Maîtrise d'Histoire (1973) michele grenot


SA CARRIERE LITTERAIRE L'UNIVERSITAIRE



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2. SA CARRIERE LITTERAIRE

L'UNIVERSITAIRE

Introduction


Avant de connaître l'homme politique, suivons l'homme de lettres. Ses débuts dans l'enseignement, sa difficulté à "faire carrière" d'historien, nous sont connus grâce à la correspondance continue jusqu'en 1841.

Nous pouvons constater encore sa persévérance. Henri a eu quelques moments de désespoir, mais il maintiendra sa décision de faire carrière dans l'Université, décision mûrement réfléchie. Quand Henri voit sa carrière barrée par les "grands" universitaires à cause de ses convictions religieuses, il écrit à son père :



"Quant à moi, je ne puis me repentir d'avoir des idées arrêtées et je crois, mon cher Papa, que, lorsqu'on a une conviction, il y aurait lâcheté de la pallier, quoiqu'il en coûte ; je ne reconnais que la vérité. Je n'avancerai pas, soit, mais je regarderai maintenant comme une faiblesse de quitter ma carrière. Te resterai, étudierai et j'écrirai. Peut-être qu'un jour on ne m'étouffera pas d'un dédain. . .". Lettre de 1836.

Etudier, écrire, voilà le schéma de la carrière qu'il envisage alors (il n'envisage pas la politique à ce moment-là).

Finalement, Henri WALLON s'est fait une réputation de savant à son époque et le dictionnaire universel des contemporains VAPEREAU nous dit :

"Agrégé d'histoire, il suivit avec éclat la carrière de l'enseignement".

Nous avons dit que l'Ecole Normale était une porte d'entrée pour l'Université. Malgré tout, ce bagage ne suffira pas à Henri WALLON et nous verrons à quel prix il obtient son poste de Maître de conférences à l'Ecole Normale, de Suppléant de GUIZOT à la Sorbonne, puis de professeur titulaire. Nous aborderons par là l'organisation de l'Université à cette époque, et peut-être pourrons-nous mieux comprendre l'importance du monopole.

Après l'Université, quand nous aurons saisi le style de professeur que représente Henri WALLON, nous pénétrerons dans l'Académie des inscriptions et Belles-Lettres, autre institution à laquelle il donnera beaucoup de lui-même. Par l'étude de ses œuvres, leurs buts, nous approfondirons ses idées.

DIX ANS DE PROFESSORAT DANS L'INSTRUCTION SECONDAIRE.


Dégagé, nous l'avons dit, par l'Ecole Normale de tout service militaire, Henri WALLON doit, par contre, dix ans d'instruction à l'Etat considérés comme "service civil" ; de 1834 à 1846, il sera donc professeur dans deux collèges royaux secondaires : Louis-1e-Grand et Rollin.

Pourquoi Henri WALLON est-il nommé à Louis-le-Grand ?

Les procès-verbaux du concours de l'Ecole Normale font de son examen de sortie l'éloge le plus pompeux. Comme conséquence de cette supériorité, Henri WALLON obtient la place de professeur agrégé à Loui-le-Grand. Le 16 octobre 1834, il s'installe dans ce collège. M.PERROT souligne :

"Seul de sa promotion, Henri WALLON restait à Paris, les autres sont nommés en province."

Quel avantage pour lui ! II pourra profiter des bibliothèques et faire de la recherche : c'est tout ce qu'il désire. En fait, un autre ancien agrégé aurait dû être nommé à ce poste avant Henri WALLON, mais le ministre, qui avait à prendre la décision, l'a choisi à cause de l'intervention de MICHELET en sa faveur. Henri, à peine rentré, va rendre visite à celui-ci pour le remercier. MICHELET appréciait donc déjà Henri WALLON et envisageait de le faire participer à ses travaux. Ce poste serait commode pour cela, puisque voisin de l'Ecole Normale ; ils pourraient ainsi travailler ensemble. Nous verrons en effet combien la carrière d'Henri WALLON dépendra de celle de MICHELET.

Entrer à Louis-le-Grand est donc un privilège. Ensuite, pour entrer dans renseignement supérieur, il faut passer une thèse. Henri WALLON restera donc quatre ans professeur à Louis-le-Grand, de 1834 à 1838. Il dispose de plus de temps qu'à l'Ecole Normale, et pourra enfin se consacrer à un sujet particulier, lui qui y a tant aspiré.

