Maîtrise d'Histoire (1973) michele grenot


POUR LA LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT



Yüklə 1,05 Mb.
səhifə15/23
tarix15.10.2018
ölçüsü1,05 Mb.
#74169
1   ...   11   12   13   14   15   16   17   18   ...   23

POUR LA LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT


C'est une idée chère à WALLON... et de longue date : nous l'avons vu souhaiter son avènement, déjà quand il était étudiant à Normale.

D'ailleurs, comme nous le dit A.PROST79 :



"La question scolaire est celle qui passionne le plus l'opinion, la seule, ou presque, qui suscite des débats parlementaires et des débats longs et mouvementés."

Et il ajoute :



"Pas plus à la tribune de la Chambre que dans les colonnes des journaux, on ne met en question l'enseignement lui-même.

La question débattue est uniquement celle de la liberté de l'enseignement et il n'est pas du tout question de pédagogie :

"Les Français vont attribuer, pendant tout un siècle une grande importance au problème de la formation des esprits par l'école avec ou contre l'Eglise."

Une fois de plus dans les débats, WALLON appartient à une minorité, celle qui soutient qu'il faut maintenir les deux formes d'enseignement : laïc et religieux. Avec le groupe des catholiques "libéraux", MONTALEMBERT, LACORDAIRE, il pense que la liberté de l'enseignement rentre dans le cadre des "idées libérales", pour la défense des "libertés" : liberté de l'enseignement, mais aussi de la presse, liberté d'association (surtout des congrégations), le suffrage universel, liberté régionale (décentralisation).

En 1833, WALLON, encore étudiant, applaudit à la loi GUIZOT

"Le développement intellectuel quand il est uni au développement moral et religieux est excellent, mais le développement intellectuel tout seul, séparé du développement moral et religieux, est un principe d'orgueil, et par conséquent, un danger pour la société."

Cette loi se poursuit, en 1850, par la loi FALLOUX pour l'enseignement secondaire, et en 1875 pour l'enseignement supérieur. A ces deux dates de la vie politique française au 19ème siècle, WALLON appartient lui-même à cette vie politique. En 1850, c'est son entrée politique : il prend la parole pour défendre l'université :



"avec plus de verdeur et de verve que dans les discours de vieillesse", nous dit PERROT.

En 1875, c'est l'apogée de sa carrière, après l'amendement, son ministère, nous l'avons vu, se résume à l'accomplissement de la loi de liberté de l'enseignement. Son attitude est alors très différente.


La loi Falloux


Quel fut donc son rôle comme homme politique, tout d'abord pour la loi FALLOUX ?

Quelle est alors la situation ? Nous avons vu toutes les difficultés qu'ont les catholiques à obtenir une place dans l'université : l'opposition de COUSIN à WALLON, étudiée dans notre deuxième partie, en témoigne. Mais les catholiques y accèdent. Nous avons parlé de WALLON, mais aussi d'OZANAM. WALLON, malgré les attaques de certains universitaires, ne garde pas rancune, il a profondément désiré son entrée à l'Université et considère son enseignement comme valable : son admiration pour JOUFFROY, MICHELET, outrepasse leur peu de faveur à l'égard d'un enseignement religieux.

Il n'est donc pas étonnant que WALLON soit de ceux qui estiment que l'Université mérite plus de considération que ne l'admettent ceux qui lui déclarent une guerre d'extermination. MONTALEMBERT et ses compagnons de lutte sont très décidés à ignorer tous les ménagements :

"II faut maintenant en finir et reprendre notre bien", dit-il au nom de l'Eglise.

Tel n'est pas l'avis de WALLON qui est plutôt conforme à celui de GUIZOT :



"Faire bénéficier les nouveaux de l'Université du droit commun libéral : plus d'autorisation préalable pour la fondation de nouveaux établissements, la concurrence permise à tous, laïques ou prêtres, sous condition seulement de grades identiques pour le directeur d'établissement. "

L'originalité du député WALLON, quand il prendra la parole sur le sujet (en même temps que COUSIN, DUBOIS, THIERS défendent l'université, MONTALEMBERT, DUPANLOUP défendent la cause catholique) est qu'il appartient aux deux parties.

Nous savons que, finalement, la discussion de la loi aboutit à un compromis. Les défenseurs des deux causes se rejoignent pour le salut public et votent la loi du 15 mars 1850. WALLON s'abstiendra de la voter pour la raison suivante : il peut y avoir des écoles libres, l'instituteur doit posséder le baccalauréat, mais les religieux peuvent y suppléer par une simple lettre d'obédience de leur supérieur (pour WALLON, c'est leur accorder trop de privilèges).

L'opposition de WALLON n'est donc pas à rapprocher de celle des catholiques intransigeants qui reprochent à la loi de ne pas faire face à la situation prépondérante de l'université, mais il faut plutôt la rapprocher de ceux qui critiquent la situation privilégiée des congréganistes, dispensés de la production de grades et qui accusent les catholiques de ne pas avoir loyalement voulu le droit commun.

WALLON, dans ses discours, est défendu par les démocrates ; en fait, comme le dit REMUSAT80 :

"Ils le défendirent moins qu'ils n'invectivèrent la réaction et l'Eglise."

"Celle-ci, par la voix de MONTALEMBERT, se faisait moqueuse et satirique, et par celle de BEUGNOT, brève, peu solide," continue-t-il.

WALLON montre déjà moins "d'esprit de parti" et tâche de concilier "église" et "université".


Les interventions à la tribune


Quelles sont donc les interventions de WALLON à la Tribune ?

Dans son discours à l'Assemblée Nationale à la séance du 19 janvier 1850, WALLON commence par se situer dans cette Assemblée comme un universitaire (peu nombreux à cette Assemblée), et encore plus original, un universitaire appartenant à la majorité. Il s'étonne, de ce fait, d'être le seul à parler en universitaire :



"Vous avez entendu, messieurs, de bien vives, de bien implacables attaques contre l'université, et vous auriez le droit de regarder comme un aveu accablant le silence du peu de membres qu'elle compte dans cette enceinte.. ." "J'espère que votre bienveillance me soutiendra contre la défaveur qui semble s'attacher, sur les bancs même où je siège, au corps auquel j'appartiens."

Puis WALLON se situe par rapport aux orateurs : MONTALEMBERT et THIERS ; devant des personnages si éminents, demande l'indulgence du public . . .



"Je me trouve en présence de l'honorable Monsieur de MONTALEMBERT et de l'honorable Monsieur THIERS : cette attention que ces deux éminents orateurs commandent par leur talent, je la sollicite au nom de mon inexpérience à la Tribune et de ma faiblesse."

"Assurément, M.de FALLOUX et de MONTALEMBERT," continue WALLON, "sont, par le talent comme par le cœur, tout à fait dignes d'être aux côtés de M .THIERS. Ils y seront toujours quand il s'agira de combattre, dans l'intérêt de l'ordre social et je demande la permission de me placer à distance convenable derrière eux (mais pour la question de l'enseignement, c'est autre chose. . .)"

Donc WALLON, vis-à-vis des différents partis de l'Assemblée, sur cette question ne paraît logique avec lui-même. Mais il s'en explique :



"Quand j'entends ces grands mots d'ordre social menacé, de salut public, apportés à cette tribune, je me sens, moi qui suis tout à la fois de la majorité et de l'université, quelque peu interdit, et je me prends à me tâter avec inquiétude pour voir si je suis en effet un aussi grand ennemi de moi-même qu'on le dit autour de moi. "

"M. de MONTALEMBERT a attaqué le socialisme et le scepticisme : à cet égard, je serai bien mal venu d'y répondre, puisque comme lui je combats pour la cause de l'ordre social et que je suis catholique comme lui. Mais à ce double monstre, il a voulu donner un même corps, c'est le corps enseignant."

