Lucie-Marie magnan, Christian morin, 100 pièces du théâtre québécois qu’il faut lire et voir, Québec, 2002



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Parti pris entre 1963 et 1968 qui prend pour base théorique l’idéologie de la décolonisation formulée par Albert Memmi, Jacques Bercque et Frantz Fanon. La nouvelle identité québécoise devait sortir du processus de « décolonisation culturelle » et cela non seulement vis-à-vis de l’ « occupant anglo-canadien », mais aussi vis-à-vis de la France. Dans cette perspec­tive la libération nationale va de paire avec la lutte des an­ciennes colonies pour l’émancipation, mais aussi avec l’émancipa­tion sociale et à celle de la femme. La pensée de gauche, souvent révolutionnaire et marxiste n’est pas loin. Quant à l’esprit de la nouvelle action culturelle, elle doit briser certains schèmes mentaux: le masochisme atavique du Canadien français, sublimé religieusement dans « l’esprit du sacrifice », le culte de la famille unie, l’intouchabilité de l’Église catholique, les tabous du sexe et de l’appartenance à une classe sociale. La libération est comprise au sens large: celle de l’individu, celle de la femme, celle de l’homosexuel, celle de la périphérie sociale et humaine, celle de la nation, celle de la langue. Les partipistes non seulement inventent et imposent le terme de littérature québécoise, mais aussi l’usage du joual, argot de la périphérie montréalaise, comme marque linguistique de la décolonisation et de l’émancipation nationale.

L’avantage du théâtre est de donner une forme dramatisée à l’ensemble de ces revendications qui, conceptualisées et discutées dans une argumentation rationnelle, se révéleraient trop contradictoires entres elles pour aboutir à des résultats concrets, viables. Or, le théâtre des années 1960 et 1970 permet de faire revivre et de mettre à jour les aspirations profondes, les sentiments jusque-là informulés. Le Québec, après 1965 en particulier, connaît la vague du théâtre amateur, lancé dans l’aventure de la création collective, improvisée, provoquant le dialogue avec la population. Dans toutes les régions du Québec se met en branle un mouvement de prise de parole dramatisée qui se veut égalitaire et populaire. Deux troupes, déjà mentionnées se démarquent par leur diffusion nationale: le Grand Cirque Ordinaire (1969-1977) qui est montréalais, libertaire, indépendantiste et vaguement socialisant, et le Théâtre Euh! (1970-1978), de Québec, nationaliste et prolétarien. Le lien entre la politique au sens large et la création dramatique caractérise des pièces aussi différentes que Hamlet, prince du Québec (1968) de Robert Gurik, le psychodrame Médium saignant de Françoise Loranger (1970) ou le manifeste collectif du mouvement féminsite La Nef des sorcières (1976).

Toutefois la « québécité » influence également le « grand théâtre », grâce, en particulier à Jean-Claude Germain, à la fois, critique, auteur, animateur, directeur de compagnie et pédagogue. Deux grandes réalisations font date. C’est, en 1968, la création des Belles-soeurs de Michel Tremblay au Théâtre du Rideau Vert et celle des Grands Soleils de Jacques Ferron au Théâtre du Nouveau Monde (pièce écrite et publiée en 1958). Leurs thèmes - l’image de la périphérie montréalaise et le monde des femmes dans le premier cas et la lutte des patriotes de 1837 dans le second   ont remporté du succès par leur actualité, justement. De plus, la pièce de Tremblay franchit un autre seuil, celui de la langue, en haussant à la dignité de l’expression dramatique la langue de la périphérie - le joual. Par là, sans être un partipriste, Tremblay réalise le rêve décolonisateur de la revue phare de la Révolution tranquille. Ainsi, l’émancipation linguistique (par rapport à la France) s’ajoute à l’émancipation cultu­relle et politique. Le joual deviendra pour un temps la langue, à la fois populaire et littéraire, résumant l’essence de la « québécité ».

Le succès rapide du joual ne s’explique que par la convergence de plusieurs facteurs. D’une part il est considéré comme une marque identitaire de la révolution (tranquille) dans la mesure où il sublime, en la transformant grande littérature, la langue marginale, jusque-là méprisée, du peuple et de la périphérie. D’autre part, il représente le prolongement de la tradition de la culture populaire orale. L’accent mis sur l’oralité est un aspect relevé par les théoriciens du théâtre. Le Français Bernard Dort semble envier aux Québécois la capacité expressive du joual : « En France, le théâtre utilise la langue écrite, non la langue parlée. C’est un des problèmes du théâtre français du XXe siècle. Je crois qu’ici au Québec, le théâtre est enrichi du fait de l’existence d’une langue parlée, mais en même temps cette virtualité est affaiblie du fait que la langue écrite reste une langue „d’ailleurs“. » 13 La troisième raison est sans doute la subversion des valeurs que les courant contestataires de la contre-culture des années 1960 valorisent. Ainsi Réjean Ducharme joualise la grande pièce de Corneille dans Le Cid maghané (1968) et Raymond Cloutier et Paule Baillargeon acutalisent en joual la pièce de Brecht sur un sujet nationaliste français T’es pas tannée, Jeanne d’Arc? (1969). Le piétinement de la tradition consacrée coincide avec la recherche des anti-modèles.
Analyse : Antonine Maillet, La Sagouine.

Commentaire : Étudiez les procédés de dramatisation du théâtre monologique. Comment se maintient le contactavec le public?

Quelle est la fonction esthétique de la langue parlée (du dialecte acadien)?

