Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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Abou-Zeyd raconte 1 le voyage qu'un Arabe de la tribu des Corayschytes fit en Chine, vers l'an 872 de notre ère. Cet Arabe, qui était établi à Bassora, lieu de la résidence d'Abou-Zeyd, se nommait Ibn-Vahab ; il était issu de Habbar, fils d.119 d'Al-asouad, dont la famille régnait sur la ville de Mansoura, près des bouches de l'Indus 2 : à cette époque la partie méridionale de la Mésopotamie avait été envahie par une bande de guerriers originaires du Zanguebar, et la navigation du Tigre et de l'Euphrate se trouvait interceptée 3. L'an 257 de l'hégire (870 ou 871 de J.-C.), la ville de Bassora ayant été prise et saccagée par les Zendj 4, Ibn-Vahab, dont la fortune avait péri dans le naufrage général, se rendit à Syraf. De là il passa dans l'Inde, dont il visita les provinces ; ensuite il remit à la voile et se dirigea vers Khanfou 5 ; mais il ne se contenta pas de visiter la côte ; il voulut voir la capitale ; puis, se prévalant de sa qualité de parent de Mahomet, il demanda d.120 à être présenté à l'empereur. À son retour dans l'Irac, et à une époque où il était devenu vieux, il fit le récit de son voyage à Abou-Zeyd qui nous l'a conservé.

La Chine était alors sous l'autorité des princes de la dynastie Thang, et avait atteint un haut degré de splendeur. Quelques princes de cette dynastie avaient fait preuve de la plus grande capacité. Le récit d'Ibn-Vahab offre un air naturel, et s'accorde assez avec ce que l'on connaît de la Chine à cette époque. Cependant quelques personnes, qui font de la Chine l'objet spécial de leurs études, ont contesté la véracité de ce récit. Une circonstance qui a excité leur doute, c'est la connaissance que l'empereur, dans ces temps de barbarie, était censé avoir des principaux royaumes du monde, et surtout l'aveu par lequel l'empereur accordait la prééminence au khalife de Bagdad.

En effet, dans le cours de l'entretien d'Ibn-Vahab avec l'empereur, celui-ci dit qu'en Chine on comptait quatre empires d.121 qui l'emportaient de beaucoup sur tous les autres, mais que le plus noble de tous et le plus puissant était le royaume de Perse, devenu alors une dépendance du khalifat de Bagdad. Un tableau, à peu près semblable, des principaux monarques de la terre avait déjà été retracé par le marchand Soleyman, comme exprimant l'opinion des peuples de l'Inde et de la Chine 1. Voici les termes dans lesquels Abou-Zeyd fait parler l'empereur :

« Les Arabes, en faisant la conquête de la Perse, ont triomphé du plus noble des empires, du plus vaste en terres cultivées, du plus abondant en richesses, du plus fertile en hommes intelligents, de celui dont la renommée s'étendait le plus loin.

Or, ces paroles n'avaient rien que de conforme au grand éclat qu'avait jeté la Perse sous la domination des rois sassanides, surtout sous Cosroès Nouschirewan.

L'empereur dit ensuite qu'en général le souverain le plus riche en provinces d.122 était celui qui règne sur l'Irac, parce que l'Irac était situé au milieu du monde, et que les autres royaumes étaient rangés autour de lui ; voilà pourquoi on donnait au prince de l'Irac le titre de roi des rois. Le motif qu'apporte l'empereur pour accorder la prééminence aux rois de Perse et aux khalifes, leurs successeurs, montre quelle idée exacte les hommes instruits de l'Inde et de la Chine, avaient, à cette époque, de l'état du monde, tel qu'on pouvait se le représenter, avant la découverte de l'Amérique. Cette opinion, du reste, combinée avec la division du monde en sept climats, division qui fut imaginée par le célèbre Ptolémée, remontait au temps des rois sassanides, et même était plus ancienne. Massoudi 2 et les écrivains arabes les plus graves ne manquent pas d'insister sur cet avantage de l'Irac. Voici ce que dit Hamza d'Ispahan, qui écrivait vers le milieu du Xe siècle de notre ère, d.123 et qui était au courant des traditions persanes :

