collège, outre l'amitié de M.RARA et cette vie de famille ?

Les études d'Henri au collège royal de Valenciennes correspondent avec le ministère FRAYSSINOUS et les collèges royaux à ce moment là avaient un caractère plus que favorable à la religion :

Par une lettre d'avril 1829 de Mme WALLON à sa fille Sophie - à ce moment là à Paris pour suivre les cours du conservatoire -, nous savons qu' "Henri continue brillamment ses études au collège où il remporte les premiers prix."

D'ailleurs Sophie dit à son frère ce qu'elle pense de cet excès de travail et lui conseille tendrement de se modérer dans l'intérêt de sa santé :

"Cette ardeur pour l'étude est bien louable, mais poussée trop loin, je crois qu'elle te serait plus nuisible qu'utile. Non seulement pour ta santé, mais aussi cela peut affaiblir tes moyens (au dire de Jannet et de ces Messieurs du Collège), Si tu te promenais, si tu variais un peu tes occupations, tu reviendrais au travail avec l'esprit bien plus ouvert. Et Maman a besoin de distractions. Ainsi, moucher petit frère, un petit sacrifice à tes goûts ! Promène notre bonne Maman, sois gai, tâche de la distraire et de ne contrarier en rien les projets que nos bons parents ont pour ton avenir. Ils ont bien plus d'expérience que nous ! . . . " Ecris-nous les places que tu as eues depuis que tu m'as donné la liste. "

Cette lettre montre l'intérêt que l'on porte aux études dans la famille WALLON.

Cette même année, nous apprenons par une lettre de Mme WALLON à Sophie qu'Henri désire se faire prêtre. Celle-ci en est bouleversée. A 17 ans, Henri a une foi profonde et réfléchie à tel point qu'il voudrait rentrer dans les ordres. Cette foi lui est bien personnelle, car II ne renoncera à la prêtrise qu'après des supplications plusieurs fois répétées de toute sa famille.

"Je compte beaucoup" écrit Mme WALLON à Sophie, "sur Jannet et sur toi pour lui faire entendre raison et lui faire sentir la barrière qu'il met volontairement entre lui et nous, sans les autres privations que cet état lui impose (l'état ecclésiastique). Les soins et le temps qu'il consacrera à notre vieillesse seront-ils moins sacrés aux yeux de Dieu que le sacrifice de toutes ses aîfections ? Dieu exige-t-il cela de sa créature pour le sauver ?"

A son tour, M. WALLON parle des idées de son fils :



"Depuis quelque temps, je suis réellement triste des intentions qu'il manifeste. Je lui ai dit que jamais il n'aurait à cet égard mon assentiment et que j'espérais bien que d'ici à quelques années, il changerait d'avis. Henri a paru content de ce que je lui ai fait entendre que s'il avait 25 à 30 ans, il pourrait alors faire ce qu'il voudrait. J'ai peur, ma chère Sophie, qu'il ait assez de patience pour attendre cet âge et que, d'après son caractère, il persiste à réaliser son projet. Sa conduite actuelle me donne cette crainte ; il fuit tout amusement. C'est avec peine qu'il accepte le dimanche d'aller faire de la musique."

"Voilà la seule peine qu'il nous ait donnée depuis l'âge de raison", dit Mme WALLON.

Influences de la rhétorique sur la carrière future d'historien et d'homme politique d'Henri WALLON :

JANNET se soucie beaucoup de l'éducation intellectuelle de son jeune beau-frère. Il le suit avec intérêt et ne manque jamais de l'entourer de ses conseils et de son expérience universitaire. Son influence sur la carrière d'Henri a été certainement considérable. Par exemple, il lui envoie 3 volumes pour ses étrennes (nous n'en avons pas les titres).

"Ils t'offriront une lecture utile sous plus d'un rapport. Sans les considérer sous le rapport religieux, qui d'ailleurs les rend fort estimables, j'y vois surtout l'avantage de présenter aux esprits, encore jeunes et inexpérimentés, les principales questions de la philosophie traitées d'une manière à la fois solide, claire et agréable. Tu pourras lire le premier et même le second cette année, si le temps te le permet, car tu as beaucoup de choses à faire comme rhétoricien ; ce sera une sorte de préparation pour ta philosophie. Les plus hauts problèmes de la métaphysique et de la morale sont développés dans ce livre par un homme qui a prononcé ces discours à

Paris dans un temps où, certes, les doctrines qu'il soutient n'étaient pas à la mode. Et cependant, avec force et bonne foi, il a vaincu le dédain et la répugnance de beaucoup de gens qui étaient venus l'entendre avec des dispositions moqueuses et qui sont sortis de sa conférence tout autres qu'ils n'y étaient entrés".

(Ce sera bien là aussi l'œuvre de WALLON dans ses discours politiques).



"Sous le rapport du style, "continue Jannet,"ces morceaux ont, dans un degré éminent, le mérite qui convient au genre. Vus de ce côté, il te sera encore très avantageux de les lire".

