Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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Les relations commerciales entre les côtes de la mer Rouge et du golfe Persique d'une part, et de l'autre la côte orientale de l'Afrique et la côte occidentale de la presqu'île de l'Inde, remontent à une haute antiquité. On ne peut douter que tel ne fût l'objet de certaines expéditions des Phéniciens, expéditions auxquelles le roi Salomon ne voulut pas rester étranger. Ce fut par cette voie que les produits de l'Arabie Heureuse, de la côte de Sofala et des parages de l'Inde se répandirent en Occident. Ce commerce était une source de richesses considérables.

Ces relations se conservèrent sous les rois grecs qui suivirent la mort d.029 d'Alexandre ; elles furent la base principale de la grande importance qu'acquirent en peu de temps Alexandrie en Égypte et Séleucie sur les bords du Tigre. Néanmoins le trajet fut pendant longtemps lent et pénible. On sait que dans les mers orientales il règne des vents périodiques qui, pendant six mois, c'est-à-dire depuis le solstice d'été jusqu'au solstice d'hiver, soufflent du nord-est au sud-ouest, et, pendant les six autres mois, du sud-ouest au nord-est 1. Mais l'imperfection de la navigation ne permettait pas encore aux vaisseaux de perdre les côtes de vue, d.030 circonstance qui, à la moindre tempête, les obligeait de s'arrêter. Pour donner plus de facilité aux expéditions maritimes, les rois Ptolémées fondèrent des lieux de relâche sur toute la côte occidentale de la mer Rouge, et jusqu'au milieu des solitudes du Zanguebar. D'un autre côté, les rois séleucides cherchèrent à tirer parti des îles du golfe Persique et des lieux de retraite qu'offrait la côte, orientale de ce vaste bassin.

Tout à coup il se fit une tentative qui changea la face de la navigation dans les mers orientales. Vers le milieu du premier siècle de notre ère, un navigateur romain, nommé Hippalus, se fiant à la périodicité constante des vents, résolut de quitter la côte pour s'abandonner à leur direction. Au moment où la saison était favorable, il se rendit en droite ligne du détroit de Bab-Almandeb vers le golfe de Cambaye ; six mois plus tard, il profita du changement de vent pour retourner au lieu d'où il était parti. L'exemple d'Hippalus fut d.031 suivi, et le commerce des épiceries et de la soie prit un essor inespéré.

On ne suivait les côtes qu'autant qu'on avait à s'arrêter sur le rivage, soit de l'Arabie, soit du Mekran, ou bien aux bouches de l'Indus. Voici comment s'exprime Pline le naturaliste, qui était en position de bien connaître l'état des choses :

« Diuque ita navigatum est, donec compendia invenit mercator, lucroque India admota est... navigare incipiunt æstate media ante Canis ortum, aut ab exortu protinus... Ex India renavigant mense ægyptio tybi incipiente, nostro decembri ; aut utique mechiris ægyptii intra diem sextum, quod fit intra idus januarias nostras ; ita evenit ut eodem anno remeent 1.

d.032 Dès cette époque, les navires chinois partaient des ports du céleste empire, et venaient à Java, à Malaca, à Ceylan et dans le voisinage du cap Comorin. C'est là que se faisait l'échange des produits de l'Orient et de l'Occident. Pline, parlant de l'île de Ceylan, s'exprime ainsi :

« Ultra montes Emodos, Seras quoque ab ipsis aspici, notos etiam commercio : patrem Racchiae commeasse eò : advenis sibi Seras occursare 2.

Au rapport de l'auteur du Périple de la mer Érythrée, lequel écrivait vers la fin du IIe siècle de notre ère, les Romains avaient formé des établissements à Aden et sur d'autres points de l'Arabie Heureuse, ainsi que dans l'île de Socotora, alors habitée par des colons arabes et grecs, sans compter les indigènes. L'usage de la langue grecque subsistait encore à Socotora, d.033 au temps de Cosmas, dans la première moitié du VIe siècle de notre ère 3.

