ÉVY, Éditeur



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guère plus d'envie ; mais il n'est pas impossible que plus tard nous ne changions d'idée. Ma conviction est toujours la même; que l'empereur ne permettra jamais à l'Autriche de reprendre le Milanais. Je crois encore qu'il n'aime pas trop la façon dont vous faites la guerre, c'est-à-dire avec des volontaires en blouse rouge com­mandés par Garibaldi, qui feront beaucoup de politique et ne se battront pas comme des trou­pes de ligne. Garibaldi écrit à ses amis de Nice" qu'il reviendra de Venise pour les réannexer à l'Italie. En un mot, le mouvement italien a beau être très national, il a quelque chose de peu rassu­rant pour ses voisins et particulièrement pour nous. C'est ce qui vous expliquera le peu de sympathie qu'on a ici pour les belligérants, quels qu'ils soient.

Adieu, mon cher Panizzi ; croyez que, n'importe où, je serai bien content de passer, cette année, quelques semaines avec vous.

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LXXXYI

Paris, 25 juin 1866.

Mon cher Panizzi,

Je suis très en peine de ce qui se passe en Espagne. Cela me parait fort grave, cette fois. Je crains que la maison de madame de Montijo n'ait reçu quelque éclaboussure, car la bataille a eu lieu à quelques pas de chez elle.

Les Allemands sont beaucoup moins vifs et ne paraissent pas disposés à se presser. Les Prus­siens avancent toujours et ont obtenu, sans coup férir, des positions que Frédéric II et Napoléon considéraient comme très importantes. Peut-être que le général Benedek en sait plus long. Je ne suis ni Prussien ni Autrichien, et je crois que les Allemands n'ont pas une âme immortelle, je les verrais avec assez de philosophie s'entre-manger comme les chats de Killkenny ; mais, ici, presque tout le monde est Autrichien. L'autre jour, sur le faux bruit d'une victoire des impériaux, le quar­tier du Luxembourg a été sur le point d'illumi-

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ner, ce qui paraît avoir fort déplu à l'empereur.. C'est, peut-être, parce qu'on lui suppose de la partialité pour M. de Bismark que les étudiants et les petits bourgeois ont des tendances autri­chiennes. Semper maledicere de priore, est la-coutume du Parisien.

On dit que l'empereur a renoncé à son voyage-en Alsace par le même motif qui empêche d'aller voir une maison qu'on veut acheter, de peur que le. propriétaire n'élève trop ses préten­tions. Pour moi, je ne crois pas qu'il ait des in­tentions contre les provinces rhénanes. Elles ne-veulent pas de nous, et je ne sais trop ce que nous gagnerions de force en "les annexant. Cela pourrait devenir une Vénétie pour nous. Est-il' vrai que Garibaldi soit malade?

Adieu, mon cher Panizzi ; j'espère bientôt phi­losopher avec vous, de rébus omnibus et quibus-dam aliis, dans Bloomsbury square.

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LXXXYII

Paris, 28 juin 1866.

Mon cherPanizzi,

Il est fâcheux que le début de la guerre ait été
malheureux ; mais l'armée italienne, si elle n'a pas
manœuvré très habilement, s'est parfaitement
battue. Les jeunes soldats ont montré beaucoup
d'entrain et d'aplomb, et ont passé très bien par
l'épreuve qu'on dit toujours pénible du canon. Le
prince Humbert a été encore plus crâne que son
père, et, comme disent nos militaires d'Afrique,
il a fait de la. fantasia au milieu de la cavalerie
autrichienne. Je me suis inscrit chez la princesse
Clotilde. La blessure du, prince Amédée !ne le
tiendra éloigné de l'armée qu'une quinzaine de
jours. Ici, où l'on était fort Autrichien, l'effet a été
bon., On prend maintenant, intérêt aux Italiens,
et, si cela continue, l'opinion serai ce qu'elle a
été en 1859..
' ■ > '

On parle vaguement aujourd'hui d'une défaite

II. 14

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des Prussiens. Je fais tous les jours de la stra­tégie avec le maréchal Canrobert et le maré­chal Yaillant. Nous ne comprenons rien à Be-nedek, ni aux Prussiens. Les Allemands sont si profonds, qu'on ne trouve que le creux. Il me semble que, jusqu'à présent, les Prussiens ont l'avantage. Ils ont à eux une grande partie de l'Allemagne, d'où ils tirent de l'argent et des vi­vres. Quoi qu'il arrive, je crois que Lien des princes et des principicules resteront sur le car­reau à la paix. Je voudrais être à leur place : on leur donnera quelque bonne pension, et ils n'au­ront rien à faire:

