Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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On dresse, en Chine, des pierres d'une longueur de dix coudées et gravées en creux. L'inscription présente un tableau des diverses maladies et de leurs remèdes. Pour telle maladie, y est-il dit, il y a tel remède. Celui qui n'a pas les moyens d'acheter le remède le reçoit aux frais du trésor public.

Les terres ne payent pas d'impôt ; l'impôt se paye par tête, suivant la fortune de chacun et l'importance de ses propriétés (94).

Le nom de tout enfant mâle qui naît est écrit dans les registres du sultan (95). Dès que l'enfant est parvenu à l'âge de dix-huit ans, on exige de lui la capitation ; mais, lorsqu'il a atteint sa quatre-vingtième année, il ne la paye plus ; au contraire, on lui donne une pension aux frais du trésor public, et l'on dit à ce sujet : « Nous p.047 avons reçu de lui une pension quand il était jeune ; il est juste que nous la lui rendions, maintenant qu'il est vieux (96) ».

Dans chaque ville, il y a des hommes de plume et des maîtres, qui instruisent les pauvres et leurs enfants aux frais du trésor public (97). Les femmes sortent les cheveux exposés à l'air ; pour les hommes, ils se couvrent la tête.

On trouve dans les montagnes un bourg, nommé Tâyou, dont les habitants sont courts de taille. Tous les hommes qui, en Chine, sont courts de taille, sont censés venir de ce bourg. Les Chinois, en général, sont bien faits, grands, d'un blanc clair, mais coloré de rouge. Ce sont, de tous les hommes, ceux qui ont les cheveux du noir le plus foncé. Les femmes laissent pousser leurs cheveux (98).

Dans l'Inde, quand un homme intente à un autre une action qui doit entraîner la peine de mort, on dit au demandeur : « Veux-tu soumettre le défendeur à l'épreuve du feu ? » S'il répond oui, l'on fait p.048 chauffer jusqu'au rouge une barre de fer ; ensuite on dit au défendeur : « Présente ta main ». En même temps, l'on étend sur sa main sept feuilles d'un certain arbre du pays, et on pose la barre dessus. L'homme se met à marcher en avant et en arrière ; après cela, il jette la barre et on lui présente une bourse de cuir dans laquelle il introduit sa main ; la bourse est immédiatement scellée avec le sceau royal. Au bout de trois jours, on apporte du riz dont le grain est encore dans sa balle, et on dit à l'homme : « Frotte les grains, afin d'en détacher la pellicule ». Si sa main ne présente aucune trace de brûlure, le défendeur obtient gain de cause et n'est pas mis à mort. Pour le demandeur, il est condamné à payer un manna d'or, que le souverain se réserve pour lui-même (99).

Quelquefois, on fait bouillir de l'eau dans une marmite de fer ou d'airain, de manière à ce que personne n'ose en approcher. On y jette un anneau de fer, p.049 puis on dit au défendeur : « Introduis ta main dans la marmite ». Il faut alors que le défendeur retire l'anneau. J'ai vu un homme introduire sa main dans la marmite et la retirer saine et sauve. En ce cas, comme pour l'autre, le demandeur est obligé de payer un manna d'or (100).

Quand le roi de Serendyb meurt, on le traîne sur un char, très près du sol ; le corps est attaché au derrière du char de manière à ce que l'occiput de la tête traîne par terre et que les cheveux ramassent la poussière. En même temps, une femme, tenant un balai à la main, chasse la poussière sur la figure du mort et crie ces mots : « O hommes ! cet homme était encore hier votre roi ; il vous gouvernait, et ses ordres étaient exécutés par vous. Voilà où il en est réduit ; il a dit adieu au monde, et l'ange de la mort s'est saisi de son âme. Ne vous laissez donc plus séduire par les plaisirs de cette vie » ; et autres paroles analogues. Cette cérémonie dure trois jours ; ensuite, on apporte du p.050 bois de sandal, du camphre et du safran, et on brûle le corps au milieu de ces aromates ; après quoi on jette les cendres au vent. Tous les Indiens brûlent leurs morts (101). Serendyb est la plus avancée des îles (102) qui dépendent de l'Inde. Quelquefois, lorsqu'on brûle le corps du roi, ses femmes se précipitent sur le bûcher et se brûlent avec lui ; mais il dépend d'elles de ne pas le faire (103).