Et il n'est pas d'accord avec lui pour affirmer que :



"si la jeunesse a été libérale sous la Restauration, républicaine sous la monarchie de Juillet, si elle est, dit-on, socialiste aujourd'hui, c'est la faute de l'université..."

"D'accord avec M. de MONTALEMBERT sur le mal, je ne le suis donc pas sur la cause du mal. D'accord aussi avec lui sur le remède, je ne le suis pas précisément sur les moyens de l'appliquer. "

"Moi aussi, messieurs, je crois que le remède est surtout dans le progrès de l'influence religieuse ;. .. " "A ces fins, M. de MONTALEMBERT demande la liberté de l'enseignement et la réorganisation de l'enseignement public, je les demande aussi."

Et WALLON dit nettement :



"J'attaque en effet la loi. .. Je l'attaque au nom des droits de l'Etat. . . au nom de la liberté de l'enseignement et des intérêts religieux, qu'elle compromet en croyant les servir."

Il s'oppose au privilège accordé aux écoles libres : les subventions :



". . .11 est dit qu'il y aura des lycées et des collèges communaux et dans les articles suivants, on donne les moyens de supprimer les internats des lycées nationaux, de supprimer les collèges communaux eux-mêmes, en les remplaçant par des établissements privés subventionnés."

En effet, le 18 février, WALLON critique à la Chambre le mode de recrutement des Inspecteurs Généraux et des Inspecteurs d'Académie et s'efforce d'obtenir que l'inspection des établissements libres porte aussi sur l'état de l'enseignement et la discipline, comme dans l'enseignement public. Et le 25, il suggère d'ajouter à l'article 74 que les subventions aux établissements libres ne pourront pas dépasser le dixième de leurs dépenses ordinaires.

Mais tous ses efforts en faveur de l'université sont dispersés et sans grands résultats : la majorité passera outre et adoptera le projet de la commission.

"Où est la condition demandée pour entrer dans les collèges d'Etat ?" demande WALLON. "Où sont les garanties assurées à ceux qui font partie de cet enseignement ? Je le demande, dans une loi organique, quand on montre si peu de souci des écoles de l'Etat, représente-t-on véritablement l'intérêt de l'Etat ?"

Et il s'oppose au privilège accordé aux membres du clergé pour l'inspection :

"Ces agents, -pris dans les écoles libres... qui ne pourraient pas aspirer aux derniers rangs du professorat, pourront étendre leur inspection sur tous les détails de l'administration de l'enseignement de nos écoles, voire même sur les professeurs de l'enseignement supérieur."

L'enseignement privé à la part trop belle et WALLON s'adresse aux catholiques :



"Que voulez-vous donc dire quand vous demandez une part spéciale pour l'enseignement privé dans l'administration publique ? Tout lui est ouvert, tout est à sa disposition ; il n'a qu'à prendre. "

II ne modère pas ses paroles :



"La loi, en ouvrant la carrière librement à tout le monde, doit repousser le privilège, de quelque nom qu'il se couvre, et les incapables quel que soit leur habit. "

On peut vraiment parler de l'esprit "universitaire" de WALLON. Que représente l'Université pour lui ?



"L'Université n'est pas née des convulsions de la Terreur, elle ne procède pas de ROBESPIERRE ; elle est le fruit des idées libérales de la révolution de 1789, avec toutes nos grandes institutions civiles ... "

WALLON en apprécie l'esprit de tolérance :



"Au point de vue de la doctrine catholique, je ne craindrais pas qu'un professeur de philosophie fût juif ; je craindrais plutôt qu'il ne le fût pas assez (mouvements divers à droite et WALLON n'hésite pas à répéter ce qu'il vient de dire)". "M. l'Evêque de Langres dit que c'est un corps irréligieux et il traduit par anti-chrétien ; je dis, moi, que c'est un corps non religieux, et je traduis par laïque. "

Cette idée de laïcité est importante au 19ème siècle et WALLON y adhère ; c'est même sa façon de concevoir la liberté de l'enseignement. Connaissant ses convictions personnelles et les déboires qu'il a eus dans l'université pour celles-ci, nous ne pouvons que reconnaître son esprit de tolérance, sa sincérité.

Que souhaite-t-il du point de vue de la liberté de l'enseignement ?

"Je veux donc que la liberté existe, non pas seulement en droit, mais en fait ; qu'il y ait beaucoup d'écoles libres, par respect pour le droit des pères de famille qui peuvent n'avoir pas confiance dans les écoles d'Etat ; je le veux aussi pour les écoles publiques, parce que je trouve dans cette liberté le plus sûr stimulant des réformes qui peuvent y être accomplies. "

Comme l'écrit un article de la Biographie valenciennoise sur WALLON ;



"II conclut à la liberté et à la réorganisation de l'enseignement en y étendant l'influence religieuse sans aliéner les droits de l'Etat. "

Comme le dît M. GERBOD : "M. WALLON se porte au secours de l'université" à côté des accusations d'un MONTALEMBERT ou d'un THIERS qui défendent le clergé contre les instituteurs par peur de leur socialisme. Mais WALLON va évoluer quant à sa prise de position sur la liberté de l'enseignement.

Son rôle en 1849 (qui marque son début dans la vie politique) est jugé très différemment dans la presse. La notice de PERROT l'approuve, par contre le Journal des Facultés catholiques de Lille s'en étonne. Ce dernier écrit :

"Un des actes les plus remarqués du député de Valenciennes à l'Assemblée Nationale fut l'opposition qu'il fit à la loi FALLOUX, en 1850. Demeuré toute sa vie très universitaire, le Professeur reprochait à cette loi transactionnelle tout ce qu'elle enlevait au monopole sacré de son Alma Mater."

En fait, cet article exagère : WALLON a toujours été contre le monopole, mais il ne veut pas le remplacer par un monopole de l'Eglise. Une harangue de lui, en cette occasion, "raillait ces grands mots d'ordre public menacé et du salut public qui, dans l'exposé des motifs et la discussion de loi avaient été apportés à la tribune". Et l'on s'en étonne. L'orateur avait-il eu le temps d'oublier les sanglantes journées de juin, le socialisme de L. BLANC, l'athéisme de PROUDHON, l'anarchisme de BLANQUI, et le communisme des clubs ?"

Nous avons vu l'attitude de WALLON en 1848, républicain, mais pour l'ordre, et nous savons ce qu'il pense des doctrines socialistes et communistes, et sa prise de position en 1850 en est d'autant plus intéressante. WALLON était conscient de ce qui représente pour la majorité "un danger menaçant", mais il ne réagit pas comme elle, il n'a pas de réactions de peur, il est loin d'en faire un péril éminent, comme le pensait THIERS... II est encore jeune et c'est là toute la différence avec son attitude 25 ans plus tard vis-à-vis de la liberté de l'enseignement supérieur.

Comme l'écrit le journal des Facultés catholiques de Lille :



"Ce fut sous son ministère, avec son assentiment, sinon avec son concours, que passa la loi de la liberté de l'enseignement supérieur. Dans cet intervalle, le flot de l'impiété avait monté ; RENAN, TAINE, HAVET, etc, avaient semé le vent duquel allaient sortir de nouvelles tempêtes. L'évêque d'Orléans écrivait son "Avertissement aux pères de famille' et son "Athéisme et le péril social". M. WALLON avait traversé la Commune et reconnu l'arbre à ses fruits. Il signa donc la loi qui, cette fois, lui parut être une loi de salut : le libéral et le chrétien s'étaient donné la main. "

Le jugement de PERROT sera opposé : pour lui, WALLON agit en libéral en 1850 et en conservateur en 1875. II est certain que, plus WALLON vieillit, plus il est inquiet du développement de l'impiété en France alors que, jeune, il croyait que le 19ème siècle serait un siècle de renouveau de la religion (nous l'avons vu dans les lettres de l'étudiant à son père), il avait confiance. Cependant, comme le dit l'article, il faut bien préciser que la loi de 1875 passa "avec son assentiment" plus qu'avec "son véritable concours".

