PHILIPPE COSPEAU,
«
PRELAT ACCOMPLI
» ,
D EVANT PORT-ROYAL ET LE JANSENISM E
p a r Emile JACQUES
Bien qu ’en France le nom de Philippe Cospeau (dit
Cospéan) soit assez fréquem m ent cité pour son rôle dans
l’histoire religieuse de la prem ière moitié du XVIIe siècle, le
détail de sa vie reste encore m al connu. Certes, quelques
historiens lui ont consacré des notices ou des articles, m ais
ceux-ci p résen ten t des lacunes et parfois m êm e des erreurs.
Le personnage est cependant attach an t. Mme de Motte-
ville, qui l’a observé de près, ne l’appelle-t-elle pas, dans ses
Mémoires,
« le saint de la Cour » ? Sainte Jean n e de C hantal
le considérait comme « une âm e sainte et innocente ». De nos
jours, l’abbé H. Bremond a été jusqu’à le qualifier de « F ran
çois de Sales flam and». En a tte n d an t l’avènem ent de l’étude
que nous préparons à son sujet, nous considérerons ici un as
pect particu lier de sa biographie, à savoir son attitude à l’égard
du m onastère de Port-Royal et du jansénism e à ses débuts.
Voici, a u préalable, quelques repères qui jalonnent sa
carrière. Philippe Cospeau est né le 15 février 1571, à Mons,
capitale du H ainaut, dans les Pays-Bas espagnols. Son père
était m édecin et av ait enseigné p en d an t quelque tem ps à
l’université de Douai, à laquelle était égalem ent attaché un
de ses oncles, professeur de langue grecque. T ant du côté
m atern el que p a r son ascendance paternelle, il ap p arten ait
à la bonne bourgeoisie de la cité hennuyère. Un tra it curieux
que personne ne semble avoir rem arqué, c’est que m aître
Louis Cospeau, son père, fu t compromis avec les rebelles
protestants lorsque, en 1572, le comte Louis de Nassau, frère
136
du prince d ’O range, s’em p ara passagèrem ent de Mons. La
ville a y an t été reprise p a r le duc d’Albe, les biens du m énage
Cospeau fu ren t saisis et vendus. Mais en 1574, le médecin
bénéficia d ’une am nistie générale ; il retro u v a dans la suite
son ra n g parm i les catholiques montois.
Après avoir fait ses hum anités au collège de Houdain,
en sa ville natale, Philippe y reçu t une prébende canoniale
en la collégiale Saint-G erm ain (1588). Il p a rtit pour l’u n i
versité de Louvain, où il rem p o rta brillam m ent le titre de
m aître ès arts. Il enseigna pen d an t quelque tem ps la philo
sophie à la faculté des A rts de cette ville, qui se relevait péni
blem ent des ravages causés p a r les récents troubles religieux
et sociaux ; m ais il n ’e n tra pas à la faculté de Théologie. Il
suivit, en élève libre, les cours de l’hum aniste Juste Lipse et
l’enseignem ent théologique du jésuite Léonard Lessius. En
1598, pro fitan t de la paix de Vervins, qui venait de réconci
lier la France et l’Espagne, il se ren d it à Paris et y fréq u en ta
la faculté de Théologie. Il y p rit le grade de bachelier, exerça
en 1603 les fonctions de « p rieu r de Sorbonne » et fu t prom u
licencié en 1604 (il fu t le deuxièm e d’une prom otion de q u a
rante-deux étu d ia n ts). Enfin, il reçu t le bonnet de docteur en
théologie dans le cou ran t de la m êm e année. Dans l’in te r
valle, tout en poursuivant ses études, il s’était acquis la ré p u
tation d’un excellent prédicateur. Sa notoriété au g m en ta en
core lorsqu’il enseigna à Paris la philosophie et certaines
m atières théologiques. Il se créa ainsi de hautes relations,
civiles et ecclésiastiques (les Gondi, les Ram bouillet, le duc
d’E pem on...), qui allaien t favoriser sa carrière. En 1605, il
en tra comme chanoine au chapitre m étropolitain de C am
brai. En 1607, grâce à d ’Epem on et sans doute après s’être
fait naturaliser, il devint évêque d ’Aire-sur-Adour, en G as
cogne. De 1614 à 1616, il ad m in istra l’archevêché de Toulouse
à la place du fu tu r cardinal de La Valette, fils du duc d ’Eper-
non. Il q u itta son diocèse en 1621 po u r passer à la tête de
celui de Nantes. En 1636, il ab an d o n n a ce dern ier po u r occu
per le siège épiscopal de Lisieux. Il m ourut en 1646, au ch â
teau des Loges, non loin de cette ville, et fu t en terré à Paris,
chez les Bénédictines du Calvaire, dont il était le supérieur
et le protecteur.