Dans l'Inde, il y a des personnes qui font profession d'errer dans les bois et les montagnes, et qui communiquent rarement avec le reste des hommes. Ces personnes n'ont quelquefois à manger que l'herbe des champs et les fruits des bois. Elles s'attachent un anneau de fer au bout de la verge, afin de se mettre dans l'impossibilité d'avoir commerce avec les femmes. Parmi ces hommes il y en a qui vont nus. Quelques-uns se tiennent nus, la face tournée vers le soleil, et n'ayant pour toute couverture que quelque peau de panthère. Je vis, dans un de mes voyages, un p.051 de ces hommes, dans l'état que je viens de décrire ; seize ans après, je retournai dans le même pays, et je retrouvai cet homme dans la même situation. Une chose qui m'étonna, ce fut que sa personne ne se fût pas fondue de chaleur.

La noblesse, dans chaque royaume, est censée ne faire qu'une seule et même famille ; la puissance ne sort pas de son sein, et les princes nomment eux-mêmes leurs héritiers présomptifs ; il en est de même des hommes de plume et des médecins ; ils forment une caste particulière, et la profession ne sort pas de la caste (104).

Du reste, les princes de l'Inde ne reconnaissent pas l'autorité d'un même souverain (105). Chacun d'eux est maître chez lui. Néanmoins, le Balhara porte le titre de roi des rois. Quant aux Chinois, ils ne se nomment pas d'avance des héritiers.

Les Chinois sont des gens de plaisir ; mais les Indiens réprouvent le plaisir, et ils s'en abstiennent ; ils ne boivent pas le vin (106), et ne mangent pas le vinaigre p.052 qui est fait avec le vin. Ce n'est pas l'effet d'un scrupule religieux, c'est par dédain. « Tout prince, disent-ils, qui boit du vin, n'est pas un prince véritable. » Les Indiens sont entourés d'ennemis qui leur font la guerre et ils s'expriment ainsi : « Comment administrera-t-il bien les affaires de ses États, celui qui s'enivre (107) ? »

Quelquefois, les Indiens se font la guerre dans un esprit de conquêtes, mais ces cas sont rares. Je n'ai pas vu de peuple se soumettre à l'autorité d'un autre, si ce n'est dans le pays qui fait suite au pays du poivre (108). Quand un roi fait la conquête d'un État voisin, il met à sa tête un homme de la famille du prince déchu, lequel exerce l'autorité au nom du vainqueur. Les habitants du pays conquis ne souffriraient pas qu'il en fût autrement (109).

Quant à la Chine, il arrive quelquefois qu'un gouverneur de province s'écarte de l'obéissance due au roi suprême. Alors on l'égorge et on le mange. Les Chinois p.053 mangent la chair de tous les hommes qui sont tués par l'épée (110).

Dans l'Inde et dans la Chine, quand il est question de faire un mariage, les deux familles s'adressent des compliments et se font des présents ; ensuite, elles célèbrent le mariage au bruit des cymbales et des tambours. Les présents qu'on se fait à cette occasion sont en argent, chacun suivant ses moyens. Si une femme mariée est convaincue d'adultère, la femme et l'homme sont mis à mort ; voilà ce qui se pratique dans toutes les provinces de l'Inde ; mais, si l'homme a fait violence à la femme, l'homme seul subit la peine. Toutes les fois qu'il y a eu concert entre l'homme et la femme, on les tue tous les deux.

Dans l'Inde comme dans la Chine, la filouterie, pour un objet léger ou considérable, est un cas de mort (111). En ce qui concerne l'Inde, quand un filou a volé une obole et une somme au-dessus, on prend un long bâton, dont on façonne p.054 l'extrémité en pointe ; ensuite on fait asseoir le filou sur le bâton, de manière que la pointe lui entre par l'anus et lui sorte par le gosier.

Les Chinois commettent le péché du peuple de Loth avec des garçons qui font métier de cela, en place des courtisanes attachées aux temples d'idoles (112).