Par conséquent, en 1850, WALLON est acclamé par les libéraux. La Notice de PERROT lui fait un éclatant mérite pour son opposition à la loi FALLOUX ; mais, en 1875, ils s'en attristent :

"Certains," dit PERROT, "regrettèrent que le ministre n'eut pas défendu avec plus d'énergie les droits de l'Etat. . . Si WALLON s'y résigna, ce fut par déférence pour les chefs de l'épiscopat français, promoteurs de cette loi, c'est parce qu'il ne croyait pas, en son âme et conscience, porter ainsi atteinte aux intérêts de l'université."

Il faut souligner aussi que l'œuvre de WALLON ne se borne pas à la discussion de la loi du 15 mars 1850, mais aussi dans l'Assemblée, du 15 mars au 2 décembre 1851, quand la discussion de l'université est abordée. En fait, elle ne l'est qu'à l'occasion du vote du budget de l'Instruction Publique. Comme le dit M. GERBOD :



"A trois reprises, la commission du budget s'efforce d'obtenir des réductions de crédits. Elle vise ainsi à mettre en jeu l'existence et l'avenir de l'Ecole Normale et des collèges communaux, elle menace la prospérité des lycées, elle s'attaque aux traitements de l'administration académique et aux pensions de retraite, portant un coup sérieux aux sources même du recrutement des fonctionnaires de l'université. Cette tactique insidieuse se heurte à la résistance des députés universitaires, comme WALLON et B. SAINT-HILAIRE, et aux sursauts de la gauche. Devant les accusations que font peser sur elle les défenseurs de l'université, la droite n'ose pas préciser ouvertement le démantèlement de l'enseignement secondaire public, elle n'en affirme pas moins son hostilité à l'égard de celui-ci. "

WALLON souligne, le 1er avril 1850, le danger d'augmenter le prix de la pension :



"Cela ne vise qu'à supprimer en masse les collèges au bénéfice des grandes maisons étrangères à l'université, comme Juilly, Pontlevoy et Vaugirard."

Le 16, il prend la parole pour déplorer les réductions que la commission propose au sujet des traitements des recteurs et inspecteurs d'Académie. Ironique, il constate qu'avec de tels traitements, les recteurs sont voués au célibat (WALLON se souvient de ses difficultés à lui) :



"II faut les choisir exclusivement dans le clergé, " dit-il, "et ils sont réduits à la position de chefs de bureau dans une préfecture. "

Amer, il souligne que l'on aura toujours des recteurs et des inspecteurs, mais en aucun cas à la hauteur des fonctions si importantes que leur confère la nouvelle loi :



"Vous avez voulu 86 académies, vous avez voulu que le recteur fût le président du Conseil académique, à côté du préfet et de l'évêque : faite lui une position digne, une position convenable, ou vous ôtez le moyen de confier ces fonctions aux hommes les plus capables de les remplir. "

II dépose un amendement pour augmenter les crédits de 57 000 francs. La Chambre ne le suit pas.

Par conséquent, WALLON réalisait bien que ce que désiraient certains catholiques, n'était pas la liberté de l'enseignement, mais peu à peu limiter l'influence de l'enseignement universitaire en lui supprimant ses moyens d'existence. WALLON, lui, a toujours été pour la libre concurrence des deux enseignements et pour donner aux deux leurs chances de subsister légalement.

Son action en 1850, même après en 1875, WALLON ne la reniera pas, bien au contraire ; il l'explique dans deux discours à la Chambre le 7 juillet 1896, et le 10 décembre 1901. Dans son discours au sujet "de la constitution des universités", le 7 juillet 1896, WALLON explique bien sa position, étant donné le contexte de 1850, mais aussi atténue les conséquences de cette loi et montre ce qu'il lui trouvait de bien :



"L'université fondée en 1808 a-t-elle été détruite en 1850 aussi absolument que l'a prétendu Monsieur COMBES ? Les adversaires de la loi de 1850 ont pu dire dans la chaleur de la discussion : "Mais vous détruisez l'université !" M. FLANDIN l'a dit ; j'aurais pu le dire, mais je ne l'ai pas dit ; j'étais partisan de la liberté de l'enseignement, mais je voulais en même temps maintenir l'université forte devant l'enseignement libre, comme je l'ai voulu en 1875. Pa conséquent, j'ai voté contre la loi qui avait pour effet de l'affaiblir ; je n'ai pas dit que l'université était détruite. . . L'université, en 1850, n'était pas en bonne odeur devant l'Assemblée Législative... On a aboli le monopole universitaire mais nullement l'université. L'université subsiste... dans son administration et fort amoindrie, amoindrissement qui a été bien amplement réparé par la loi du 14 juin 1854. "

WALLON aura connu, tout au long de sa vie, l'évolution sur la liberté de l'enseignement, la loi GUIZOT, 1833, la loi de 1850 et celle de 1875 et même l'abrogation de la loi : en 1901, WALLON a alors 89 ans ; il se fait alors un honneur d'avoir connu toute cette élaboration :



"J'ai pu prendre la parole dans cette discussion au titre que personne d'entre vous ne m'enviera : c'est que je faisais partie de l'Assemblée Nationale en 1850", proclame-t-il alors à la tribune.

Et WALLON se trouve une fois de plus dans une situation paradoxale, il parle pour défendre la loi qu'il n'a pas voté :



"J'ai un autre titre que plusieurs des 91 signataires de la proposition pourraient m'envier au contraire ; c'est que j'ai voté alors contre la loi dont ils demandent aujourd'hui la suppression ". (Très bien, acclame la gauche). "Je n'ai pas seulement voté contre la loi. Dès la première lecture dans la discussion générale, j'ai pris la parole pour la combattre. J'ai fait un assez long discours, trop long peut-être. C'est que j'avais à faire à forte partie. Je parlais après M. THIERS, qui avait justifié la loi, et contre M. de MONTALEMBERT. Universitaire, simple agrégé ou doyen de la Faculté des Lettres de Paris, j'ai toujours été partisan de la liberté.' "

En effet, la situation universitaire de WALLON a changé, et son attachement à l'Université reste le même.



"J'ai toujours eu la confiance que l'Université, pour accomplir sa tâche, n'avait pas besoin d'interdire aux autres le droit d'enseigner." (Très bien, acclame la droite).

"J'ai défendu ce qui ne touchait que la liberté. Ce que j'ai combattu, c'est ce qui, à mon avis, était dirigé contre l'université ; et j'ai voté contre, parce que, à l'établissement de la liberté, la loi joignait la désorganisation de l'université. Toute cette dernière partie de la loi est depuis longtemps abolie. "

"Ce que les auteurs de la nouvelle proposition veulent détruire, ce ne sont plus les entraves que la loi de 1850 imposait à l'université, c'est ce qui restait de la loi, après la suppression de ces entraves, c'est-à-dire la liberté de l'enseignement.

"D'après l'article 2, si je veux fonder un établissement d'enseignement secondaire, j'aurais besoin d'une loi spéciale.

Si tel autre veut faire la même chose, il lui faudra aussi sa loi. Qu'est-ce qu'un droit ainsi concédé à titre privé ? Un privilège. "

Le développement des écoles libres


WALLON favorise aussi le développement des écoles libres en tant que catholique. Comment ?