Les relations entre l'Orient et l'Occident étaient devenues si fréquentes et si régulières, au IVe siècle de notre ère, qu'Ammien-Marcellin, voulant flatter la mémoire de l'empereur Julien, dit qu'au premier bruit de son avènement au trône, il partit des régions les plus éloignées de l'Orient des députations pour le féliciter ; et dans le nombre de ces députations, le grave historien compte celles de l'île de Ceylan et des îles Laquedives et Maldives. Voici les expressions d'Ammien-Marcellin :

« Inde nationibus indicis certatim cum donis optimates mittentibus ante tempus, abusque Divis et Serendivis 1.

d.034 L'activité commerciale, entretenue par la politique des Romains, se manifestait également dans les États de la Perse. On sait que, sous la domination des Parthes, Séleucie, qui avait reçu de son fondateur des franchises particulières, arriva à un très haut degré de prospérité. Cette prospérité fut partagée par la ville d'Apologos, nommée par les Arabes Obollah, au-dessous du confluent du Tigre et de l'Euphrate, non loin du lieu où fut bâtie plus tard Bassora. Apologos, avant la fondation de Bassora, servait de lieu de relâche aux navires qui montaient et descendaient le Tigre et l'Euphrate. On voit, dans le Périple de la mer Érythrée 2, que, dès les premiers temps de notre ère, les d.035 marchandises de l'Inde y affluaient, notamment le lignum sagalinum, qui semble répondre au bois du teck, bois avec lequel, suivant le récit postérieur des Arabes, une partie des maisons de la ville était bâtie.

Sous la dynastie sassanide, Séleucie paraît avoir perdu de son importance, ou plutôt cette ville se trouva bientôt absorbée dans l'ensemble des bourgs bâtis sur les deux rives du Tigre, et désignés par la dénomination commune de madaïn ou villes. Mais d'autres lieux acquirent aussi du renom. Deux écrivains arabes s'accordent à dire que, dans la première moitié du Ve siècle de notre ère, la ville de Hira, bâtie au sud-ouest de l'antique Babylone, à quelque distance du lit actuel de l'Euphrate, et qui était alors le chef-lieu d'une principauté vassale de la Perse, voyait constamment amarrés devant ses maisons des navires venus de l'Inde et de la Chine. La cité, suivant ces deux auteurs, regorgeait de richesses, et la d.036 campagne, qui n'offre plus de nos jours qu'une affreuse solitude, présentait l'aspect le plus animé 3.

L'ascendant persan se répandit au dehors, et, sous Cosroès-Nouschirevan, dans la première moitié du VIe siècle, le nom de la Perse était le premier des noms dans l'Orient. Suivant le témoignage de Hamza, d'Ispahan, Nouschirevan fit la conquête de la capitale de l'île de Ceylan, d.037 ce qui ne put avoir lieu qu'au moyen d'une flotte 1. D'un autre côté, le célèbre Thabari, qui écrivait dans la dernière moitié du IXe siècle, rapporte que, dans les derniers temps de la dynastie des Sassanides, les rois de Perse avaient fortifié la ville d'Obollah, et que cette place servait de boulevard à l'empire contre les descentes faites par les flottes indiennes 2.

d.038 Cette mention de flottes indiennes étonne, lorsqu'on songe au peu de goût que les Indiens ont eu de tout temps pour la mer ; mais ce serait une erreur de croire que les habitants de l'Inde sont restés absolument étrangers aux entreprises maritimes. Le code de Manou fait mention d'hommes expérimentés dans la navigation 3. On sait que dès une haute antiquité les bouches de l'Indus, les côtes du Guzarate, du golfe de Cambaye et du Malabar ont servi de repaire à des pirates, en général indigènes ; il a fallu la toute-puissance anglaise pour mettre un terme à ces brigandages. Il y a plus : j'ai rapporté ailleurs des exemples de flottes indiennes qui, au temps des khalifes de Bagdad, venaient faire des descentes jusque sur les bords du Tigre 4. Il résulte de la relation des voyages d'un bouddhiste chinois, d.039 appelé Hiuen-tsang, dans la première partie du VIIe siècle, qu'à cette époque les principales villes de la Perse renfermaient des colonies d'Indiens qui y jouissaient du libre exercice de leur religion, à peu près comme les colonies de Banians que l'on remarque encore à présent dans les places de commerce de la mer Rouge et du golfe Persique 5.