Les murs des maisons en Chine sont en bois ; mais les Indiens bâtissent avec des pierres, du plâtre, des briques et de l'argile ; du reste, il en est quelquefois de même en Chine.

Dans l'Inde et dans la Chine, le firasch n'est pas admis (113) ; chacun est libre d'épouser la femme qu'il veut (même lorsqu'elle est grosse d'un autre homme).

La nourriture des Indiens est le riz ; dans la Chine, la nourriture est le blé et le riz ; les Indiens ne connaissent pas le blé. Ni les Indiens ni les Chinois n'usent de la circoncision.

Les Chinois sont idolâtres ; ils adressent des vœux à leurs idoles et se p.055 prosternent devant elles ; ils ont des livres de religion (114).

Les Indiens laissent pousser leur barbe. J'ai vu des Indiens qui avaient une barbe de trois coudées. Ils ne se coupent pas non plus la moustache ; mais la plupart des hommes en Chine n'ont pas de barbe ; et chez eux c'est, en général, un effet naturel. Dans l'Inde, quand il meurt un homme, on lui rase la tête et la barbe (114 bis).

Dans l'Inde, quand un homme est mis en prison ou condamné aux arrêts, on lui retire le manger et le boire pendant sept jours. Les Indiens peuvent se faire mettre aux arrêts les uns les autres.

En Chine, il y a des cadis qui jugent les différents entre particuliers, de préférence aux gouverneurs ; il en est de même dans l'Inde.

On trouve dans toute l'étendue de la Chine la panthère et le loup. Quant au lion, on ne le rencontre ni dans l'une, ni dans l'autre contrée.

On tue les voleurs de grand chemin.

p.056 Les Chinois et les Indiens s'imaginent que les boddes (115) leur parlent ; ce sont plutôt les ministres des temples qui entrent en conversation avec le public.

Les Chinois et les Indiens tuent les animaux qu'ils veulent manger, ils n'égorgent pas l'animal, mais ils le frappent sur la tête jusqu'à ce qu'il meure (116).

Ni les Indiens ni les Chinois ne pratiquent les ablutions pour se purifier de leurs souillures. Les Chinois s'essuient avec du papier ; pour les Indiens, ils se lavent chaque jour avant le lever du soleil ; c'est après cela qu'ils mangent (117).

Les Indiens n'approchent pas de leurs femmes au moment de leurs règles ; ils les font même sortir de la maison, de peur de contracter quelque impureté. Pour les Chinois, ils ont commerce avec leurs femmes dans cet état, et ils ne les envoient pas ailleurs.

Les Indiens se servent du cure-dents, et aucun d'eux ne saurait manger avant de s'être nettoyé les dents et de s'être p.057 lavé. Les Chinois ne suivent point cet usage (118).

L'Inde est plus étendue que la Chine : ses provinces feraient plusieurs fois les provinces de la Chine. On y compte également un plus grand nombre de principautés ; mais les provinces de la Chine sont mieux peuplées.

Ni la Chine ni l'Inde ne connaissent le palmier ; mais ces deux contrées possèdent d'autres espèces d'arbres et de fruits qui manquent à nos pays. L'Inde est privée du raisin ; mais il se trouve, à la vérité en petite quantité, dans la Chine. Tous les autres fruits abondent dans ces deux régions ; la grenade surtout est abondante dans l'Inde.

Les Chinois n'ont pas de science proprement dite. Le principe de leur religion (119) est dérivé de l'Inde. Les Chinois disent que ce sont les Indiens qui ont importé en Chine les boddes, et qu'ils ont été les véritables maîtres en religion du pays. Dans l'une et l'autre contrée, on admet p.058 la métempsycose ; mais on diffère dans les conséquences de certains principes (120).

La médecine et la philosophie fleurissent dans l'Inde. Les Chinois ont aussi une médecine ; le procédé qui domine dans cette médecine c'est la cautérisation.

Les Chinois ont des notions en astronomie ; mais cette science est plus avancée chez les Indiens (121). Du reste je ne connais personne, ni parmi les uns ni parmi les autres, qui professe l'islamisme, ni qui parle la langue arabe.

Les Indiens n'ont pas beaucoup de chevaux (122). Les chevaux sont plus nombreux en Chine.