Cospeau fut, ju sq u ’à un certain point, un « évêque de
137
cour », m ais dans le bon sens de cette expression : sans négli
ger ses obligations diocésaines, il ren d it d ’appréciables ser
vices au sein de la h au te société réunie au to u r des souverains
français. On le trouve d ’abord aum ônier principal de la reine
M arguerite de N avarre, et adm is dans l’entourage im m édiat
d ’H enri IV, dont, en 1610, il prononcera l’oraison funèbre à
Notre-Dame de Paris. Dans la suite, préd icateu r et conseiller
du roi, il p rê te ra son aide spirituelle à A nne d ’A utriche lors
de son p rem ier accouchem ent (il vit donc n aître Louis XIV),
et sera un des ecclésiastiques qui assisteront Louis XIII en
ses derniers moments. Richelieu, après avoir été son élève, lui
avait accordé son estime, mais il se m éfiait quelque peu de
sa franchise. M embre du Conseil de conscience pen d an t la
Régence, Cospeau déplut à M azarin, qui craig n ait le p a rti des
dévots et la coterie des « Im portants ». Le m inistre passa outre
aux regrets d ’Anne d ’A utriche et s’a rra n g e a pour faire re n
tre r dans son diocèse ce p rélat trop intègre et aussi trop
attach é à la m aison de Vendôme. A Lisieux, Cospeau, proche
du term e de sa vie, pu t se rem ém orer les relations q u ’il av ait
nouées avec des personnalités exceptionnelles : sain t V incent
de Paul, sainte Jean n e de Chantal, saint François de Sales,
sain t Jean Eudes, les cardinaux du Perron, de Richelieu, de
Bérulle, de La Rochefoucauld, de Retz, de La Valette, l’évêque
Jean-P ierre Camus, dont il fut, dit-on, « l’ange g ard ien » , le
Père Joseph de Paris (l’Em inence grise), et aussi divers
hom m es de lettres (Guez de Balzac, Théophile de Viau, Saint-
Amant, Voiture...).
Certains, tel l’abbé R ohrbacher dans son Histoire univer
selle de l’Eglise (1848-1849), ont accusé Cospeau d'avoir été
« l’un des prem iers fau teu rs de la triste hérésie du jansénis
me». Nous nous abstiendrons ici de p o rter un jugem ent sur
le m ouvem ent, si complexe, d ’idées et de sentim ents que
couvre le m ot de jansénism e. Nous exam inerons plutôt dans
quelle m esure notre p rélat fu t tém oin de la naissance et du
développem ent de ce m ouvem ent et quel degré d ’adhésion
ou de refus il lui apporta.
Les historiens s’accordent pour dire que l’ancêtre du
jansénism e fu t le baianism e. Michel de Bay (Baius), né en
H ain au t (à une douzaine de kilom ètres de Mons), en 1513,
professeur à la faculté de Théologie de Louvain, g ran d lec-
138
te u r de saint Augustin, s’était engagé dans les difficiles pro
blèmes de la n a tu re et de la grâce, du libre arbitre, de la
justification et de la prédestination. A côté d’adhérents, ses
opinions avaient rencontré des adversaires qui lui rep ro
ch èren t des propositions aventureuses. Celles-ci fu ren t
condam nées p a r la bulle Ex om nibus afflictionibus, signée
p a r Pie V le 1" octore 1567. A près diverses péripéties, qui
d u rè re n t jusqu’en 1580, Baius s’était incliné. Il m o u ru t en
1589. Mais le feu couvait sous la cendre.
A rrivé à Louvain vers 1588, Cospeau eut certainem ent
connaissance de ces controverses, dans lesquelles intervint
en outre un disciple de Baius, le professeur Jansonius ( +
1625). Il fu t aussi, sans nul doute, inform é d’une a u tre polé
m ique qui, cette fois, av ait opposé la faculté de Théologie
aux PP. Léonard Lessius et Jea n Hamélius, deux m em bres de
la Compagnie de Jésus, contre laquelle, comme d ’au tres un i
versités, celle de Louvain se tro u v ait alors obligée de défendre
son monopole d ’enseignem ent, g a ra n ti p a r ses statuts. Ces
deux religieux av aien t enseigné, dans les m atières de la
grâce, du libre a rb itre et de la prédestination, des conceptions
que ne pouvaient approuver les professeurs de la Faculté.
Ceux-ci reprochaient aux jésuites d’accorder trop d ’autono
mie à la liberté hum aine, de réduire le rôle de la grâce divine
(les docteurs louvanistes l’estim aient efficace p a r elle-même),
de s’é carter de la doctrine de sain t A ugustin et de tom ber
dans le pélagianism e. Ils cen su rèren t une bonne tren tain e de
propositions soutenues p a r Lessius (1587) et obtinrent le m ê
me jugem ent de la faculté de Théologie de Douai (1588). Ce
litige alarm a le Saint-Siège, qui im posa le silence aux deux
parties, tout en les laissant libres de conserver chacune son
opinion q u an t à l’objet de leurs débats.