« La quatrième partie du monde seulement est habitée, et ce quart, qui se divise en un grand nombre de contrées, est partagé entre sept nations principales, à savoir, les Chinois, les Indiens, les nègres, les Berbers, les Romains, les Turcs et les Ariens ; les Ariens, qui sont les mêmes que les Persans, occupent une position centrale au milieu de ces nations, et six de ces nations entourent la première. En effet, le Sud-Est se trouve au pouvoir des Chinois, et le Nord-Est, au pouvoir des Turks ; les Indiens occupent le Sud, et en face d'eux, du côté du Nord, sont les Romains ; le Sud-Ouest appartient aux nègres, et le Nord-Ouest, du côté opposé, aux Berbers. Ces six nations occupent les extrémités du monde habité, et les Ariens sont placés au centre 1.

Il est certain que, sous le rapport d.124 physique, l'Irac était placé au centre du monde, de l'est à l'ouest, et dans le quatrième climat, du midi au nord. Sous le rapport historique, il avait successivement donné naissance aux empires de Ninive, Babylone, Suse, Ctésiphon et Bagdad.

Il est possible qu'Ibn-Vahab, dans le cours de son récit, se soit laissé influencer par les idées qui circulaient chez ses compatriotes, et qu'il se soit glissé dans sa relation quelques expressions qui ne s'accordent pas tout à fait avec le langage tenu par l'empereur. Cela serait d'autant moins étonnant que, d'après les paroles que l'auteur arabe met dans la bouche d'Ibn-Vahab, la longueur du temps qui s'était écoulé depuis son voyage lui avait fait oublier certains détails. Mais à considérer le récit dans son ensemble, il me paraît à l'abri de toute objection. On aurait tort de juger de l'esprit chinois, aux VIIIe et IXe siècles de notre ère, par d.125 l'esprit qui domine dans le céleste empire, depuis l'établissement de la dynastie des Ming, lors de l'expulsion des princes de race mongole, vers la fin du XIVe siècle. On sait que la doctrine des lettrés en Chine, doctrine qui mène seule aux emplois publics, et qui constitue, pour ainsi dire, l'évangile du gouvernement, repose sur cinq livres réputés sacrés ; et ces livres, qui n'ont presque rien de religieux, roulent sur des questions de morale, auxquelles ont été mêlées certaines traditions populaires. Un de des livres est le Chou-king, qui a pour auteur le célèbre Confucius, et qui fut composé dans le VIe siècle avant notre ère. Confucius, dans le chapitre Yu-kong 2, donne une description de l'empire chinois, tel qu'il se trouvait au temps d'Yao, plus de deux mille ans avant J.-C. ; d.126 et il suppose l'empire divisé en neuf tcheou, c'est-à-dire, neuf parties bornées par quatre mers, coupées par neuf rivières et couvertes du même nombre de montagnes. Le père Gaubil a fait observer que la place des tcheou, d'après le nom qu'ils portent dans le Chou-king, était si bien indiquée, qu'encore à présent il était facile de les reconnaître ; un savant sinologue a récemment publié à ce sujet un mémoire qui ne laisse rien à désirer 3. Néanmoins les écrivains chinois les plus vénérés, notamment Confucius lui-même, croyant apparemment relever par là la gloire de Yao, prétendirent que ce prince avait régné sur le monde entier. Suivant eux, les neuf tcheou comprenaient tout le dessous du ciel : or, une ode du Chi-king renferme ces mots : « Le dessous du ciel est limité par les quatre mers 1 ».

L'opinion d'après laquelle la Chine d.127 occupe le milieu du monde, opinion qui lui a fait donner par les indigènes le nom d'empire du Milieu, a une origine analogue. Confucius, parlant, dans le même chapitre du Chou-king, d'un partage des terres qui eut lieu sous le règne de Yao, dit qu'on en fit cinq parts, et que le domaine impérial fut placé au centre 2. On induisit de là que la Chine se trouvait au milieu du monde, entourée de quelques centaines d'îles, qui forment le reste de l'univers. La plupart des cartes modernes chinoises placent l'océan Glacial Arctique à peu de distance de la Grande muraille.