Il dispose de plus de temps, nous dit-il, tout d'abord parce que la préparation de ses classes ne l'absorbe pas beaucoup ; il a tellement travaillé l'histoire à Normale qu'il en sait beaucoup plus qu'il ne faut pour faire la classe à des élèves des 4ème, 5ème, 6ème.

De plus, les professeurs du secondaire ont beaucoup plus de congé : Henri WALLON peut ainsi travailler. Il écrit à sa famille :

"Ne croyez pas que je m'ennuie, l'ennui est rayé de mon dictionnaire, et comme ces quatre jours de congé vont m'avancer dans mon travail".

Si Henri WALLON parle beaucoup plus de ses travaux parallèles à son professorat, que savons-nous de son passage dans l'enseignement secondaire à Louis-le-Grand et plus tard à Rollin où il sera nommé en 1841 ?

Que nous dit M.GERBOD des professeurs de cette époque ?

"Jeunes professeurs, d'une gravité précoce, pleins d'autorité et de science, menant une vie austère, d'une conduite exemplaire et pour beaucoup, il s'agit bien de dévouement sincère."

Etant donné le caractère de notre personnage, tel que nous l'avons décrit dans sa jeunesse, mous n'avons pas de mal à l'imaginer dans cette "représentation" de professeurs. N'est-ce pas d'ailleurs ce même portrait qui se dégage des comptes-rendus d'élèves ou d'inspecteurs sur ses cours, ou même de ce que dit Henri WALLON de lui-même ?

Avant de faire la critique du professeur, voyons ce qu'il enseigne.

« L'histoire » nous dit M.GERBOD. "est une discipline récente, elle ne dispose en 1842 que d'un petit nombre de professeurs spéciaux".

Aussi les professeurs d'histoire sont particulièrement inspectés. Et M.GERBOD ajoute :

"Les professeurs doivent surtout éviter tout ce qui pourrait appeler les élèves dans le champ de la politique et servir d'argument aux discussions de partis".

Ce que nous pourrons constater dans les reproches faits à Henri WALLON sur sa façon d'enseigner : ses digressions sur la religion.

De l'évolution culturelle de cette époque, Henri WALLON fait-il partie ? En fait, quelle est-elle ?

M.GERBOD la caractérise ainsi :



"Foi dans l'homme, la raison et le progrès qui s' épanouissent dans trois cultes : le culte des Belles-Lettres, la fortune de l'éclectisme, le prestige de l'histoire."

Nous avons tenté, dans notre première partie, de saisir la conception de l'histoire chez Henri WALLON, élève de MICHELET, et c'est bien cette foi dans l'homme, la raison et le progrès qui l'attirent dans l'étude de l'histoire. Mais il faut préciser, avec M.GERBOD :



"Si l'histoire conquiert le milieu universitaire, elle n'est pas livrée entièrement à MICHELET. Pour certains professeurs, l'histoire est avant tout une science d'érudition, soucieuse seulement d'exactitude et de précision. Pour d'autres, l'histoire ne peut cesser d'être chrétienne (fidèle à BOSSUET). Mais l'idée que l'histoire est avant tout au service de l'homme gagne du terrain. Cette science, comme la philosophie, doit contribuer aux succès des idées libérales et hâter l'avènement d'une société plus égalitaire et plus démocratique. L'histoire amorce un changement profond dans l'âme universitaire ; celle-ci, figée jusqu'alors dans son admiration pour les modèles de l'Antiquité gréco-latine, prend conscience, à son contact, de l'idée d'évolution et de progrès."

Science d'érudition, chrétienne, au service de l'homme, admiration pour l'antiquité, mais idée de progrès, ne pouvons-nous pas déjà dire que l'histoire vue par Henri WALLON semble avoir tous ces caractères réunis. Henri WALLON n'est-il donc pas à la charnière entre les anciens et les modernes ? Nous le verrons, non seulement dans son enseignement, mais aussi dans ses œuvres, et dans son action politique en faveur de l'instruction.


Ses cours


Voyons, tout d'abord, les témoignages de ses cours de lycée. Pour la génération future, il passe pour un "universitaire à l'ancienne mode". C'est ce que nous dit le fils d'un ami de la promotion de Henri WALLON, CROISET. Il donner aussi un témoignage d'un des anciens élèves de 4ème de Henri WALLON : "C'était un professeur consciencieux, clair, intéressant."