De quel côté Cospeau se rangea-t-il à ce m om ent ? Elève
de Lessius, disciple de Ju ste Lipse, qui était fort lié avec les
jésuites et particulièrem ent avec ce théologien, il devait, peut-
on supposer, pencher vers la Compagnie. A côté de cette p ré
somption d’ordre purem ent psychologique, il en est une autre,
qui, orientée dans le m êm e sens, résulte d’une lettre que
Cospeau, alors évêque depuis pas m al d’années, ad ressa à
Lessius à l’occasion d’une controverse relative au cardinal
de Bérulle : il term in ait cette missive p a r des form ules de
139
respect où il se félicitait de l'avoir eu pour m aître in theolo-
gicis.
Mais peut-être n ’était-ce là qu ’un fait personnel et
limité.
En to u t é ta t de cause, il a p p araît que Cospeau fut, à peu
de chose près, tém oin des antécédents du jansénism e ; aux
Pays-Bas, dans le même ordre d ’idées, il fut contem porain
des discussions De auxiliis,
qui, pen d an t ses études en Sor
bonne, opposèrent les dom inicains et les jésuites, toujours
su r les arides problèm es de la liberté, de la grâce et de la
prédestination.
Un au tre tra it vient s’ajouter ici et précise un peu la
position doctrinale du jeune théologien ; dans une lettre
adressée à Scaliger le 14 novem bre 1602, Jacques Gillot,
conseiller a u G rand Conseil et l’un des a u teu rs de la Satire
Ménippée,
écrivait : « Il y a ici un Flam and nom m é Cospeau,
docteur en théologie (sic),
écolier de M. Lipse, qui a grande
réputation, homme de bonne façon, grande mém oire et fo rt
versé dans saint A ugustin». L’augustinism e, comme à la
faculté de Théologie de Louvain, comme à celle de Paris,
av ait donc la fav eu r de Cospeau. C’est ce q u ’attesten t aussi
les éditeurs des M émoires
de Lancelot qui, dans une note,
font allusion aux « excellentes prédications » où le fu tu r
p rélat « faisait p a ra ître q u ’il av ait beaucoup lu saint A ugus
tin». Il semble aussi avoir beaucoup pratiqué saint Paul, car
ses écrits contiennent de fréquentes références à cet apôtre.
On ne p eut cependant perdre de vue qu ’au cours de ses
études — d’abord auprès de Lessius, à Louvain, puis à Paris,
avec des professurs tels que Philippe de G am aches et A ndré
Du Val — il s’était sérieusem ent initié à la théologie de sain t
Thom as d ’Aquin, dont la Som m e
tendait finalem ent à se
substituer aux Livres des Sentences
de Pierre Lombard. Mais
il est vraisem blable que, chez Cospeau, la ra id e u r scolas
tique était m itigée non seulem ent p a r l’effet de son heureux
caractère, m ais encore p a r l’esprit augustinien et aussi p a r
les conseils de son prem ier m aître, Lessius, pour qui « la théo
logie ne prétend pas seulem ent ren d re sav an t et habile à la
dispute ; p a r la contem plation assidue des m ystères divins,
elle veut nous ren d re sages et saints et supérieurs aux choses
hum aines ».
Les affaires du siècle, Cospeau dut s ’en occuper attenti-
140
vem ent p en d an t les années q u ’il passa à gérer, d’une part,
son prem ier diocèse, celui d ’Aire-sur-Adour, troublé p a r les
protestants, et d ’au tre part, p en d an t deux ans, l’archevêché
de Toulouse. A cela s’ajouta la p rép aratio n de l’assemblée du
clergé de 1617, a u cours de laquelle il prononça devant le roi
une Rem ontrance du Clergé de France, fort rem arquée, qui
le plaça d’emblée parm i les prom oteurs de la Réforme catho
lique. En m êm e temps, il se g ard ait de perdre de vue son
protecteur, le duc d ’Epem on, gouverneur de la Guyenne, et
ses relations de Paris. Celles-ci com prenaient, outre des p er
sonnes de h au te condition déjà citées (les Gondi, les Angennes
de Rambouillet...), des universitaires et des ecclésiastiques,
dont certains allaient g ra n d ir en réputation, tels V incent de
Paul et Nicolas Coeffeteau, eux aussi aum ôniers de la reine
M arguerite, ou encore Pierre de Bérulle et ses O ratoriens.
AVEC SAINT-CYRAN ET BERULLE
A la fin de son séjour à Aire et peu après son tran sfère
m ent à l ’évêché de N antes (1621-1622), Cospeau, devenu une
personne en vue, se tro u v a mêlé à quelques épisodes qui
p résen ten t de l’im portance p o u r le sujet tra ité ici. La chrono
logie de ces événem ents e t leurs rap p o rts m utuels sont p a r
fois difficiles à préciser en détail. Aussi nous bornerons-nous
à les dessiner à grands traits, en nous lim itant, po u r l’ins
tant, à l’approche et au début de la décennie de 1620-1630.
