Histoire du Canada (1944) 1


Tome premier Introduction



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Tome premier



Introduction



Chapitre premier



Découverte de l’Amérique

1000-1524


Chez les Grecs et les Romains, qui divinisaient tout ce qui porte un caractère de grandeur et de majesté, Colomb eût été placé, à côté des fondateurs de leurs cités, au rang des dieux.

Le hasard, auquel on doit tant de découvertes, n’a été pour rien dans celle de l’Amérique. Colomb, seul, conçut la magnifique idée d’aller sonder les mystères qui reposaient sur les limites occidentales de l’Atlantique, ces bornes regardées au cours de tant de siècles avec une frayeur superstitieuse ; et, seul, il sut retrouver un monde perdu peut-être depuis des milliers d’années.

À cette époque, la plupart des peuples de l’Europe avaient les notions les plus confuses sur les pays avec lesquels ils ne se trouvaient pas en relations directes. Les contemporains de Colomb croyaient que la zone torride, brûlée par les rayons qui y tombent perpendiculairement du soleil, était inhabitable. Ils se plaisaient à peupler d’êtres extraordinaires et merveilleux les contrées plus connues, et ils aimaient mieux ajouter foi aux histoires fabuleuses, que d’aller en reconnaître la vérité par des navigations dont la pensée même les effrayait.

Nous ne nous arrêterons pas aux prétendues expéditions en Amérique des1 [Phéniciens et des Chinois, des Arabes et des Juifs, non plus qu’à celles des Irlandais et des frères Zéni. Les premières sont enveloppées de légendes, les dernières demeurent pour le moins douteuses. Il en est autrement des voyages des Scandinaves aux IXe, Xe, XIe siècles. Ces Normands qui étaient pour la plupart des Norvégiens et en partie des Danois, avaient découvert l’Islande (867) et le Groënland (986) et y avaient formé des colonies. Leur incomparable audace leur avait valu le surnom de Vikings, « rois de la mer ». Les sagas islandaises, dont l’authenticité est certaine, racontent qu’en l’année 999 ou 1000 un Norvégien, Leif Eriksson, fils d’Erick le Roux ayant fait voile du Groënland, fut poussé par une tempête vers un continent nouveau. Il reconnut tour à tour une terre pierreuse, Helluland, une terre de forêts, Markland, et une terre de blé et de vignes sauvages, Vinland, dans lesquelles on a cru reconnaître respectivement le Labrador, Terre-Neuve, le Cap-Breton ou la Nouvelle-Écosse. En l’année 1003, un autre Norvégien, Thorfinn Karlsefni, partait aussi du Groënland, avec trois navires et 140 hommes pour aller coloniser une partie des terres que Leif avait déjà signalées. Son entreprise dura trois ans].

[De nouvelles théories ont été avancées pour déterminer le lieu de ces atterrissages. À en croire les unes, les Vikings seraient parvenus dans l’estuaire du Saint-Laurent et même jusqu’à la baie des Chaleurs ; suivant les autres, ils seraient débarqués à la côte sud orientale de Terre-Neuve. Quelques spécialistes supposent encore que ces hommes du Nord auraient atteint le littoral des États-Unis et atterri, soit sur les côtes du Rhode-Island, soit à la pointe occidentale de Long-Island, dans le New-Jersey. La question paraît jusqu’ici insoluble. Il est admis maintenant que les voyages accomplis par les Vikings n’ajoutèrent à peu près rien à nos connaissances géographiques touchant le continent américain. Néanmoins malgré la découverte et la colonisation de l’Islande et du Groënland, malgré la singulière aventure de Leif et les premiers établissements de Karlsefni], tous ces événements demeuraient étrangers au reste de l’Europe, où les contrées qui étaient visitées passaient pour des îles improductives et désertes, répandues au loin dans l’océan. [Quant aux descendants des colons norvégiens qui auraient continué de vivre au Nouveau-Monde, « ils furent tous massacrés ou réduits en esclavage vers le XVe siècle par les Skroelings (Esquimaux). Puis, ce fut un silence de plusieurs siècles. » (Colonel Langlois)]

L’Amérique qui forme presque un tiers du globe habitable a été peuplée par des races d’hommes à une période très reculée. Mais en quel temps ont-elles existé, et quelles étaient leurs origines ? Il faut qu’une émigration se soit portée sur notre continent et que celui-ci ait été en communication avec l’Europe ou l’Asie. [Quoi qu’il en soit, à la fin du XVe siècle, au moment de sa découverte par les Espagnols et les Portugais, l’Amérique centrale et méridionale comprenait principalement trois nations indigènes : les Mayas, occupant la presqu’île du Yucatan et le Guatemala ; les Aztèques, au centre du plateau mexicain, qui avaient créé avec leurs voisins vaincus une confédération puissante, les Incas, établis sur le plateau du Pérou et la côte du Pacifique, et dont l’empire s’étendait de la Colombie au Chili. Grâce aux lettres des conquistadores, aux récits des contemporains et des missionnaires et aussi par les recherches archéologiques et les études accumulées des Américanistes, nous connaissons mieux la condition politique et sociale et l’état culturel de ces nations idolâtres. Les bâtiments majestueux, aux vastes dimensions, évoquant les constructions antiques de la Chaldée et de l’Égypte ; les stèles : les bas-reliefs,] les statues de marbre et de granit, [marquant une originalité toute native ; une langue plutôt riche, une écriture hiéroglyphique, l’usage d’un calendrier ; et encore le travail du bois, de la pierre et des métaux précieux ajouté à la fabrication et à la teinture des étoffes, aux vêtements, à la coiffure ; la culture de la tomate, de la pomme de terre, du maïs et aussi du tabac, du cotonnier et du cacaoyer ; et enfin une industrie et un commerce florissants, attestaient chez les Mayas et les Aztèques] un haut degré de civilisation. [En même temps leur gouvernement était des plus despotiques, et leur religion, véritablement païenne, appelait des sacrifices humains. On sait maintenant que les Incas, qui avaient des croyances et des pratiques similaires, surpassaient tous leurs rivaux. Ils possédaient des palais et des temples d’une beauté grandiose, des forteresses, des demeures souvent décorées de plaques d’argent et d’or. Ils avaient construit des aqueducs, des ponts de pierre, des digues pour enrayer les inondations. Deux grandes routes parallèles et magnifiques reliaient du nord au sud toutes les parties du pays. Pour ce qui est de l’extraction de l’or et de l’argent, du cuivre et du platine, pour l’alliage et la ciselure, comme dans la céramique et non moins dans l’art du tissage et de l’habillement, les Péruviens montraient encore leur réelle supériorité. Ces adorateurs et « Fils du Soleil », ainsi qu’ils s’appelaient eux-mêmes, gouvernés par un tyran cruel, vivaient sous un régime de « communisme agraire ». Il est à remarquer que parmi ces anciennes populations américaines, les animaux domestiques, les bêtes de somme et les bêtes de trait, de même que l’emploi de la roue étaient inconnus].