Avant d'étudier ce rôle de WALLON en 1875, il est à souligner que, si WALLON refuse que les écoles d'Etat perdent de leurs droits, et veut leur développement, il est aussi partisan du développement des écoles libres ; par exemple, il s'intéressera au développement de celles-ci en Orient; et en 1856, il est secrétaire général de l'œuvre des Ecoles de l'Orient fondée en 185581. Le but de cette association est de travailler, dans la mesure de ses ressources, à entretenir et à multiplier en Orient les écoles catholiques, placées sous le patronage de l'Archevêque de Paris.


WALLON et la liberté de l'enseignement supérieur.


En 1850, WALLON s'était donc montré à la fois ferme et modéré, face aux partisans d'un enseignement dominé par les catholiques. La loi FALLOUX a pour conséquence d'augmenter les écoles libres jusqu'en 1860 et la conquête des écoles publiques par les religieux (les conseils municipaux les préférant aux instituteurs).

Mais, dans l'enseignement supérieur, l'obligation pour le clergé d'envoyer ses étudiants et de demander des grades à l'université subsiste. Or, l'esprit critique gagne du terrain. Aussi, en 1863, l'idée est lancée d'un mouvement pour la "liberté" de l'enseignement supérieur. DURUY, alors ministre de l'Instruction Publique, y est favorable, mais la proposition est repoussée par le Sénat impérial en 1868.

En 1871, WALLON appartient à la commission parlementaire chargée de l'organisation de l'Instruction Publique.

Cette question lui paraît grave. Déjà, en 1871, il exprime, dans sa correspondance avec DUPANLOUP, l'intérêt qu'il porte à la question. Il termine une lettre à DUPANLOUP en disant :



"J'espère, Monseigneur, que vous aurez commencé éprendre, depuis la séparation de l'Assemblée, un repos dont vous aviez tant besoin et que nous vous retrouverons, après la prorogation, au rang qui vous appartient dans la discussion des lois de l'Instruction Publique. "

WALLON se range bien, à ce moment-là, aux côtés des "catholiques libéraux", mais nous verrons que ceux-ci évoluent dans un sens .plus conservateur.

Et il écrit à DUPANLOUP dans une autre lettre du 6 octobre :

"Je vous remercie de votre lettre. Elle nous promet de vigoureux discours dans la lutte parlementaire qui ne pourra manquer de s'engager sur ces graves questions."

Déjà en 1871, WALLON, DUPANLOUP et les autres sont engagés dans la lutte pour la liberté de l'enseignement supérieur.

Finalement, ce n'est qu'en 1875, WALLON alors ministre de l'Instruction Publique, qu'il n'est véritablement question d'une loi sur la liberté de l'enseignement supérieur.

Suivons les débats parlementaires :

Nous voyons que l'attitude de WALLON est finalement de céder cette loi au parti que GAMBETTA appellera "clérical", plutôt que d'en prendre l'initiative. Comme en 1850, il essaye de nuancer les extrêmes.

Comme en 1850, il intervient, le 9 juin 1875, dans les débats pour demander davantage de garanties, c'est-à-dire la nécessité de stages et de grades pour les professeurs de l'enseignement libre. On sait de plus que deux jours avant l'intervention de WALLON, l'amendement KOLB-BERNARD, demandant que les diocèses soient habilités à fonder des universités libres à côté des communes et des départements, voté le 7 juin, fut retiré du texte de la loi après avoir fait l'objet des plus expresses réserves de WALLON.

Et, comme en 1850, mais avec plus de modération, WALLON défend l'université, et qui plus est, à la demande de J. FERRY lui-même : dans un débat qui oppose Mgr DUPANLOUP et J. FERRY en juin 1875, Mgr DUPANLOUP s'élevant violemment contre le fait que des affirmations matérialistes contre l'existence de Dieu aient été prononcées lors de soutenances de thèses à l'université, Mgr DUPANLOUP attaque l'université sur ce sujet. J. FERRY demande l'aide de WALLON :

"Monsieur le Ministre, défendez l'université, défendez vos professeurs."

Position délicate pour WALLON : ministre, à la tête de l'université, il parle au nom de l'Etat, il se doit de défendre l'université.

Profondément universitaire, nous le savons, il n'y serait pas opposé. Mais profondément attaché à la lutte pour la liberté de l'enseignement et du parti de DUPANLOUP, il lui est difficile de contredire un si éminent membre du clergé, et, de plus, son ami. Avec délicatesse, il répond à DUPANLOUP, pour nuancer son attaque contre l'université, il ne se gênera pas pour autant pour la défendre sincèrement :

"Je partage le sentiment de réprobation de Mgr d'Orléans et je regrette profondément que les thèses qui contenaient ces doctrines aient pu être admises à l'examen. Mais ce que je tiens à affirmer c'est que de pareilles doctrines ne sont ni professées dans les chaires de l'Etat, ni acceptées dans les examens. Du reste, je puis dire que les thèses où elles s'étaient glissées ont été cassées dès qu'elles se sont produites. "

Cette dernière parole souleva des mouvements dans l'Assemblée : "Ah ! Ah ! très bien ! très bien ! "

Le 15 juin 1875, WALLON reprend la parole pour défendre à nouveau l'impartialité de l'université, il est acclamé par la gauche :

"Je regrette qu'une discussion commencé dans l'esprit de bon accord ait abouti, dans la séance dernière, à une polémique contre l'université. Je crois que, pour établir la légitimité de l'enseignement libre, il n'était pas nécessaire de s'attaquer à l'enseignement public." (Très bien ! Très bien ! à gauche. )

"Le dictionnaire de médecine qui a été apporté à la tribune et qui a fourni à Mgr d'Orléans tant de tristes citations, ce dictionnaire n'est pas l'œuvre de la faculté de médecine, il ne résume pas son enseignement, c'est un livre qui est livré au public et dont, peut-être, les élèves des facultés libres se serviront comme ceux des facultés de l'Etat." (Rires approbatifs et applaudissements à gauche).

"Dire que ces thèses résument l'enseignement d'une faculté, c'est encore quelque chose d'excessif. Je dois dire que, depuis ces thèses cassées, les ministres de l'Instruction Publique ont recommandé une surveillance beaucoup plus rigoureuse à l'égard des thèses et, moi-même, quand je suis arrivé au ministère, mon premier soin a été de renouveler cette prescription.

Pour la collation des grades : quand un diplôme doit avoir des effets publics. II prend un caractère public et il doit être conféré par l'autorité publique". (Approbation à gauche).

Je crois. Messieurs, que le soupçon est injuste et je m'associe complètement à ce que Monsieur J. FERRY a dit, avec tant d'éloquence, en faveur de l'impartialité des professeurs de faculté pour les examens." (Très bien ! Très bien ! à gauche).

Après avoir, dans une première partie de son intervention, pris la défense de l'université, comme il se doit, selon sa bonne habitude, WALLON essaye de jouer le rôle de conciliateur. Dans la deuxième partie de son discours, il fait une proposition au parti catholique : "les jurys mixtes". Dans sa façon de l'exprimer, nous nous voyons que c'est une concession de sa part. La commission parlementaire, composée d'hommes de droite, avait décidé que les facultés libres auraient droit de délivrer des diplômes à ses étudiants. WALLON essaye de maintenir un contrôle de l'université sur ces facultés par les jurys mixtes, composés, mi-partie de professeurs de l'université de l'Etat, mi-partie de professeurs de l'université libre et choisis par le ministre. Voici la suite de son discours :



"Mais il importe, pour la dignité même des professeurs de nos facultés, de les élever au-dessus de toute suspicion. Ce qui fait que je ne réclame pas exclusivement pour eux le droit de conférer les grades et que je cherche, pour les facultés libres, quelque moyen de leur donner satisfaction."

Puis WALLON reprend les projets de loi :



"Les facultés d'Etat sont maintenues dans leurs droits, elles font seules leurs examens. Elles y admettent, avec leurs propres étudiants, les étudiants qui auront pris leurs inscriptions dans les facultés libres et c'est déjà, pour ces facultés, un premier avantage.