R em arquons to u t d ’abord q u ’en septem bre 1620, Louis XIII
et son arm ée é ta n t de passage à Bordeaux, où ils p ré p a raien t
la soumission du Béarn, Cospeau vint saluer le souverain et
la Cour ; il fit ainsi la connaissance de R obert A m au ld d ’An-
dilly, jeune courtisan am bitieux, et lui tém oigna une sym pa
thie paternelle, dont les lettres du second conservent la m é
moire. Pour le surplus, le duc d’Epem on, protecteur de Cos
peau, et son fils, le cardinal de La Valette, étaien t en très
bons term es avec d’Andilly.
Celui-ci, très rép an d u dans le monde, collectionnait les
amitiés. Parm i ses m eilleures relations, il com ptait Sébastien
Bouthillier, doyen du chapitre de Luçon, dont l ’évêque était
alors A rm and du Plessis, le fu tu r cardinal de Richelieu. O r
141
Bouthillier fréq u en tait depuis longtem ps Jea n D uvergier de
H auranne, qui devint abbé de Saint-Cyran en juin 1620. C’est
lui qui présen ta ce d ern ier à A rnauld d ’Andilly dans le cou
ra n t de cette année, favorisant ainsi des liens qui allaient
d u rer jusqu’à la m ort de Saint-Cyran.
A son tour, A rnauld d’Andilly profita du séjour de Cos-
peau à Paris, en 1622, pour lui faire connaître D uvergier de
H auranne. « Ce fut, dit le P. Rapin, à cause de sa profonde
érudition que Saint-Cyran s’insinua dans son amitié, car ce
p rélat aim ait les savants et les gens de lettres. » En vérité,
il v au d rait mieux dire que le nouvel évêque de N antes renoua
avec D uvergier car celui-ci av ait suivi les leçons de Cospeau
à la M ontagne Sainte-Geneviève, lorsque, rev en an t de Louvain
en 1604, il av ait étudié à la faculté de Théologie de Paris. Le
m aître et l’élève avaient en commun d ’avoir été disciples de
Lessius et d’avoir bénéficié des encouragem ents de Juste
Lipse.
Ajoutons que Cospeau connut aussi, et fort bien, Sébas
tien Bouthillier, qui lui succéda à la tête du diocèse d ’Aire-
sur-Adour, et qui lui p o rtait une profonde estime.
Saint-C yran et, dans une m oindre m esure, Bouthillier,
étaien t liés avec Corneille Jansénius, professeur à l’U niver
sité de Louvain. Le fu tu r évêque d ’Ypres connaissait Cospeau ;
on trouve m ention de ce dernier, en novem bre 1621, dans la
correspondance de Jansénius.
Comme le fait re m a rq u e r Lancelot dans ses M émoires, le
réseau dont nous venons de soulever quelques m ailles en
com prenait pas m al d ’autres. Ainsi, on sait que Robert
A rnauld d ’Andilly était le frère aîné de la M ère A ngélique de
Sainte-M adeleine, la réform atrice de Port-Royal, et que p a r
là s’explique l’intervention de Saint-C yran dans l’histoire du
m onastère. Sans doute est-ce p a r la m êm e voie que Cospeau
fu t am ené à prononcer à Port-Royal des Cham ps, au p rin
tem ps de 1621, neu f serm ons que, dans une lettre à Robert,
la M ère A ngélique disait « adm irables ». La correspondance
de cette religieuse nous ap p ren d qu ’en 1623 et 1624, elle, son
frère et Cospeau (qu’elle appelait « le bon M onseigneur de
N an tes» ) continuèrent d ’en treten ir des rap p o rts amicaux.
C’est une au tre figure rem arquable, le P. de Bérulle, qui,
vers le m êm e m oment, e n tra dans la vie de Cospeau. Certes,
142
ils devaient se connaître depuis un certain temps, car ils
cultivaient des relations communes, tels V incent de Paul,
A ndré Du Val, Eustache de Saint-Paul Asseline, A rnauld
d ’Andilly, Sébastien Bouthillier ; de plus, ils fréq u en taien t
l’un et l’autre, le salon de Mme Acarie, qui accueillait des
ecclésiastiques et était cousine de Bérulle. Une prem ière
form ation hum aniste et un m êm e attach em en t à l’augusti
nism e étaient de n a tu re à les rapprocher. Mais c’est à la suite
de circonstances fortuites que Cospeau fu t am ené à prendre
publiquem ent p arti po u r le fon d ateu r de l ’O ratoire, engagé
avec les deux carm es dans la querelle des vœ ux de servitude
à Jésus et M arie ; il en vint ainsi à s’élever vigoureusem ent
contre les jésuites de Bordeaux et diverses personnes, dont
son ancien m aître Lessius et le professeur Du Val. Il poussa
m ême ses dém arches en fav eu r de Bérulle jusqu’au cardinal
Bentivoglio, protecteur de la France à Rome.