Cependant le temps arrivait où [l’esprit des hommes, qui devaient leur formation aux disciplines traditionnelles de l’Église, aux enseignements des grands philosophes, humanistes et savants du moyen âge chrétien, allaient bientôt par une révolution économique, le retour à la culture gréco-latine et la découverte de mondes nouveaux, prendre un splendide essor. Le trafic des épices, le goût du lucre et la soif] d’aventures entraînaient déjà les navigateurs hors des limites établies. Les Normands poussés par le génie inquiet et audacieux de leur race, pénétrèrent au delà des îles Canaries, dans leurs expéditions commerciales ou armées. Jean de Béthencourt, [et Gadifer de La Salle, poitevin,] conquirent [et colonisèrent en partie] ces îles, (1402-1406) qu’ils possédèrent à titre de fief relevant de la couronne de Castille. Elles étaient fameuses chez les anciens, qui y avaient placé, le jardin des Hespérides et elles formaient, de ce côté, la borne du monde connu.

Le Portugal, un des pays les plus petits de l’Europe, était destiné à ouvrir la carrière des grandes découvertes géographiques et un nouveau champ de gloire pour les modernes. Sa marine avait fait peu de progrès lorsque parut un prince célèbre dans les annales de l’exploration et du commerce (1419). Henri le Navigateur [mieux versé que personne de son époque] dans toutes les sciences touchant l’art nautique, forma le projet d’envoyer des navires vers l’Asie en leur faisant [longer à l’ouest puis contourner le continent africain]. Par là, il espérait ouvrir au trafic de l’Inde un chemin moins dispendieux que celui de la mer Rouge. Les Carthaginois, jadis, avaient tenté ce périple. S’il réussissait, Henri faisait du Portugal le principal marché et le centre des richesses de l’Europe. Cette idée était digne de son génie et devançait son siècle. Sous son impulsion, les navigateurs portugais dépassèrent le cap Bojador, pénétrèrent dans la région redoutable des tropiques et explorèrent la côte de l’Afrique [jusqu’aux plages de la Guinée. À leur suite Jean de Santarem et Pedro de Escovar passèrent la ligne équinoxiale ; Barthélemy Diaz doubla le Cap de Bonne-Espérance (1486) et Vasco de Gama atteignit les Indes (1496-98). Les marins portugais s’étaient aussi dirigés en plein océan et avaient trouvé les Canaries, l’île Madère, les Açores et les îles du cap Vert. À dire le vrai « ce sont les Génois et les Catalans qui ont découvert les îles de l’Atlantique (aux XIIIe et XIVe siècles), ce sont eux qui ont initié les Portugais et les Espagnols à la navigation hauturière et leur ont appris l’usage des cartes marines » (Lucien Gallois)]. Néanmoins les découvertes des Portugais éveillèrent bientôt l’attention de l’Europe. Le bruit de leurs expéditions, les relations presque merveilleuses de leurs voyageurs se répandirent parmi toutes les nations maritimes et y causèrent un étonnement extrême. Les hommes les plus aventureux se portèrent au Portugal pour aller chercher fortune dans les régions nouvelles, vers lesquelles les marins de ce pays s’élançaient avec une ardeur qu’excitaient sans cesse des succès multipliés. Christophe Colomb se rendit à Lisbonne en 1473 ou 1474.

Colomb dont le nom se rattache à jamais à l’histoire du Nouveau-Monde, naquit à Gênes, en 1451. Son père [qui était tisserand], ne lui fit donner qu’une instruction médiocre. Colomb [devenu tisserand lui-même] montra de bonne heure du goût pour la géographie, qu’un penchant irrésistible pour la mer lui permit d’utiliser. [Il vécut à Gênes puis à Savone passé sa majorité, et exerça, un temps, le métier de cardeur de laine]. À Lisbonne, où il se redonna à sa science favorite [il étudie l’astronomie, la géométrie et il apprend le latin. Il s’employait du reste avec son frère Barthélemy à copier des manuscrits et à dresser des cartes qu’il vendait ensuite pour vivre. Alors commencent ses voyages qui couvrent une période de dix ans]. Il fit plusieurs expéditions avec les Portugais [pour des fins commerciales. Il parcourut la Méditerranée, voyagea à Madère et aux Açores], il visita aussi les rives de Guinée [et alla peut-être aux Îles Britanniques]. Ses voyages le mirent en relation avec les navigateurs qui avaient pris part aux [explorations accomplies sur les côtes africaines et dans les îles de l’Atlantique] depuis le prince Henri. [Colomb n’en poursuivait pas moins ses études, il accumulait les données et les connaissances sur les routes et les terres de l’océan et sur les régions situées au delà. Mais déjà, la lecture de la Géographie de Ptolémée, des brillantes relations de voyage de Marco Polo, si pleines d’enthousiasme pour les pays d’Extrême-Orient auxquelles il ajouta ses propres commentaires, avait séduit sa curiosité ardente et captivé son imagination. Au surplus, il couvrait de notes marginales un exemplaire de l’Imago Mundi (1480-1483), du cardinal français Pierre d’Ailly, et ce traité original deviendra son livre de chevet. Ce fut vraisemblablement sous l’inspiration de ce dernier ouvrage, encore que certains géographes (notamment M. George Nun) contestent une telle assertion, que Colomb, conçut le dessein de réaliser l’idée, qui depuis un siècle flottait dans l’air] : aborder aux Indes en cinglant droit vers l’Ouest. [On a exagéré, semble-t-il, à ce propos l’importance de la lettre adressée par l’astronome et cosmographe florentin, Paolo Toscanelli, au chanoine de Lisbonne – Fernam Martins (1474), dont le savant aurait envoyé une copie à Colomb en 1481. Cette lettre, après tout, ne contenait rien que le Génois ne connût déjà ou qu’il n’eût appris d’autres sources. Par ailleurs], une précieuse application de la science à la navigation, l’astrolabe, devenu l’octant, par les perfectionnements d’Auzout et l’usage de la boussole qui s’était répandu en Europe allaient permettre de s’éloigner sans crainte des routes tracées.