Mais il y a l'objection : les examinateurs sont en même temps des professeurs, et les étudiants des facultés libres trouveront-ils, auprès d'eux, les garanties d'impartialité qu'on doit chercher dans des juges ? Mais comment composer le jury ? Puisqu'on ne peut s'adresser uniquement aux professeurs d'Etat, il faut leur adjoindre des professeurs des facultés libres. Dans ce système, l'Etat garde toujours son droit ; c'est, comme l'a fait remarquer tout à l'heure Mgr DUPANLOUP, le ministre qui désignera pour ce jury, et les professeurs des facultés d'Etat, . . . et les professeurs des facultés libres, tandis que, dans le système de la commission, le principe de la collation des grades par l'Etat est complètement sacrifié."

Finalement, la proposition de WALLON aboutit : le problème de la collation des grades fut résolu par l'institution des jurys mixtes, et le ralliement de DUPANLOUP à l'amendement PARIS qui les prévoyait.

Toujours soucieux d'égalité entre l'enseignement public et l'enseignement religieux, WALLON parlera encore le 18 juin 1875 pour demander la même juridiction pour les professeurs des facultés libres que pour ceux des facultés d'Etat quant à la discipline.

Quel est l'état d'esprit dans l'université à ce sujet en 1875 ?


C'est alors que nous constatons pour WALLON une évolution dans son point de vue. Lorsqu'il était jeune, il croyait à un renouveau de la religion, maintenant il voit, au contraire, un retour en arrière, le développement de l'irréligion à l'université.

A en juger par la façon dont WALLON, ministre, est accueilli à la Sorbonne, après son discours pour la distribution des prix du concours général, l'état d'esprit à l'université est peu favorable à la religion. Cette séance nous est racontée par L'Univers, dans un article du 11 août 1875 :



"M. le Ministre WALLON a insinué que la religion et la science s'éclairaient au lieu de se combattre. Mais il y a une vraie science et par contre une fausse science, qui s'aveugle par son orgueil et se tue par ses négations insensées. Loin d'en nier l'existence, M.WALLON l'a constatée, il est allé plus loin, il y a une science hérétique, a-t-il dit. Et nous le félicitons de l'avoir dit en présence de l'Université et des familles :

"Plus de fleurs, plus de chants, plus de poésie, plus d'amour, plus d'idéal, plus d'aspirations, plus rien que des blasphèmes essoufflés...

Rappelons vite la religion dans les études, si nous voulons revoir un nouveau printemps. "

Telle est la conclusion du discours de l'honorable M. WALLON. Et nous le félicitons de son courage car si, nous en croyons certains comptes rendus de la cérémonie, les jeunes auditeurs ainsi que plusieurs de leurs professeurs auraient témoigné d'une vive répulsion quand l'orateur a insisté sur ce point capital. "

WALLON ne craint donc pas, même en qualité de ministre, d'affirmer devant un auditoire pourtant hostile, ses convictions religieuses, et s'élève contre le peu d'esprit religieux dans l'université.

Il est intéressant de voir pourtant que cette prise de position de WALLON est jugée "trop timide" par L'Univers :

"Le discours que le grand maître de l'Université a prononcé à la distribution des prix du grand concours général n'a sans doute ni l'allure vigoureuse, ni l'intrépidité doctrinale qu'exigent tous les temps, mais particulièrement le nôtre. La vérité y est timide, embarrassée, cherchant à se dissimuler dans de petits coins obscurs ; mais elle y est ; elle y est voilée, mais non trahie. Tout ce que nous avons dit de la décadence et de la corruption de l'enseignement supérieur et de la nécessité de le vérifier, de le purifier, M. le Ministre de l'Instruction Publique l'a murmuré à l'oreille de son nombreux auditoire."

L'article se termine quand même par un reproche adressé au catholique et Ministre WALLON :



"Ce qui apparaît surtout dans les harangues universitaires, qu'elles soient faites par le Vice-Président, M. MARTEL, ou M. le grand Maître, en personne, c'est le mélange singulier et pour tout dire, la confusion des idées de l'orateur. Ainsi M. WALLON, voulant plaider les circonstances atténuantes en faveur de l'enseignement contre lequel se sont élevées tant de protestations, n'en est-il pas venu à professer une sorte d'indifférence pour le caractère même de cet enseignement dont il rapporte aux élèves exclusivement les bons et les mauvais fruits. . . "

Ensuite, L'Univers porte la responsabilité sur les maîtres de l'Université et conclue :



"M.WALLON, lui-même, sera contraint d'en faire l'aveu au bout de quelques années. "

Quelles étaient les motivations de WALLON en instituant les "jurys mixtes " ?


Trop timide, selon les catholiques de L'Univers, dans la question de la liberté de l'enseignement, WALLON est aussi attaqué par les républicains qui lui reprochent d'avoir sacrifié les droits de l'Etat et d'avoir défendu l'institution du jury mixte favorable aux universités catholiques libres. PERROT, cependant, dans sa notice, l'excuse :

"Si WALLON s'y résigna par déférence pour les chefs de l'épiscopat français promoteurs de cette loi de 1875, c'est qu'il ne croyait pas porter ainsi atteinte aux intérêts de l'Université. "

WALLON dira lui-même plus tard, dans un discours au Sénat le 23 octobre 1902, au moment de l'abrogation de la loi du 12 juillet 1875 :

"J'ai participé à la loi comme membre de la commission depuis 1871 et Président, puis comme Ministre". "On avait hâte d'en finir. "

La loi est donc bien, comme en 1850, un compromis.


Comment fut appliquée la loi par le Ministre WALLON ?


WALLON envoya aux recteurs une circulaire sur l'application de cette loi, fit un rapport devant le conseil supérieur sur la composition du jury d'examen.

Déjà le 17 juin, à l'ouverture du conseil supérieur, WALLON dit dans son discours82 :



"La commission spéciale nommée par vous, en vertu des pouvoirs que la loi vous donne, vous aura préparé son rapport sur l'état général de l'enseignement.. Mon administration est mise toute entière à sa disposition pour ce qui regarde l'Instruction Publique et je me propose de faire servir au bien de l'Université ce que votre commission pourra m'apprendre sur l'enseignement libre."

La première tâche, pour WALLON, était donc de développer les deux enseignements. Le 26 octobre 1876, la loi votée, WALLON insistera davantage pour que les deux formes d'enseignement soient également considérées ; il ne veut aucune différence, mais une libre concurrence :



"Le vote de la loi sur la liberté de l'enseignement nous met en présence de deux grands intérêts auxquels il faut également satisfaire : je veux parler de l'enseignement public et de l'enseignement libre."

Citons quelques passages importants de ce discours :



"Si l'enseignement libre a besoin des règlements pour l'exécution de la loi qui le concerne, l'enseignement public ne réclame pas moins instamment des mesures qui lui permettent de tenir dignement son rang dans la situation nouvelle où il est placé. "

II faut donc revaloriser l'enseignement universitaire pour qu'il ne soit pas délaissé par les étudiants :



"La loi n'exige, pour les facultés libres, que des docteurs ; nous voulons, nous, pour nos facultés, des agrégés, c'est-à-dire l'élite des docteurs triés au concours. . .Plus l'enseignement universitaire est mis en question, plus il convient que l'université rallie ses forces, dispersées, et en tire ce qui peut donner plus de puissance et d'éclat à ses cours."