Parallèlem ent, Saint-Cyran, que le P. de Condren avait
présenté à Bérulle en 1620, m it to u t son zèle à aid er ce d er
n ie r dans le conflit. Il convainquit son am i Corneille Jansé-
nius de p rê te r une égale assistance au G énéral de l’Oratoire.
Ainsi, ce professeur de Louvain rép an d it au to u r de lui
1 ’Epitre de Cospeau a u cardinal Bentivoglio, lettre qui av ait
été publiée en latin et en français (1622). Cet écrit po rtait
plusieurs approbations, dont celle de l’évêque de Poitiers,
H enri C hateignier de La Rocheposay ; il est probable qu ’elle
fu t obtenue p a r l’entrem ise de Saint-Cyran, étroitem ent uni
avec ce prélat. Enfin, un des effets de cet épisode agité fu t
de fam iliariser l’évêque de N antes avec la Congrégation de
l’O ratoire, dont les m aisons se m ultipliaient en France et
suscitaient l ’anim osité des jésuites.
Im itant A lexandre Dumas, nous ferons m ain ten an t un
bond dans le temps, pour rep ren d re les choses vingt ans
après. Voyons som m airem ent la suite des événem ents. Sébas
tien Bouthillier est m ort p rém atu rém en t en 1625. Bérulle,
devenu cardinal en 1627, s’est éteint en 1629. Cospeau a été
nom m é évêque de Lisieux en 1635. Corneille Jansénius est
décédé à Ypres en 1638. Son livre, l’A u g u stin u s, est publié à
Louvain en 1640 p a r ses am is Calénus et Froidmont. Il est
réim prim é en France en 1641, et ne cesse de susciter des
polémiques. Richelieu a y an t fait em prisonner Saint-Cyran
143
pour des raisons mi-politiques m i-religieuses (mai 1638),
A m au ld d ’Andilly, le modèle des amis, en trep ren d des dé
m arches pour le délivrer. Il s’adresse notam m ent à Cospeau,
qui réside souvent à Paris et dont il connaît le crédit auprès
du cardinal. L’évêque de Lisieux se joint à plusieurs de ses
confrères et à diverses personnalités po u r te n te r de fléchir le
tout-puissant m inistre ; m ais celui-ci résiste et ne tolère que
quelques adoucissem ents du régim e d ’incarcération. Riche
lieu m eu rt le 4 décem bre 1642. Saint-Cyran est libéré le 6 fé
v rier 1643, et une de ses prem ières visites le conduit à Port-
Royal de Paris. Mais il succombe le 11 octobre de la m êm e
année.
Ce fu t enfin au to u r de Cospeau de ferm er les yeux en
son diocèse de Lisieux où, nous l’avons dit, il se tro u v ait en
quelque sorte relégué, comme l’av ait été à Beauvais l’évêque
A ugustin Potier, au tre m em bre du Conseil de conscience, que
M azarin av ait écarté à cause de son attitu d e projanséniste.
Cospeau laissait une grande réputation, dont tém oignent son
épitaphe (chez les C alvairiennes de Paris) et certains livres
de peu postérieurs, tel celui du cordelier René Le Mée, Le
Prélat accomply...
(Saum ur, 1646) ; cet éloge du défunt av ait
été composé à la dem ande d ’une fille natu relle d ’H enri IV,
Jean n e de Bourbon, abbesse de Fontevrault, qui le vénérait.
Mais au cours des années qui suivirent, cette réputation
eu t à p â tir du fait que le rôle passé de l’évêque se tro u v a
mis en cause dans le conflit du jansénism e et de l’antijansé-
nisme, alors q u ’il n ’était plus là pour se défendre contre
ceux qui voulaient l’inscrire, suivant le cas, dans leu r p a rti ou
dans celui de leurs adversaires.
Nous allons dès lors passer en revue, en les soum ettant
à une rapide critique, diverses questions que la conduite de
Philippe Cospeau soulève en ra p p o rt avec ce conflit.
Demandons-nous, en prem ier lieu, quelle fu t son attitu d e
dev an t l’A ugustinus.