Colomb fit part de son projet au roi du Portugal, Jean II, auquel il demanda vainement quelques vaisseaux, pour tenter l’épreuve. Il tourna alors les yeux vers l’Espagne, et partit pour Madrid en 1484, accompagné de son fils Diègue, afin de soumettre les mêmes propositions à Ferdinand et Isabelle. Il n’y fut pas d’abord plus heureux, mais ne se découragea point. De jour en jour plus convaincu que jamais de la possibilité de son entreprise, il persista dans ses efforts. [Grâce à l’intervention de Juan Perez, prieur du couvent de la Rabida, il recevait par avance 20 000 maravédis de la reine avec laquelle il eut une entrevue à Grenade]. Cependant un examen lui avait été imposé [devant des gens de la cour, quelques savants et des professeurs de l’Université de Salamanque. À la vérité, ce qu’on mettait en doute, c’était avant tout le côté pratique de son projet. Enfin] après huit années de sollicitations, l’esprit persévérant de Colomb allait triompher. [Luis de Santangel l’un des trésoriers du royaume, dont il avait gagné l’appui, obtint des souverains catholiques la signature d’un traité, le 17 avril 1492, à Santa Fé pour l’organisation de son voyage]. Presque dans le même temps, suivant Henri Harrisse, les rois de France et d’Angleterre, Charles VIII et Henri VII, auprès desquels il fit faire des démarches par son frère Barthélemy, envoyaient des réponses favorables. En sorte que la découverte de l’Amérique n’aurait pas manqué de s’accomplir sous les auspices de l’un de ces princes.

Ferdinand [ou plutôt Isabelle contribua 1 140 000 maravédis aux frais de cette expédition et] fit équiper, [avec l’aide d’un riche armateur de Palos, Martin Alonzo Pinzon], trois caravelles dont deux n’avaient pas de pont. La plus grande se nommait la Santa-Maria, la plus petite la Nina et une autre la Pinta. Colomb fit voile de Palos, le vendredi 3 août 1492, avec le titre [de grand-amiral, vice-roi et gouverneur général des mers, côtes, îles et] terres qu’il pourrait découvrir ; [il devait toucher un dixième des profits sur les perles, or, épices qui s’y trouveraient]. Il était accompagné des trois frères Pinzon, [qui commandaient deux des navires]. L’escadrille avait pour douze mois de vivres et portait 120 hommes, [parmi lesquels étaient plusieurs marins de valeur comme les Pinzon, Juan de la Cosa et Pero Alonzo Nino]. La traversée ne fut pas orageuse ; mais une crainte superstitieuse s’était emparée de l’esprit des matelots et leur faisait voir mille dangers imaginaires. Cette terreur fut encore augmentée par les variations du compas, qu’on observa alors pour la première fois. Ils crurent que les lois de la nature changeaient à mesure qu’ils avançaient, et, dans leur effroi, tantôt ils tombaient dans un découragement extrême, tantôt, pleins de colère, ils poussaient des cris de révolte jusqu’à menacer un jour Colomb de le jeter à la mer. La fermeté de ce capitaine ne l’abandonna pas ; il réussit à les maîtriser et à relever leur courage [en étalant devant eux un morceau de ce minerai d’or qui, dès le début, avait excité leur convoitise. Au reste, depuis le départ de Palos, on dut faire relâche à la Grande Canarie. Trente-trois jours après], dans la nuit du jeudi 11, au vendredi, 12 octobre 1492, vers dix heures du soir, une lumière, qui allait et venait à quelque distance, frappa tout-à-coup la vue de Colomb ; n’osant s’en rapporter à ses yeux, il la fit observer à quelqu’un près de lui. Ils attendirent dans l’anxiété le matin. Ses premières lueurs montrèrent une terre couverte d’une végétation brillante et vigoureuse, sous un beau ciel rempli d’une multitude d’oiseaux au riche plumage. À ce spectacle, tout le monde fut transporté. Un Te Deum fut chanté en action de grâces, et des larmes de joie coulèrent de tous les yeux.

Au lever du soleil, les chaloupes furent mises à l’eau : chacun porta ses plus beaux habits. Colomb, ayant fait déployer son drapeau, donna l’ordre de ramer vers le rivage aux accords d’une musique guerrière. Le premier, il sauta à terre, une épée nue à la main. Les Espagnols le suivirent, et tombèrent à genoux sur la rive, qu’ils embrassèrent comme une nouvelle mère, ou plutôt comme une conquête qui ne devait plus se perdre. Ils y plantèrent une croix [et arborant l’étendard des rois catholiques], ils prirent possession du pays pour la Couronne de Castille et d’Aragon. C’était une des îles Lucayes ou Bahamas [probablement l’île Watling]. Colomb la nomma San Salvador (Saint-Sauveur). [Comme il se croyait rendu à l’extrémité orientale de l’Asie et dans l’archipel des Indes, il appela les indigènes los Indios, les Indiens].