Les Arabes prenaient naturellement une part très active au commerce entre l'Orient et l'Occident. Une partie des entrepôts étaient placés sur leur propre territoire. Outre Aden, ils possédaient la ville de Sahar, remplacée aujourd'hui par Mascate. Sahar, par sa position, servait de point de relâche aux navires qui entraient dans le golfe Persique ou qui en sortaient. D'ailleurs, c'étaient les Arabes qui formaient la meilleure partie des équipages 1. On les a vus établis dans l'île d.040 de Socotora ; ils l'étaient probablement aussi sur la côte de Sofala, aux environs du golfe de Cambaye et dans l'île de Ceylan. Tout porte à croire que, mêlés aux Persans, ils exerçaient dès lors dans ces parages le même ascendant qu'au XVe siècle, lorsque les Portugais, faisant le tour de l'Afrique, répandirent pour toujours le nom européen dans les mers de l'Orient. L'influence des Persans et des Arabes dut s'accroître à mesure que la puissance romaine perdit son ancien prestige.

Ce qui est dit ici se trouve appuyé par les faits qui eurent lieu dès les premiers temps de l'islamisme. Quand Mahomet parut sur la scène, tous les regards se d.041 tournèrent vers lui. Deux ans seulement après sa mort, la Syrie et la Mésopotamie, et peu de temps après l'Égypte et la Perse, tombèrent au pouvoir des sectaires ; puis vinrent des troubles religieux et des guerres intestines. Les relations commerciales eurent nécessairement souffrir de ces bouleversements ; mais, au milieu même des conquêtes les plus rapides et les plus surprenantes, l'an 16 de l'hégire (637 de J.-C.), sous le khalifat d'Omar, une flotte, partie des côtes de l'Oman, va porter le ravage aux bouches de l'Indus et sur les côtes de la presqu'île 2. Dès avant la fin du vu siècle de notre ère, une colonie de marchands musulmans était établie dans l'île de Ceylan, où, depuis longtemps, toutes les religions étaient tolérées. Quelques femmes musulmanes, qui avaient perdu leurs parents à Ceylan, et qui, pendant qu'elles retournaient dans d.042 leur patrie, furent enlevées par des pirates indiens, fournirent un prétexte au fameux Hedjadj pour envahir la vallée de l'Indus 3. L'an 758 de J.-C., les Arabes et les Persans établis en Chine, dans le port de Canton, étaient assez nombreux pour exciter un tumulte dans la ville et la mettre au pillage 4.

Lorsque le nouvel empire eut pris son assiette, lorsque surtout les khalifes abbassides eurent transporté le siège du gouvernement sur les bords du Tigre, le commerce prit un essor extraordinaire. Quand vit-on, du moins à une époque où Ton n'avait pas encore doublé le cap de Bonne-Espérance, et où la vaste mer de d.043 l'Inde formait pour ainsi dire un bassin à part, quand vit-on des conditions plus favorables pour donner de la vie à ces parages ? Les khalifes réunissaient sous leurs lois l'Égypte, l'Arabie, la Syrie, la Mésopotamie et toute la Perse. Alexandrie avait conservé une partie de son ancienne importance ; pour Séleucie, elle était tombée ; mais elle était remplacée par Bassora, qui, dès sa fondation, sous le khalife Omar, servit de rendez-vous aux navires, et par Bagdad, qui, sous le titre de ville de la paix, devint la cité la plus opulente de l'Orient.

Mais les bouches du Tigre ont toujours été d'un accès difficile, à cause des sables qu'entraînent les eaux du fleuve. La mer elle-même, dans la partie septentrionale du golfe Persique, est hérissée de bas-fonds, et les gros navires n'y pénètrent pas sans danger 1. Pour remédier à ce double inconvénient, on pratiqua un port vaste et commode à Syraf, sur la côte d.044 orientale du golfe Persique, dans le Farsistan. C'est là que les gros navires, particulièrement les navires chinois venus de la haute mer, et qui apparemment avaient acquis récemment de plus grandes dimensions, venaient jeter l'ancre : c'est de là qu'ils repartaient pour leur pays. Plus tard, Syraf fit place à l'île de Kysch ; plus tard encore, l'île de Kysch fit place à Hormuz, jusqu'à ce qu'enfin les Portugais arrivant, le commerce du monde suivit de nouvelles voies.