Recherche d’anti-modèles

Cette tendance elle aussi peut se réclamer des antécédents historiques, en particuliers du mouvement des Automatistes et du manifeste Refus global de 1948, évoqués ci-dessus avec les noms de Paul-Émile Borduas, Claude Gauvreau et Jean Mercier. Là aussi, il s’agit de l’émancipation, cette fois par rapport à l’avant-garde théâtrale française et, en partie anglaise - Copeau, Dullin, Pitoëff, Baty, Jouvet, Vilar; Old Vic - dont les avant-gardes et les novateurs québécois avaient été tributaires depuis l’entre-deux-guerres. Ces vieux modèles, dont l’influence avait été si bénéfique, deviennent désormais cibles de la critique pour être dépassés. Le théâtre canadien s’ouvre à d’autres praticiens théoriciens : Adolphe Appia, Edward Craig, Vsevolod Emiliévitch Meyerhold, Berthold Brecht, Étienne Decroux, Jerzy Grotowski, Eugenio Barba. Le mot de ralliement de cet art dramatique expérimental est celui du théâtre total dont le meilleur exemple est devenu le spectacle de Pierre Moretti Équation pour un homme actuel (1967) réalisé par le goupe Saltimbanques.



Analyse : Réjean Ducharme, Ines Pérée et Inat Tendu.

Commentaire : Étudiez les différents aspects de la subversion : langue, caractère, intrigue action. Quels en sont les effets?

Inclination pour le théâtre américain liée à la contestation de l’american way of life

Le monde anglophone est à la fois l’objet de répulsion et d’attraction, à plus forte raison c’est le cas des États-Unis. La société québécoise d’un côté admire et imite l’american way of life, ses habitudes, mécanismes et valeurs. Mais elle partage aussi ses tensions internes et participe à ses mouvements et problèmes. Le Québec vit ainsi à l’heure de la guerre du Vietnam, de la désobéissance civile, du mouvement hippie, des communautés contre-culturelles, du féminisme. On parle de « l’américanité refoulée » du Québec. Le Québec subit la fascination du Living Theater, du Bread and Puppet, de la San Francisco Mime Troupe, du Performing Garage sans oublier Hair et autres productions américaines.



Production dramatique

Comme il a été constaté plus haut, la production dramatique culmine entre 1965 et 1972. Or, la quantité n’est pas le seul aspect. Montréal, notamment, se transforme en un important centre de la vie théâtrale du continent américain, devancé seulement par New York. Il jouit, de plus, de la diversité due à la co-présence de la dramaturgie francophone et anglophone et bientôt celle du théâtre des premières nations. Les auteurs de qualité sont une foule: Michel Tremblay, Jacques Ferron, Roch Carrier, Françoise Loranger, Jean Barbeau, Claude Gauvreau, Denise Boucher, Réjean Ducharme et bien d’autres. Présentons-en brièvement quelques-uns.


Michel Tremblay (1942)

La majeure partie des pièces, romans et contes de Michel Tremblay racontent le quartier populaire du Plateau Mont-Royal et les cafés, les bars, les cabarets et les maisons closes du Boulevard Saint-Laurent, la Main qui relie le Plateau au port de Montréal. C’est un mille carré qui enferme tout un univers de marginalisés par la pauvreté, par l’ostracisme social ou moral: prostituées et prostitués, homosexuels, travestis, dealers, drogués, alcooliques, mais aussi femmes enchaînées aux travaux domestiques, acteurs, chanteurs. Mentionnons quelques titres des se nombreuses pièces : Les Belles-Soeurs (1968), La Duchesse de Langeais (1970), Hosanna (1973), À toi, pour toujours, ta Marie-Lou (1971), Sainte Carmen de la Main (1976), Damnée Manon, Sacrée Sandra (1977), Bonjour, là, bonjour (1974), L’Impromptu d’Outremont (1980), Albertine en cinq temps (1984), Le Vrai Monde? (1987), La Maison suspendue (1990), Encore une fois, si vous permettez (1998).

C’est par la tragi-comédie Les Belles-Soeurs (1968), mise en scène au Théâtre du Rideau Vert le 28 août 1968, que Tremblay semble s’être imposé d’emblée. Deux éléments ont alors frappé le public et la critique : la présence exclusive des femmes sur scène et l’usage du joual qui deviendra pour longtemps l’image de marque de l’auteur. Tremblay ne fut pas certes le premier à s’en servir. Mais à la différence de Gélinas et de Dubé, il l’utilise différemment, en fonction d’une poétique spécifique. Alors que dans De l’autre côté du mur, Zone et Un simple soldat Dubé respecte la hiérarchie des niveaux de style en subordonnant la langue parlée à la langue littéraire et en utilisant l’argot en guise d’effet de réel, Tremblay prend la langue du peuple pour base - degré zéro – de sa construction d’une nouvelle langue littéraire : autrement dit, il construit le style élevé et le sublime à partir de l’argot en façonnnant la langue par des procédés rhétoriques et en appliquant au récit le modèle de la tragédie antique et de l’opéra héroïque. Ce faisant non seulement il dépasse la conception habituelle de la mimésis, mais il réutilise, en les transformant, plusieurs éléments de la tradtition populaire – l’oralité et le drame religieux. Il y intègre, de plus, un discours autotélique, autoréférentiel où la représentation de la réalité est en même temps un débat sur la finalité de la représentation, sur la finalité de l’art (voir Damnée Manon, Sacrée Sandra, 1977).
Lecture commentée et analyse: Michel Tremblay, Sainte Carmen de la Main.
Les personnages des pièces et des proses de Tremblay se mélangent, migrent d’un texte à l’autre, les actions se complètent. Ce terreau dense, mi-(auto)biographique, mi-fictionnel, donne à l’ensemble de l’oeuvre une cohérence qui permet de traiter les pièces de théâtre comme un réseau de textes complémentaires à maints égards. Les thèmes récurrents construisent des trames axiologiques analogues qui traversent plusieurs pièces de Michel Tremblay où alternent les éléments communs à la tragédie antique (hamartia, hybris, anagnorisis, catharsis) et du drame religieux (faute, culpabilité, pardon, compréhension, rachat).