La rive était couverte de sauvages, qui manifestaient par leurs gestes et par leurs attitudes un profond étonnement. Les caravelles, les costumes, les armes, le teint blanc des Européens soulevaient leur admiration. Ils prirent les Espagnols pour les fils du Soleil, rendant visite à la terre, surtout lorsque ceux-ci firent entendre leur artillerie. L’explosion des canons les remplit d’épouvante et contribua à les convaincre que ces étrangers étaient d’origine céleste. Les Espagnols n’étaient pas moins surpris, de leur côté, de ce qui frappa leurs regards. La peau rouge ou cuivrée, l’air farouche des habitants, les animaux, les oiseaux, les plantes, tout semblait différent de ce que présentait l’Europe. Le sol, qui paraissait être d’une grande fertilité, ne portait aucune trace de culture, aucun indice de civilisation.

Après avoir examiné le pays, Colomb remit à la voile pour continuer ses découvertes. [Il parcourut quatre des îles Bahamas]. Il atterrit ensuite à l’île de Cuba (28 octobre) où il vit des naturels (Arawaks) fumer du tabac, pratique inconnue chez les Européens, et récolter la pomme de terre. [L’amiral pensait si bien avoir atteint la grand île de Cipangu (Japon) avoisinant le royaume de Cathay (Chine), décrit par Marco Polo, qu’il dépêcha aussitôt deux interprètes auprès du Grand Khan pour lui présenter ses lettres de créances]. Cinq semaines après, le 6 décembre, il abordait dans une île à laquelle il donna le nom d’Hispaniola, petite Espagne, depuis appelée Haïti, dont il prit encore possession pour l’Espagne. Il songea alors à y retourner, afin d’aller annoncer une des plus grandes découvertes qui aient été faites parmi les hommes. Partout, les différentes peuplades qu’il visita l’avaient bien accueilli. Ayant perdu la Santa-Maria sur les côtes de Saint-Domingue (Haïti), il obtint du cacique de la contrée la permission de bâtir un fortin en bois pour mettre ses gens en sûreté. [Il y laissa une quarantaine d’hommes avec des vivres, des semences et des armes] à la condition que ceux-ci aideraient à repousser les Caraïbes, peuple féroce et pillard qui habitait les îles méridionales. Les indigènes travaillèrent eux-mêmes à cet ouvrage qui fut baptisé La Navidad. Le 3 janvier 1493 Colomb se remit en mer. Après une traversée très orageuse, [il débarquait, le 9 mars (1493), à Valparaiso, à dix lieues de Lisbonne, où il vit Jean II, roi de Portugal]. Le 15 mars [sept mois et 12 jours après son départ], il rentra dans le port de Palos, aux acclamations de la ville, qui ne croyait plus le revoir. [Il ramenait avec lui neuf Indiens].

L’immortel navigateur alla rendre compte de ses découvertes à Ferdinand et Isabelle. Son voyage jusqu’à Barcelone, où était la Cour, fut une marche triomphale au milieu des populations accourues de toutes parts sur son passage. Les deux souverains voulurent le recevoir avec une pompe royale, et le trône fut dressé devant le peuple sous un dais magnifique. Le roi et la reine, le front ceint de la couronne, entourés des grands de la nation, se levèrent à l’approche de Colomb. Il parut, suivi d’une foule de seigneurs, entre lesquels il se distinguait par son port noble, sa figure imposante et par une longue chevelure blanche qui tombait sur ses épaules. Après l’avoir fait asseoir en leur présence, honneur accordé très rarement, même aux grands personnages de l’Espagne, les souverains lui firent raconter les événements les plus remarquables de son voyage. Ils écoutèrent son récit avec une émotion profonde. Quand il eut cessé de parler, ils se jetèrent tous les deux à genoux, et, levant les mains, ils remercièrent le ciel, en versant des larmes de reconnaissance, d’un succès d’autant plus éclatant qu’il était plus inespéré. Tous ceux qui étaient présents les imitèrent, et un enthousiasme solennel s’empara de cette auguste assemblée. Après ce glorieux accueil, Ferdinand et Isabelle accordèrent des armoiries à Colomb. Mais l’illustre découvreur devait se hâter de jouir de ces hommages rendus à son génie car il allait bientôt éprouver l’ingratitude de ses concitoyens.

La nouvelle de cette découverte courut dans toute l’Europe, [grâce à des correspondances privées, notamment celle de Pierre Martyr d’Anghiera, mais surtout à la publication de la lettre que Colomb avait adressée à Luis de Santangel pour lui faire un récit de son voyage (avril 1493)]. Elle causa en Espagne, une sensation inexprimable. [Pourtant un conflit ne tarda point à surgir entre les puissances espagnole et portugaise au sujet de la propriété des terres nouvellement découvertes. On choisit pour arbitre le Pape Alexandre VI. Il proposa de tracer une ligne imaginaire de démarcation, du nord au sud, à cent lieues à l’ouest des Açores et des îles du Cap-Vert. Tous les territoires situés à l’ouest de cette ligne appartiendraient à l’Espagne et tous ceux qui se trouveraient à l’est seraient au Portugal. (Bulle du 4 mai 1493). L’année suivante, par le traité de Tordesillas (7 juin 1494), le Portugal et l’Espagne convinrent de placer la ligne de démarcation à 340 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert].

