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Il suffira de citer comme exemple la guerre russo-japonaise et celle qui vient
de s'achever. Les mêmes Azerbaïdjanais qui, grâce à la méfiance qu'on leur
témoignait, n'étaient pas admis dans les rangs de l'armée russe, ont équipé un
détachement de volontaires, dont une partie succomba sur les champs de bataille en
Mand-chourie. La collaboration des Azerbaïdjanais fut encore plus importante dans la
guerre actuelle. Presque au début des hostilités, deux régiments composés
exclusivement de volontaires azerbaïdjanais, furent formés
par ces derniers, et
incorporés dans la célèbre”division des braves”qui, surtout en Galicie, fit des miracles
de bravoure.
Outre cela, des postes importants et responsables étaient occupés, dans
l'armée russe, avant la Révolution, par des généraux azerbaïdjanais de grande valeur,
comme, par exemple, le général Khan de Nakhitchevan, qui, à la tête de la cavalerie,
envahit la Prusse orientale. Le général Mekhmandaroff, actuellement chef des troupes
azerbaïdjanaises, fut commandant du corps d'armée envoyé contre les Allemands aux
environs de Riga; le général Chikhlinsky, attaché à l'état-major du généralissime de
toutes les armées russes, fut ensuite nommé commandant de la 9 armée par le
gouvernement provisoire.
Viennent ensuite le général Ousouboff, chef de brigade, et plus de deux cents
officiers de divers rangs et de différentes amies, dont beaucoup ont héroïquement
péri; d'autres ont eu la poitrine décorée de la Croix de guerre et ont reçu des épées
d'honneur pour leurs actes d'audace et du courage.
La population azerbaïdjanaise, de son côté, ne s'est pas lassée, pendant tout
le courant de cette guerre, d'y prendre part en faisant des quêtes, en recueillant des
secours nécessaires aux soldats blessés et malades, en organisant des ambulances, des
orphelinats, particulièrement nombreux à Bakou et à Gandja (Elisabethpol).
Tout cela n'était que l'obole que les Azerbaïdjanais
se faisaient un devoir
d'offrir à la cause commune de la grande guerre libératrice.
Enthousiasmés par l'invocation à la libération des peuples opprimés et par
l'idée de l'organisation d'une vie nouvelle d'après les principes de l'autodisposition,
tous les peuples de la Russie d'autrefois étaient pénétrés de cet espoir et les
Azerbaïdjanais ne restaient pas en arrière. Ils demeurèrent fidèles durant cette
dernière guerre, sans violer en quoi que ce fût leur loyauté envers l'Etat russe, qui
continuait à ne voir en eux, malgré tout, que des allogènes devant payer les impôts et
se soumettre au gouvernement sans avoir droit à la confiance et au respect dus à leur
nationalité, à leur religion et aux exigences cultuelles de leurs masses.
On pouvait supporter à contre-cœur cette façon d'agir envers l'?me d'un
peuple effaâant sa physionomie nationale, ignorant
ses besoins quotidiens et
essentiels - façon d'agir aussi outregeante qu'imméritée - mais on ne pouvait jamais
l'oublier.
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Se souvenant avec indignation du pouvoir russe, aujourd'hui écroulé, et de
son gouvernement, de funeste mémoire, c'est avec plus de décision
encore que les
Azerbaïdjanais tiennent à leur autonomie sociale et politique.
Et c'est là, au point de vue de la mentalité des masses, le seul moyen de
sauver les Azerbaïdjanais de l'effacement complet de leur individualité et de la perte
de leur nationalité dans son existence de près d'un siècle sous le joug de la Russie.
La tournure des idées, les idéals, les vues politiques et culturelles, les
aspirations des Russes, race slave, non seulement diffèrent sensiblement de ceux des
Azerbaïdjanais mais y sont souvent diamétralement opposés. C'est dans cette
profonde différence de mentalité que se cachait toujours la source des malentendus et
de l'ignorance mutuels.
On ne se comprenait pas, et cette incompatibilité même
prouve que les voies de ces deux peuples sont tout à fait contraires.
L'Azerbaïdjanais se représente le progrès humain comme l'évolution logique
des bases déjà existantes, sans sauts, sans contrastes frappants contraires à la marche
normale des événements de la vie morale, sociale et politique. C'est en cela que se
révèle la différence essentielle entre les idées, la façon de vivre, l'esprit national des
Russes et des Azerbaïdjanais, résultat naturel des conditions climatériques,
géographiques, ethniques, historiques, des mœurs et de la religion.
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