Ces doctrines absurdes, mais qui étaient pour ainsi dire consacrées par des témoignages respectables, entraient dans les croyances populaires, et rien n'a pu les d.128 en déraciner. Elles prirent surtout de l'ascendant à l'époque où, par l'expulsion des Mongols, la Chine se trouva isolée de ses communications avec la Perse et la presqu'île de l'Inde. À la vérité, lorsqu'au commencement du XVIe siècle les navires européens apparurent tout à coup dans les mers orientales, les préjugés chinois subirent une rude atteinte. On vit même bientôt le gouvernement chinois obligé de recourir aux lumières de la docte Europe, pour la rédaction du calendrier, la construction des cartes géographiques de l'empire, etc. Mais ces travaux si utiles restaient, pour ainsi dire, en dehors de la sphère des masses populaires ; ou bien, si les écrivains indigènes en empruntaient quelque fragment, ils y firent de telles modifications, que les auteurs eux-mêmes ne s'y seraient pas reconnus 3. On a vu naguère un exemple de l'état d'abaissement où l'orgueil et des préventions invétérées d.129 peuvent faire tomber une nation douce et polie ; c'est la faible résistance que les trois cents millions de Chinois ont opposée à une poignée de soldats anglais.

Mais ces préjugés, quoique répandus de tout temps en Chine, ne me paraissent pas avoir exercé une aussi grande influence sous la dynastie Thang et à d'autres époques. On a vu que, dès l'année 758 de J.-C., il y avait des Arabes établis à Canton. Quelque temps après, l'empereur reçut une ambassade du khalife Haroun-Alraschyd 1. L'établissement des marchands arabes et des autres étrangers à Khanfou et à Hang-tcheou-fou, montre, à lui seul, que la politique du gouvernement était beaucoup moins ombrageuse qu'elle ne l'a été dans les derniers siècles, lorsque l'audace des Européens eut commencé à répandre l'effroi dans ces parages.

d.130 Les relations des empereurs chinois avec les régions occidentales étaient déjà anciennes à cette époque. On sait que la puissance chinoise, vers les commencements de notre ère, s'étendit pendant quelque temps jusqu'aux bords de la mer Caspienne. L'empereur Yang-ti, au commencement du VIIe siècle, subjugua le Tonquin et le royaume de Siam. Sous son règne, le commerce intérieur de la Chine fut très florissant ; on voyait arriver en foule des marchands des contrées les plus éloignées. Telle fût l'affluence des étrangers, qu'on fut obligé, pour prévenir tout désordre, d'instituer des magistrats particuliers. Les empereurs recevaient des ambassades des royaumes du Népal et de Magada, dans l'Inde, et de Yezdedjerd, roi de Perse, qui, chassé de ses États par les Arabes, se réfugia sur les terres chinoises ; enfin, il vint une ambassade du Fou-lin, ou empire de Constantinople. L'historien chinois fait remarquer à cette occasion que les Arabes étaient devenus d.131 formidables, qu'ils avaient envahi les provinces romaines et soumis l'empire grec au tribut. L'introduction du christianisme en Chine, par l'intermédiaire des chrétiens nestoriens de Syrie et de Mésopotamie, qui avaient été obligés de traverser la Perse et la Tartarie, dut également contribuer à répandre dans l'Empire céleste, des notions exactes sur les pays de l'Occident 2.

Les renseignements géographiques recueillis par les Chinois, à cette époque, ne se bornaient pas à des données vagues et insignifiantes. L'an 721 de notre ère, un prêtre bouddhiste, nommé Y-hang, fut chargé d'exécuter des travaux de triangulation dans les provinces de l'empire. Non content de ces opérations délicates, Y-hang fit envoyer des observateurs dans les capitales de la Cochinchine et du d.132 Tonquin, ainsi que dans le nord de la Tartarie, afin d'y marquer la durée respective des jours et des nuits, et de reconnaître les étoiles qui n'étaient pas visibles sur l'horizon de Si-ngan-fou. Y-hang fit également observer l'ombre du gnomon dans un pays de l'Inde, situé sous le 6e degré de latitude septentrionale, et que je présume être la Pointe de Galles, dans l'île de Ceylan 3. Les historiens chinois parlent encore d'une carte qui fut construite au commencement du IXe siècle, peu de temps avant le voyage du marchand Soleyman, par un officier nommé Kia-tan. Cette carte, qui avait trente-trois pieds de long sur trente pieds de large, était divisée en carrés d'une grandeur déterminée, de manière qu'on pût y reconnaître la d.133 situation respective des lieux, du midi au nord et de l'orient à l'occident. Elle ne renfermait pas seulement la Chine et ses vastes possessions, mais aussi des aperçus de l'Inde, de la Perse, de l'Arabie et de l'empire de Constantinople 1.