Colomb accomplit encore trois voyages au Nouveau-Monde : de 1493 à 1496 ; en 1498 ; de 1502 à 1504, [dans lesquels il reconnut Porto-Rico, la Jamaïque et presque toutes les petites Antilles. Le 1er août 1498, il découvrit la terre ferme de l’Amérique du Sud, probablement la côte nord-est du Vénézuéla, au sud de l’île de la Trinité]. À sa dernière traversée et la plus périlleuse, il rangea le continent central, depuis la baie d’Honduras jusqu’au golfe Darien. Ce fut au cours de sa troisième expédition que Francisco de Bobadilla, nommé gouverneur de Saint-Domingue, et prévenu contre Colomb, le fit [emprisonner ainsi que ses deux frères Barthélemy et Diègue durant deux mois] ; il osa ensuite les envoyer tous trois chargés de fer en Espagne (1500). On leur rendit la liberté, mais le grand navigateur n’oublia jamais ce trait d’envieuse ingratitude. Il voulut que ses chaînes fussent placées à côté de lui dans son tombeau. [Pour dernière épreuve, après la mort de la reine Isabelle, Ferdinand ordonnait la saisie des revenus de Colomb en remboursement de ses dettes]. Accablé par les infirmités moins encore que par les chagrins, [il expirait à Valladolid, le 20 mai 1506, jour de l’Ascension. Avant de mourir, il avait revêtu l’habit du tiers-ordre de Saint-François et il fut enseveli dans le couvent des Franciscains. Ses cendres reposent aujourd’hui à Cadix]. Colomb était de haute stature ; il avait le visage long, le nez aquilin ; ses yeux étaient bleus, son teint coloré ; il avait eu les cheveux roux dans sa jeunesse ; ses travaux les avaient fait devenir blancs avant le temps. Il avait l’air gracieux, parlait bien et avec beaucoup d’éloquence.

Tandis que Colomb continuait ses explorations, d’autres navigateurs, émules de sa gloire, tentaient des routes nouvelles dans le même hémisphère. L’Espagnol Vicente Yanez Pinzon, [l’ancien compagnon de l’amiral], découvrit le Brésil [près du cap Saint-Augustin actuel (20 janvier 1500). Trois mois après] le Portugais Alvarez Cabral [commandant une expédition de treize navires aux Indes], poussait trop à l’ouest et arrivait en présence d’une terre inconnue : c’était encore le Brésil. [Il le baptisa Santa Cruz [terre de Sainte-Croix). Pinzon côtoya aussi l’Amérique du Sud au delà de l’équateur. Vers le même temps (1504), un capitaine français, Binot Poulmier de Gonneville, partit de Honfleur sur l’Espoir, bâtiment de 120 tonneaux, avec soixante hommes d’équipage, doublait le cap Saint-Augustin et venait mouiller dans la rivière San-Francisco-do-Sul, sur la côte méridionale du Brésil. Il y demeura six mois. Il rentrait à Honfleur (1505) ramenant avec lui trente-et-un Français et un Indien du Brésil, le premier venu en France].

[À la suite des découvertes de Colomb], les marins des autres nations avaient tourné leurs vaisseaux vers l’Ouest, à la recherche [d’une route en Extrême-Orient, aux pays de l’or et des épices. Jean Cabot, de son vrai nom Giovanni Cabotto, né à Gênes, était devenu citoyen de Venise. Il se livra au commerce et fit de nombreuses courses dans la Méditerranée. Plus tard il se rendit à Séville, habita Lisbonne puis entre 1484 et 1485 il alla s’établir à Bristol où il s’associa avec des marchands. Le 5 mars 1496 le roi d’Angleterre, Henri VII, lui accorda, et peut-être aussi à son fils Sébastien, le privilège de naviguer à l’est, à l’ouest et au nord « afin de chercher et découvrir toutes les îles, contrées, régions ou provinces de païens dans n’importe quelle partie du monde ». Cabot fit voile de Bristol, le 2 mai 1497 sur un petit bâtiment, le Mathew, monté de dix-huit hommes. Il s’éleva vers le Nord, puis gouvernant à l’Ouest, vint atterrir à un point de l’Amérique du Nord qui serait l’île du Cap-Breton, ou la côte du Labrador, ou peut-être encore Terre-Neuve. De même que Colomb, il croyait bien toucher la partie extrême de l’Asie, la Chine ou le japon, et non pas découvrir un nouveau continent. Son retour au bout de trois mois causa un vif enthousiasme parmi la population de Bristol. Henri VII lui donna sur ses propres ressources une pension de £20, outre £10 de récompense. L’année suivante (3 février 1498), de nouvelles patentes royales autorisaient Cabot à entreprendre un second voyage. Il repartit au mois de mai avec cinq navires mais les résultats de son expédition restent obscurs]. Les Espagnols et les Anglais qui se sont partagé presque tout le Nouveau-Monde, doivent ces vastes contrées au génie italien.

On croyait encore universellement que les terres découvertes faisaient partie de l’Asie, quoiqu’elles ne répondissent pas aux descriptions des Indes que l’on cherchait, et on les appela d’abord Indes occidentales, [comme les avait désignées Colomb]. On resta dans cette erreur jusqu’en 1513, que Vasco Nunez de Bolboa aperçut, du haut [du mont Pirri, sur l’isthme de Panama], l’océan Pacifique, qu’il nomma « la mer du Sud » (25 septembre). Déjà plusieurs commençaient à donner à une partie du Brésil la désignation d’Amérique, qui s’étendit peu à peu à tout le continent. Voici comment ce nom s’introduisit. [Un Florentin, Amerigo Vespucci, avait suivi deux Espagnols, Alonzo de Hojeda et Juan de La Cosa, dans une expédition sur la côte orientale de l’Amérique du Sud, en 1499 ; les premiers, ils longèrent le littoral des Guyanes, hollandaises et anglaises, et du Vénézuéla. En 1500-1502, Vespucci se rendait au Brésil par les ordres de Manoel, roi de Portugal, naviguait au Sud jusqu’au 52° lat. et signalait l’île de la Georgie du sud. Une troisième fois (1503), en prenant la même direction, il allait mouiller dans la baie de-tous-les-Saints et pénétrait en deçà du 16° lat. sud].