Les Chinois n'ont pas d'éléphants, et ils n'en laissent pas entrer dans leur pays, regardant la présence de cet animal comme une chose fâcheuse (123).

Les troupes du roi des Indes sont nombreuses, mais elles ne reçoivent pas de solde. Le souverain ne les convoque que pour le cas de la guerre sacrée (124) ; les troupes se mettent alors en mouvement ; p.059 mais elles s'entretiennent à leurs propres frais, sans que le roi ait rien à donner pour cela (125). Quant à la Chine, la solde des troupes est établie sur le même pied que chez les Arabes.

Les provinces de la Chine sont plus pittoresques et plus belles. Dans l'Inde, la plus grande partie du territoire est dépourvue de villes ; en Chine, au contraire, on rencontre, à chaque pas, des villes fortifiées et considérables. Le territoire chinois est plus sain, et les maladies y sont plus rares ; l'air y est si pur, qu'on n'y rencontre presque pas d'aveugles, ni de borgnes, ni de personnes frappées de quelque infirmité. Il en est de même dans une grande partie de l'Inde.

Les fleuves de l'une et de l'autre contrée sont considérables ; ils charrient beaucoup plus d'eau que nos fleuves. Les pluies dans l'une et l'autre région sont abondantes.

L'Inde renferme beaucoup de terres désertes. La Chine, au contraire, est partout cultivée. Les hommes de la Chine sont p.060 plus beaux que ceux de l'Inde, et se rapprochent davantage des Arabes pour les vêtements et les montures. Les Chinois, en costume et dans une cérémonie publique, ressemblent aux Arabes ; ils portent le caba (126) et la ceinture ; pour les Indiens, ils portent deux pagnes, et se décorent de bracelets d'or et de pierres précieuses, les hommes comme les femmes (127).

En deçà de la Chine sont le pays des Tagazgaz, peuple de race turke, et le khakan du Tibet. Voilà ce qui termine la Chine du côté du pays des Turks (128). Du côté de la mer, la Chine est bornée par les îles des Syla (Al-syla) ; ce sont des peuples blancs qui vivent en paix avec le souverain de la Chine, et qui prétendent que, s'ils ne lui envoyaient pas des présents, le ciel ne verserait plus ses eaux sur leur territoire. Du reste, aucun de nos compatriotes n'est allé les visiter, de manière à pouvoir nous en donner des nouvelles. On trouve dans ce pays des faucons blancs (129).

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LIVRE DEUXIÈME

Des observations sur la Chine et l'Inde

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p.061 Voici ce que dit Abou-Zeyd-Al-Hassan de Syraf :

J'ai lu avec attention ce livre, c'est-à-dire le premier livre, lequel j'avais été chargé d'examiner et d'accompagner des observations que j'avais recueillies dans mes lectures, au sujet des incidents de la navigation, des rois des contrées maritimes et de leurs particularités, en relevant tout ce que je savais à cet égard, dans les choses dont l'auteur de ce livre n'a point parlé. J'ai vu que ce livre avait été composé dans l'année 237 (851 de J.-C.). Or, à cette époque, les choses qui tiennent à la mer étaient parfaitement connues, à cause des nombreux voyages que les marchands de l'Irac faisaient dans p.062 les régions maritimes. J'ai donc trouvé tout ce qui est dit dans ce livre conforme à la vérité et l'exactitude, excepté dans ce qui est rapporté (130) au sujet des aliments que les Chinois offrent à leurs parents morts, et dans ce qu'on ajoute, à savoir que, si on met pendant la nuit des aliments devant le mort, ils ont disparu le lendemain matin, ce qui autoriserait à croire que le mort les a mangés. On nous avait fait le même récit ; mais il nous est venu de ces régions un homme sur les renseignements duquel on peut compter ; et, comme nous l'interrogions à ce sujet, il a nié le fait et il a ajouté : « C'est une assertion sans fondement ; c'est comme la prétention des idolâtres qui soutiennent que leurs idoles entrent en conversation avec eux. »

Mais, depuis la composition de ce livre, la situation des choses, particulièrement en Chine, a beaucoup changé. Des événements sont survenus qui ont fait cesser les expéditions dirigées (de chez nous) vers p.063 ces contrées, qui ont ruiné ce pays, qui en ont aboli les coutumes et qui ont dissous sa puissance. Je vais, s'il plaît à Dieu, exposer ce que j'ai lu relativement à ces événements.