WALLON craint les querelles, une concurrence "agressive" :



". . .Pour attirer les familles aux établissements qu'on veut fonder, on ne se borne pas à donner pour soi de bonnes raisons, on est tenté d'en chercher contre les autres. On fait des comparaisons. Mais avant d'établir une parallèle, laissons à l'enseignement libre le temps de naître. Pour le moment ce que nous devons souhaiter, c'est que les deux modes d'enseignement se développent en paix l'un après l'autre. "

Donc, conséquence de la loi : on assiste à la création de facultés d'Etat, sous le ministère WALLON, on l'a vu, à Lille, à Lyon. Et très vite "devant la peur d'une élection des républicains aux élections de la Chambre des Députés prévue par la nouvelle constitution," nous dit M. DANSETTE83, les évêques se hâtent d'ouvrir à Paris, Lille, Angers, Lyon, Toulouse, des facultés catholiques.


Rivalité entre la Faculté d'Etat et l'Université catholique à Lyon.


Cela ne se fait pas sans susciter quelques réactions sous le ministère WALLON, à Lyon par exemple. Il se trouve qu'à Lyon, une commission formée de l'évêque avait décidé de créer une université catholique pour l'enseignement du droit. Or, dans un article pour la Revue Catholique des Institutions et du Droit sur le rôle des universités catholiques dans l'enseignement du droit, un avocat, membre de cette commission, Ch. JACQUIER, y recommandait la lutte contre les principes révolutionnaires. Par contrecoup, en septembre 1875, le Conseil Municipal de Lyon votait la création d'une Faculté d'Etat de droit, demandée en vain par les Lyonnais depuis longtemps. D'après M.GADILLE84 :

"L'intention était évidente de contrecarrer le projet catholique et l'organe bonapartiste de Lyon, Le Salut Public, s'en fit l'écho dans plusieurs articles : l'enseignement du droit par les catholiques ne visera-t-il pas à "provoquer la réforme de toutes celles de nos lois qui sont en désaccord avec le Syllabus ?"

De son côté, à la séance du Conseil supérieur de l'Instruction Publique du 26 octobre, l'évêque d'Angers, FREPPEL, protestait contre les créations envisagées de facultés d'Etat à Lyon pour le droit, à Lille pour la médecine (toutes deux créées sous le ministère WALLON) "N'étaient-elles pas une preuve de mauvaise volonté de l'administration à l'égard des catholiques et le ministre WALLON n'avait-il pas pris à son compte les vœux des municipalités de Lyon et de Lille ?"

Finalement, la rivalité cesse, comme l'explique M.GADILLE85 :

"Entre temps, DUPANLOUP dut recommander à THIBAUDIER la plus grande prudence ; en effet, la réponse de ce dernier est très curieuse. C'est bien à contrecœur, écrivait-il qu'il avait dû créer des embarras à un ministre aussi chrétien que M. WALLON et agir contre le gré de nombreux amis qu'il comptait dans les milieux universitaires de la ville. . . "

Quoiqu'il en soit, la polémique avec Le Salut Public cesse ; les évêques décidèrent de se substituer à la commission laïque où ils regrettaient de voir apparaître les tendances excessives. La cérémonie d'ouverture de la nouvelle faculté eut lieu le 20 novembre. Mais les autorités administratives et universitaires étaient présentes et le nouveau doyen, BRAC de la PERRIERE, un ami du cardinal DONNET, prononça un discours. . . d'apaisement que Le Salut Public lui-même se plut à reconnaître. Il y faisait l'éloge de WALLON, et déclarait qu'entre les deux futures facultés de droit, il ne pouvait y avoir qu'une saine émulation. L'Eglise s'abstenait de toute politique de parti.

WALLON avait-il agi au nom de l'Etat ? ou par conviction personnelle ?

Voyons comment le journal Le XIXème Siècle parle de cette affaire dans un article du 22 octobre 1875. Cet article nous donne aussi le jugement des catholiques de L'Union sur WALLON. Il est intitulé : M.WALLON et les Cléricaux, par E. ABOUT.



"Cet honnête homme a indisposé, de parti pris, le parti libéral. Il risque fort de partager, dans une certaine .mesure, l'impopularité qui s'attache au nom des FALLOUX, des FORTOUL, FOURTOU et de CUMONT. Obtiendra-t-il, au moins, par compensation, la reconnaissance des cléricaux qu'il a trop bien servis ? II est permis d'en douter quand on voit L'Union lui chercher querelle à propos d'un hommage rendu timidement aux principes de la société moderne."

"La municipalité de Lyon," continue E. ABOUT, "avait émis un vœu tendant à la création d'une faculté de médecine au chef-lieu du département du Rhône ; ce vœu sanctionnait un rapport où L'Union a relevé le passage suivant :

"Quand on se rappelle les attaques dirigées contre le code civil par certaines écoles, quand on lit ces prétentions de faire passer la doctrine du Syllabus dans les lois futures, il est nécessaire que l'état laïque soutienne énergiquement son droit et affirme hautement les principes de la société moderne qui eut été défendus en France par tous les gouvernements même par celui de la Restauration. "

"Quelle audace ! Un conseil municipal n'a pas craint de défendre le code civil contre les agressions de VEUILLOT ! Quelques scélérats, honorés de toute la confiance de leurs concitoyens, ont signalé à l'état laïque les folies subversives du Syllabus. Ils demandaient, ces impudents, que la République française se montrât aussi libérale que Louis XVIII et Charles X! Etonne les a pas fourrés en masse à la Bastille... On a laissé dormir la théorie si neuve et si originale de M. le Ministre. Que dis-je ? Monsieur WALLON a écrit au préfet du Rhône :

"J'apprécie les motifs qui ont déterminé les votes du Conseil et je serai heureux pour ma part de contribuer à la réalisation de ses vœux."

"Il apprécie !" continue E.ABOUT ! Il adhère ! II réalise ! II a parlé une fois dans sa vie comme un Français du 19ème siècle et les plafonds du ministère ne se sont pas écroulés sur sa tête ! L'Union est scandalisée à tel point qu'elle ne peut pas croire au témoignage de ses yeux. Il faut, dit-elle, que M. WALLON ait signé sa lettre sans la lire. Voilà le père putatif de la Constitution passé au rôle de Géronte !"

Comment situer WALLON dans la lutte entre cléricaux et anticléricaux ?

Dans l'affaire de Lyon, les cléricaux de l'Union lui reprochent d'avoir défendu la faculté d'Etat contre l'université catholique. Mais DUPANLOUP, comme WALLON (les catholiques libéraux), n'approuve pas qu'on fasse passer la doctrine du Syllabus contre la société moderne dans cette université. Par contre les anticléricaux du 19ème siècle apprécient sa décision dans l'affaire de Lyon et de Lille, mais lui reprochent sa défense de la religion tout au long de sa vie.

E. ABOUT, dans son article, reproche à l'universitaire WALLON d'avoir mal défendu l'université, rejette le catholique tout en reconnaissant sa sincérité, et ajoute que, sans être aimé, WALLON est respecté. Ce jugement est intéressant et résume l'originalité de notre personnage :



"Pour la première fois depuis longtemps, nous possédons, au Ministère de l'Instruction Publique," écrit ABOUT, "un chrétien pratiquant, un vrai dévot que ses adversaires eux-mêmes respectent, sans l'aimer, ni l'approuver, parce qu'ils le savent convaincu. M. WALLON a fait beaucoup de mal aux universitaires, énormément à l'université ; chargé de deux grands intérêts publics, il ne s'est pas fait scrupule de sacrifier l'un à l'autre, et il peut dire avec Chimène : "La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau. "

Même polémique au sujet de WALLON entre cléricaux et anticléricaux, quand WALLON intervient pour un changement de personnel. Comme le dit M. A. PROST86 :



Au 19ème siècle, "chaque membre de l'université demeure comptable envers elle de tous ses actes sans distinction." "Et quel que soit le gouvernement, un universitaire risque de perdre son poste, s'il commet un acte contre la politique du gouvernement. "

Nous avons vu WALLON chassé de sa chaire sous la IIème République, parce que pas assez républicain, et WALLON, à son tour ministre, fera quelques changements de personnel qui susciteront des réactions dans les journaux. Le XIXème Siècle n'apprécie pas, par exemple, la destitution de deux libéraux.