[De retour à Lisbonne, Vespucci composa, sous forme de lettres à ses amis, Lorenzo de Médicis et Pietro Soderini, deux relations de ses voyages]. Il s’attribua l’honneur d’avoir vu la terre ferme en 1497, un an avant Colomb. Comme ses récits présentèrent à la curiosité des peuples les premières peintures des pays nouvellement découverts et qu’ils furent pendant longtemps les seuls rendus publics, ils se répandirent dans toute l’Europe. [C’est alors, en 1507, qu’un jeune professeur de géographie au collège de Saint-Dié en Lorraine, Martin Waldseemüller, émit dans un petit livre intitulé Cosmographiae Introductio, cette proposition surprenante :

« ... Maintenant, ces parties du monde, l’Europe, l’Afrique, l’Asie, ont été explorées dans tous les sens, et comme le prouvera la suite de l’ouvrage, Amerigo Vespucci a trouvé une quatrième partie. Je ne vois pas de quel droit quelqu’un s’opposera à ce que d’Amerigo, l’auteur de la découverte, homme d’un génie sagace, on l’appelât Amerige, c’est-à-dire terre d’Amerigo ou America, puisque, aussi bien l’Europe et l’Asie ont été redevables de leur nom à des femmes ». (traduit par P. Gaffarel, Histoire de la découverte de l’Amérique, II, p. 398). Le nom usurpateur ne prévalut pas d’abord. Waldseemüller lui-même le remplaça par « Terra Incognita », dans sa carte de 1513, cependant que les historiens espagnols continuaient d’employer la dénomination : Indes. Ce n’est qu’en 1541 que le mot America figure pour la première fois sur la carte de Mercator et s’applique à tout le continent]. Il fut ensuite consacré par l’usage.

[Trois ans après le premier voyage de Jean Cabot, (1500), un gentilhomme portugais, Gaspar Corte-Real, reconnut la partie orientale de l’île de Terre-Neuve. En 1501, accompagné de son frère Miguel, il s’avança jusqu’au Groënland, puis, tournant vers le Sud, parcourut le Labrador et cette fois débarqua dans Terre-Neuve. Il ne devait point revenir. Cependant Miguel, après son retour, repartit, en 1502, à la recherche de son frère. Mais lui aussi ne reparut plus. Au reste les cartes portugaises désignèrent ensuite l’île de Terre-Neuve sous le nom de terre de Corte-Real].

Déjà, à cette époque, [et dès le XVe siècle] les Basques (français et espagnols), les Bretons, les Normands et les Rochelais faisaient la pêche de la morue et de la baleine sur le Grand Banc de Terre-Neuve et sur les côtes du Canada. [On lit dans un journal de voyage du Dieppois Pierre Crignon, rédigé en 1539 et publié par Ramusio, qu’en 1506, un capitaine honfleurais, Jean Denys, piloté par Gamart, de Rouen, abordait à Terre-Neuve et donnait son nom au havre appelé depuis Renewse, au nord-est du cap Race ; qu’en outre, le capitaine Thomas Aubert, de Dieppe, y conduisait, en 1508, un navire de Jean Ango le père, la Pensée, et ramenait des indigènes. À la même date, quatre navires rouennais, de soixante à quatre-vingts tonneaux, la Bonne-Aventure, commandée par le capitaine Jacques de Rufosse, La Sibille, le Michel et la Marie-de-Bonnes-Nouvelles, ce dernier sous les ordres du capitaine Jean Dieulois, faisaient voile vers l’île aux Morues.]

Comment ces marins ont-ils pu se mettre en possession des pêcheries de Terre-Neuve si peu de temps après le voyage de Colomb ? C’est une question qu’on se pose, et qui porte à croire que les navigateurs français connaissaient ces parages depuis longtemps. Plus d’un même l’assure positivement, comme Étienne Cleirac, l’auteur des Us et Coustumes de la Mer (Bordeaux, 1647). Il soutient qu’ils ont découvert les bancs de Terre-Neuve et les terres du Cap-Breton cent ans avant les voyages de Colomb. [Et il ajoute : « Le pilote, lequel porta la première nouvelle à Christophe Colomb et lui donna la cognaissance et l’adresse de ce monde nouveau, fut un de nos Basques terreneufvier », p. 151].

[Il est difficile cependant de préciser la date des premiers voyages français à Terre-Neuve. « La navigation au long cours s’enveloppa de mystère ; le « secret de la quarte de naviguer », auquel on fait allusion, vers 1480 et en 1511, prouvent que nos marins cachaient leurs découvertes. » (C. de La Roncière, Les navigations françaises au XVe siècle ; Bulletin de Géographie historique et descriptive, Paris, 1896.) D’autant que par la bulle du 6 mai 1493, mentionnée plus haut, le pape Alexandre VI avait frappé d’excommunication quiconque pénétrait dans les régions réservées à l’Espagne et au Portugal. Par suite, ces deux nations fermaient non seulement leurs colonies, mais encore l’Atlantique et l’océan Indien qu’elles considéraient comme leurs mers. De plus, la piraterie régnait jusque sur les côtes de France et mettait en péril les barques des pêcheurs. En revanche, les Bretons connaissaient si bien « le secret de Terre-Neuve » que les Espagnols, dans leurs expéditions vers ces contrées, imposaient à leurs capitaines l’adjonction de pilotes bretons ; qu’en 1511, notamment, la mère de Charles-Quint n’autorisait l’explorateur Agramonte à partir pour l’Île des Morues, que sous la conduite de deux pilotes armoricains. En fait, La Catalina, montée par Alonzo Nino, dans son voyage de 1496 en Amérique, était un navire breton. Et l’on constate au même temps que deux des vaisseaux commandés par Ayllon, au cours de ses reconnaissances sur ce continent (1526), portaient des noms empruntés à la Bretagne. Cependant, en interprétant certaines appellations qui se trouvent dans la carte de Ruysch (1508), s’il faut en croire Harrisse, dès avant 1506, les Bretons avaient coutume de fréquenter les côtes septentrionales de la Nouvelle-Écosse. « Du reste, au XVIIe siècle, parmi les registres de l’amirauté de Honfleur, maintenant détruits, on pouvait lire ces mots : « Avant que Colomb fust cogneu, des congés pour (aller) à la pesche des morues aux Terres Neufves, des journaux et des rapports des pilotes qui en estoient revenus. » (Lettre de l’abbé Paulmier, Rouen, 19 avril 1659). Aussi bien il convient de souligner que le 14 décembre 1514, les moines de Beauport déposaient à Paimpol que, depuis soixante ans (1454), les habitants de l’île de Bréhat payaient la dîme sur les poissons pêchés « tant en la coste de Bretaigne, la Terre-Neufve, Islandre, que ailleurs... » Ce qui est sûr c’est que les Français étaient les seuls à posséder des établissements permanents à Terre-Neuve au XVIe siècle. À tel point que les pêcheurs anglais sollicitaient des Malouins la permission d’aller y faire la pêche. En somme, la partie nord de l’île de Terre-Neuve et presque tout le sud furent visités par les Français exclusivement jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Les Anglais, d’autre part, ne commencèrent à naviguer dans le golfe Saint-Laurent que dans la dernière décade du XVIe siècle.]