Prenons l’exemple de Sainte Carmen de la Main. La communauté des marginaux de la Main, représentés par le choeur des putains et par le choeur des travestis sous la guide des coryphées respectifs Rose Beef et Sandra, constitue l’ecclesia – le corps social humilié que la chanteuse Carmen vient racheter et sauver. Elle apporte sa voix, la bonne nouvelle, une vérité révélatrice qui permet à chacun de se retrouver, d’accéder à la dignité, de se délivrer de sa condition de déclassé. Le chant de Carmen produit un miracle, les auditeurs du bar Rodéo entrevoient la lueur d’un espoir de rachat, d’une dignité. Les valeurs changent : Bec-de-Lièvre cesse de considérer sa relation lesbienne comme un opprobre pour y entrevoir l’amour, les putains et les travestis retrouvent la fierté et le respect de soi des êtres humains. Toutefois c’est un danger pour l’ordre établi – le pouvoir imposé par le boss maffieux Maurice et son aide Tooth Pick. Carmen la Sainte est assassinée et son assassin transforme le récit de sa mort en une sale histoire de jalousie lesbienne. Cependant la réplique de Bec-de-Lièvre reste un témoignage de vérité – un martyrion justement.

L’histoire de la martyre Carmen est orchestrée selon le modèle légendaire. C’est une enfant rejetée dès sa naissance par sa mère Marie-Louise qui n’accepte pas que les enfants viennent au monde par « le cul de [l]a mère» (SC 24-25). Plus tard, la considérant laide, hors d’ « état de grâce » et promise à l’enfer, sa mère veut l’empêcher de faire sa première communion. Mais Carmen passe outre, décide de communier « tu-seule, à’messe de six heures, avant tout le monde ! » (SC 52). Pourtant elle est belle, « blanche comme une colombe » (SC 26). Elle est aussi capable de voir le bien là où d’autres se heurtent au mal. Ainsi le jour de la mort de ses parents dans un accident de voiture elle dit à sa soeur : « C’est un signe, Manon, c’est un signe que le ciel nous envoye ! Manon, aujourd’hui est notre jour de délivrance ! » (SC 82). Le mot délivrance revient quatre fois dans ce passage qui précède le récit du martyre de la sainte.

Cette orchestration habile, jusque dans les détails, comme on le voit, fait partie d’une action dramatique minutieusement élaborée. La menace de la mort pèse sur Carmen dès le début. On lui rappelle l’assassinat de la duchesse de Langeais (SC 28, 34), un homosexuel travesti, et d’autres morts et disparitions suspectes (SC 32-33). Carmen craint Tooth Pick, pour l’avoir une fois humilié. Elle résiste aux menaces de Maurice (SC 62 sqq.) tout en sachant que si le boss lui retire sa protection, c’est Tooth Pick qui agira. Le drame de la bonne nouvelle est encadré par les choeurs qui scandent les temps et le tempo de l’action dramatique en y impliquant les éléments naturels – l’univers : soleil, ciel, orage, éclair, pluie. Le choeur liminaire salue le lever du soleil qui ne se couchera plus sur la Main (SC 13-21); l’afflux des auditeurs au Rodéo commenté par les choeurs est perçu par Carmen et Bec-de-Lièvre comme un orage menaçant, mais libérateur: « Le nuage a éclaté ! Mon nom pleut ! » (SC 48, c’est Carmen qui parle). La mort de Carmen est annoncée par les choeurs inquiets de voir le temps se couvrir et le soleil disparaître (SC 83).

Toutefois, le thème dominant est encore l’art et à travers lui, l’écriture. La bonne nouvelle de Carmen tient à la parole. Chanteuse western, Carmen a appris le grand art à la source, à Nashville, aux États-Unis, mais elle a compris qu’il faut mettre cet art à la portée de la Main, de son public marginalisé. Elle travaille les textes, traduit, adapte, invente (SC 23) afin qu’ils parlent de la réalité qui touche directement son public de la Main. Car elle sait que ce n’est qu’ainsi qu’elle peut sauver sa communauté marginalisée qu’elle aime : « Tu méprises [= Maurice] la Main parce qu’a l’achève pis c’est toé qui va finir par y donner son coup de grâce ! Mais moé... moé j’ai découvert qu’y reste une chance de la sauver... Maurice, avec ma voix j’ai décidé d’essayer d’aider la Main à sortir de son trou. » (SC 71). Le long face-à-face entre Carmen et Maurice porte sur l’éthique de l’art. L’art est un mensonge, mais un mensonge qui peut devenir plus vrai que la vérité, car il peut transformer, transfigurer la réalité. Le mauvais art est celui de la régression et de la conservation du statut quo. Maurice avait envoyé Carmen à Nashville juste pour lui donner l’occasion d’améliorer ses yodles. Il ne lui demande rien que d’en rester à son ancien répertoire. Mais l’art, s’il ne touche pas la réalité, s’il ne transforme pas la réalité, s’il n’incite pas à l’acte, est un mal que Carmen refuse : « J’peux pus leur parler de mes fausses peines d’amour après leur avoir chanté leurs vrais malheurs ! J’ai pas le droit ! » (SC 73).

En même temps, Tremblay respecte le canon de la tragédie antique : unité de temps, de lieu, d’action et de ton, présence du choeur qui commente l’action, agencement de l’action selon le schéma faute, culpabilité, pardon, compréhension, rachat, présence de la fatalité, sublimation de la langue au moyen des figures de style répétitives (anaphores, épiphores, épanalepses, etc.). D’un côté Tremblay remplit les attentes des partipristes, car ses pièces répondent à leur appel à l’art social, engagé et populaire, de l’autre il dépasse largement cette détermination limitée. Son théâtre est de portée universelle.