Les réflexions qu'on vient de lire s'appliquent spécialement à une époque où la Chine jouissait des bienfaits de l'ordre et de la paix. Peu après le voyage d'Ibn-Vahab, le pays, qui, depuis quelque temps, était en proie à de vives agitations, fut déchiré par des guerres intestines ; la dynastie des Thang fut renversée, et l'empire fut sur le point de s'engloutir avec la civilisation elle-même. Abou-Zeyd raconte 2 que, vers l'an 264 de l'hégire (878 de J.-C.), un aventurier, appelé Ban-schoua, leva l'étendard de la révolte, et attira autour de lui une foule de gens sans aveu. Bientôt une armée se forma sous d.134 sa direction ; plusieurs villes furent prises, notamment Khanfou ; et, suivant Abou-Zeyd, cent vingt mille musulmans, juifs, chrétiens et mages, qui étaient établis dans Khanfou, furent passés au fil de l'épée, sans compter les personnes qui furent tuées d'entre les indigènes. La capitale elle-même fut obligée d'ouvrir ses portes, et l'empereur s'enfuit sur les frontières du Tibet. La fortune du rebelle se maintint pendant quelque temps. Enfin, l'empereur mit dans ses intérêts un prince de race turke, qui régnait sur les Tagazgaz, à l'occident de la Chine. Le fils du roi se mit en marche avec une armée dont le nombre, suivant Massoudi, s'élevait à quatre cent mille hommes, à pied et à cheval ; le rebelle fut abattu, et l'empereur rentra dans sa capitale. Mais celui-ci n'avait plus ni trésor ni armée ; les provinces se trouvaient à la merci de quelques ambitieux. La maison impériale finit par disparaître au milieu du désordre ; il n'y eut plus de sûreté pour personne, et les d.135 marchands arabes cessèrent d'aller commercer en Chine.

Le récit des historiens chinois s'accorde assez bien avec celui d'Abou-Zeyd. Le souverain qui régnait en Chine au milieu du IXe siècle de notre ère, temps où le marchand Soleyman visita le Céleste empire, se nommait Siuan-tsoung ; ce prince monta sur le trône en 846, et à sa mort, en 859, il fut remplacé par son fils Y-tsoung ; à cette époque, la puissance des eunuques, dont il est parlé plusieurs fois dans le cours de la relation, était arrivée à son apogée ; les vastes frontières de l'empire, si difficiles à garder, donnaient lieu à des révoltes presque continuelles ; le Tibet, quoique déchu de l'influence qu'il exerçait auparavant, était encore redoutable ; les tribus répandues au nord du Tibet, entre la Chine et la Perse, avaient presque sans cesse les armes à la main. Y-tsoung mourut en 874 et eut pour successeur son fils Hi-tsoung. Ce fut sous le règne de celui-ci que Ibn-Vahab pénétra d.136 jusque dans la capitale ; et ce fut presque immédiatement après le départ de ce voyageur que survinrent les désordres dont parle Abou-Zeyd.

La révolte éclata dans les provinces de Pe-tchy-li et de Chantoung, au nord du fleuve Jaune, près des bords de la mer Orientale. Un des chefs des rebelles était Houang-tchao, le même qu'Abou-Zeyd nomme Ban-schoua. Houang-tchao appartenait à une famille de marchands qui s'était enrichie dans le commerce du sel. Il fit ses études classiques, dans l'espoir d'arriver aux emplois publics. Comme il ne réussit pas dans ses examens du doctorat et qu'il tirait bien de l'arc, il recourut à la violence. Bientôt la Chine orientale et une partie du centre de l'empire se trouvèrent exposés aux déprédations des rebelles.