Ce qui a fait sortir la Chine de la situation où elle se trouvait en fait de lois et de justice, et ce qui a interrompu les expéditions dirigées vers ces régions du port de Syraf, c'est l'entreprise d'un rebelle qui n'appartenait pas à la maison royale, et qu'on nommait Ban-schoua (131). Cet homme débuta par une conduite artificieuse et par l'indiscipline ; puis il prit les armes et se mit à rançonner les particuliers ; peu à peu les hommes mal intentionnés se rangèrent autour de lui ; son nom devint redoutable, ses ressources s'accrurent, son ambition prit de l'essor, et, parmi les villes de la Chine qu'il attaqua, était Khanfou, port où les marchands arabes abordent. Entre cette ville et la mer il y a une distance de quelques journées. Sa situation est sur p.064 une grande rivière, et elle est baignée par l'eau douce (132).

Les habitants de Khanfou ayant fermé leurs portes, le rebelle les assiégea pendant longtemps. Cela se passait dans le cours de l'année 264 (878 de J.-C.). La ville fut enfin prise, et les habitants furent passés au fil de l'épée. Les personnes qui sont au courant des événements de la Chine rapportent qu'il périt en cette occasion cent vingt mille musulmans, juifs, chrétiens et mages, qui étaient établis dans la ville et qui y exerçaient le commerce, sans compter les personnes qui furent tuées d'entre les indigènes. On a indiqué le nombre précis des personnes de ces quatre religions qui perdirent la vie, parce que le gouvernement chinois prélevait sur elles un impôt d'après leur nombre. De plus, le rebelle fit couper les mûriers et les autres arbres qui se trouvaient sur le territoire de la ville. Nous nommons les mûriers en particulier, parce que la feuille de cet arbre sert à nourrir p.065 l'insecte qui fait la soie, jusqu'au moment où l'animal s'est construit sa dernière demeure. Cette circonstance fut cause que la soie cessa d'être envoyée dans les contrées arabes et dans d'autres régions.

Le rebelle, après la ruine de Khanfou, attaqua les autres villes, l'une après l'autre, et les détruisit. Le souverain de la Chine n'était pas assez fort pour lui résister, et celui-ci finit par s'approcher de la capitale. Cette ville porte le nom de Khomdan (133). L'empereur s'enfuit vers la ville de Bamdou (134), située sur les frontières du Tibet et y établit son séjour.

La fortune du rebelle se maintint pendant quelque temps ; sa puissance s'étendit. Son projet et son désir étaient de raser les villes et d'exterminer les habitants, vu qu'il n'appartenait pas à une famille de rois, et qu'il ne pouvait pas espérer de réunir toute l'autorité dans ses mains. Une partie de ses projets furent mis à exécution ; c'est ce qui fait que jusqu'à présent, p.066 nos communications avec la Chine sont restées interrompues.

Le rebelle conserva son ascendant jusqu'au moment où le souverain de la Chine se mit en rapport avec le roi des Tagazgaz, dans le pays des Turks. Les États de ce roi et ceux de la Chine étaient voisins, et il y avait alliance entre les deux familles (135). L'empereur envoya des députés à ce roi, pour le prier de le délivrer du rebelle. Le roi des Tagazgaz fit marcher son fils contre le rebelle, avec une armée nombreuse et d'abondantes provisions (136). Une longue lutte commença ; des combats terribles eurent lieu, et le rebelle fut enfin abattu. Quelques-uns ajoutent que le rebelle fut tué ; d'autres disent qu'il mourut de mort naturelle (137).

L'empereur de la Chine retourna alors vers sa capitale de Khomdan. La ville était en ruines ; lui-même était réduit à une grande faiblesse ; son trésor était épuisé, ses généraux avaient péri, les chefs de ses soldats et de ses braves étaient morts. p.067 Outre cela, chaque province se trouvait au pouvoir de quelque aventurier, qui en percevait les revenus et qui ne voulait rien céder de ce qu'il avait dans les mains. L'empereur de la Chine se vit dans la nécessité de s'abaisser jusqu'à agréer les excuses de ces usurpateurs, moyennant quelques démonstrations d'obéissance que ceux-ci firent, et quelques vœux qu'ils prononcèrent pour le prince, bien que, d'ailleurs, ils ne tinssent aucun compte de ses droits en ce qui concerne les impôts, ni des autres prérogatives inhérentes à la souveraineté.