Robert Gurik (*1932), né à Paris, est issu d’une famille d’immigrants hongrois. Il quitte la France après son baccalauréat et s’installe à Montréal (1951) où il termine ses études à l’École polytechnique. C’est à travers le théâtre amateur qu’il trouve la voie du théâtre professionnel. Son oeuvre reste proche de la poétique brechtienne, y compris le pathos de l’engagement de l’homme de gauche et de la critique sociale et politique. À preuve son Hamlet, prince du Québec réalisé au théâtre de l’Escale le 17 janvier 1968. Shakespeare s’y prête à une lecture d’actualité : Hamlet représente le Québec qui n’arrive pas à trancher entre l’indépendance et l’allégeance à la Confédération, Ophélie porte le masque du premier ministre du Québec Jean Lesage, Polonius et Laërtes ceux des hommes politiques fédéraux Lester Bowle Pearson et Pierre Elliott Trudeau, Horatio celui du nationaliste René Lévesque, le général de Gaulle étant le spectre qui apparaît sur les remparts.

Les événements d’octobre 1970 sont repris dans Allo… police! (1974) et Les Tas de sièges, (1971; jeu de mots : l’état de siège). Le soldat qui finit par y tuer une prostituée montréalaise commente son exploit : « Anyway she was an F.L.Q.: deep down they’re all F.L.Q.’s, those bastards! There are only two solutions with them: either you fuck them or you kill them. »



Les autres pièces de Gurik ciblent la critique sociale : Le Procès de Jean-Baptiste M. (1972), La Baie des Jacques (1978), À coeur ouvert (1969), La Palissade (1971), Le Tabernacle à trois étages, 1972). Une thématique analogue à R.U.R. de Karel Čapek est traitée dans API 2967 (1971).
Lecture : analyse de la pièce de Robert Gurik, Hamlet, prince du Québec.

Commentaire : Quels sont les procédés de politisation du texte shakespearien que l’analyse relève?
Françoise Loranger (1913 -1995) excelle dans la thématique psychologique qu’il s’agisse de l’analyse des relations au sein d’une famille (Georges… Oh! Georges, 1965; Encore cinq minutes, 1967; Un cri qui vient de loin, 1967), de la solitude (Une maison… un jour…, 1965; histoire d’un vieux monsieur qui doit quitter sa maison, destinée à la démolition) ou du psychodrame collectif  par lequel elle s’implique dans les débats des années 1960 et 1970 en provoquant sciemment les réactions immédiates de la salle. Tel est le Double jeu (1969) où les acteurs rejouent un conflit éthique insoluble (la femme qui doit rejoindre la personne qu’elle aime sur l’autre rive du fleuve ne le peut qu’au prix du viol ou de l’infidélité, à la demande pressante du passeur), tel est Le Chemin du Roy (1969) qui transpose, sous forme d’un match de hockey, l’histoire de la visite du général de Gaulle, tel est aussi Médium saignant (1970) qui reprend les conflits du quartier montréalais de Saint-Léonard concernant la langue d’enseignement à l’école.
Roland Lepage (*1928) est un dramaturge de métier, doté d’une solide formation à l’Université Laval (1947), complétée par des études de l’art dramatique à Bordeaux (1949-1951) et Paris (1953-1956). À son retour à Montréal, il travaille à la radio et à télévision, il enseigne à l’École Nationale de Théâtre avant d’accepter le poste de directeur artistique du Théâtre du Trident (1989-1993) à Québec. Il est aussi acteur. S’il n’est pas un auteur prolifique, il est ingénieux quant aux procédés de la mise en scène. La Complainte des hivers rouges (1974) est basée sur la dramatisation des documents historiques – lettres, procès-verbaux – qui relatent les événements de la rébellion des Patriotes de 1837-1839. Il s’agit d’un renouvellement spécifique du drame historique. Le Temps d’une vie (1974) multiplie la protagoniste en plusieurs personnages, à différentes étapes de sa vie, qui dialoguent sur scène pour trouver le sens d’une destinée humaine. Cette technique sera reprise dix ans plus tard par Michel Tremblays dans Albertine en cinq temps.
Jean-Claude Germain (*1939) s’est consacré au théâtre dès ses études secondaires et universitaires à l’Université de Montréal où il fonde le Théâtre Antonin Artaud et met en scène Ubu Roi de Jarry. Il travaille ensuite comme comme critique dramatique au Petit Journal (1965-1969) avant d’être engagé comme secrétaire du Centre expérimental des auteurs dramatiques (1968-1971). Il fonde plusieurs théâtres et troupes : Théâtre du même nom (1969), P’tits Enfants Laliberté (1971), Grande Confrérie des Enfants Sans Soucis (1975).

Plusieurs de ses textes ne sont que des canevas destinés au théâtre collectif, où le texte ne sert que de prétexte au travail des acteurs qui le parachèvent. L’action de Diguidi, diguidi, ha! ha! ha! (1972) se concentre sur les déboires d’une famille dont les membres sont tiraillés entre la réalité et leurs rêves et désirs que leurs idôles – Batman et père Noël – les aident à réaliser. Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils? Bien parler, c’est se respecter (1972) développe les conflits politiques historiques et d’actualité entre les Canadiens anlophones et francophones.

Le traitement burlesque des traumatismes historiques caractérise les comédies Un pays dont la devise est je m’oublie (1976, publ. 1983) et A Canadian Play/Une plaie canadienne (1979, publ. 1983), alors que Mamours et Conjugat. Scènes de la vie conjugale québécoise (1979) passent en revue les différentes étapes de l’institution du mariage et de la vie conjugale.

Les drames monologiques représentent peut-être l’acquis le plus durable de l’oeuvre germainienne. Le Roi des mises à bas prix (1972) est une récapitulation d’une vie ratée, Les Hauts et les Bas d’la vie d’une diva: Sarah Ménard (1974) et Les Nuits de l’Indiva (1983) reviennent sur la problématique de la vie artistique, la vie vécue et la vie jouée.


Michel Garneau (*1939) est aussi poète et acteur, sensible à l’ambiance de la scène et à l’émotion produite par le spectacle. Ceci détermine le caractère expérimental de ses oeuvres dramatiques qui travaillent moins avec l’intrigue qu’avec l’orchestration vocale et la disposition et le mouvement des personnages.