"C'est qu'il avait au plus haut degré les qualités professionnelles et personnelles qui formaient alors l'idéal du professeur de collège", ajoute CROISET.

Et le rapport d'inspection générale pour l'enseignement de l'histoire en 1838-3932 nous le fait paraître plutôt comme un érudit peu pédagogue :



"Etude trop vaste pour peu de temps et pour un profit réel. Point de lectures, point de réflexions, tout est reçu de la bouche du professeur, presque sous sa dictée, en sorte que l'exercice des élèves se réduit à un effort de dactylographe."

Le rapport pour l'année 1841-42 au collège Rollin33 :



"C'est un homme instruit qui ne demandait pas mieux que de réussir au collège, mais qui sent qu'il lui manque certaines qualités pour cela et qui cherche à se tourner ailleurs. "

Ce qui lui manque, n'est-ce pas l'expérience, surtout la difficulté de se mettre à la portée des élèves si jeunes. Le rapport de l'année 1842 l'exprime nettement :



"II lui manque le don d'entraîner, de faire aimer le travail. La parole de M. WALLON, toujours sûre, toujours grave, est peu communicative : il est plus à sa place à l'Ecole Normale entouré de jeunes gens que le sentiment du devoir et les exigences de leur avenir attachent aux études sérieuses que dans un collège et au milieu d'élèves dont les plus grands ne sont toujours que des enfants."

Le rapport insiste aussi sur :



"la science, les principes et le zèle de son enseignement. Il aspire à autre chose que cet enseignement inférieur. "

Henri WALLON ferait-il partie alors de la vieille école d'historiens, ou ne sait-il pas communiquer ce que lui apporte l'histoire ?

Henri WALLON est-il satisfait de ses cours ? Les lettres n'en parlent pas beaucoup. Les travaux annexes l'intéressent plus. En fait, il semble que dans ce début de professorat, Henri WALLON ait été gêné par des problèmes de discipline. Ce ne devait pas être le seul à avoir ce genre de problèmes à l'époque. Les professeurs d'histoire, peu nombreux, avaient donc des classes très nombreuses (plus de 70 élèves, en tout 250 élèves pour les trois classes !!!), aussi était-il fréquent d'avoir recours aux punitions.

Le professeur se plaint surtout des élèves de 4ème, indisciplinés, "se croyant déjà des hommes" et, bien malgré lui, Henri WALLON (il était plutôt indulgent), sur les recommandations du Proviseur et des professeurs plus anciens, se montre, dit-il, "féroce". Combien, en effet, les méthodes employées nous paraissent sévères et démodées. Il écrit, en novembre 1834 :



"Hier, en 6ème pendant que je disais la prière," (l'instruction publique gardait encore quelque aspect religieux : la prière du matin, par exemple), "j'en entends un donner le signal pour répondre Amen. Je m'arrête aussitôt et je le prive de sortie. Cela n'a pas empêché les autres de lâcher quelques "amen". J'envoyai encore deux élèves en prison" (l'expression en dit long), "et j'obtiens le silence. Voyant qu'ils étaient sages, j'interrompis un instant ma leçon pour leur lire quelques contes amusants d'Hérodote. Je crois qu'une bonne manière de les tenir, c'est de les intéresser. Ils sont d'ailleurs fort surpris que je ne lise point sur des cahiers pour faire ma leçon.II sait tout cela par cœur, disait un élève à un de ses camarades".

Ce sont donc les connaissances qui importent plus que la réflexion.

Une autre lettre nous montre son indulgence, et toute sa sensibilité :

"Vous serez contente de moi, je l'espère, ma chère maman. Un élève que j'avais privé de sortie, m'ayant écrit ce matin de la lui lever parce qu'il devait voir sa Maman qu'il n'avait pas vue depuis un mois, je l'ai exempté pour ce seul mot, réfléchissant d'ailleurs que c'est une chose si douce de revoir sa Maman, quand on en est depuis longtemps privé. . .!"

Henri WALLON, timide, ne devait pas être très à son aise devant les Inspecteurs, à en croire ce jugement qu'il porte dans une lettre :



"J'ai pu avoir une idée du ton avec lequel ces MM. les examinateurs, quels qu'ils soient, prétendent juger et caractériser un professeur, anatomiser ses connaissances d'une main aussi hardie que peu sûre. M. de SINNER m'a communiqué les notes qu'ils prenaient, ainsi que le rapport présenté au Conseil. On allait jusqu'à dire comment le professeur tenait sa classe et s'il savait rendre ou non son cours agréable".