Houang-tchao, devenu le chef unique des insurgés, n'osa pas d'abord prendre le titre d'empereur. Il se contenta de celui de grand général qui attaque le ciel. En d.137 879, il entra dans le Fou-kian et le Tche-kiang, et prit la ville de Hang-tcheou-fou, de laquelle dépendait le port de Khanfou. Ce fut sans doute alors que se commirent tous les excès dont eurent tant à souffrir les musulmans, les chrétiens, les juifs et les mages 1. L'année suivante, Houang-tchao envahit la province de Ling-nan, qui est aujourd'hui la province de Canton. Malgré des échecs partiels, son armée grossissait tellement, qu'à la fin de l'année il se trouva à la tête de deux cent mille hommes, sans compter les troupes qui étaient sous la conduite de ses lieutenants. Il prit alors le titre de grand général aidé par le ciel, et se d.138 disposa à aller attaquer la ville de Tchan-ngan, capitale de l'empire. Sa marche fut si rapide, que l'empereur eut à peine le temps de s'enfuir. Houang-tchao entra dans la capitale, et, se déclarant empereur, fit mettre à mort les membres de la famille impériale qui n'avaient pu se sauver.

L'empereur s'était retiré dans le Sse-tchouan. Les troupes qu'il parvint à rallier battirent l'usurpateur et entrèrent dans la capitale. Mais elles y commirent de si grands excès, que Houang-tchao, revenant subitement sur ses pas, les tailla en pièces ; les deux tiers de l'armée impériale périrent dans ce désastre.

Alors l'empereur eut recours à un chef turk, nommé Li-koue-tchang, et à son fils Li-khe-young. Ces deux chefs appartenaient à une tribu appelée Cha-tho, précédemment au service du gouvernement chinois ; ils avaient encouru la disgrâce de l'empereur et s'étaient réfugiés chez les Ta-ta ou Tartares, tribu mongole qui habitait dans le voisinage du d.139 mont In-chan, aux environs de la Grande muraille, du côté nord-ouest de la Chine. Li-khe-young se mit en marche à la tête de dix mille Tartares. Les Cha-tho, ses compatriotes, de même que plusieurs autres tribus turques, à qui les empereurs de la Chine étaient dans l'usage de confier la garde des frontières, se joignirent à lui. Avec toutes ces forces, il attaqua les rebelles dans l'hiver de l'année 883. Houang-tchao, chassé de province en province, finit par se donner la mort. Son gendre lui coupa la tête, et se remit, avec toute sa famille, entre les mains du général turk 1.

Le récit d'Abou-Zeyd et celui des écrivains chinois donnent lieu à deux remarques. On a déjà vu que la ville qui avait d.140 alors le titre de capitale de la Chine, et que les Chinois appelaient Tchan-ngan, était nommée, par les écrivains arabes et syriens, du nom de Khomdan. Pour Massoudi 2 et l'auteur du Ketab-al-adjayb 3, ils appellent la capitale Anmoua, Aymoua ou Ansoua 4. La ville dont il s'agit avait reçu le titre de Cour occidentale, par opposition à Lo-yang, qui servit quelquefois de résidence aux princes chinois, et qu'on surnomma Cour orientale, à cause de sa situation à l'orient de la première, dans la province de Ho-nan.

Abou-Zeyd dit que ce fut au roi des Tagazgaz que l'empereur dut sa rentrée dans ses États, et les auteurs chinois ne font pas mention d'un nom qui approche de celui-là ; ils s'accordent seulement sur d.141 ce point, que le prince en question appartenait à un peuple de race turke. On sait d'ailleurs que les Cha-tho étaient établis dans l'Asie centrale, aux environs du lac de Lop, lieu où il subsiste encore des traces de leur séjour. Où était le pays des Tagazgaz ? Ce point serait d'autant plus important à éclaircir que, suivant les écrivains arabes, c'est par ce pays qu'il fallait passer pour se rendre, du Khorassan et des autres contrées musulmanes des bords de l'Oxus, dans les provinces de la Chine. Le marchand Soleyman s'exprime ainsi 5 :

« En deçà de la Chine (à l'Ouest) sont le pays des Tagazgaz, peuple de race turke, et le khacan du Tibet. Voilà ce qui termine la Chine du côté du pays des Turks.