Les pièces collectives de Michel Garneau ressemblent à des orchestrations polythématiques où des fragments de réalité (allusions historiques, politiques, actualité) s’enchvêtrent, réunis par la parole rythmée, soulignée par la musique : dans Quatre à quatre, (1974) alternent quatre voix de femmes d’âges différents, dans Abriés désabriées (1979) se répondent quatre paires d’acteurs selon le principe compositionnel de la quadrille. Adidou Adidouce (1977) est basé sur la transformation phonétique de l’expression anglaise how do you do. Les neiges (1984) sont une évocation poétique du paysage d’hiver.

L’oeuvre de Garneau a aussi un volet plus traditionnel : Gilgamesh (1976) est une dramatisation du mythe sumérien, Émilie ne sera plus jamais cueillie par une anémone (1981) retrace la vie de la poétesse états-unienne Emily Dickinson.
Jean Barbeau (*1945) est originaire de la banlieue de Québec, ville qui a vu ses débuts dramatiques au Théâtre de l’Estoc, au Théâtre quotidien de Québec et au Théâtre du Trident pour lesquels il a écrit la majeure partie de ses pièces. Celles-ci sont identifiables à la nature des protagonistes – des anti-héros marginalisés et malmenés par la vie. Les titres sont souvent des jeux de mots. Ben-Ur (1971) a beau rappeler le célèbre héros cinématographique. Dans la pièce de Barbeau il s’agit de Bénoît-Urbain, dit Ben-Hur, gardien de nuit dans une banque qui, pauvre, garde la richesse des autres en rêvant, avec ses héros des bandes dessinées, d’échapper à la platitude de sa vie ratée. Le Chemin de Lacroix (1971) retrace la passion d’un pauvre diable qui, tabassé par la police et hospitalisé, ressuscite au bout de quatre jours pour constater qu’entre temps il s’est retrouvé au chômage et a été abandonné par sa compagne. Émile et une nuit (1979) met en scène un sans abri qui empêche Émile, qui est riche, de se suicider, en le convainquant que la vie vaut d’être vécue. Ce type de tragi-comique doux-amer, teinté d’absurde et plein de fantaisie et parfois de rêverie, imprègne la plupart des pièces de Barbeau : Citrouille (1975), Une marquise de Sade et un lézard nommé King-Kong (1979), Les Gars (1984), Joualez-moi d’amour (1972), Manon Lastcall (1972), Le Grand Poucet (1985).

XI.-XII. Situation du théâtre québécois après 1980
Transformation du modèle identitaire

Trois facteurs concomitants influencent l’identité québécoise des années 1980 et 1990. L’échec des deux référendums sur la souveraineté du Québec (1980 et 1995), qui auraient dû achever le processus de l’émancipation nationale, entrave l’éthos collectiviste de la Revolution tranquille et oriente l’attention vers la problématique individuelle. D’autre part, la Loi 101 et la Charte de la langue française (1997) transforment les données identitaires sur le plan juridique et redéfinissent non seulement le statut de la langue française, mais aussi le statut identitaire. En effet, une fois assurée, grâce à la Loi 101, la place dominante du français à l’intérieur de la province, l’ancienne identité, longtemps basée sur l’origine ethnique, la langue et la religion, cède à la nouvelle identité définie par le statut civique : désormais est Québécois tout citoyen habitant le territoire de la province, quelles que soient son origine ethnique, sa religion ou sa langue d’origine. La porte est grande ouverte alors au troisième aspect de la période, à savoir l’intégration linguistique, culturelle, mais aussi littéraire des immigrés et des premières nations. Si le processus, initié par la Révolution tranquille, n’a pas abouti à l’entière indépendance, toujours est-il que l’assise institutionnelle du français et de la culture francophone au sein de la Confédération canadienne est assurée au point que la fonction identitaire de la spécificité linguistique et culturelle cesse de jouer le rôle primordial au profit d’une approche individualiste.


Assise institutionnelle

Les gouvernements provincial et fédéral poursuivent leurs soutiens institutionnels de la culture et notamment au Québec les maisons d’éditions, les bibliothèques et les théâtres jouissent des subventions publiques.

Un événemenent significatif ponctue l’importance de la vie théâtrale - la convocation, en 1981, des États généraux du théâtre où les représentants des professions dramatiques, des sociétés et des théâtres s’accordent à créer le Conseil québécois du théâtre (1983) destiné à défendre les intérêts professionnels face au gouvernement provincial et aux autorités publiques. Le Conseil réclame l’augmentation des subventions et l’aide des autorités à la construction non plus des grands théâtres, mais des salles moyennes de 200 à 400 places. Le premier point – les subventions – trahit la période de crise financière que certains théâtres traversent. Ainsi le Théâtre du Nouveau Monde, endetté, a été obligé de fermer pour la saison 1984-1985. Le second point indique les intérêts dramaturgiques des petites et moyennes compagnies qui se constituent durant les années 1970 et 1980: Théâtre Parminou (1973) Carbone 14 (1976), Théâtre Expérimental de Montréal (1975, Jean-Pierre Ronfard), Théâtre Expérimental des Femmes (1978) devenu Espace Go (1991, 1995), Nouveau Théâtre Expérimental (1979), Théâtre Repère (1980), Dynamo Théâtre (1981), Théâtre Ubu (1982), Théâtre de l’Opsis (1986). Ce type de scènes a facilité le transfert des activités culturelles vers des villes moins importantes - Sherbrooke, Chicoutimi, Rivière-du-Loup, Rimouski.

Ainsi, le théâtre québécois complète sa structure institutionnelle - École Nationale de Théâtre, Conseil québécois du théâtre, grandes, moyennes et petites scènes, scènes expérientales, études de théâtrologie aux universités, critique dramatique spécialisée. L’échange générationnel ne semble pas poser problème. Entre 1978 et 1990, l’École nationale de Théâtre forme 17 écrivains dramaturges. Certains auteurs et troupes, tel Normand Chaurette ou Carbone 14, s’imposent à New York, à Londres, Paris, Avignon, Berlin.




