Martin Eden



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Ce fut par un bel après-midi de fin d’été, pareil au jour qui vit éclore leur amour un an auparavant, que Martin lut son Cycle d’amour à Ruth. Comme alors, ils s’étaient installés dans leur coin favori sur la colline. De temps à autre elle avait interrompu sa lecture par des exclamations de plaisir et, lorsqu’il eut rangé la dernière feuille avec les autres, il attendit son jugement.

Elle le fit attendre, puis parla avec des pauses, hésitant à exprimer la dureté de sa pensée.

– Je les trouve très beaux, vraiment très beaux. Mais vous ne pouvez pas les vendre, n’est-ce pas ?... Vous comprenez ce que je veux dire ? dit-elle, d’une voix presque implorante. Votre littérature est invendable. Il y a quelque chose là-dedans qui vous empêche de gagner votre vie... peut-être est-ce la faute des autres... Mais, chéri, comprenez-moi bien. Je suis flattée, je suis fière – quelle vraie femme ne le serait pas ? – que vous ayez écrit ces poèmes sur moi. Mais ce n’est pas eux qui rendront notre mariage possible. Vous ne le voyez pas, Martin ?... Ne me croyez pas intéressée. C’est l’amour, c’est la pensée de notre avenir qui me tourmentent. Toute une année s’est écoulée depuis que nous nous sommes dit notre amour, et notre mariage est tout aussi lointain. Ne me jugez pas mal, Martin ; vraiment il s’agit de mon cœur, de tout moi-même. Pourquoi n’essayez-vous pas d’entrer dans un journal, puisque vous tenez absolument à écrire ? Pourquoi ne pas devenir reporter... pour quelque temps, du moins ?

– Je gâterais mon style, dit-il d’une voix basse, monotone. Vous ne savez pas les efforts que j’ai faits pour acquérir mon style.

– Mais ces nouvelles ? insista Ruth. Vous appeliez cela du « gros ouvrage » et vous en avez écrit beaucoup. Est-ce qu’elles n’ont pas aussi gâté votre style ?

– Non, c’est différent. Les nouvelles se faisaient toutes seules, après une longue journée de travail de style. Mais la besogne d’un reporter est de toutes les minutes et l’absorbe complètement. Ce n’est plus une existence, c’est un tourbillon, sans passé, sans avenir et, certes, sans aucune préoccupation de style ni de littérature. Me faire reporter, à présent que mon style se cristallise, serait commettre un suicide littéraire. Pensez donc ! chaque nouvelle, le moindre mot de chaque nouvelle me blessait dans mon respect de moi-même, dans mon respect de la beauté. J’en étais malade. Il me semblait que je commettais un péché. Et lorsqu’on me les refusait, j’en étais heureux, au fond. Et pourtant j’étais obligé de ramener mes vêtements au clou ! Mais, la joie d’écrire Le Cycle d’amour !... La joie du créateur dans sa plus noble expression ! Elle m’a payé de tout, de tout !...

Martin ne sut pas à quel point ces mots laissaient Ruth indifférente. « La joie de créer » – c’était cependant sur ses lèvres qu’il avait entendu cette phrase pour la première fois. Elle l’avait lue, en avait étudié la signification à l’Université en travaillant sa licence ; mais elle n’avait aucune originalité, le don de créer lui manquait totalement et sa culture n’était que le reflet de celle des autres.

– En somme, le rédacteur n’a pas eu raison de corriger vos Poèmes de la mer ? questionna-t-elle. Souvenez-vous qu’il faut avoir fait ses preuves pour être rédacteur.

– Voilà qui cadre à merveille avec l’omnipotence des valeurs établies, répliqua-t-il, entraîné par son animosité contre la gent éditoriale. Ce qui est, non seulement est bien, mais ne pourrait être mieux. Le fait qu’une chose existe suffit à sa justification ! Notez que l’ignorance des gens seule, leur fait croire une pareille stupidité – leur ignorance, qui n’est autre que l’homicide mental décrit par Weininger. Ils se figurent qu’ils pensent et ce sont ces êtres sans pensées qui s’érigent en arbitres de ceux qui pensent vraiment.

Il se tut, s’étant aperçu qu’il avait parlé au-delà de la compréhension de Ruth.

– Je ne connais pas ce Weininger, dit-elle. Et vous généralisez tellement que je ne peux pas vous suivre. Je disais que les rédacteurs étaient qualifiés...