(Cela nous paraît à nous assez essentiel, pourtant).



"Tout cela, "ajoute H. WALLON "après une séance de deux heures ! J'en fis mes observations et il répondit, pour justifier ces observations, qu'il ne prétendait pas généraliser ces observations au-delà du temps qu'ils avaient passé dans la classe. ..Mais, je vous demande, si à l'Université on va apporter ces restrictions ?"

Henri WALLON défendra toujours les cours de deux heures, même quand ils seront jugés beaucoup trop longs au moment des grandes réformes du début du XXème siècle.

Nous avons dit que les élèves étaient stimulés par le système des places qui comptait beaucoup, par les prix, et parmi ceux-ci le plus important, le concours général. Nous apprenons par les lettres de Henri WALLON combien les professeurs, vers la fin de l'année scolaire, étaient impatients des résultats et se glorifiaient du succès de leurs élèves. Une année, il raconte ainsi le succès remporté par le duc d'AUMALE au concours général :

"Nous n'avons lu encore que 9 copies et de ces 9 il y en a 8 très faibles. La 9ème, qui est la mienne, leur est supérieure de 10 places."

(Henri WALLON prend à son compte la copie de son élève).



"Mais les meilleures copies du collège Charlemagne (le plus fort) ne sont pas lues ; la copie du duc d'AUMALE, qu'on dit assez fort, n'est pas lue non plus. Cependant vous verrez en moi un homme bien vexé, si cette copie n'a qu'un accessit. "

Henri raconte la remise des prix :



"Le petit duc en avait un, en sorte que c'était presque une séance royale, au moins la Reine et ses enfants y étaient. Mais le Ministre ne s'est pas plus gêné. Ce fut une distribution comme toutes distributions de prix ; mais il y a eu un incident curieux. M. GUIZOT avait dernièrement écrit à M. GUILLARD, rédacteur de la Gazette des Ecoles et professeur de mathématiques à Louis-le-Grand, une lettre extrêmement sévère où il lui disait en propres termes qu'il ne savait rien, pas même tenir sa classe… GUILLARD n'eut rien de plus pressé que de faire imprimer cette lettre et de mettre un article dans son journal avec ce titre : "M. GUIZOT" (qui était ministre)" devient de plus en plus insolent". M. GUILLARD cherchait une justification à toute force, sollicitait les signatures de ses élèves, surtout ceux de l'Ecole Normale. Le hasard lui en fournit une autre plus éclatante : il obtient les deux prix de sa classe au grand concours. ("Je dis : il obtient, car il est généralement admis et reconnu de toute l'Université de Paris que, quand un élève d'une classe a un prix, c'est le professeur qui l'a obtenu - si bien que quand un professeur obtient trois fois le prix d'honneur, il a de droit la croix ! ")

"M. GUILLARD a donc les deux prix. Au moment où on proclame ses élèves, il monte sur son banc : "Le rédacteur de la Gazette, professeur. . . " "Assis, assis, taisez-vous, partez. . ."C'est un brouhaha épouvantable. Le Ministre enfin obtient silence. N'ayant pu parler, M. GUILLARD fit un article encore sur ce texte : "M. GUIZOT devient de plus en plus Insolent. "

Une fols de plus, nous voyons l'importance du Ministre dans l'Université, mais aussi l'importance, pour un professeur, d'obtenir sa popularité : obtenir des prix, la croix, est toute une gloire. C'est une façon d'entretenir l'émulation parmi les professeurs, ce qui engendre quelques querelles universitaires. Les distributions de prix ont de l'importance, non seulement pour cela, mais aussi pour les discours qui y sont prononcés, et qui indiquent l'état d'esprit des professeurs, et surtout l'essentiel des préoccupations des universitaires de l'époque. Un discours du 17 août 1843 de distribution des prix du collège municipal Rollin de Henri WALLON en témoigne.34

Nous pouvons donner à ce discours deux intérêts :


  1. tout d'abord l'enseignement, tel que l'envisage Henri WALLON (et sans doute beaucoup de professeurs du 19ème siècle) :

"L'Université vous a pris enfants à la famille pour vous rendre hommes à la société. "

(Ainsi, pour lui Henri WALLON, le professeur est avant tout un éducateur).