Altérité néoquébécoise et celle des premièrs nations

La nouvelle assise identitaire, codifiée par la Loi 101, était censée promouvoir et faciliter l’intégration des Néoquébécois immigrants et des Premières Nations – Amérindiens et Inuits. Le processus n’est pas toutefois simple, l’altérité est encore souvent conçue comme un obstacle ou du moins une résistance à éliminer ou minimiser. Il y a aussi une différence entre la façon dont les Québécois perçoivent l’autre et le regard que l’autre porte sur soi-même et sur les Québécois. L’évolution est lente, mais elle existe. À preuve la comparaison entre la situation de la Révolution tranquille, marquée par l’exclusion de l’autre, et la période successive qui thématise les problèmes et les conflictualités dans la perspective d’une intégration. Si Médium saignant (1970) de Françoise Loranger identifie encore les alophones comme ennemis de la québécité, Les transporteurs du monde (1984) de Gilbert Dupuis (*1953) envisagent déjà la conflictualité du point de vue des chauffeurs de taxi - immigrants haïtiens. Une décénnie plus tard, les Nomades urbains (1993) de Christian Bédard (*1951) assignent le rôle destructeur à un Québécois de souche qui par jalousie ruine l’amitié entre une jeune fille afro-américaine et un couple d’homosexuel, dont l’un est d’origine latino-américaine. Dans ces deux pièces, la marginalité que les immigrants représentent devient la source des valeurs positives, alors que la position de la société majoritaire est problématisée et critiquée.

Avec le temps s’affirment l’influence et l’importance, en nombre et qualité, des auteurs appelés, successivement, « immigrés », « néoquébécois », « migrants » : Sergio Kokis (d’origine brésilienne), Ying Chen (Chinoise), Naïm Kattan (Irakien), Jean Basile (Bezrodnov; Russe), Négovan Rajic (Serbe), Dany Laferrière (Haïtien), Alice Parizeau (Polonaise), Wajdi Mouawad et Abla Farhoud (Libanais), Régine Robin et Elisabeth Vonarburg (Françaises), Miguel Retamal et Alberto Kurapel (Chiliens), Fulvio Caccia et Antonio d’Alfonso (Italiens). Il est vrai que la plupart d’entre eux préfèrent la prose, le roman en particulier, alors que le théâtre n’a attiré que deux noms importants : Marco Micone (Gens du silence, 1982; Addolorata, 1984; Déjà l’agonie, 1988) et Wajdi Mouawad (Littoral, 1999). Les deux dramaturges illustrent également une évolution qui de collectiviste et linguistique chez Micone devient plutôt individualiste et en même temps existentielle chez Mouawad.
Analyse : Jérôme Ceccon, « Les écrivains italo-québécois dans leur rapport à la langue et à la culture ou comment se positionner comme écrivain à part entière dans le contexte québécois » (www.interfrancophonies.org/ceccon.pdf)

Commentaire : Relevez les points essentiels de la situation linguistique et culturelle des auteurs immigrés.
La relation entre la culture majoritaire et celle des Premières Nations copie avec un certain décalage temporel l’évolution de la situation des immigrants. Là aussi on assiste à la réévaluation du rapport à l’autre comme le montre la pièce de Marie-Renée Charest (*1949) Meurtre sur la rivière Moisie (1986), basée sur un fait divers – meurtre de deux adolescents amérindiens. La représentation a frappé l’opinion publique au point de faire relancer l’enquête de la police qui devait éclarcir s’il ne s’était pas agi d’un crime raciste.

La matière amérindienne pénètre sur les scènes. Mentionnons le personnage de Sauvageau dans Les Grands Soleils (1958) de Jacques Ferron ou bien la pièce de Jovette Marchessault Le Voyage magnifique d’Emily Carr (1990) où la célèbre femme-peintre trouve le sens de la vie et la source d’inspiration dans le contact avec la culture et la mythologie amérindiennes. La relation du peintre avec son amie amérindienne Sophie est vécue sous le signe mythologique de la déesse-mère amérindienne D’Sonoqua. Dans le syncrétisme des représentations mythologiques amérindiennes, chrétiennes et antiques se projette la personnalité de l’auteure, féministe et consciente son ascendance partiellement amérindienne.

Plusieurs auteurs cherchent dans la culture amérindienne une source d’inspiration. Marc Doré (*1938) a mis sur scène le conte amérindien Kamikwahushit (1977) qui par son intrigue rappelle des conte européens : un marchand de la Compagnie de la Baie d’Hudson promet la main de sa fille à celui qui résoudra les devinettes posées. C’est un jeune métis, jusque-là méprisé, qui remporte la victoire. Michel Noël (*1944) a représenté dans La malédiction de Tchékapesh (1985) le mythe du castor qui libère le soleil, prisonnier du géant Tchékapesh.

Le théâtre autochtone est lié à la personnalité du Wendat Yves Sioui Durand (*1951), homme de théâtre, acteur, metteur en scène et auteur, directeur de la compagnie Ondinnok, fondée en 1985 qui s’est imposée à l’échelle mondiale grâce aussi à la collaboration d’Yves Sioui Durand avec Jean-Pierre Ronfard, Robert Lepage ou Ariane Mnouchkine. Son oeuvre témoigne d’un syncrétisme intentionnel des éléments du drame amérindien rituel, de la mythologie amérindienne et de la culture européenne : Le Porteur des peines du monde (1985), Aiskenandahate. Le voyage au pays des morts (1988), Iwouskéa et Tawiskaron (1999), La Conquête de Mexico (1991) et Kmùkamch l’Asieindien (2002). À part les faits historiques et les mythologies, Sioui Durand se plaît à contaminer les langues - mohawk, innu, nahuatl, français, anglais, espagnol tout en cherchant à habiller l’héritage amérindien de moyens d’expression dramatiques progressistes, à réinventer le théâtre amérindien moderne.14 Témoin la version amérindienne de Shakespeare Hamlet - Le Malécite (2004).