On lit, dans Le XIXème Siècle, le 9 octobre 1875 :

"Deux libéraux sincères, de grand talent : FOUILLER et LACHELIER, professaient la philosophie à l'Ecole Normale. Ils seront remplacés par un Directeur du "Français", M.OLLE-LAPRUNE et par un autre clérical, M. CHARPENTIER, qui ferait bonne figure à la rédaction du "Français".

Mais selon la bonne habitude de WALLON de surprendre, il donnera aussi de l'avancement à des libéraux. Le journal La Gironde signale :



"Un acte de réparation qui fait honneur à Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique. On se souvient que M. J. FABRE, professeur à la Faculté de Bordeaux, a été mis en congé par M. de CUMONT, au grand scandale de l'université. M. WALLON l'a intégré, il lui a confié l'un des postes d'honneur de l'enseignement secondaire, la chaire de philosophie du Lycée Louis-le-Grand. "

L'Univers n'admet pas cet acte de WALLON :



"Donner de l'avancement à M.OLLE-LAPRUNE et le remplacer par un professeur qui avait dû frapper M.de CUMONT, n'est-ce pas pousser un peu loin l'éclectisme ? Etant donné le caractère du prédécesseur de M. WALLON, si M. FABRE avait été mis d'office en congé, c'est qu'il l'avait largement mérité.

WALLON sénateur : considéré comme un "clérical".

En 1850, WALLON défend l'université, refuse d'accorder des privilèges aux catholiques, son acte est apprécié des libéraux ; en 1875, il demande que les deux formes d'enseignement soient mises en libre concurrence, avec égalité de chances, il institue les jurys mixtes, ce qui lui vaut la faveur des catholiques ; par son action au ministère, nous voyons qu'il est pour la coexistence des deux enseignements. Puis, comme sénateur inamovible,

"il se signale surtout par son ardeur à défendre les privilèges de l'enseignement clérical, il devait rester jusqu'à la fin de sa vie fidèle à cette attitude et, juste avant sa mort, il monte à la tribune protester contre la suppression de l'enseignement congréganiste."87

Cette évolution vers le parti "clérical" conservateur de WALLON à la fin de sa vie déçoit les libéraux qui le considéraient comme un des leurs ; pour WALLON, il ne s'agit pas de contredire son action passée, mais d'une évolution motivée par l'évolution même du catholicisme en France, amoindri par la montée de l'anticléricalisme. Pour WALLON, il faut faire renaître la foi par l'enseignement religieux, Jusqu'en 1875, nous l'avons déjà dit, il était resté optimiste quant au renouveau du catholicisme en France ; il défendait même l'esprit "tolérant" de l'université. L'anticléricalisme de la fin du siècle est d'autant plus difficile à accepter pour lui (d'où son virement vers une lutte en faveur de la religion),



  • qu'il s'oppose à la laïcisation des écoles congréganistes de Paris (en 1879),

  • se plaint (en janvier 1880) de l'exclusion systématique des évêques du conseil supérieur de l'Instruction Publique,

  • propose (en juin 1881) pour la loi sur la gratuité de l'enseignement, un amendement autorisant les ministres des cultes, non munis de brevet de capacité (lui qui en 1850, le réclamait), à ouvrir des écoles dans les communes sans écoles professionnelles (l'amendement sera rejeté),

  • se prononce souvent contre les projets de la loi Ferry sur l'enseignement supérieur.

Avenir de la loi sur l'enseignement supérieur


Comme le dit M. CAPERAN88 au ministère :

"le remplacement de M.WALLON indiquait à lui seul la nouvelle orientation politique. "

Le 14 mars, une déclaration ministérielle promit la révision de la loi sur l'enseignement supérieur touchant la collation des grades et les jurys mixtes. Le 23 mars, WADDINGTON (successeur de WALLON à l'Instruction Publique) dépose le projet ; les jurys mixtes n'avaient pas encore fonctionné. L'ensemble du projet fut voté le 7 juin.

Une série de lettres épiscopales furent adressées aux membres des deux assemblées de la fin mai à juillet. DUPANLOUP et ses amis - dont WALLON - rejoignent les cardinaux de Rouen et de Paris, décidés à ne pas faire un pas de plus contre la liberté de l'enseignement et rallient les sénateurs hésitants. Le projet WADDINGTON est écarté au Sénat.

CHALLEMEL-LACOUR, à la tribune, oriente le débat sur une accusation contre une politique de domination cléricale dont les protestations épiscopales sont pour lui l'argument. Puis il évoque "les figures de TOCQUEVILLE et de MONTALEMBERT et les inquiétudes fondées des catholiques libéraux pendant le concile du Vatican", il regrettait "ce temps révolu où tout homme éclairé, fût-il religieux, tenait à l'honneur de se déclarer en même temps libéral." DUPANLOUP, WALLON, pouvaient se voir désignés ainsi.



« Embarrassé par le tour que prenait le débat », nous dit CAPERAN, "DUPANLOUP céda la parole à WALLON, LABOULAYE et BROGLIE. Tous trois se portèrent garants de la largeur de vues des évêques, de leur désir de se placer sur le terrain de la loi, de se séparer de ce que BROGLIE appelait : ces faiblesses humaines, ces ambitions excessives dont l'Eglise n'a jamais prétendu qu'aucune infaillibilité dogmatique ait préservé tous ses membres. Ils insistaient surtout sur le risque considérable que prenait le jeune républicain en s'engageant dans une lutte avec l'Eglise, dans cette voie dangereuse où la première République et le premier Empire ont péri... "

L'évolution de WALLON est celle même des catholiques libéraux : il se défend d'être du parti "clérical" pour une domination de l'Eglise, mais voit l'histoire de l'Eglise arrivée à un moment dangereux où il est temps d'intervenir contre une politique de déchristianisation. Leur optimisme dans le catholicisme fait place à la peur.

C'est ainsi qu'en 1902, dans un discours du 7 novembre au Sénat, WALLON défend les universités catholiques, son rôle en 1875 dans la liberté de l'enseignement, sans nier pour autant celle-ci : "celle-ci n'a pas nuit aux facultés d'Etat," dit-il avec insistance alors que l'on discute l'abrogation de la loi de 1875 qui sera finalement votée.

Plus nettement qu'en 1875, WALLON prend parti pour les universités libres (on pourrait mettre en parallèle ce discours de WALLON avec celui, 50 ans plus tôt, où il défend les facultés d'Etat) :



"Comment donc évoquer encore le fantôme de ces universités catholiques soutenues par toutes les richesses de l'Eglise et menaçant d'écraser l'université, en présence de ces 4 ou 5 instituts catholiques de Paris, Lille, Lyon, Toulouse, Angers, qui ont d'excellents professeurs, mais qui, pour vivre, ont besoin de recourir à une quête annuelle. Devant elles aujourd'hui, 15 ou 16 universités de l'Etat, - dûment inscrites au budget et légalement ouvertes aux largesses publiques."

Et WALLON répond aux attaques qui lui sont adressées en tant qu'universitaire pour la loi de 1875 :



"Et comment oser dire que la loi de 1875 a été funeste à l'enseignement public ! C'est de cette loi, au contraire, que date le développement de l'enseignement supérieur et je ne crains pas de dire qu'à cet égard j'y ai contribué (Très bien ! à droite)... J'ai voulu préparer les facultés de l'Etat à soutenir la lutte. en augmentant le traitement fixe des professeurs, l'accroissement des chaires, l'établissement de conférences et, avec le concours des villes, en créant des facultés nouvelles sur les points où la concurrence était imminente : médecine à Lille, droit à Lyon. . . L'enseignement libre, loin de nuire à l'université, lui a donc servi ; donc, même comme universitaire, je la défends."