En 1739 et en 1765, deux historiens bel
ges, am is des jésuites, Jean-François Foppens et Jean-N oël
Paquot, ont attrib u é à Cospeau, en se ré fé ra n t au tém oignage
du docteur antijanséniste Isaac H abert, une réprobation indi
gnée du livre de Jansénius, exprim ée en ces term es : N on est
A ugustinus, sed pestilentissim us A u g u stin i corruptor ; « ce
n ’est pas sain t Augustin, m ais le co rru p teu r très contagieux
144
de ses écrits ». O r si l’on se reporte au livre d ’H abert, la Dé
fense de la Foy de l’Eglise
(Paris, 1644), dirigé contre la p re
m ière Apologie de Jansénius,
d ’Antoine A m auld, on constate
que l’a u te u r se borne à placer ces propos dans la bouche d ’un
p rélat vénérable « ta n t en âge, piété que doctrine, très versé et
intelligent en la lecture de sain t A ugustin » ; m ais il ne cite
aucun nom. En fait, l’attrib u tio n à Cospeau rem onte plus
h a u t que les deux historiens précités : on la trouve dans la
Bibliothèque du Richelet ou abrégé de la vie des auteurs cités
dans ce dictionnaire,
œ uvre de Laurent-Josse Le Clerc placée
en tête du p rem ier tome du Dictionnaire de la Langue fran
çaise
de P. Richelet (Lyon, 1728). Le Clerc répète là l’avis d ’un
certain M. de Fourceroy, doyen d’O rléans (+ 1678), qui a u ra it
inscrit dans la m arge de son exem plaire de la Défense : « C’est
M. de Lisieux. Ceci n ’a point de réponse. » On av ouera que
cette attrib u tio n repose su r un bien mince fondem ent. On
pourrait, il est vrai, rap p ro ch er l’opinion que l’on p rête ici à
Cospeau, de l’avis de son gran d am i l’évêque de Belley, Jean-
Pierre Cam us ; celui-ci se plaig n ait dès 1644 des « Y priens »
et, dit Antoine Adam, « ne voyait en eux que des Gom aristes
raffinés et des gens de peu de foi »... Quoi qu ’il en soit, nous
restons ici su r n otre faim.
Com m ent Cospeau réagit-il devant les problèm es de la
grâce, de la liberté, de la justification, du nom bre des élus...,
thèm es de ta n t de discusions sans issue ? Il est difficile de se
prononcer su r sa position, car la p lu p a rt de ses serm ons et
de ses écrits doctrinaux ont disparu. D’au tre part, en ses toutes
dernières années, re tiré dans son diocèse, il se tro u v a à l’écart
du cham p de bataille où s’affro n taien t de nouvelles g énéra
tions de théologiens. Tout a u plus pourrait-on invoquer ici
une anecdote rapportée p a r M énage. Cospeau a v ait composé
un tra ité théologique en langue latine, et l’avait dédié à Riche
lieu. Bien q u ’accaparé p a r la politique, le cardinal l’exam ina
et le fit re stitu er à l’évêque avec cette form ule lapidaire :
Accepti, legi, probavi.
Le m inistre, qui se m o n tra hostile à
l'Augustinus,
se serait gardé d ’une telle approbation s’il
n ’av ait pas considéré l’a u te u r comme p arfaitem en t orthodoxe.
Quel fu t l’avis de Cospeau au sujet de la fréquentation
des sacrem ents, voire dans le conflit entre l ’attritionnism e
et le contritionnism e ? Comme V incent de Paul, avec qui il
145
siégea au Conseil de conscience, il n ’accueillit pas favorable
m ent le livre d ’Antoine A m au ld su r la Fréquente C om munion,
p a ru en 1643. Pour le surplus, il resso rt d ’instructions a n té
rieu res q u ’il a facilité la pratique du sacrem ent de pénitence
et q u ’il a encouragé, m ais dans une m esure m odérée, la com
m union fréquente.
On a compté Cospeau parm i les adversaires du clergé
régulier. Cependant, outre d ’am icales relations avec divers
m em bres de ce clergé, qui l’estim aient, on doit relever que,
to u t a u long de sa carrière, il favorisa l’établissem ent et l ’ac
tivité de com m unautés religieuses, dont la liste est trop longue
po u r que nous la reproduisions ici.
Quels furent, en particulier, ses sentim ents à l’ég ard des
jésuites ? Il était en bons term es avec certains d ’entre eux,
tel le P. Suffren. Il fit l’éloge de leu r Com pagnie dans l’orai
son funèbre d ’H enri IV et dans celle du cardinal de Bérulle,
et se ra n g e a plutôt de leu r côté dans l ’affaire Santarelli
(1627). En revanche, nous l’avons dit, lorsque Bérulle e n tra
en litige avec les jésuites, il s’éleva vivem ent, lui aussi, contre
leu r conduite. D’au tre part, on ne peut dire q u ’il favorisa leu r
installation à Nantes, sa préférence alla n t aux oratoriens, qui
collaboraient à la restau ratio n de l’ordre sacerdotal. Il s’est
trouvé, pour ces motifs, exposé ta n t à la m éfiance des p a rti
sans de la Com pagnie (le P. Rapin le m entionne d ’un ton
aigre-doux) q u ’aux critiques des adversaires de celle-ci (la
Gallia Christiana s’en est faite l’écho en se ré fé ra n t probable
m en t à des réserves de la Sorbonne).
Com m ent Cospeau se comporta-t-il à l ’égard d u Saint-
Siège avec qui les jansém istes se tro u v èren t bientôt en dé
saccord ? Son épitaphe dit qu ’il av ait « porté la m itre q u a
rante-deux ans avec l’approbation des Souverains Pontifes,
qui lui ont donné le titre de défenseur de l’h éritag e de sain t
Pierre ». Effectivement, en deux circonstances au moins,
l’évêque p rit p a rti pour Rome contre le gallicanism e : en 1622,
lorsqu’il seconda le cardinal de La Rochefoucauld contre
Edmond Richer, et en 1625-1627, dans l’affaire Santarelli. Aussi,
le théologien janséniste Nicolas Travers (1674-1750), gallican
et richériste, n ’a-t-il pu s’em pêcher d ’exprim er, dans son His
toire des Evêques de N antes, la m auvaise h u m eu r que lui
in sp irait cette conduite.