Je ne crois pas ' que le ministère tory fasse quelque chose de préjudiciable à nos relations avec l'Angleterre, ni qu'il se mêle des affaires du continent plus que son prédécesseur. Le coton, dont M. Gladstone fait tant d'éloges, a fait aban­donner à l'Angleterre son ambition et même son amour-propre. Elle s'efface pour le moment. Peut-être reprendra-t-elle un jour ses anciennes façons. Ce qu'il y a de certain, c'est que la com­binaison Gladstone-Russell n'a pas été heureuse. L'un disait : « Tout endurer, plutôt que se battre ! »

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l'autre disait des injures à tout le monde. La pire conséquence du changement serait la retraite de lord Cowley, qui est fort aimé et qui a beaucoup d'influence personnellement auprès de l'empe­reur. Il n'a pas grand amour pour son métier et je doute qu'il veuille rester à Paris avec les nou­veaux ministres.

Adieu, mon cher Panizzi. Je suis charmé d'ap­prendre que Jones vous succède. Attendez-moi pour faire votre final speech. J'espère qu'on vous donnera un dîner et de la soupe à la tortue. Vous savez que je suis désintéressé dans la question.

LXXXVIII

Paris, 2 juillet 1866.

Mon cher Panizzi,

On me montre à l'instant une dépêche télé­graphique de Vienne. Les Autrichiens ont été forcés d'abandonner Kônigsgraetz. Ils espèrent conserver Prague. Ils attribuent les succès des Prussiens aux fusils à aiguille. C'est la répétition de la guerre de Sept anSj lorsque les Prussiens

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avaient inventé la baguette de fer pour leurs fu­sils et que les Autrichiens n'en avaient que de bois. Ils se plaignent beaucoup de l'armée fédé­rale, qui n'est pas prête.

Je crains que nous ne soyons retenus au Sénat plus longtemps que je ne comptais. On nous parle aujourd'hui d'un sénatus-consulte très grave, qui serait sur le tapis. Il s'agirait de remplacer la discussion de l'adresse par la liberté des in­terpellations au Corps législatif. Cela me paraît l'invention la plus déplorable, tout à fait dans le genre de Gribouille, qui saute dans la rivière, de peur de la pluie. 11 est vrai que la discussion de l'adresse au Corps législatif est une occasion pour l'opposition de faire du scandale et de mettre sur le tapis toutes les questions générales, auxquelles avec un peu de savoir-faire et d'éloquence, on donne la tournure d'un acte d'accusation contre le gouvernement. Mais, cette année surtout, l'oppo­sition n'a pas eu l'avantage dans la discussion, et tous les gens impartiaux en ont blâmé la lon­gueur, et ont dit que les députés s'amusaient au lieu de faire les affaires du pays.

D'un autre côté, pourquoi l'empereur fait-il un

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discours d'ouverture? S'il n'en faisait pas, il n'y aurait pas d'adresse. Il est assez drôle que le gou­vernement veuille parler et ne permette pas qu'on lui réponde. Quant aux interpellations, si elles ne sont pas rendues très difficiles, elles auront bien plus d'inconvénients que l'adresse. Ce sera, à vrai dire, une adresse en permanence, où toutes les questions seront discutées au moment où elles seront brûlantes. Enfin, cela me semble d'autant plus triste, que cela ressemble à une mesure à la Bismark.

Au reste, le sénatus-consulte en question est encore à l'état d'embryon. Je désire bien qu'il ne vienne pas au monde. Gardez cela pour vous. •

Le ministère Derby parvient-il à s'arranger ? Comment s'y prendrait-il pour avoir la majorité ?

Adieu, mon cher Panizzi; portez-vous bien. L'o­rage que nous avons depuis quelques jours m'em­pêche de respirer. Donnez-moi de vos nouvelles.

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LXXXIX

Paris, 5 juillet 1866.

Mon cher Panizzi,

Que dites-vous du Moniteur? Le temps où nous vivons est curieux. Mais il va y avoir un diablement entortillé congrès.

On me contait hier de bonne source des anec­dotes curieuses sur Benedek. Son empereur lui écrit très poliment que les vieux militaires étaient surpris qu'il cédât les défilés de la Bohême, qui pouvaient se défendre si facilement, etc. Benedek répond simplement : « Cela n'entre pas dans mes plans. » Après une des affaires avant Kônigsgraets, il a chassé de son armée un archiduc dont il n'é­tait pas content.