– Je vais vous dire, interrompit Martin. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des rédacteurs sont des ratés, qui n’ont pas réussi comme écrivains. Ne croyez pas qu’ils préfèrent leur corvée bureaucratique, leur asservissement au public et aux commanditaires, à la joie d’écrire. Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par ces cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. Et ce sont ces gens-là – les moins qualifiés cependant – qui décident de ce qui doit ou non, être publié ! Ce sont ces gens-là, qui ont prouvé leur manque d’originalité et de talent, qui sont chargés de juger l’originalité et le talent des autres ! Ensuite, il y a les critiques de revues – encore des ratés. Eux aussi ont rêvé d’écrire des vers ou des romans, et ils n’ont pas pu. Comment ! mais la moyenne des revues est aussi nauséabonde à avaler que de l’huile de foie de morue !... Je vous ai déjà dit tout ça. Il existe de grands critiques, c’est certain, mais ils ont la rareté des comètes. En tout cas, si je rate mon affaire comme écrivain, je serai mûr pour la carrière d’éditeur. C’est le pain, le beurre et même la confiture assurés.

L’esprit prompt de Ruth et sa désapprobation des idées de son fiancé la firent sauter sur la contradiction que lui semblait contenir sa diatribe.

– Mais, Martin, si c’est ça, si toutes les portes sont fermées, ainsi que vous le démontrez, comment les grands écrivains ont-ils fait pour arriver ?...

– En accomplissant l’impossible, répondit-il. Ils ont fait des choses si merveilleuses, si inouïes, qu’à leur flamme les portes d’airain ont fondu. Ils sont arrivés par miracle, à mille contre un. Ils sont arrivés, parce qu’ils étaient pareils aux « géants balafrés » de Carlyle, que rien ne peut abattre. Et voilà ce qu’il faut que j’accomplisse : l’impossible.

– Mais si vous manquez votre but, Martin ?... Et puis vous semblez oublier que j’existe, moi !

– Si je le manque ?... (Il la regarda un instant, comme si l’hypothèse qu’elle venait d’énoncer était impossible. Puis son visage s’éclaira :) Si je le manque, je serai éditeur, et vous serez la femme d’un éditeur !

Elle fronça le sourcil à cette plaisanterie, avec une si adorable moue qu’il la prit dans ses bras et la couvrit de baisers.

– Ça suffit, déclara-t-elle, en se dégageant par un effort de volonté de la douceur de son étreinte. J’ai discuté avec mes parents. Jamais je ne leur avais tenu tête ainsi et je me suis comportée en fille très peu obéissante. Ils sont contre vous, Martin ; mais je les ai tellement convaincus de mon amour pour vous, qu’à la fin, mon père a déclaré accepter que vous entriez dans ses bureaux, si vous voulez. Il a même dit de lui-même qu’il vous paierait suffisamment, dès le début, pour que nous puissions nous marier et avoir une petite maison quelque part. Ce qui est très gentil, n’est-ce pas ?

Martin, le cœur désespéré, émit quelques sons inarticulés, tout en cherchant machinalement dans sa poche de quoi rouler une cigarette – en vain, puisqu’il n’avait plus ni tabac ni papier sur lui – et Ruth continua :

– Franchement, et j’espère que je ne vous froisse pas – je vous le dis pour que vous sachiez exactement à quoi vous en tenir – il n’aime pas vos opinions radicales et vous trouve paresseux. Bien entendu, je sais, moi, que vous ne l’êtes pas, que vous travaillez beaucoup, au contraire.

« À quel point, elle ne s’en doute certes pas », se dit Martin.

– Bien, dit-il. Et quant à mes opinions ? me croyez-vous vraiment radical ?

Il la tint sous son regard, attendant sa réponse.

– Vos opinions... eh bien !... je les trouve assez déconcertantes, dit-elle.

Il était renseigné, et la vie lui parut tout à coup si terne, si grise, qu’il en oublia son offre d’une situation chez son père. Quant à Ruth, maintenant que son jalon était posé, elle décida d’attendre, et puis de remettre la question sur le tapis à un moment plus favorable.

Elle n’attendit pas longtemps. Martin avait, lui aussi, une question à lui poser. Il désirait s’assurer de la mesure exacte de sa foi en lui. En l’espace d’une semaine, les deux questions furent résolues, hâtées par la lecture que lui fit Martin de La Honte du soleil.

– Pourquoi donc ne faites-vous pas de reportage ? demanda-t-elle quand il eut achevé. Vous aimez tant écrire et je suis sûre que vous réussiriez. Vous monteriez vite et vous vous feriez un nom. Il y a un grand nombre de correspondants spéciaux ; leurs salaires sont élevés et leur champ d’activité infini. On les envoie partout, au cœur de l’Afrique – comme Stanley – à Rome, pour interviewer le Pape, ou au Tibet, explorer les régions inconnues.

– Alors, vous n’aimez pas mon essai ? fit-il en insistant. Vous croyez que j’ai quelque chance dans le journalisme et aucune dans la littérature ?