[Durant ce temps, les Portugais et les Espagnols ne cessaient de poursuivre leurs explorations et d’étendre leurs conquêtes dans la plus grande partie de l’Amérique. En 1508, Vicente Yanez Pinzon et Juan de Solis longèrent la côte de l’Amérique centrale et méridionale, depuis le Honduras jusqu’au 40° de latitude sud, et Solis reconnut (1514) le Rio de la Plata. Ponce de Leon découvre la Floride en 1512. Sept ans après, Alonzo de Pineda explore le golfe du Mexique, de la Floride à la Vera Cruz et entre dans une rivière : le Mississipi ou la Mobile. De 1519 à 1523, Fernand Cortez conquiert le Mexique ; les navires de Vasquez de Ayllon visitent les Carolines (1521-25) et lui-même y débarque en 1526. Poussant plus au nord, Alvarez Fagundez naviguait entre le sud-ouest de Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse (1521) et Estevan Gomez rangeait les côtes américaines depuis la rivière Penobscot, dans l’État du Maine jusqu’au détroit de Canso (1524-25). À son tour, Cabeça de Vaca atterrit à l’ouest de la Floride, traverse au Texas et de là parvient au golfe de Californie (1528-34). Au reste, dès 1520, le Portugais Magellan, passé au service de l’Espagne, avait parcouru les rives de l’Amérique du Sud, depuis le Brésil jusqu’à la Patagonie ; il avait ensuite franchi le détroit nommé d’après lui et pénétré dans l’océan qu’il appela Mare Pacificum, océan Pacifique qui a gardé ce nom. Enfin, de 1531 à 1535 Pizarre s’empare du Pérou. Pour tout dire, les Espagnols sont alors maîtres des immenses territoires qui vont de la Californie au Chili et de la rivière Orénoque à la Floride].

Malgré l’intérêt que les autres nations prenaient aux découvertes d’outre-mer, le gouvernement, en France, ne prêta aucune attention à l’Amérique avant 1523. Les rapports avec cette partie du monde avaient été établis par des particuliers uniquement à leur profit. Le commerce français était, pour le temps, plus considérable qu’on ne le pense d’ordinaire. L’autorité monarchique n’était pas encore centralisée comme elle l’a été plus tard. Chaque province agissait, on peut dire, indépendamment des autres : ce qui explique pourquoi l’on trouve si souvent dans les anciennes relations les dénominations de Basques, de Bretons, de Normands, de Rochelais, et pourquoi il est difficile de déterminer l’étendue du trafic de la nation à cette époque, plus loin de nous par les changements survenus depuis, que par la distance des siècles. [Néanmoins, dès 1517], il est certain que la France avait beaucoup de navires occupés à la pêche de la morue et de la baleine. [À cette date, en effet, les Anglais déplorent l’indifférence de leurs compatriotes devant l’activité des Français qui chargent annuellement plus de cent vaisseaux de morues à Terre-Neuve.] Leur nombre allait toujours en augmentant, si bien qu’au commencement du XVIIe siècle, six cents pour le moins se rendaient aux bancs de Terre-Neuve, sur les côtes du Labrador et du golfe Saint-Laurent.

Les richesses que l’on tirait des pêcheries tournèrent naturellement l’attention vers les contrées voisines de ces parages. En 1518 ou plus tard, le baron de Léry, inspiré par son zèle pour le bien public et pour la gloire de la nation, disent les chroniqueurs, et sans doute aussi par l’exemple des seigneurs espagnols, voulut fonder un établissement en Acadie. Il partit pour le Nouveau-Monde avec des colons, dans le dessein de s’y fixer lui-même. Mais les vents contraires et d’autres obstacles firent échouer son entreprise.

François Ier venait de succéder à Louis XII (1515). Les guerres d’Italie et une économie sévère avaient empêché le feu roi de s’occuper d’expéditions maritimes. Louis XII s’était appliqué à alléger les charges pesant sur son peuple. François Ier, quoique moins homme d’État que guerrier, était doué de qualités brillantes et de quelques-unes de celles qui distinguent un grand prince. Il sentit que ses entreprises de découvertes pouvaient jeter de l’éclat sur sa couronne. Au milieu de la guerre acharnée qu’il soutenait contre Charles-Quint, dont les vastes États menaçaient l’indépendance de l’Europe, il ne cessait point d’exciter l’émulation de ses sujets pour le commerce et la navigation, comme il le faisait pour les lettres et les arts. Il donna l’ordre de préparer une flottille à destination des nouvelles terres, en vue d’y former des colonies si le sol et le climat étaient favorables. [L’initiative en revenait à un syndicat de banquiers florentins-lyonnais et au célèbre armateur dieppois, Jean Ango, auxquels se joignirent des marchands de Rouen et de Troyes : ils prenaient à leur charge les frais de l’expédition]. Le roi choisit pour la commander Giovanni de Verrazano, navigateur florentin, qu’il avait pris à son service.

