LES TESTAMENTS DE MICHEL PINHAN
Michel Pinhan est un riche bourgeois ayant occupé des fonctions
importantes au sein de la communauté arlésienne dans le courant du
XV
e
siècle. Ses testaments témoignent de sa fortune et des liens existant entre
les membres de sa famille. Certains sont conservés aux Archives
Départementales des Bouches-du-Rhône, dans une liasse cotée 22 H 178,
dans laquelle sont réunis aussi plusieurs feuillets concernant les frères prê-
cheurs. Les testaments sont contenus dans quatre cahiers de vingt folios cou-
sus ensemble. Le premier cahier comporte un testament, le second un, le
troisième un plus le début d’un autre, au folio 12, qui se poursuit dans le qua-
trième. Ils mesurent 14,5 sur 20,5 centimètres et sont composés d’une feuille
papier avec des vergures et un filigrane représentant une main avec une
étoile. Des lignes horizontales ont été tracées par le scripteur ainsi qu’une
marge. Il y a plusieurs écritures différentes. Du
XIII
e
au
XVI
e
siècle, en
Provence, l’usage du testament nuncupatif prédomine. Le testateur fait une
déclaration orale devant témoins ; cette dernière est ensuite retranscrite par
un notaire. Michel Pinhan a rédigé de sa main quatre copies ainsi qu’un codi-
cille ; une autre a été faite par un notaire. Toutes sont en provençal. Trois
autres testaments, en latin, datés du 19 août 1439, du 23 mars 1442 et du 21
mai 1447 sont conservés dans les registres notariaux
1
. Le premier testament
olographe est daté du 3 mars 1446, le codicille du 26 janvier 1447 ; la seconde
version est du 4 mars 1448, la troisième du 7 janvier 1454, la quatrième du 31
janvier 1454. La copie du notaire a été faite le 15 septembre 1459. Sont joints
des reçus, en français ou en latin, de mains différentes, correspondant à des
legs qu’il a indiqués. Sera publiée ici, en annexe, la dernière version de la
main de Pinhan, la plus intéressante et la plus complète quant aux renseigne-
ments qu’il laisse transparaître sur sa vie, dont nous trouvons par ailleurs la
trace dans d’autres documents arlésiens.
Provence historique – Fascicule 214 – 2003
1. Ms. 405 E 115, f° 70 ; 4055 E 118, f° 106v; 405 E 130 ; je dois ces renseignements, ainsi
que d’autres, à monsieur L. Stouff, que je remercie pour son aide. Je remercie aussi monsieur
N. Coulet pour toutes les remarques qu’il a eu l’amabilité de me faire.
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MARIE-ROSE BONNET
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S
A VIE
Michel Pinhan vécut au
XV
e
siècle. Probablement naquit-il à la fin du
XIV
e
. Nous ne savons rien de son enfance, de sa famille paternelle et mater-
nelle, sinon que ses parents sont décédés au moment de la rédaction de ses
dernières volontés. Il apparaît dans les archives à partir de l’année 1431. Il est
en effet cité dans le CC 149, comptes trésoraires de 1431, f°71r. Le CC 17,
livre terrier de 1437, offre un état de ses biens : Pinhan, bourgeois apparte-
nant au patriciat local, fait partie des plus grosses fortunes, ce que confirme-
ront ses legs successifs. Il déclare posséder six « hostals » dans la paroisse
Saint Julien, dont les taxes vont de 120 florins à 15 florins. De plus, deux per-
sonnes lui donnent un cens pour une demeure chacune. Il a aussi un jardin
(un « verger »), quatre vignes (deux en Crau, deux au Trébon), deux prés
(l’un au Plan du Bourg, l’autre aux Ségonaux), ainsi que plusieurs étals, dont
deux de boucherie. Cette fortune correspond à celle d’un marchand, la terre
occupant peu de place, sauf en ce qui concerne la vigne. Cette même année,
ainsi que le signale L. Stouff
2
: « Le conseil prend des décisions pour lutter
contre les abus de tel ou tel groupe : en août 1437, le conseil ordonne à
Michel Pinhan de ne pas vendre ses chandelles plus de douze deniers la
livre ». C’est en effet un marchand, un « revendayre », qui eut pour patron
Pierre d’Antan. Nous savons par ailleurs qu’il vendait des brocs et des
poêles. Toujours selon Louis Stouff
3
, « en mai 1438, le garde (des) salines (de
la Vernède) interdit aux charretiers de Michel Pinhan de prendre le sel qu’il
a acheté à un maître des salines ». En 1438, il est membre de la confrérie Saint
Esprit de la Cité. En 1438 et 1439, il est pontanier, peseur en 1440, trésorier
de la communauté arlésienne en 1442. Il s’agit d’une période difficile pour
Arles, car les routiers sont proches de la Camargue, et des mesures doivent
être prises afin qu’ils n’entrent pas dans la région. Sont alors syndics
Honorat Romieu, Georges Isnart, Antoine Basan, Raynaut Pelardit. À un
moment, il est remplacé dans sa charge par son fils Antoine, car il est absent
de la ville. Nous pouvons lire en effet dans le compte trésoraire de 1442, (CC
161 f°4v) : « a receuput lodich jorn, presens los nobles Honorat Romieu,
Jorge Isnart e messier Antoni Basan, consindegues, Anthonet Pinhan, filh
deldich Miquel Pinhan en absencia de son payre qual era foras d’esta
villa… ». Nous sommes le 7 octobre. Or, le 25 juin, (f°10r), il est signalé
qu’ : « a pagat lodich thesaurier e per el Antoni son filh audich messier
Antoni Grimaut en nom d’el e deldich messier Peyre per lur enbayssada e de
comandament dels quatre senhors sindegues presens des florins. » Entre ces
deux dates, Anthoni a aussi suppléé son père dans cette fonction. A la fin du
mois de juin, c’est apparemment Michel Pinhan qui exerce à nouveau la
charge. En tant que trésorier, il doit recueillir le « prêt » demandé pour sub-
1. 2. L. S
TOUFF
, Arles à la fin du Moyen-Age, Aix-en-Provence, 1986, p. 299.
3. L. S
TOUFF
,
op. cit., p. 555, n. 165.
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