L'Indus et ses affluents, malgré les sables qu'ils charrient et leurs fréquents changements de lit, ont été de tout temps un moyen puissant de navigation. Un lieu nommé Daybal, et situé sur le bord de la mer, à l'ouest de l'embouchure du fleuve, servait d'asile aux vaisseaux qui montaient ou descendaient le fleuve. Vers la fin du VIIe siècle de notre ère, une armée musulmane, secondée par une flotte, entreprit le siège de Daybal et s'en empara. Ensuite les Musulmans se rendirent d.045 maîtres des villes de l'intérieur, telles que Bahman-abad, Alor et Moultan 2.

À partir du milieu du IXe siècle de notre ère, les désordres qui étaient survenus dans l'empire ne permettant plus aux khalifes de Bagdad d'exercer leur surveillance au loin, les possessions musulmanes de la vallée de l'Indus devinrent la propriété de quelques soldats heureux. Mansoura, ville fondée par les Arabes dans les environs de Bahman-abad, au nord-est de l'embouchure de l'Indus, reconnut les lois d'un Arabe de la tribu des Corayschytes, dont l'aïeul s'était signalé parmi les ennemis les plus acharnés de Mahomet. Un autre Arabe, également de la tribu des Corayschytes, régnait sur la province de Moultan. D'autres émirs se créèrent de petites principautés dans le Mekran et le Baloutchistan ; mais tous reconnaissaient la suprématie spirituelle d.046 et temporelle du khalife ; tous faisaient un bon accueil aux musulmans, de quelque pays qu'ils vinssent.

Massoudi, qui avait parcouru les bords de l'Indus, fait un tableau brillant des possessions musulmanes, dans cette partie du monde. Daybal et Mansoura faisaient un riche commerce. Pour la capitale du Moultan, ce qui en faisait surtout l'importance, c'était un temple magnifique du soleil, orné d'une idole qui était l'objet de la vénération générale. De toutes les parties de l'Inde, on accourait avec des présents, pour se rendre le dieu favorable. Plusieurs fois les rois de l'Hindostan prirent les armes pour faire rentrer ce sanctuaire sous les lois nationales ; mais, à leur approche, l'émir menaçait de mettre l'Idole en pièces et de livrer le temple aux flammes ; et aussitôt des armées innombrables rebroussaient chemin 1.

d.047 Les Arabes, qui, dans le cours des VIIe et VIIe siècles de notre ère, firent plusieurs fois des descentes sur les côtes du Guzarate, du golfe de Cambaye et de Malabar, contrées où les Romains avaient fait jadis le négoce le plus actif, et où le commerce était resté florissant, n'avaient pas conservé de place dans ces parages ; mais un grand nombre d'entre eux s'y étaient établis pour faire le négoce, et le nom arabe était fort respecté dans le pays. Massoudi et Ibn-Haucal, qui avaient visité, à peu d'intervalle l'un de l'autre, les villes maritimes de la contrée, telles que Cambaye, Soubara, qui paraît répondre à peu près à la Sourate de nos jours, Seymour, qui probablement n'était pas éloignée de la ville actuelle de Bombay, s'accordent à dire que l'islamisme s'y montrait à découvert. Les musulmans y avaient élevé des mosquées, et célébraient d.048 publiquement les cinq prières du jour. À Seymour, en particulier, on comptait environ dix mille musulmans établis à demeure avec leurs familles, et venant de Syraf, de l'Oman, de Bassora, de Bagdad, etc. Les musulmans faisaient juger leurs différends par un homme pris dans leur sein, et qui avait été investi de l'autorité par le prince du pays 2.