[Verrazano fit voile de Dieppe, en 1523, avec quatre vaisseaux ; mais, à la suite d’une tempête, il dut se réfugier dans un port de Bretagne, ayant perdu deux bâtiments. L’année suivante, il se rembarquait sur deux navires, la Dauphine et la Normande, laissant celle-ci à la côte d’Espagne, puis, avec l’autre, montée de cinquante hommes, il passait près de Madère, et de là cinglait vers l’Ouest (17 janvier 1524). Au bout de deux mois] il arriva en présence d’une terre basse [sous le 34° de latitude nord, apparemment la côte méridionale de la Caroline du Nord.] Il la suivit au sud pendant cinquante lieues, sans y trouver de port ; alors il revira, et vint jeter l’ancre devant une plage droite, bordée de longues dunes. Il croissait là des arbres aromatiques inconnus en Europe, qui exhalaient leur parfum jusqu’à son navire. Verrazano fut bientôt entouré de pirogues, remplies d’hommes et de femmes, à la peau noire, qui lui présentèrent des vivres. Déployant de nouveau ses voiles, [il visita la baie au fond de laquelle la ville de New-York s’est assise, et le havre de Newport, dans le Rhode Island.]

Verrazano finit sa reconnaissance probablement aux terres découvertes autrefois, dit-il, par les Bretons sous le 50° de latitude nord. [On pense généralement qu’il leur donna, le premier, comme à celles qu’il avait lui-même explorées, le nom de Gallia Nova ou Nouvelle-France].

De retour à Dieppe, Verrazano adressa, le 8 juillet (1524), au roi de France une relation de son voyage. Mais François Ier, sur le point de franchir les Alpes pour porter la guerre en Italie, n’avait pas l’humeur aux aventures lointaines. [Peut-être Verrazano fit-il un second voyage aux côtes de l’Amérique du Nord (1526). Il semble admis qu’il prit de nouveau la mer à Dieppe, en février ou mars 1528, avec cinq navires, en direction du Brésil et qu’il pénétra jusqu’au Rio de la Plata]. L’infortuné navigateur ne reparut plus.

[La défaite de Pavie, ses funestes suites], et la fin tragique de Verrazano interrompirent le projet d’un établissement en Amérique. [À tout cela s’ajoutaient les difficultés extérieures du royaume, la détresse des finances et bientôt la reprise de la guerre d’Italie par la France et ses alliés pour refréner les ambitions impérialistes de Charles-Quint. Lorsque Verrazano remit à la voile une dernière fois], François  Ier était en pleine lutte, et jusqu’au rétablissement de la paix, toute idée de colonisation fut abandonnée.


Bibliographie


On consultera sur la civilisation pré-colombienne, outre les travaux essentiels du docteur Gustave Rivet dans le Journal des Américanistes de Paris : Col. Langlois, L’Amérique pré-colombienne et la conquête européenne, Paris, 1928. – H. Beuchat, Manuel d’archéologie américaine, Paris, 1912. – Sur les voyages des Normands : H. Gathorne-Hardy, The norse discoverers of America, Londres, 1921. – Col. Langlois, Découverte de l’Amérique par les Normands, Paris, 1924. – Poul Norlund, Viking settlers in Greenland and their descendants during five hundred years, Londres et Copenhague, 1936 – La littérature colombienne est innombrable. Mais il faut citer les livres fondamentaux de Henry Harrisse : Christophe Colomb, sa vie, ses voyages, Paris, 1884-1885, 2 vols ; Discovery of North America, Londres, 1892 ; Christophe Colomb devant l’histoire, Paris, 1892. Joindre : L. Cecil Jane, The voyages of Christopher Columbus, Londres, 1930. – S. E. Morison, Admiral of the Ocean Sea : A Life of Christopher Columbus, Boston, 1942. – E. G. Bourne, Spain in America, New-York, 1904. – De Lannoy & Vander Linden, Histoire de l’expansion coloniale des peuples européens, tome I, Portugal et Espagne, Bruxelles, 1907 – J. B. Brebner, The Explorers of North America, New-York, 1933. N. L. Baker, History of geographical discovery and exploration, Londres, 1931. – J. A. Williamson, The Voyages of the Cabots and the English Discovery of North America, Londres, 1929. – E. Déprez, Les grands voyages et les grandes découvertes jusqu’à la fin du XIIIe, Paris, 1931. À propos de Colomb, notons encore deux études par des spécialistes américains : G. E. Nun, « Imago Mundi and Colombus », American Historical Review, juillet 1935 ; C. E. Norvell « The Columbus Question », ibid, juillet 1939 ; sans oublier le texte latin et la traduction française avec les notes marginales de Colomb dans l’Imago Mundi du cardinal d’Ailly, publiés par E. P. Buron, Paris, 1930, 3 vols. Lire également l’article de L. Gallois dans La Revue historique de Paris, septembre, octobre 1926. – Pour les découvertes françaises, on recourra à l’ouvrage devenu classique de M. Charles de La Roncière, Histoire de la marine française, tomes I, II, III, Paris, 1899, 1900, 1906. – Pour le détail des causes économiques et politiques des grandes découvertes, on se reportera à H. Hauser et A. Renaudet, Les débuts de l’âge moderne, 2e édit. Paris, 1938, tome VIII de la collection Peuples et Civilisations dirigée par L. Halphen et Ph. Sagnac. – W. C. Abbott, The Expansion of Europe, Rev. édit. New-York, 1929. – Ajouter, sur la civilisation pré-colombienne, Paul Rivet : Les origines de l’homme américain, Montréal, 1943.

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