146
LA « CONJURATION » DE BOURGFONTAINE
Les relations personnelles de Cospeau révèlent-elles quel
que indice de ses sym pathies doctrinales ? Il arriv e que l ’on
associe son nom à une m ystérieuse affaire, su r laquelle la
lum ière n ’a jam ais été com plètem ent faite : le complot de
Bourgfontaine. En 1654, dans l’euphorie de la bulle Cum
occasione, un avocat du présidial de Poitiers, Jea n Filleau de
la Bouchetterie, encouragé p a r la reine mère, publia en cette
ville une Relation juridique..., dans laquelle il s’en p re n a it a i
grem ent aux jansénistes. Il y ra p p o rta it notam m ent le tém oi
gnage d ’un ecclésiastique qui déclarait avoir assisté, « il y a
quelques années» (c’est-à-dire en 1620 ou 1621), en la C har
treuse de B ourgfontaine (près de V illers-Cotterets), à un
conciliabule où se trouvaient, outre lui-même, six person
nages désignés sim plem ent p a r leurs initiales. Leurs noms
complets ne ta rd è re n t pas à être livrés au public : c’étaient
D uvergier de H auranne, Corneille Jansénius, Philippe Cos
peau, Pierre Camus, évêque de Belley, Robert A m au ld d ’An-
dilly et le conseiller Simon Vigor. L’objet de le u r réunion,
d ’après ce rapport, a u ra it été d ’établir le « déisme » (sans
doute une form e de socinianisme) aux dépens de l ’Evangile,
des dogmes (tel celui de l’Incarnation) et des sacrem ents
(spécialem ent ceux de Pénitence et d ’Eucharistie) ; divers
moyens devaient être mis en œ uvre en l’occurrence, tels une
offensive contre le Saint-Siège, le discrédit du clergé rég u
lier, une ferm e option pour la grâce efficace, la m ise en v a
leu r de l’augustinism e... Ce récit a suscité bien des doutes, des
discussions et des critiques. Ce ne fu t d ’ailleurs pas la seule
form e que rev êtit l’hypothèse d’une conjuration. Ainsi, cer
tain s ont prétendu q u ’en 1620 une réunion analogue à celle de
B ourgfontaine se tin t à Bordeaux, avec la participation de
Cospeau et de Pierre de Bérulle. La « fable de Bourgfontaine »
ressuscita à plusieurs reprises au XVIIe et au XVIIIe siècle,
provoquant notam m ent les répliques d ’Antoine A m au ld au
P. Corneille H azard, et de Dom Clém encet au P. Sauvage...
Cette affaire risq u ait de te rn ir la réputation de Cospeau. Ce
pendant, q u ’il s’agît d’un épisode réel ou d ’une pure inven
tion, le soin que Ton a pris d ’y introduire cet évêque prouve
sim plem ent q u ’il était considéré comme p artisan d ’une réfor-
147
me de l’Eglise, et peut-être aussi comme un adversaire des
réguliers. Mais il y a plus : dans sa Relation, Filleau a n e tte
m ent dissocié Cospeau des autres participants, car il dépeint
comme suit son attitu d e : « Le troisièm e que l’on av ait appelé
à dessein de l’engager dans cette faction, et qui était g ra n
dem ent versé dans la lecture de sain t Augustin, ne dit au tre
chose, sinon que c’étaien t des fous de vouloir faire de telles
propositions, et de les vouloir au to riser dans un Royaum e
qui était si éloigné de telles nouveautés, et que q u an t à lui, il
ne voulait s’en g ag er dans ce parti. » D’au tre part, ceux qui
ont p arlé d’une réunion tenue à Bordeaux ont p rêté à Cospeau
et à Bérulle les m êm es propos réprobateurs. Nous conclurons
que cette histoire ap p ren d moins su r les personnes qu ’elle m it
en cause que su r les gens qui l’ont inventée, rapportée ou
colportée.
Que penser des années d u ra n t lesquelles Cospeau se
tro u v a en relations avec Port-Royal ? Le m onastère était alors
un cham p d’expériences spirituelles. Tout au plus peut-on
dire que l’évêque, préoccupé de direction de conscience et
attach é à la rég u larité de la vie m onastique, a dû être séduit
p a r la volonté réform atrice de la M ère Angélique. Mais il
semble que, dans la suite, leurs rap p o rts se soient relâchés.