L'empire de la Chine se trouva dès lors dans l'état où fut jadis la Perse, quand Alexandre fit mourir Darius, et qu'il partagea les provinces de la Perse entre ses généraux (138). Les gouverneurs des provinces chinoises firent alliance les uns avec les autres, pour se rendre plus forts, et cela sans la permission ni l'ordre du souverain. À mesure qu'un d'entre eux en avait abattu un autre, il se saisissait de ses possessions ; p.068 il ne laissait rien debout dans le pays, et en mangeait tous les habitants. En effet, la loi chinoise permet de manger la chair humaine, et l'on vend publiquement cette chair dans les marchés (139). Les vainqueurs ne craignirent pas de maltraiter les marchands qui étaient venus commercer dans le pays. Bientôt l'on ne garda pas même de ménagements pour les patrons de navires (140) arabes, et les maîtres de bâtiments marchands furent en butte à des prétentions injustes ; on s'empara de leurs richesses, et on se permit à leur égard des actes contraires à tout ce qui avait été pratiqué jusque-là. Dès ce moment le Dieu très haut retira ses bénédictions du pays tout entier ; le commerce maritime ne fut plus praticable, et la désolation, par un effet de la volonté de Dieu, de qui le nom soit béni, se fit sentir jusque sur les patrons de navires et les agents d'affaires de Syraf et de l'Oman.

On a vu dans le premier livre un p.069 échantillon des mœurs de la Chine, et voilà tout. En Chine, un homme marié et une femme mariée qui commettent un adultère, sont mis à mort. Il en est de même des voleurs et des meurtriers. Voici de quelle manière on les fait mourir. On lie fortement les deux mains du condamné, et on les élève au-dessus de sa tête, de manière qu'elles s'attachent à son cou. Ensuite on tire son pied droit et on l'introduit dans sa main droite ; on introduit également son pied gauche dans sa main gauche ; l'un et l'autre pied se trouvent ainsi derrière son dos, le corps entier se ramasse et prend la forme d'une boule. Dès ce moment, le condamné n'a plus de chance de s'échapper, et on est dispensé de commettre quelqu'un à sa garde. Bientôt, le cou se sépare des épaules ; les sutures du dos se déchirent, les cuisses se disloquent, et les parties se mêlent ensemble ; la respiration devient difficile, et le patient tombe dans un tel état, que, si on le laissait dans cette situation une p.070 portion d'heure, il expirerait. Quand on l'a mis dans l'état qu'on voulait, on le frappe, avec un bâton destiné à cet usage, sur les parties du corps dont la lésion est mortelle ; le nombre des coups est déterminé, et il n'est pas permis de le dépasser. Il ne reste plus alors au condamné que le souffle, et on le remet à ceux qui doivent le manger.

Il y a, en Chine, des femmes qui ne veulent pas s'astreindre à une vie régulière, et qui désirent se livrer au libertinage. L'usage est que ces femmes se rendent à l'audience du chef de la police, et qu'elles lui fassent part de leur dégoût pour une vie retirée et de leur désir d'être admises au nombre des courtisanes, se soumettant d'avance aux devoirs imposés aux femmes de cette classe. En pareil cas, on écrit le nom de la femme et le nom de son père ; on prend son signalement et on marque le lieu de sa demeure ; elle est inscrite au bureau des prostituées. On lui attache au cou un fil auquel pend un cachet p.071 de cuivre qui porte l'empreinte du sceau royal ; enfin, on lui remet un diplôme dans lequel il est dit que cette femme est admise au nombre des prostituées, qu'elle payera, tous les ans, au trésor public, une telle somme, en pièces de cuivre, et que tout homme qui l'épouserait sera mis à mort. Dès ce moment cette femme paye, tous les ans, la somme qui a été fixée, et personne n'a plus la faculté de la molester.


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