La partie de l'Inde avec laquelle les Arabes avaient le moins de rapports était l'Hindostan proprement dit, c'est-à-dire la contrée baignée par la Djomna et le Gange, depuis le Pendjab jusqu'au fond d.049 du golfe du Bengale. Le grand rôle joué jadis par les rois de Canoge, près du confluent du Gange et de la Djomna, avait retenti jusqu'à eux ; mais ils n'avaient qu'une idée confuse de ces belles et riches contrées, et il paraît que telle était la politique ombrageuse des radjas et des brahmanes que, jusqu'au commencement du XIe siècle de notre ère, lors des conquêtes de Mahmoud le Gaznévide, aucun Arabe n'avait pu pénétrer dans ces régions. Pour les côtes situées aux environs des bouches du Gange et sur le territoire d'Orissa, le pays a toujours été d'un accès peu facile, et il l'était alors moins qu'à présent. Aucun écrivain arabe, à ma connaissance, ne parle de la ville de Tamralipti ou Tamlouk, qui était située près de l'embouchure du Gange, non loin de la ville actuelle de Calcutta, et qui encore au VIIe siècle faisait un riche commerce 1. d.050 Ibn-Haucal, après avoir fait mention de quelques villes du golfe de Cambaye et des côtes voisines, s'exprime ainsi :

« Voilà quelles sont les villes que je connais ; mais au-delà il y a des cités, telles que Canoge, qui se trouvent dans des déserts à de grandes distances, comme sont (en Afrique les villes de) Lamtha et Audagast 2. Ce sont des contrées désolées, où les marchands indigènes peuvent seuls pénétrer ; tant elles sont éloignées et environnées de dangers 3.

Les Arabes avaient cependant une idée vague de l'Assem actuel situé sur les bords d.051 du Brahmapouter. Ce pays est appelé par les écrivains indiens Kâmaroûpa, et par les Chinois de l'époque Kia-mo-lieou-pho. Les Arabes le nomment Camroub et Camrou, mot qui a été changé par quelques auteurs en Camroun. C'est la dernière forme qu'on trouve dans la présente relation. Une des considérations qui me semblent prouver l'identité de Camroub et de Camroun, c'est que l'un et l'autre pays sont renommés pour l'aloès auquel ils donnaient naissance. Abou-Zeyd parle de l'aloès de Camroun, comme du meilleur aloès de la presqu'île de l'Inde 4. D'un autre côté, l'aloès de Camroub a toujours joui d'une d.052 grande réputation. L'auteur de la relation persane de l'expédition faite par l'armée d'Aureng-Zeb dans le pays d'Achem, auteur qui fit lui-même partie de l'expédition, vante l'aloès de la contrée 1. On doit, ce me semble, appliquer à la même région ce vers de l'histoire de Cachemire, où il est parlé des conquêtes sans bornes du roi Lalitaditya :

« Dans la ville déserte de Pradyotich, il ne vit que la fumée odorante qui s'élevait du sombre bois d'aloès, dont les tiges avaient été brûlées 2.

Je reviendrai plus tard sur le même sujet.

Passons maintenant aux itinéraires décrits dans ce volume. L'objet principal de la relation est de faire connaître la route que prenaient les marchands de d.053 Bagdad, de Bassora et de Syraf, pour se rendre sur la côte du Malabar, à Ceylan, à Java, et jusqu'en Chine. C'est la route qu'avait pratiquée le marchand Soleyman. Abou-Zeyd parle de son côté, mais d'une manière fort brève, vu que le pays était mieux connu, des voyages qui se faisaient de son temps sur les côtes méridionales de l'Arabie, sur les côtes de la mer Rouge et sur celles du Zanguebar. Il résulte du témoignage d'Abou-Zeyd qu'à cette époque, comme jadis et comme aujourd'hui, les gros navires ne dépassaient pas le port de Djidda. Enfin, Abou-Zeyd dit quelques mots des communications qui avaient lieu par terre entre l'empire des Arabes et la Chine. Les personnes qui partaient des bords du Tigre et de l'Euphrate, se d.054 rendaient dans le Khorassan ; elles traversaient l'Oxus, puis, se dirigeant vers le lac de Lop, elles entraient dans la Chine par la province du Chen-si 3.