Dans des lettres précédentes, Henri laisse entendre le désir qu'a son père de le voir travailler davantage les mathématiques ; mais il ne manifeste aucun goût pour les sciences. Il est plutôt porté vers la littérature et l'histoire, le grec et le latin, qu'il travaille avec passion.

L'influence de la rhétorique sur Henri ne sera pas moindre.

"Cette initiation au discours latin a pour but l'éducation morale. Honneur, dignité, noblesse, vertu, courage, sacrifice, renoncement au monde, en sont les mots-clefs", nous dit A. PROST.

La vie d'Henri WALLON n'en est-elle pas la fidèle représentation ?

Cette lettre de JANNET, sa façon de concevoir les études, (qui convient d'ailleurs bien à Henri, il y réussit), rappelle ce que dit A.PROST à propos de ce genre d'enseignement. Pour celui-ci, ce style d'éducation forme ce qu'il appelle "les notables", et nous pouvons donc dire que la formation d'Henri lui a permis d'accéder à ce groupe de "notables" de l'époque.

"L'enseignement" dit A.PROST "prépare les notables à leur situation future. Du latin, on passe au droit, de la rhétorique à la vie politique. Le duc de BROGLIE le définit en 1844 comme une préparation "aux fonctions libérales, aux fonctions publiques". Le but est explicite. Il justifie, d'ailleurs, l'importance des sujets proprement politiques dans les matières scolaires. Et de ce point de vue, l'efficacité du collège est certaine : c'est une bonne propédeutique à la parole publique".

Cette formation de "rhétoricien" sera encore accentuée par sa classe de philosophie à Douai, et par l'Ecole Normale Supérieure.

Pourtant, malgré sa répugnance pour les sciences, en octobre 1830, Henri rentre d'abord en mathématiques spéciales au collège royal de Douai, poussé par ses parents. Henri loge chez sa sœur et son beau-frère JANNET.

JANNET écrit à M. WALLON :



"Voilà Henri lancé. Ce n'est pas tout, voyant que la chose prenait une si bonne tournure, j'ai poussé à la roue et j'ai parlé de l'Ecole préparatoire. Encore affaire arrangée ; il entre sans difficulté. Pour moi, je le vois déjà à l'Ecole Polytechnique. "

Ces nouvelles sont une véritable explosion de joie dans la famille WALLON, pour qui les sciences et l'Ecole Polytechnique sont le summum de la réussite.

Mais Henri, cette fois-ci, jugera son goût pour les lettres plus important que le devoir d'obéissance à ses parents et, pour la première fois, il se rebelle avec fermeté dans ses lettres, sans pouvoir maîtriser ses mots. Henri est découragé, il ne s'habitue pas aux mathématiques :

"Ces études me deviennent de jour en jour plus fastidieuses et où vous m'avez fourré contre tous mes désirs. . . "17

Cette boutade, qui étonne avec son caractère, a produit une véritable révolution. Les parents ne manquent pas de lui en faire reproche. Finalement, il obtient le consentement de ses parents pour passer en philosophie.

M. WALLON écrit à sa fille peu après :

"Sans cesse mon esprit est occupé de l'avenir de notre bon fils Henri. Sa résolution m'a beaucoup contrarié ! Mais j'espère qu'il ne trompera pas notre attente en se dévouant à une carrière qui n'entre pas dans nos vues. "

Ici, M. WALLON parle de la carrière ecclésiastique.

Il avait déjà été question auparavant de sa carrière. Son père le félicite et l'encourage :

"II faut prendre, mon cher fils, un parti. Fais tes études avec la ferme résolution de te faire admettre à l'Ecole Normale, Tu sais que là, en faisant une déclaration que tu te dévoueras à l'Instruction, tu seras exempt de la conscription. Ne pense plus, Je t'en prie, à la carrière ecclésiastique. Ecoute et suis les conseils de tes parents et amis. Tu as sans doute appris que, pour être curé ou vicaire d'un chef-lieu de canton et d'arrondissement, il faudra avoir été employé de 10 ans dans une commune rurale. Tu sais combien sont petits les appointements alloués aux prêtres des villages. C'est en un mot un triste état sous tous les rapports".

La réaction de M. WALLON s'explique surtout donc pour une question d'argent. Lui-même s'est déjà établi, par sa situation aux Messageries, une situation plus confortable que celle de ses parents. Il souhaite que son fils n'ait pas de gêne de ce côté là, et porte toute son ambition sur celui-ci ; c'est, peut-être, un motif plus important encore à ses yeux que ses convictions personnelles pour lui faire renoncer à la prêtrise. C'est, sans doute aussi, ce même motif qui portait M. WALLON à envisager l'Ecole Polytechnique ; il savait que les universitaires vivaient dans des conditions matérielles pas toujours satisfaisantes. N'ayant pu obtenir d'Henri son accord pour Polytechnique, seule l'Ecole Normale lui paraît une voie digne dans la carrière universitaire. Il n'a pas tort : "Les Normaliens sont l'aristocratie de cette société enseignante ; sociologiquement, les Normaliens constituent une élite parce qu'ils accèdent d'emblée aux postes qui sont, pour le reste du corps enseignant, l'espoir des fins de carrière. "18

Et pourtant, à en croire les difficultés d'Henri dans sa carrière, nous pouvons imaginer que les professeurs sortant des facultés n'avaient pas un sort bien enviable au 19ème siècle.