Mouvement feministe

À côté de celui des homosexuels, le mouvement féministe constitue un autre aspect de la transformation identitaire qui marque la culture québécoise des années 1970-1990. Il a ses antécédents historiques, telles la personnalité de Marie Gérin-Lajoie (1890-1971) ou les activités de Thérèse Casgrain (1896-1981), de Joséphine Marchand (mariée Dandurand, 1861-1925) et de Gaétane de Montreuil (1867-1951). Le féminisme a profité, dès les années 1960, de l’ambiance libertaire et libératrice de la Révolution tranquille, et de la force du mouvement féminsite états-unien.

L’évolution a été rapide : fondation du Front de libération des femmes (1970), manifeste Québécoises deboutte! (1972-1974), lancement des revues Les Têtes de pioche (1976-1979) et La Vie en rose (1980-1987), colloque international « Femme et littérature » (1975) patronné par la revue Liberté, numéro spécial de La Barre du Jour (no 50, 1975) consacré à la question féminine et à la littérature et l’écriture féminines.

Dans leur Anthologie de la poésie des femmes au Québec des origines à nos jours, Nicole Brossard et Lisette Girouard déclarent : « On prend appui sur le marxisme, sur la psychanalyse, sur le lesbianisme, sur la contre-culture pour débattre des priorités et de l’essence du féminisme. »15 À la différence de l’émancipation nationale, le mouvement féministe se veut universel, inspiré par la collaboration avec les féministes états-uniennes et autres. Du point de vue culturel, il s’agit d’une position enrichissante qui se manisfeste dans les réalisations majeures, y compris le théâtre. Celles qui ont marqué leur époque sont l’oeuvre collective La Nef des sorcières (1976; Nicole Brossard, Luce Guibeault, Marthe Blackburn, France Théoret, Odette Gagnon, Marie-Claire Blais, Pol Pelletier), Les Fées ont soif (1978) de Denise Boucher (*1935) et le Tryptique lesbien (1980) de Jovette Marchessault. Cette dernière peut être considérée comme la meilleure et la plus féconde des auteures féministes.


Production dramatique

Si la Révolution tranquille a transformé les scènes et les salles en lieux publics d’échanges d’opinions, d’activisme civique, voire de propagande, lieux où la société projetait ses traumatismes, ses désirs et ses ambitions et où – par imitation ou intercession symbolique – elle traitait, pour les résoudre, ses problèmes et conflicts réels, la Loi 101 et l’échec référendaire de mai 1980 modifient l’atmosphère et les orientations de la société. En conséquence, le théâtre quitte sa mission nationale, collective, il se dépolitise et se désengage progressivement, à l’exception de la thématique féministe et migrante qui, toutefois, vise un horizon non plus national, mais plutôt supranational et par là s’insère dans la tendance commune du dépassement du national. L’effacement de la collectivité et de l’idéologie se fait d’une part au profit de l’intime et de l’individuel, d’autre part il provoque un retour aux grands thèmes universels, intemporels, mais actualisés.

En cela, la dramaturgie québécoise suit l’exemple des grands réalisateurs, tels Peter Brook, Ariane Mnouchkine, Patrice Chereau, Antoine Vitez, qui se consacrent à la mise en scène et aux adaptations et réécritures postmodernes des classiques - Euripide, Shakespeare, Molière, Goldoni, Tchékhov. Au Québec, c’est le cas du cycle de Jean-Pierre Ronfard Vie mort du roi boiteux 1981) qui reprend les grands noeuds du théâtre shakespearien autour du noyau constitué par l’histoire de Richard III, mais où s’intègrent également des mythes antiques et modernes - Oreste, Oedipe, Hamlet ou Jeanne d’Arc, Robespierre, Mata Hari, Marilyn Monroe, ayatollah Khomeïni. Il n’est pas étonnant que dans cette mouvance on voie se renouveler l’intérêt pour les grands classique québécois : Marcel Dubé, Gratien Gélinas, mais aussi Claude Gauvreau.

La dépolitisation et la désidéologisation ont influencé l’aspect linguistique : le joual perd son attrait, l’oralité se détourne du populaire et se rapproche de l’usage commun et de la norme. Le français standard retrouve sa position dominante, mais qui n’est pas exclusive vu le mélange postmoderne des codes linguistiques que l’on trouve, par exemple, dans les pièces de Marco Micone ou d’Yves Sioui Durand.

À côté du théâtre basé sur le texte, une autre conception, expérimentale, se développe : le théâtre du mouvement (movement theatre) qui veut lier la parole à la danse, au ballet et à la pantomime. Les promoteurs se récrutent notamment parmi les anciens élèves d’Étienne Decroux et de son École de mime à Paris ou bien parmi ceux qui, comme Jean Asselin s’est familiarisé avec le théâtre du mouvement à Londres et à Prague. Gilles Maheu (*1948) a ainsi créé pour le théâtre Carbone 14 plusieurs pièces dont Le Rail (1985), Hamlet-Machine (1987), La Forêt, 1995). Jean Asselin (*1948) a réalisé sur la scène de l’Omnibus le Cycle Shakespeare (1988).

Du point de vue thématique quatre grands filons peuvent être considérés comme novateurs : intimiste (Normand Chaurette, Michel-Marc Bouchard, René-Daniel Dubois), féministe (Denise Boucher, Jovette Marchessault), altérité migrante (Marco Micone, Wajdi Mouawad), altérité autochtone (Yvese Sioui Durand).