– Mais si, mais si, je l’aime. C’est agréable à lire. Mais je crains que les lecteurs ne le comprennent pas – en tout cas, moi, je ne le comprends pas, bien que ça me paraisse beau. Votre argot scientifique me dépasse. Vous savez, chéri, vous êtes un extrémiste et ce qui vous semble intelligible, peut très bien sembler inintelligible au commun des mortels.

– Je suppose que c’est le jargon philosophique qui vous ennuie, fut tout ce qu’il put dire.

Il flambait encore de sa lecture, sous l’impression de la pensée la plus mûre qu’il ait jamais exprimée et le verdict de Ruth l’assommait brutalement.

– Ne vous attachez pas à la forme, qui laisse peut-être à désirer, insista-t-il. Mais dans le fond, dans la pensée..., n’y voyez-vous rien ?...

Elle secoua la tête.

– Non, c’est différent de tout ce que j’ai lu. J’ai compris Maeterlinck...

– Vous avez compris son mysticisme ? lança Martin.

– Oui ; mais ce que vous avez voulu exprimer – et ce que je suppose devoir être une attaque contre Maeterlinck – je ne le comprends pas. Naturellement, si l’originalité compte pour quelque chose...

Il l’interrompit d’un geste impatient puis se rendit compte tout à coup qu’elle parlait, qu’elle parlait même depuis un certain temps.

– Après tout, vous avez écrit pour vous amuser, disait-elle. À présent, vous avez assez joué. Il est temps de prendre la vie au sérieux, notre vie, Martin. Jusqu’à présent, vous n’avez pensé qu’à la vôtre.

– Vous me demandez de prendre un emploi ?

– Oui. Papa a proposé...

– Je sais, interrompit Martin, mais ce que je veux savoir c’est, si, oui ou non, vous avez perdu votre foi en moi.

Elle lui prit la main et des larmes montèrent à ses yeux.

– En votre avenir littéraire, oui, chéri, avoua-t-elle tout bas.

– Vous avez beaucoup lu de mes élucubrations, poursuivit-il avec brusquerie. Qu’en pensez-vous ? N’y a-t-il aucun espoir ? Par rapport aux autres, comment est-ce ?

– Mais ils vendent leurs œuvres et vous... non.

– Vous ne répondez pas à ma question. Croyez-vous vraiment que je n’ai aucune vocation littéraire ?

– Alors, je vais vous répondre. (Elle ramassa tout son courage.) Non je ne crois pas que vous soyez doué pour ça. Pardonnez-moi, chéri. Vous me demandez de vous le dire, et vous savez que je m’y connais en littérature un peu plus que vous.

– Oui, vous êtes licenciée es lettres, dit-il pensivement, vous devez savoir.

« Mais je veux encore vous dire ceci, poursuivit-il après un silence pénible. Je sais ce que j’ai en moi. Personne ne le sait que moi. Je sais que je réussirai, et je ne veux pas qu’on m’étouffe. Je ne vous demande pas de croire en moi, ni en mon avenir littéraire. Tout ce que je vous demande, c’est de m’aimer, et d’avoir foi en l’amour.

« Il y a un an, je vous ai demandé deux ans. J’ai un an encore devant moi. Et je crois vraiment – je vous en donne ma parole d’honneur – qu’avant un an j’aurai réussi. Vous rappelez-vous ce que vous m’avez dit, il y a longtemps : que je devais faire d’abord mon apprentissage ?... Je l’ai fait, et bien fait, je vous jure, puisque vous m’attendiez. Savez-vous que j’ai oublié ce que c’est de dormir paisiblement ?... Autrefois – il me semble qu’il y a des siècles – je dormais tout mon soûl et me réveillais quand j’avais assez dormi. Maintenant, c’est toujours la sonnerie qui me réveille. Que je m’endorme tôt ou tard, je dors le même nombre d’heures ; remonter la pendule et éteindre la lampe, sont mes deux derniers actes conscients. Quand je commence à avoir sommeil, je change le livre trop ardu que je lis, contre un autre plus léger. Et quand je m’endors dessus je me donne des coups de poing sur la tête pour chasser le sommeil. J’ai lu l’histoire d’un homme qui avait peur de dormir... elle est de Kipling. Cet homme s’était fixé un éperon de telle manière que la molette d’acier lui entrait dans la chair quand il cédait au sommeil. Eh bien ! j’ai fait la même chose. Je regarde l’heure et je décide de ne pas détacher l’éperon avant minuit, ou une heure, ou deux ou trois heures du matin. Et j’éperonne ma chair fatiguée, jusqu’à l’heure dite. Cet éperon est mon camarade de lit depuis des mois. Ma rage de travail est devenue si grande que je ne dors même plus cinq heures et demie. J’en dors quatre à présent ! Je suis affamé de sommeil. Il y a des moments où j’ai des vertiges à cause de mon manque de sommeil ; des moments où la mort, qui procure le repos et le sommeil, me tente ; des moments où je suis hanté par ces vers de Longfellow :

The sea is still and deep

All things within its bosom sleep ;

A single step and all is o’er,

A plunge, a bubble, and no more.