"Elle s'est chargée d'orner votre âme, de régler vos instincts, de développer votre intelligence. "

H. WALLON montre l'importance des vérités morales de l'éducation : guider l'âme.



"La vérité morale est de tous les âges et je ne sais si, par sa simplicité même, l'âge le plus tendre n'est pas le mieux préparé à en comprendre les beautés. Pourquoi, par exemple, cette vérité, sous sa forme divine, la religion, est-elle plus universellement aimée et pratiquée dès l'enfance ? C'est parce qu'elle est plus pure. L'éducation moderne est surtout religieuse."

Ce discours est important à un moment où commence la campagne anti-universitaire. Les catholiques accusent l'enseignement d'être trop anti-religieux. M.GERBOD souligne :



"En 1842, les influences de la politique et de la religion s'exercent plus fortes que jamais sur le corps enseignant."

Henri WALLON tient donc à affirmer que son enseignement vise à développer le sens religieux de ses élèves.



  1. L'autre intérêt de ce discours, étant donné la conjoncture politique justement, c'est le début de la campagne pour la liberté de l'enseignement. H. WALLON défend l'enseignement public comme l'enseignement privé et pour cela emprunte une comparaison à l'Antiquité.

Il décrit l'éducation prescrite par ARISTOTE en Grèce :

"L'Etat n'ayant qu'un même but, l'éducation doit être une et identique pour tous et rester dans les attributions de la communauté et non des familles."

Puis H. WALLON parle de l'éducation à Rome :



"Jamais à Rome la cité n'effaça la famille. La puissance paternelle, élément premier du pouvoir, l'éducation resta donc dans le domaine privé, mais les censures publiques s'élevèrent contre les abus de l'autorité du père. "

"Les sociétés modernes ont emprunté à Rome son respect pour le droit des familles, à la Grèce quelque chose de ses principes sur le droit de l'Etat et à côté de l'éducation privée qu'elles ont maintenue, elles ont fondé l'éducation publique."

Henri WALLON défend les écoles publiques :



"On a donc voulu établir entre les membres de l'Etat un lien plus puissant et pour en former de bonne heure les premiers nœuds, on a fondé des écoles publiques où se cultivent en commun le sentiment national et l'amour du pays. "

Henri WALLON maintient donc (face aux catholiques opposés à l'enseignement public) l'intérêt de celui ci, sa nécessité même pour faire l'unité nationale d'un pays (il défendra toujours l'université dans ce but).

Nous avons donc là le fondement de sa pensée dans la lutte contre le Monopole, les écoles privées existant pour défendre le droit du père de famille, s'il désire cette forme d'enseignement pour ses enfants.

Autre préoccupation universitaire de l'époque : la lutte entre les classiques et les modernes. Dans ce que nous avons dit des cours d'Henri WALLON, celui-ci nous paraît plutôt classique. Ce discours, par certains côtés, aussi : toute une partie de ce discours est consacrée à l'Antiquité, avec de nombreuses citations (d'ailleurs analyse bien compliquée et bien longue pour de jeunes élèves, et nous n'en citons que quelques idées) ; mais l'Antiquité est vue, ici, comme modèle pour faire "progresser" l'éducation moderne et H. WALLON défend l'éducation moderne :



"qui ne néglige pas ce qui s'adresse au corps, initie aux mécanismes des langues . "

Henri se montre favorable à l'enseignement des « sciences qui tirent de quelques axiomes tant de vérités précieuses ou dérobent à la nature ses secrets les plus merveilleux ! »



"Avec la philosophie, vous avez étudié l'homme, avec l'histoire l'humanité. L'histoire nous associe aux épreuves de l'humanité et nous en communique son enseignement. "

II voit donc dans l'histoire l'idée moderne de progrès. Autre idée nouvelle, l'enseignement ne doit pas former seulement des théoriciens :



"Celui-ci," dit-il, "n'est pas seulement une théorie, mais une méthode qui conduit à l'action."

Nous verrons ce que deviendront ces fondements pédagogiques de la conception de l'enseignement, quand H. WALLON sera bien placé dans l'Université et dans la politique pour agir sur l'organisation de l'Instruction Publique : former l'âme, développer l'intelligence, mais avec les idées modernes d'un enseignement plus pratique, avec des langues, des sciences, du sport.


Ses autres activités


Nous avons vu H. WALLON avec ses élèves. Quelles sont ses autres activités ?