Dans tous ces débats sur la liberté de l'enseignement, ou plutôt sur son abrogation, on retrouve, pour défendre les universités catholiques, non seulement l'épiscopat, mais aussi Albert DURUY, WALLON, tous deux anciens élèves à Normale, Francisque BOUILLER, membre de l'Institut et ancien directeur de l'Ecole Normale. Mais le plus frappant, en prenant l'exemple du débat de mars 1879 sur les jurys mixtes, comme le signale M. CAPERAN, ce fut que le ministre J. FERRY et deux anciens ministres, J. SIMON, H. WALLON, de l'Instruction publique, "évoquèrent par leur langage et leur seule apparition à la tribune l'évolution accomplie de l'Assemblée Nationale à la République des républicains."



"Je demande au Sénat républicain de 1880, " dit J. FERRY, de ne pas rester au-dessous du programme du ministère DUFAURE en 1876 et d'en finir avec les jurys mixtes."

"Je le répète," insista J. SIMON, "moi qui ne consentirais pas à diminuer de quoi que ce fût la liberté de l'enseignement, c'est avec une sécurité complète que je vous demande de maintenir à l'Etat la collation des grades . "

Tandis que H.WALLON, au contraire, continua de préférer le plein jeu de la liberté de l'enseignement au supplément de réglementation qui venait la diminuer :



"La loi de 1875," conclut-il, "considère l'enseignement libre comme une force rivale, mais non pas contraire, travaillant au même but, et qu'il faut surveiller pour l'empêcher de s'en écarter. La loi nouvelle le considère comme un ennemi qu'il faut écraser ; plus tard, on examinera sans passion ces deux lois, on les jugera dans leur esprit et dans leurs effets. Je suis tranquille sur le résultat du jugement."

Nous avons ainsi situé WALLON dans la querelle : suppression ou maintien d'un enseignement libre. Même situation pour WALLON quand il s'agit du conseil supérieur de l'Instruction Publique, de sa composition ; J. FERRY veut en réduire le nombre au profit des enseignants de l'université (excluant le clergé).

Aussi WALLON atteste-t-il, pour l'avoir présidé comme ministre, l'impartialité du Conseil de 1873 : la création à Lille d'une faculté de médecine et de droit à Lyon, avait obtenu l'unanime avis favorable, les 4 évêques étant présents et Mgr DUPANLOUP soutenant énergiquement le projet : WALLON, tout comme BROGLIE, CHESNELONG, PARIS, fait ressortir "la dommageable infériorité à laquelle le projet FERRY réduit l'enseignement libre."

Quelques lettres de famille entre les enfants de H.WALLON, prouvent que le rôle de celui-ci dans la défense du catholicisme est considéré comme très important, témoigne non seulement de l'intérêt que l'on porte à ce sujet chez les WALLON (dont une des filles est religieuse), mais aussi que c'est un grand débat à l'époque. Dans une lettre du 8 janvier 1879 de Sœur Thérèse de Sales à Jeanne PETIT, filles de WALLON, on peut lire :



"Vous avez eu, sans doute, connaissance," dit-elle à sa sœur, "du discours de notre bon et digne Père au Sénat contre la mesure Inique qui fait supprimer plus ou moins partout les Frères et les Sœurs dans les écoles communales. Je ne l'ai su d'abord qu'Indirectement par l'éloge que m'en ont fait Monsieur Notre Supérieur et M. l'abbé BOURBONNE, mais ensuite notre digne aumônier a eu la bonté de m'envoyer le numéro de la semaine religieuse qui l'a reproduit. Je l'ai lu avec bonheur en remerciant Dieu d'avoir si bien inspiré notre bon Père. . . "

Et dans une autre lettre d'Adèle GUIBERT (une autre fille de WALLON) à sa sœur Jeanne PETIT :



"Je te parlais du Sénat où j'ai été deux fois. Nous en avons été très contentes, mais comme on est attristé de voir comment les choses se passent et comme les meilleurs arguments ne sont même pas écoutés ! Voici depuis hier la discussion de la deuxième loi qui a commencé. Que va-t-il en advenir ? Je serais bien heureuse d'entendre M. DUFAURE ou quelque autre . . . "

Et Marguerite WALLON écrit le 27 février :



"A la dernière séance du Sénat où Papa a parlé, il a été très complimenté de son discours et plusieurs de ces messieurs lui ont dit qu'ils préféraient encore celui-là."

Plus WALLON vieillit, plus il est conscient de la gravité de la lutte contre la religion - lutte entre cléricaux et anti-cléricaux. WALLON se défend d'être clérical, déplore que ce terme soit confondu avec celui de catholique. Dans un discours de 1901, il décrit assez bien l'atmosphère et dénonce ce véritable cri de guerre lancé aux catholiques (par GAMBETTA) :



"On a commencé par dire :"le cléricalisme, voilà l'ennemi", dit-il le II juin 1901 dans un discours relatif au contrat d'association ; "on n'a pas dissimulé longtemps que, par cléricalisme, on entendait le catholicisme. Le seul fait d'aller à la messe rend suspect de cléricalisme, c'est une note qui a sa place aujourd'hui dans les statistiques officielles et, si je puis dire, dans les casiers extrajudiciaires de chacun de nous"(C'est vrai ! s'exclame la droite).

Et WALLON maintient ce qu'il a toujours pensé :



"Le gouvernement s'est appelé gouvernement de défense républicaine. La République est par définition la chose du peuple, or le peuple en France est en très grande majorité catholique. Les catholiques ne réclament pour leur église aucune faveur mais, puisqu'ils sont reconnus majoritaires, ils ont bien le droit de demander qu'elle ne soit pas l'objet de mesures d'exception."

Ce discours de WALLON pour l'avenir de la liberté de l'enseignement est résumé en ces termes par PERROT dans sa notice :



"On le connut surtout, dans ses dernières années, à chaque fois que, en sa qualité de doyen d'âge, il eut à présider la séance d'ouverture de la session ordinaire du Sénat. Il saisissait cette occasion," écrit M. PERROT, "pour donner à ses collègues des conseils de modération qui, s'ils ne furent pas toujours suivis, étaient toujours écoutés avec une respectueuse déférence. M. WALLON rencontrait bien dans le Parlement des dispositions qui l'alarmaient et l'affligeaient. Elles lui paraissaient menacer la liberté religieuse, compromettre l'université sous couleur de la servir. Il les combattit, sans se laisser décourager par des échecs répétés."

Quant au Journal des Facultés catholiques de Lille, dans son article critique de la notice de PERROT, il prête à WALLON une voix beaucoup plus forte pour défendre le catholicisme. On trouve cette description de WALLON dans le Journal des Facultés catholiques de Lille :



"Du vénérable protestataire, qui, de sa poitrine défaillante, exhala jusqu'à la fin des cris de douleur indignée, il ne reste plus dans la notice de PERROT qu'une manière de Nestor, dolent, attardé, verbeux. Ce n'était pas cela ; et bien plutôt, ce père plaintif, puisque père il y a, je me le représente comme le vieux Lusignan du poète qui, après 60 ans de combats pour la gloire de son Dieu, se refuse à reconnaître une fille de Zaïre apostate et qui pousse vers le ciel le cri déchirant que l'on sait :"Et quand je la retrouve, elle est ton ennemie ! "

Ce jugement est exagéré : nous savons que, de par son caractère même, WALLON dit ce qu'il pense avec fermeté, mais avec paix et modération (il paraît même manquer de vigueur aux yeux de certains).



Yüklə 1,05 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   11   12   13   14   15   16   17   18   ...   23




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©genderi.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

    Ana səhifə