Tout cela serait très beau, s'il avait gagné la bataille ; mais la perdre après cela est par trop ridicule. C'est le même homme qui avait gagné vingt-quatre fois la bataille de Solferino, quand on tirait à poudre, et qui l'a perdue la première fois qu'on a tiré à balles.

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Je voudrais bien savoir si ces. drôles d'affaires ne changent pas vos projets. Rien encore au sujet du sénatus-consulte dont je vous ai parlé.

Après m'être un peu tâté, je me suis résolu à me conduire en ami, et j'ai écrit à l'impératrice une lettre aussi remarquable par la force, des pensées que par l'aménité du style. Je lui rends compte de l'effet produit sur le Sénat par l'an­nonce de la chose, et je lui dis en douze lignes toutes les raisons contre le changement et contre l'opportunité de le faire. Je n'ai pas reçu de ré­ponse, mais je ne doute pas que ma lettre n'ait été montrée ; c'est ce que je désirais. Dites-moi si vous trouvez que j'ai eu raison. Pour moi, j'ai soulagé ma conscience, et, à mon avis, j'ai rempli le devoir d'ami.

Vous aurez vu que Sa Majesté, était allée à Amiens pour voir les cholériques. Je ne suis pas sûr que ce soit très raisonnable, mais c'est beau. Quant à l'arrêter en pareilles occasions, vous savez, comme moi, qu'il n'y faut pas songer; et, si on s'avisait de lui parler de danger, elle s'expo­serait encore davantage.

Il n'y a qu'un cri à Paris : c'est qu'on fasse des

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fusils à aiguille. On en essaye quelques milliers au camp de Châlons avec une poudre nouvelle, plus extraordinaire que la poudre de perlimpinpin, dont on dit des merveilles.

Adieu, mon cher Panizzi ; mille compliments et amitiés.

XC

Paris, 7 juillet 1866.

Mon cher Panizzi,

Nous vivons à l'Opéra. Où trouver ailleurs de ces prodigieux changements à vue? La réponse de la Prusse est venue, à ce qu'il paraît, très polie et très affectueuse même. L'armistice est «inon conclu, du moins reconnu de fait. Je ne pense pas que nous ayons des prétentions trop grandes. Tout au plus il ne peut être question pour nous que de rectifications territoriales de très peu d'importance. On parlait de Landau et de la vallée de la Sarre. Il me semble qu'il ne s'agit que de considérations militaires pour la sûreté respective des frontières de France et d'Allema-

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gne. Cependant Dieu sait ce que les Prussiens peuvent demander, et ce qui peut résulter de leur enivrement. Ce qui me paraît évident, c'est qu'il n'y aura pas de coups de canon cette année.

Je conçois que vous désiriez voir Venise puri­fiée. Pourquoi n'iriez-vous pas à présent? Venez ici, faites vos compliments à Sa Majesté, et peut-être irai-je avec yous à Venise. Cela vaut bien mieux que de m'attendre à Londres. Nous en avons encore pour une semaine au Sénat. Je ne pourrais donc être chez vous avant le 14 ouïe 15, et je vous trouverais avec le feu au derrière pour partir. .

Nous avons un temps abominable : chaleur hu­mide, pluie et froid se succèdent dix fois dans un jour, ce qui me rend très malade. Le choléra est toujours très fort à Amiens, mais il n'en sort pas. Un bourg à trois quarts de lieue n'a pas eu un seul cas.

Je suis heureux que vous ayez approuvé ma lettre à l'impératrice. Elle n'y a pas répondu; mais vous aurez vu que le sénatus-consulte ne contient aucune des dispositions que je crai­gnais. Tel qu'il est à présent, il est sans impor-

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tance ; cependant c'est un mauvais symptôme qu'on l'ait proposé, et je crains un peu qu'on ne me sache mauvais gré d'avoir le premier dit mon avis sur la mesure qu'on méditait et qu'on a aban­donnée. C'est pour moi une raison de voter le sénatus-consulte d'hier, quelque nul qu'il soit, ou plutôt parce qu'il est nul; autrement, j'aurais l'air de bouder.

Vous ne vous figurez pas la colère et le dés­espoir, des parlementaires. Il est désagréable que l'Europe montre pour l'empereur une considéra­tion qu'elle n'a jamais accordée à Louis-Philippe ; mais, si on a un peu d'amour pour son pays, on doit être heureux de le savoir délivré de la guerre, et même des occasions de guerre. Ces sortes de sentiments honnêtes ne sont point à l'usage de nos grands hommes, et M. Thiers ne pardonnera pas à l'Europe de ne pas l'avoir, choisi pour médiateur.

Adieu, mon cher Panizzi. Soignez-vous. Que devient le Muséum?