D'après les lettres, H. WALLON ne semble pas avoir beaucoup de contact avec le Proviseur :

"Un de mes grands désappointements, la semaine dernière, est d'avoir été à la soirée du Proviseur, croyant y trouver un concert tout organisé et de n'y avoir vu qu'une table de jeu ! J'aurais volontiers repris mon chapeau."

Il semble aussi que les contacts avec les parents qui existaient quand môme avaient, à cette époque, un côté plus mondain que pédagogique. C'était pour les professeurs un devoir de "savoir vivre" d'aller rendre visite aux mères de famille pour la nouvelle année. Préoccupé de ces visites (qu'il est obligé de faire) il prie Sophie de lui indiquer les règles de conduite à suivre vis-à-vis de ces dames "car me voilà lancé dans cette maudite société qui me déplaît tant. . . "

Quelles sont alors les distractions d'Henri WALLON ?

A part sa vie largement occupée par ses cours et son travail, II raconte quelques invitations, par exemple chez les GUIGNIAUT (son directeur à Normale), chez M. HACHETTE (relation de H. WALLON qui lui permettra de publier un petit ouvrage de géographie pour se faire de l'argent), chez d'autres amis professeurs, etc.

En outre, une fois par semaine, il va rendre visite à son confident, M. RARA.

II lui arrive d'assister à une séance à la Chambre. Il nous raconte aussi la réception de GUIZOT à l'Académie Française :



"En sortant de classe un de mes collègues m'offre un billet. Je me suis empressé de profiter de cette occasion si recherchée et je sors maintenant de la séance. Le discours était si grave, si beau, si digne, que cela fait du bien à entendre. "

H. WALLON avait donc déjà un œil admiratif et plein d'envie sur la Chambre et l'Académie. Imaginait-il déjà qu'il siégerait à ces deux Assemblées, qu'il y prononcerait des discours importants ? Nous voyons qu'il y était préparé. Est-ce que cela ne représentait pas, pour ces jeunes professeurs pleins d'admiration pour leur modèle (GUIZOT etc.), le summum de la réussite ?

La distraction essentielle d'Henri WALLON est la musique. Dès qu'il le peut, il se rend à des concerts et il a un abonnement tous les quinze jours. Par exemple, il a entendu la Symphonie Héroïque de BEETHOVEN ; ce qu'il y a d'intéressant, c'est son jugement sur cette symphonie dont l'exécution en France représentait une nouveauté :

"Jamais morceau de musique ne me fit tant d'impression, au milieu de la vie et de la variété de ce grand tableau, cette phrase héroïque qui revient sans cesse, comme l'âme de tous les rangs, comme le sentiment de la valeur qui inspire cette bataille... "

Aussi dans une lettre du 6 mars 1838, H. WALLON, voulant détourner ses parents de ses propres soucis (nous verrons lesquels), écrit :



"II ne faut pas croire non plus que je me refuse des distractions : deux concerts, un chez le Proviseur, un autre chez M. d'ESCHTAL "(il donnait des répétitions à sa fille), "où j'ai entendu CHOPIN. . .Je n'ai jamais rien vu de plus magnifique. . .

En 1838, CHOPIN a 28 ans, depuis 1831 il s'est établi à Paris où il se lie avec G.SAND. C'est ainsi qu'on peut l'entendre dans des concerts publics ou privés et qu'Henri WALLON a la chance de l'entendre.

Cependant, même pendant ces années de professorat, l'essentiel pour H. WALLON est la préparation de grands travaux universitaires ses lettres en témoignent. Il prépare deux thèses, en outre travaille pour MICHELET et participe à l'élaboration de manuels d'histoire dans la collection DURUY ; et c'est aussi l'époque où il présente le Prix de l'Institut, dont la réussite sera si importante pour sa carrière.

Mais si ces recherches savantes sont tout ce qu'il aime, il est obligé de faire ce qu'il appelle des "petits travaux", car, comme tous les enseignants à cette époque, il a besoin d'argent.

M.GERBOD parle de "traitements modiques" des professeurs. Seuls "les professeurs titulaires de l'enseignement supérieur et les professeurs agrégés célibataires s'estiment satisfaits de leur sort", nous dit-il.