Comm ent apprécier l’intervention de Cospeau en faveur
de Saint-C yran ? En la sollicitant, A m au ld d ’Andilly av ait
insisté su r la réunion, chez ce prélat, des qualités que req u é
ra it le succès de cette dém arche : « Car, disait-il, il fa u t avoir
votre science pour répondre de la p u reté de la doctrine de
M. de Saint-Cyran, votre zèle pour en trep ren d re de le justi
fier, votre accès auprès de M gr le C ardinal po u r en tro u v er
le tem ps à propos, votre créance dans son esprit po u r y pou
voir faire im pression, et cette charité que chacun rem arq u e en
vous... » Certes, il était déjà arriv é à Cospeau de solliciter
l’une ou l’au tre fav eu r du cardinal. Il était m êm e intervenu
en 1638 auprès de lui au profit du duc d ’Epem on, relégué à
Villebois. Il lui a rriv a aussi de plaider la cause de Paul de
Gondi, le fu tu r cardinal de Retz. Mais dans le cas de Saint-
Cyran, sa responsabilité était au trem en t engagée puisque
des questions de doctrine en traien t en ligne de compte. N éan
moins, il céda aux instances d ’Andilly et ren d it visite à Riche
lieu, à qui, p a rla n t de Duvergier, il osa dem ander : Ergone
148
extinguetur lucerna in lsraë ? « Eteindra-t-on donc la lam pe
en Israël ? » Une telle question p a ra ît im pliquer une sym
pathie qui dépasse la personne et s’étend à son esprit. Cette
présom ption se transform e presque en certitude lorsqu’on
tien t compte du passage suivant d ’une lettre que le pro cu reu r
général M atthieu Molé adressa à un secrétaire d ’E tat (M. de
Chavigny ?) au m om ent où il était question de la libération
de Saint-Cyran : « S’il re stait quelque doute en l’esprit du roi
de la doctrine de M. de Saint-Cyran, Sa M ajesté p eu t envoyer
vers lui M. l’évêque de Lisieux (Cospeau) qui a parlé de lui
à feu M. le Cardinal. » Le moins q u ’on puisse dire, c’est que,
négligeant les singularités du personnage, l’évêque discer
n a it ses réels m érites.
C ertains ont cru voir un signe u ltérieu r de réprobation
dans le fait que Cospeau n ’assista pas aux funérailles de
Saint-Cyran. Mais nul n ’est renseigné su r les m otifs exacts
de cette absence, que des circonstances banales explique
raien t peut-être fort sim plem ent chez un vieillard de soixante-
douze ans, sujet à des atteintes de goutte.
Quelle signification faut-il p rê te r à l’am itié de notre
évêque et d ’A m au ld d’Andilly ? A ntérieure à to u t débat doc
trinal, elle était née et s’en tre tin t de la conjonction de deux
aim ables caractères. Leur com m un am our des lettres fit q u ’en
1642 Cospeau accorda une approbation aux Stances sur di
verses Vérités chrétiennes composées p a r le frère de la Mère
Angélique. Mais cet accord n ’était nullem ent com prom ettant
puisque ces poèmes ne contenaient rien de suspect. D’ailleurs,
Isaac H abert les approuva égalem ent.
Deux nom s encore p o u rraien t faire dresser l’oreille. En
ao û t 1639, l’archevêque de Paris, François de Gondi, sacra
évêque d ’Alet un ecclésiastique parisien, Nicolas Pavillon.
Dans cette cérémonie, il fu t assisté p a r Philippe Cospeau,
évêque de Lisieux, et H enri Litolfi M aroni de Suzarre, évêque
de Bazas. Mais à ce m om ent, personne ne devinait le rôle que
Pavillon et M aroni joueraient dans l’histoire de Port-Royal.
Le rapprochem ent que l’on est tenté de faire ici n ’est donc
qu ’une curiosité du hasard.
Nous voilà au term e de notre enquête. La nécessité de
reco u rir à des nuances beaucoup plus q u ’à des couleurs
franches est l’une des difficultés que comporte le p o rtrait
149
m oral de Cospeau. Tenu à distance p a r les jansénistes, qui se
sont gardés de le citer dans leurs nécrologes, considéré avec
m éfiance p a r les jésuites, m al vu des gallicans, il offre un
exemple du dénigrem ent auquel les m odérés sont exposés de
la p a rt de contem porains engagés dans des discussions p as
sionnées. Il n ’en reste pas m oins q u ’il s’est acquis des titres
à l’estime de la postérité et une place parm i les évêques de la
Contre-réforme, catholique p a r ses talents de prédicateur,
p a r le soutien qu'il a accordé aux idées et aux entreprises
d ’un Bérulle ou d’un Jean Eudes, p a r son com bat contre les
protestants et les libertins, p a r son zèle pour la restau ratio n
des forces de l’Eglise, p a r sa participation aux efforts dé
ployés po u r p én étrer la vie sociale de plus d’esprit chrétien
(il lu tta contre les duels et fu t m em bre de la Compagnie du
Saint-Sacrem ent), enfin p a r ses vertus privées et la profon
d eu r de sa vie spirituelle, dont tém oignent les m eilleurs de
ses contem porains.
150
Dostları ilə paylaş: |