Le marchand Soleyman commence par indiquer les mers qu'il fallait traverser pour se rendre des bouches du Tigre et de l'Euphrate en Chine ; ces mers sont au nombre de sept. À la vérité, les feuillets du manuscrit où étaient indiquées les deux premières, manquent ; mais nous apprenons par un fragment du Moroudj-al-dzeheb, rapporté à la suite de cette relation, que ces deux mers étaient 1° la mer de Perse, bahr farès, comprenant le golfe Persique et la mer de Mekran, 2° la mer du pays de Lar, la Larice des anciens ; la seconde de ces mers, que les Arabes nomment Larevy ou Al-larevy, se prolongeait depuis les bouches de l'Indus jusqu'au territoire de la ville actuelle de Goa.

La troisième mer est celle de Herkend. d.055 Cette mer était bornée au nord par la mer Larevy, à l'ouest par les Laquedives et les Maldives, et à l'est ainsi qu'au sud-est, par la presqu'île de l'Inde et l'île de Ceylan 1.

Le marchand Soleyman 2 porte le nombre des îles Laquedives et Maldives à mille neuf cents ; Ptolémée en avait compté treize cent soixante-dix-huit. Ces îles sont désignées par le marchand Soleyman sous la dénomination de Dybadjât 3. d.056 Ce nom, dont la terminaison est une forme du pluriel persan, me paraît être le pluriel du mot indigène dyb ou dybah, ou plus régulièrement douipa, mot qui, dans toutes les contrées de l'Inde, signifie île. D'après cela, cette dénomination serait un reste de l'ancienne influence persane dans ces parages, pendant la domination des rois sassanides, et elle répondrait au mot divis du passage d'Ammien-Marcellin déjà cité. La forme plurielle arabe aurait été dybahât.

Le mot Dybadjat se trouve marqué de plusieurs manières différentes dans les traités arabes. Édrisi, à en juger par les copies qui sont en nos mains, a écrit Rybakât, mot qui, par l'effet de l'absence des voyelles, a été rendu en français par Roibahât. Renaudot, dans sa traduction, d.057 a prononcé Debijat 4. C'est un point qui a besoin d'être examiné.

Cosmas a parlé des îles Maldives et Laquedives, à peu près dans les mêmes termes que le marchand Soleyman. Il s'exprime ainsi dans sa Topographie chrétienne :

« Autour de l'île Taprobane il y a un grand nombre d'autres petites îles ; toutes possèdent de l'eau douce et sont plantées de cocotiers ; elles sont situées fort près les unes des autres 5.

Mais Cosmas n'a pas indiqué de nom particulier. Albyrouny, qui écrivait vers l'an 1030 de notre ère et qui passa une partie de sa vie dans le nord de l'Inde, nomme ces îles Dybadjat, et il les divise en deux groupes, les Dybah-Kanbar et les Dybah-Kouzah. Le passage d'Albyrouny mérite d'être mis en d.058 regard des paroles du marchand Soleyman et d'Abou-Zeyd. Le voici :

« On donne le nom particulier de Dyvah aux îles qui naissent dans la mer et qui apparaissent au-dessus de l'eau sous la forme de monceaux de sables : ces sables ne cessent pas de grossir, de s'étendre et de faire corps ensemble jusqu'à ce qu'ils présentent un aspect solide. Il y a en même temps de ces îles qui, avec le temps, s'ébranlent, se décomposent, se fondent, puis s'enfoncent dans la mer et disparaissent. Quand les habitants de ces îles s'aperçoivent de cela, ils se retirent dans quelque île nouvelle et en voie de s'accroître. Ils transportent en ce lieu leurs cocotiers, leurs palmiers, leurs grains et leurs ustensiles, et finissent par y établir leur demeure. Ces îles se divisent en deux classes, suivant la nature de leur principal produit. Les unes sont nommées Dyvah-Kouzah, c'est-à-dire îles des cauris, à cause des cauris qu'on ramasse sur les branches des cocotiers plantés dans la mer. Les autres d.059 portent le nom de Dyvah-Kanbar, du mot kanbar, qui désigne le fil que l'on tresse avec les fibres du cocotier et avec lequel on coud les navires 1.


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