Or, H. WALLON n'a pas de "titre". Nous le verrons d'ailleurs se battre pour l'obtenir, et il y tient d'autant plus qu'en 1839 il se marie avec Mlle Hortense DUPIRE, d'origine valenciennoise. S'il veut pouvoir continuer ses chères études, il a besoin d'argent. C'est pourquoi il s'inquiète de la dot de sa future femme. Des lettres amusantes nous font part de ses idées sur le mariage :



"Grâce à Dieu, je me crois le cœur trop haut placé pour faire jamais un mariage d'argent. Je ne fais pas, il est vrai, complète abstraction de la fortune. On se marie pour avoir des enfants. Or, si j'épousais une femme qui ne pourrait subvenir à son entretien et au leur, je compromettrais tout mon avenir. Ce temps que je veux donner à l'étude devrait être donné à des répétitions pour avoir à la fin du mois de quoi manger. Mais il y a des qualités que je juge bien préférables à la fortune. Il faut que je sois sûr de trouver dans une femme ce fond solide de sentiments pieux, garant de tous les autres sentiments, et pour cela, il ne suffit pas d'avoir été élevé dans une famille chrétienne. Ce fond bien assuré, je serais sûr alors d'y trouver cette affection à tous les devoirs, cette douceur de caractère, cet amour de l'intérieur. Cette simplicité de goûts qui répondent à mes goûts, cet amour de l'occupation qui me laisse également occupé quelques heures sans craindre d'avoir près de moi une femme qui s'ennuie. " "Pour les arts, j'y tiens peu, je l'avoue : c'est souvent un motif de distraction, mais, quoique je ne coure pas la société, je vois une société tout à fait choisie et je ne voudrais pas y mener une femme qui me ferait rougir par un ton commun. "

Nous reconnaissons bien là le caractère d'Henri WALLON ; il désire une femme "pieuse", "de devoir", douce, pas trop mondaine, mais sachant vivre en société. Il est fier de vivre dans "ce milieu choisi", société plus intellectuelle que celle de Valenciennes. Et puis nous réalisons le rôle de la femme au 19ème siècle, tout au moins dans ce milieu : plus femme d'Intérieur qu'artiste.

Et le problème d'argent est important pour Henri WALLON. Les professeurs de cette époque étaient obligés de donner des "répétitions" ou de se donner à des "travaux de librairie", nous dit M.GERBOD. C'est bien ce à quoi Henri WALLON a recours pour compléter son traitement. Il raconte à sa mère qu'on lui propose une répétition à 3F la leçon, mais il refuse :

"Je ne veux point interrompre mes études pour trop peu de choses".

II lui écrit plus tard qu'il est très pris par ses classes et par les répétitions qu'il donne dans une institution de demoiselles. Et l'année suivante :



"A propos de mes occupations, je continue mes leçons chez M. d'ESCHTAL, mais je ne vais plus à l'institution MASSIN, cela m'arrange assez pour que je puisse travailler pour M. MICHELET sans abandonner mon droit que je pousse ferme en ce moment."

C'est par nécessité qu'H. WALLON donne des répétitions, il préfère bien plus son droit ou les travaux avec MICHELET. Il a aussi recours aux travaux de librairie. Il refuse, cependant, un travail à M. HACHETTE :



"J'ai remercié de grand cœur M. HACHETTE d'un travail qu'il me proposait : c'était une petite histoire de France pour insérer dans une collection de livres destinés à l'éducation des demoiselles. Je ne me soucie pas de ce genre de travaux, quoiqu'il ait réuni pour cette collection des hommes auxquels j'aurais dû m'estimer fort honoré de me trouver associé. Je ne veux pas faire de l'histoire à l'eau de rosé. .. "

Nous voyons se dessiner le portrait de Henri WALLON historien, dont les travaux sont plus d'érudition que de vulgarisation. Peut-être, en cela, est-il tout à fait du 19ème siècle, "universitaire à l'ancienne mode", comme dit CROISET.

En décembre 1837, il a décidé d'accepter les offres d'un éditeur pour faire une petite publication de géographie :

"Je tâcherai de la mener à bien. J'avoue que je regarde pourtant cette étude comme une étude détournée, c'est une chose dont je ne tirerai probablement que peu d'argent et si j'avais une place qui me permît de m'en passer, je me serais adonné à des études plus sérieuses qui pourraient mener plus loin. J'ai quelque grain d'ambition, je l'avoue, que mon attente soit trompée ou non par la suite... "

Donc, H. WALLON a l'ambition de faire carrière parmi les historiens universitaires. Pour cela, il travaille énormément et nous verrons qu'Il met tout en œuvre pour y arriver. Les lettres suivantes donnent quelque précision sur ce travail de géographie ; au départ, il n'avait délaissé l'histoire que pour se faire de l'argent, mais finalement cela le passionne. Il s'agit d'un manuel de géographie ; et finalement il se réjouit de cette première publication, il écrit à ses parents :