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XCI

Paris, Il juillet 18CC.

Mon cher Panizzi,

Je ne pourrais partir qu'après le sénatus-consulte, selon toute apparence, après, la fin de la semaine prochaine. Notre sénatus-consulte sera voté probablement en même temps que vous fer­merez boutique. Mais à ce voyage d'Italie je .vois plus d'une difficulté grave. La guerre n'est pas finie et rien n'indique qu'elle finisse de sitôt. Sans doute, il est très beau d'être pris pour mé­diateur; mais, quand on a affaire à des gens pas­sionnés ou furieux, on ne fait guère de besogne, et il est plutôt à craindre qu'on ne soit entraîné dans la querelle, au lieu de l'apaiser.

Hier est arrivé ici l'envoyé de la Prusse, le petit prince de Reuss, avec des propositions qu'on qua­lifie d'extravagautes. De l'autre côté, en Italie, on répond à nos propositions en demandant Rome, et en faisant passer le Pô,à Cialdini. Il aurait été possible, je crois, d'agir plus poliment. Il y a ici

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un Piémontais, grand ami du roi, qui me dit que Victor-Emmanuel n'a que le choix entre deux partis, à se laisser entraîner par la révolution, ou bien abdiquer. Tout cela ne promet pas un été ni un automne très tranquilles, et je crains que nous ne soyons obligés bientôt de nous mêler d'un duel dont nous avons accepté d'être les témoins. On dit que le prince Napoléon est envoyé en Italie. Des trente-cinq millions de Français, il est le seulà qui j'eusse donné l'exclusion. Lorsqu'on fait de pareils «hoix, on s'expose à bien des embarras.

Ma conclusion est celle-ci : c'est qu'il est abso­lument impossible, quant à présent, de prendre ■un parti. Aller en ce moment en Italie, c'est s'exposer à périr de chaleur et se jeter dans tous les ennuis d'un temps de guerre et de révolution. Cette dernière objection, au reste, est peut-être plus à mon usage qu'au vôtre et ne doit influer en rien sur vos projets et sur vos décisions. Je suppose que, dans quatre ou cinq jours, on verra l'avenir un peu moins embarrassé qu'en ce mo­ment. Comme nous ne pouvons agir ni l'un ni l'autre, le mieux est d'attendre.

Adieu, mon cher Panizzi; je regrette de ne pas

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être présent au moment solennel où vous remet­trez les clefs du British Muséum et prendrez congé du gorille.

XCII

Paris, 15 juillet 1866.

Mon cher Panizzi,

Hier, contre l'attente générale, mais M. de Boissy aidant, par un discours qui a ennuyé et choqué tout le monde, la discussion du sénatus-consulte a eu lieu, et tout a été bâclé en une heure de temps, au lieu de durer trois ou quatre jours comme on l'avait prévu. Il s'ensuit que je suis libre, et que je pourrais partir pour Bloomsbu-ry square jeudi ou tout autre jour à votre choix,. Répondez-moi, au reçu de cette lettre, le jour qui. vous conviendrait après mercredi. Dans le cas où vous auriez quelque partie de campagne, dîner ou toute autre affaire, le jour.ne me fait rien. Dites-moi par.quel train je dois partir; car vous êtes plus fort en .ces matières que Bradshaw lui-même.

Ici, personne ne s'étonne que l'Italie soit retenue

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par son traité avec la Prusse; mais ce qu'on n'aime pas, c'est que; à Milan, on jette des pierres dans les fenêtres du consul de France;-qu'à Li-vourne, on ait insulté des sœurs de la Charité fran­çaises, et qu'en Sicile on ait maltraité l'équipage d'un bâtiment marchand français. Je ne parle pas des portraits d'Orsini exposés à Milan et ailleurs. Je n'ai garde de croire que ces aménités soient du fait du gouvernement italien ou de la nation. Elles sont l'œuvre,du parti mazzinien; mais le gouvernement le ménage un peu trop, et finira par s'en trouver mal. Quant à croire que l'empereur veuille garder la Vénélie pour lui, ou même la vendre, credal Judxus Apella.