Les contrées situées entre la Chine et le cours de l'Oxus ont toujours été connues d'une manière imparfaite, et l'état physique de ces régions ne permet pas d'espérer qu'on en fasse jamais une description d'une exactitude rigoureuse. d.142 Ajoutez à cela les nombreuses révolutions auxquelles le pays a été exposé, la destruction des tribus les unes par les autres, leurs déplacements et leurs changements de nom. Un autre obstacle est la manière confuse dont les écrivains grecs et romains, et, plus tard, les écrivains arabes, ont parlé de ces populations, la plupart nomades. Chez les écrivains de l'antiquité, les peuples du Nord de l'Asie et de l'Europe étaient des Scythes ; chez les anciens écrivains arabes, ce sont des Turks ; chez les écrivains postérieurs, ce sont des Tartares, ou plutôt, comme prononcent les Arabes, les Persans et les Turks, des Tatars. De leur côté, les Chinois se sont fait un plaisir de donner à ces populations des noms quelquefois bizarres, souvent arbitraires.

Au IXe siècle de notre ère, et dans la première moitié du Xe, les contrées baignées par l'Oxus et le Yaxartes étaient, d'après le témoignage de Massoudi, d'Al-estakhry et de Ibn-Haucal, occupées par d.143 les Kharloks, au midi et au sud-est, et les Gozzes au nord-ouest, du côté du lac Aral. Les Tagazgaz étaient établis à l'orient des Kharloks et à l'occident de la Chine ; enfin les Tibétains, qui, pendant quelque temps s'étaient avancés au loin, au nord et au nord-est, avaient été obligés de rentrer sur leur territoire. Voici comment s'exprime Ibn-Haucal, lequel cite pour garant un émir d'origine turke qui avait occupé un poste élevé à la cour de Bokhara, et qui était émir de la principauté de Gazna :

« De l'Irac à l'Oxus, il y a deux mois de marche ; de l'Oxus à la limite des provinces musulmanes, sur le territoire de Fergana, il y a un peu plus de vingt marches ou journées ; de là pour arriver au pays des Tagazgaz, en traversant le pays des Kharlokhs, il y a un peu plus de trente marches ; de là à la mer Orientale, à l'extrémité de la Chine, il y a environ deux mois de marche 1.

d.144 Massoudi, dans son Moroudj-al-dzeheb, fournit sur ces régions, ainsi que sur la Chine, quelques détails peu connus et qui jettent du jour sur l'état ancien de ces vastes contrées. Voici ce qu'il dit :

« Au nombre des petits-fils de Japhet, fils de Noé, était Amour. Quand les enfants de Noé se partagèrent les différentes régions de la terre, les enfants d'Amour traversèrent l'Oxus et s'avancèrent à l'est et au sud-est, jusqu'en Chine. Les uns adoptèrent la vie domiciliaire ; les autres, particulièrement les Turks proprement dits, firent choix de la vie nomade.

Une partie des enfants d'Amour s'établirent sur les frontières de l'Inde. Pour ceux-ci, la force des rayons du soleil influa sur leur teint, et ils se rapprochèrent des Indiens plus que des Turks. Une autre colonie fixa sa demeure dans le Tibet. Les anciens habitants du Tibet sont d'origine hemyaryte ; leur patrie primitive était l'Arabie. Les rois portaient autrefois le titre de Tobba, à l'imitation des d.145 rois du Yemen, et comme souvenir de leur première patrie ; maintenant, on les surnomme Khacan. La langue du pays, qui était hemyaryte, s'est altérée par suite de l'immigration des tribus turkes ; celles-ci mènent la vie nomade et forment une population extrêmement nombreuse 1.

Le témoignage de Massoudi, relativement à l'établissement de populations de d.146 race turke dans le Tibet et dans la vallée de l'Indus, est confirmé par ce qu'on lit dans l'ouvrage persan intitulé Modjmel-al-tevarykh, et par Albyrouny. Dans le premier ouvrage, les Turks sont représentés comme les maîtres des contrées situées au sud-ouest de l'Indus, dès le Ve siècle avant notre ère, sous le règne de Darius, fils d'Hystaspe 2. De son côté, Albyrouny dépeint les peuples qui habitaient de son temps le Tibet, le Khoten, et les contrées voisines, comme étant de race turke 3. Ces peuples faisaient des incursions jusque dans la vallée de Cachemire.


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