D'après M. WALLON, l'Ecole Normale présente un autre avantage : elle dispense, par un engagement de 10 ans d'instruction, du service de l'Etat, du service militaire. Ce n'est pas que la famille WALLON soit contre l'exercice militaire (M.WALLON est fier de ses galons de 2ème lieutenant dans la Légion de Valenciennes). A. WALLON appartient à la Garde Nationale, cela nous donne aussi un renseignement confirmant le niveau social des WALLON : la Garde nationale est bourgeoise. Il faut, pour en faire partie, pouvoir s'offrir tout un équipement coûteux. En juin 1831, A. WALLON avait été élu à la majorité des suffrages. Et, pendant la Commune, Henri WALLON s'engagera comme artilleur. Mais, M. WALLON pense, sans doute, que ce serait deux années perdues pour ses études et sa carrière. Henri, sur les conseils aussi de JANNET et de M.RARA, se décide donc pour l'Ecole Normale.

Très vite, en philosophie, il a repris le cours brillant de ses études. Il fait part de ses succès à ses parents ; dans une lettre pour une fois un petit peu espiègle :

"J'ai à vous réclamer 30 sous et pourquoi ? Parce que j'ai été premier en mathématique... J'ai, de plus, à vous réclamer 10 sous : c'est que j'ai été 3ème en philosophie et, quoique je ne vous demandais ordinairement rien pour une place de 36, je pense que dans une classe aussi forte que celle où je suis, on peut bien déroger un peu à cette règle. Ainsi, somme totale : 40 sous. . . "

Ainsi, dans la famille WALLON, le système des récompenses a beaucoup joué !

La fin de l'année scolaire est proche. Sophie annonce à ses parents qu'Henri est reçu bachelier es lettres :

"II a été examiné ce matin, pour la forme, disent ces Messieurs, car aucun d'eux ne doutait qu'il n'ait toute l'instruction nécessaire pour obtenir le diplôme de Bachelier, mais c'est une formalité nécessaire. Je ne crois pas que cet examen l'ait beaucoup intimidé. Du reste, il s'en est très bien tiré."

Donc le baccalauréat n'avait pas l'importance qu'il a aujourd'hui, ni le caractère officiel, le travail de l'année comptait autant.

Arrive la distribution des prix (1ère semaine d'août) à laquelle assiste A. WALLON, très fier des succès de son fils. Puis ils repartent tous à Valenciennes.

Le dossier fourni par ie recteur de Douai pour la candidature d'Henri au concours d'entrée à l'Ecole Normale est on ne peut plus élogieux.



"Dans toutes les classes a obtenu tous les prix. Son caractère est en harmonie avec ses capacités"19

En fin de compte, nous pouvons conclure, après ce que nous venons de dire, qu'Henri sort de ses études secondaires, d'abord profondément religieux, ambitieux de son travail, mais cette ambition est guidée par sa famille, par son sens du devoir, son idéal d'honnête homme et son goût pour les études littéraires.

Nous pouvons aussi retenir cet esprit de famille auquel Henri tient particulièrement. Henri WALLON, homme politique, défendra toujours les droits du père de famille. La famille premier noyau de la société, idée chère à Henri WALLON que nous pouvons associer à une idée de "droite", à une remarque de René REMOND (La Droite en France) :

"Le thème familial est promis, dans la pensée de droite, à une longue et éclatante fortune et l'importance reconnue à la cellule familiale dans l'organisation de la société."

Le trombinoscope de "Touchatout", revue de caricatures des hommes politiques de la IIIème République, reconnaît :



"Doué de très grandes facultés et d'un goût prononcé pour le travail, le jeune WALLON donnera de bonne heure de hautes espérances à sa famille. Il fit de brillantes études et entra à l'Ecole Normale où il obtint de rapides succès".

Le dossier d'Henri présente aussi le procès-verbal de l'examen subi par les aspirants à l'Ecole Normale le 20 août 1831 :



"Le Recteur, assisté de MM. . . a procédé à l'examen des jeunes gens. WALLON, excellent sujet, aussi bon dans les Sciences que dans les Lettres".

Dans un autre état des élèves, on trouve des indications données sur la famille WALLON : "famille justement estimée et considérée" ; et "Henri Alexandre WALLON est destiné à faire un jour honneur au corps enseignant".

Si bien que le rapport de M. le Recteur de l'Académie de Douai du 21 août 1831, dont voici un extrait, est très élogieux :

"Parmi ces candidats, MM. WALLON et VAISSE méritent particulièrement l'intérêt de l'autorité supérieure. Ils se recommandent éminemment par leur caractère, leur conduite, leur amour de l'étude et les nombreux et constants succès qu'ils ont obtenus dans le cours de leurs études. J'ai l'intime conviction que ces deux jeunes gens deviendront des sujets très distingués et qu'ils ne peuvent manquer de faire un jour honneur à l'Université. "


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