Les négociations continuent et la guerre aussi, mais les premières plus activement que l'autre. Cependant il n'est pas improbable qu'il y ait encore une bataille pour disputer Vienne aux Prus­siens. La grande question est de savoir ce que veulent faire les Hongrois. S'ils ne se soucient pas de se faire casser les os pour la maison de Hapsbourg, tout sera fini dans quinze jours par l'aplatissement de l'Autriche ; sinon, cela peut du­rer encore longtemps. Aujourd'hui, on disait.quela

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Prusse mettait un peu plus de modération dans ses prétentions. J'en doute fort. M. de Bismark voudrait tout terminer sans congrès, et il a raison. Je ne sache pas que, dans cette affaire, nous de­mandions rien pour nous, si ce n'est peut-être une rectification insignifiante de frontières du côté de Landau et de la vallée de la Sarre, encore la chose est-elle très incertaine. On a très sagement renoncé à envoyer le prince Napoléon en Italie ; mais c'est déjà une grande faute d'avoir songé à lui.

J'ai eu des détails curieux sur la bataille de Sadowa par un témoin oculaire. Un régiment prussien de trois mille hommes n'avait, le soir, que quatre cents hommes debout. Un bataillon saxon de onze cents hommes, dont était le fils de madame de Seebach, n'en avait plus que soixante-six ; ce fils a été tué. Le frère de la princesse de Metternich a été sauvé par miracle. Il paraît que le prince Charles de Prusse a révélé les talents d'un grand général. Rara avis in terris. Quant à M. de Bis­mark, il est mon héros. Il me paraît, quoique Allemand, avoir compris les Alleriiands et les avoir jugés pour aussi niais qu'ils le sont. La grande

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affaire, à présent, est de deviner si de tout cela résultera une révolution ou bien un ordre de cho­ses nouveau, et quel ordre !

Adieu, mon cher Panizzi; à bientôt, j'espère î La grande chaleur me fait du bien, et je vais toïé-rablement.

XCIII

Saint-Cloud, 12 août 1866.

Mon cher Panizzi,

« Dites à M. Panizzi que, s'il passe par Paris, il
sera obligé d'aller dans une auberge, et que je
lui saurai gré de me donner la préférence. »
Voilà ce que l'impératrice m'a chargé de vous
dire hier.


L'empereur est beaucoup mieux depuis son re­tour de Vichy. Comme il est très nerveux et que, depuis le commencement de la guerre, il n'a fait. aucun exercice, il était agacé et échauffé. Un jour de beau temps le remettra. Mais, au lieu du beau temps, c'est l'impératrice du Mexique qui lui tombe sur les épaules. Elle est venue hier in fwcçhi, à

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Sainl-Cloud. J'ai été frappé de sa ressemblance avec Louis-Philippe.

Il paraît qu'il y a encore bien des nœuds à ra­boter dans les affaires d'Allemagne et d'Italie. L'ordre de concentration pour l'armée de Cial-dini a été un euphémisme assez habile pour arriver à l'armistice et par suite à la paix. Il me-semble que la grande affaire à présent, c'est de remettre de l'ordre dans les finances et dans l'administra­tion. Quelques lieues de territoire de plus ou de moins ne valent pas la peine de se battre, et de risquer son gain.

Les épaules de madame de Montebello sont tou­jours admirables. Elle a été sensible à votre sou­venir et vous en remercie. Elle se promenait un jour.au bois de Boulogne avec une chienne de chasse non- muselée. Un des gardes veut confis­quer sa bête, qui était en contravention. Madame de Montebello lui dit, avec les yeux tendres que vous lui connaissez : « Ah! monsieur, mais c'est la femme du chien de l'empereur !»

On m'a invité pour Biarritz, mais je ne sais quand j'irai. Ma lettre, celle dont je vous ai parlé, a fait assez bon effet, car on m'en a cité un apho-

II. 15

226 LETTRES A M. PAN1ZZI

risme qu'on avait retenu. Ace propos, il in'arrive une drôle de chose : M. Rouher, hier, m'a demandé si on m'avait dit quelque chose qui me concernait. « — Rien ; qu'est-ce? — C'est qu'on vous donne la plaque de grand officier. Il paraît qu'on veut vous faire une surprise. » J'ai été un peu stupéfait". Puis j'ai dit que j'étais très sensible à l'honneur et à la marque de bienveillance, et j'ai ajouté : « Ne vaudrait-il pas mieux cependant faire un emploi plus palitique de cette distinction? Cela ne changera rien à mon dévouement. Cela peut en donner à d'autres. De plus, je suis le plus oisif et le plus inutile des hommes. Je me considère comme très heureux. Je vis dans mon trou et dans ma robe de chambre ; que ferais-je d'une plaque? » Là-dessus, on m'a dit des banalités obligeantes et fait promettre le secret. L'impéra­trice ne m'a rien dit, et je n'ai pas osé broach the matter. Margaritas anteporcos. Qu'en diles-vous? , Adieu, mon cher Panizzi. Il fait un temps affreux, très mauvais pour l'agriculture.


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