« La mer est muette et profonde

Toute chose dort dans son sein ;

Un seul pas et tout est fini,

Un plongeon, une bulle, et plus rien. »

« Bien entendu, ça ne dure pas. C’est la nervosité, due à une trop grande tension cérébrale... Mais voilà à quoi je veux en venir : Pourquoi ai-je fait tout ça ? Pour vous. Pour hâter mon apprentissage, pour hâter le succès. À présent, mon apprentissage est terminé. Je suis en possession de tous mes moyens. Je vous jure que j’apprends plus de choses en un mois, que la moyenne des universitaires n’en apprend en un an. Je le sais, je vous dis ! D’ailleurs, si mon besoin d’être compris par vous n’était pas désespéré, je ne vous aurais rien dit. Je ne me vante pas, vous savez. J’estime les résultats d’après les livres. À présent, vos frères sont des barbares ignorants, à côté de moi et de la somme de connaissances que j’ai arrachée aux livres pendant qu’ils dormaient, eux ! Autrefois, je voulais être célèbre. Maintenant, ce que je veux, c’est vous ; je suis plus assoiffé de vous que de gloire ou de fortune. Je ne rêve qu’une chose : poser ma tête sur votre cœur, pour toujours. Et ce rêve, d’ici un an sera réalisé.

Un fluide irrésistible émanait de lui, en vagues puissantes ; et à mesure que sa volonté se dressait contre celle de Ruth, elle s’abandonnait, irrésistiblement attirée. Sa voix passionnée, ses yeux ardents, flambaient de vie intense et d’intelligence. À cette minute – à cette minute seulement – le voile se déchira et elle vit le vrai Martin Eden splendide et triomphal ; et, comme le dompteur doute par instants de son pouvoir sur ses fauves, elle douta du sien sur l’esprit indépendant de cet homme.

– Autre chose encore, poursuivit-il, fougueux – vous m’aimez. Mais pourquoi m’aimez-vous ? À cause justement de ce que vous sentez en moi, de cette force irrésistible qui me contraint d’écrire. Vous m’aimez parce que je suis différent des hommes que vous avez connus et que vous auriez peut-être aimés. Je ne suis pas fait pour le bureau et les comptes courants, pour les petits ergotages d’affaires et les finasseries d’hommes de loi. Rendez-moi pareil à ces gens, faites-moi accomplir la même besogne, respirer le même air qu’eux, envisager l’existence sous le même angle, et vous aurez détruit Martin Eden, vous aurez détruit votre amour. Mon besoin d’écrire est un besoin vital. Si je n’avais été qu’un fantoche, je n’aurais jamais rêvé d’écrire et vous n’auriez jamais désiré m’épouser.

– Mais, vous oubliez quelque chose, interrompit-elle, contente d’avoir trouvé un argument. Vous oubliez ces inventeurs illuminés, qui passent leur vie à courir après des chimères, pendant que leur famille meurt de faim. Leur femme les aime sans doute quand même et elle souffre avec eux, pour eux, non pas à cause de leur égarement, mais en dépit de lui.

– C’est vrai, répondit Martin. Mais il y a aussi des inventeurs qui ne sont pas des illuminés, qui meurent de faim en essayant d’inventer des choses admirables et qui, parfois, y réussissent. Dieu sait que je ne cherche pas l’impossible.

– Vous l’avez pourtant dit.

– Je parlais au figuré. Je cherche à faire ce que d’autres ont fait avant moi, à écrire et à vivre de ma plume.

Son silence le piqua au vif.

– Alors, pour vous, mon but est une chimère aussi folle que la recherche du mouvement perpétuel, dit-il.

Elle ne répondit qu’en lui pressant la main avec pitié, comme une mère calme son enfant malade. Il ne fut plus pour elle qu’un enfant malade, cet illuminé assoiffé d’impossible.

À la fin de cette conversation, elle lui rappela encore l’opposition de ses parents.

– Mais vous m’aimez ? demanda Martin.

– Oui, oui, je vous aime ! répondit Ruth.

– Alors, rien ne peut nous séparer, déclara-t-il triomphalement. Car je crois en notre amour et l’antipathie de vos parents ne me fait pas peur. Tout, dans ce bas monde, peut aller à vau-l’eau, sauf l’amour... L’amour, à moins d’être débile et chancelant, doit triompher.


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