"Pardonnez à votre ambitieux de fils ! Pour toute pâture à cette ambition, vous allez un de ces jours le voir vendre chez LEMAITRE, 2 francs les deux, les "Wallons", 20 sous la pièce ! Quel bonheur pour vous, mon cher Papa, quand vous verrez un élève allant au collège avec un "Wallon" sous le bras. On apprendra du Wallon et quand on ne le saura pas, 10 fois du "Wallon" à rapporter. . .Vous aurez dans votre bibliothèque un "Wallon" relié en veau. Je ne crois pas qu'on le cliche."

Nous savons par une lettre à son beau-frère JANNET de quoi il s'agit :



"J'ai proposé à BURETTE "(son collaborateur) "de faire deux cahiers de géographie moderne au lieu d'un cahier pour ces temps modernes et un pour la France. Il m'a dit que j'en étais parfaitement libre, que je n'avais même pas besoin d'en parler au libraire à qui nous devons donner une géographie universelle en six cahiers, condition qui sera parfaitement remplie.

Ainsi, j'en reviens à l'espérance d'avoir terminé pour Pâques, après quoi je pourrai me mettre à un travail non payé, ce que j'aime beaucoup mieux ; sans cet arrangement je serai vraiment désespéré d'avoir sacrifié une année entière à ce travail ingrat ! Le travail que je fais maintenant me déplaît parce que c'est de la marchandise ! "

Plus tard, il écrit à son Père :



"Vous recevrez bientôt, mon cher Papa, mon cahier de géographie de la France. Je crois qu'il vous fera plaisir au moins dans sa partie contemporaine. "

En effet, en 1838, H. WALLON a publié "La géographie politique des temps modernes" pour le cours de seconde (faisant partie de l'ensemble des cahiers de géographie historique faisant suite aux cahiers d'histoire universelle publiés par MM. BURETTE, DURUY et WALLON : BURETTE pour la géographie ancienne, DURUY pour le Moyen-Age, WALLON pour les temps modernes).

En 1839 a été publiée "La géographie politique de la France depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution de 1789" (en collaboration avec V. DURUY, auteur de la première partie qui va jusqu'à la mort de Louis XI). Ce qu'il y a de nouveau justement, c'est cette période contemporaine, il traite la révolution et même un peu au-delà. C'est sans doute pour cette étude des temps modernes qui parle de la Révolution que le journal satirique. La Ménagerie Républicaine, dans sa notice biographique complémentaire à la mort de WALLON, dit de cet ouvrage :"Il fut très remarqué".

Si nous regardons ces ouvrages de géographie politique, ils nous paraissent bien insipides. Pratiquement sans aucune carte, or il s'agissait surtout de montrer l'évolution des frontières au cours de l'histoire, et on se demande comment des élèves de 6ème ou de 2ème s'y retrouvaient. D'autre part, dans les rapports d'inspection, Henri WALLON se plaint de n'avoir pas de cartes pour faire son cours ! Et, comme le dit M. GERBOD, les manuels n'évolueront qu'avec la nouvelle collection DURUY à la fin du second empire, plus clairs, etc...



"Refondus et réédités, les manuels de BURETTE ne perdront leur clientèle scolaire qu'au fur et à mesure de la publication de la collection Victor DURUY. "

Ce sera les seuls manuels de H .WALLON. Il ne semble pas qu'il ait saisi l'importance pédagogique des manuels scolaires ou plutôt seuls les travaux de recherche l'intéressent. C'est le moyen qu'il envisage pour se faire une place dans l'université. Dans une certaine mesure, cependant, comme l'atteste une lettre de H. WALLON à DUPANLOUP du 27 août 1858, H. WALLON s'intéressait aux programmes scolaires. Répondant à la demande de Mgr DUPANLOUP de lui donner des renseignements sur le "Précis" de M. CHERUEL, H. WALLON l'assure du caractère modéré de son auteur et ajoute :



"II faisait partie avec moi et deux autres professeurs de la commission qui a été chargée de réviser les programmes pour les ramener à une forme plus simple. . . "

(Sans doute s'agit-il de la réforme de SALVANDY de 1846 pour simplifier l'enseignement d'histoire et de géographie).



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