Jean-Pierre Ronfard (1929–2003) accède à l’écriture après une longue carrière de metteur en scène, d’acteur et pédagogue et un long périple qui le conduit de France en Algérie, en Autriche, en Grèce, au Portugal et, finalement, au Canada, où il devient responsable de la section française de l’École Nationale de Théâtre en 1960, puis secrétaire du Théâtre du Nouveau Monde et cofondateur du Théâtre expérimental de Montréal (1975) et du Nouveau théâtre expérimental (1979). Sous sa direction ont été réalisées plusieurs pièces de Ionesco, Brecht, Tchékhov, Ibsen, Miller aussi bien que La Conquête de Mexico d’Yves Soui Durand Charge de l’orignal épormyable de Claude Gauvreau ou Ines Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme.

La spécificité de Ronfard auteur consiste dans la transposition et la réécriture postmoderne des grands classiques et des mythes : Médée (1970), Lear (1977), Vie mort du roi boiteux (1981), La Mandragore (1982; d’après Machiavel), Don Quichotte (1985), Les mille et une nuit (1985).



Le Titanic (1986) offre une vision catastrophique, et ironique, de l’histoire de l’humanité: à bord du transatlantique qui coule se rencontrent et se croisent Adolf Hitler, Isadora Duncan, Sarah Bernhardt, Charlie Chaplin, le Juif errant et bien d’autres. Les travaux de moindre envergure sont réunies sous le titre de Cinq études (1994): Les Objets parlent, Autour de Phèdre, La Voix d’Orphée, Corps à corps, Violoncelle et voix.
Normand Chaurette (*1954) est le représentant majeur du tournant intimiste et intellectuel du théâtre des années 1980. Il importe de signaler la formation universitaire de l’auteur, qui est spécialiste de la linguistique transformationnelle, et aussi son intérêt pour la psychologie. Ses pièces, sans être psychologiques au sens traditionnel sont autant de sondes dans le psychisme humain et dans la problématique de la communicabilité de l’expérience vécue. Son premier succès Rêve d’une nuit d’hôpital (1980) reprend le titre d’un poème d’Émile Nelligan. Le protagoniste, nommé Émile, vit le drame de celui dont l’univers se désagrège et perd ses contours spatiaux et temporels. Le nom de famille – Nelligan – n’est pas mentionné et qui ignore la biographie du poète perçoit l’histoire comme le récit de la fragilité d’une destinée. Dans Provincetown Playhouse, juillet 1919, j’avais 19 ans (1981) Charles Charles, qui a trente-huit ans, rejoue le drame de ses dix-neuf ans : il monte la pièce où il est obligé, à la fin, de frapper dix-neuf coups de couteau dans un sac contenant un enfant. Fiction ou réalité? Enfant réel ou poupée? Charles Charles rejoue sa folie comme un théâtre dans le théâtre. Les Fêtes d’automne (1982) sont conçues comme un requiem où la protagoniste Joa transorme le confllit « réel » avec sa mère en rêverie érotico-mystique où le Roi Septante figure comme une incarnation du Christ. Joa décide de se suicider et retouve sa mère dans l’au-delà. Le Passage de l’Indiana (1996) est une reconstruction fictionnelle, par une auteure de romans, du naufrage du navire où ont péri les parents qu’elle n’a jamais connus. La fiction est pour elle une façon de vivre une réalité impossible pour trouver la paix.

La Société de Métis (1983) frappe par la particularité de sa construction communicationnelle: les dialogues des quatre personnages actants sont centrés sur deux personnages qui n’y figurent pas et qui pourtant constituent le noyau sémantique de la pièce, car – peintre et pianiste – ils représentent un auteur et un interprète. La pièce offre ainsi une sorte de négatif de la création où les personnages parlants renvoient à l’auteur qui les a inscrits dans le texte. Ce filon de la complexité communicationnelle traverse aussi les Fragments d’une lettre d’adieu lus par les géologues (1986). Chaurette, qui a plusieurs fois frôlé la thématique religieuse dans ses pièces, est aussi l’auteur de Stabat Mater II (1999).
Michel-Marc Bouchard (*1958) appartient par ses activités aussi bien à la province de Québec (enseignant à l’Université du Québec à Chicoutimi, metteur en scène à Matane) qu’à celle d’Ontario (études de théâtrologie, activités thâtrales).

Plusieurs caractéristiques se rejoignent dans l’oeuvre de Bouchard : la thématique intimiste, comme chez Chaurette et Dubois, la marginalité homosexuelle, comme chez Tremblay, la réécriture et l’actualisation des mythes, comme chez Ronfard. La Contre-nature de Chrysippe Tanguay, écologiste (1984) montre bien la complexité de cette interaction. L’intrigue semble superficielle : Louis Tanguay, journaliste, et son partenaire Jean Lapierre engagent Marie, une gouvernante, pour créer l’apparence d’une famille normale, hétérosexuelle, afin que l’agente d’adoption qui doit venir inspecter leur m0nage leur permette d’adopter un enfant. Mais Marie est en fait l’agente d’adoption Diane qui n’a accepté le poste que pour mieux inspecter. Son enquête provoque une avalanche de questionnements et met à nu ce que chacun aurait voulu cacher : violences intimes du père et de la mère sur le fils, image idéalisée de la mère, désir d’effacer les violences passées par le recours à l’archétype mythique, en l’occurrence à l’histoire de la passion du roi de Thèbes Laïos pour le jeune prince Chrysippe. La mort de ce dernier a dans les mythes grecs deux versions et que Bouchard indique sans trancher ni pour l’une ni l’autre : suicide dû à la violence subie, assassinat perpétré (ou ordonné) par Hippodamie qui voulait éliminer le fils de Pelops de l’héritage.



La Poupée de Pélopia (1984) reprend le fil du mythe antique en invoquant les deux assassins de Chrysippe, Atrée et Thyeste qui sont frères, et Pelopia, fille de Thyeste et épouse d’Atrée. L’intrigue se noue autour de la problématique de l’inceste : maître Daniel, fabricant de poupées, est un père qui crée et façonne ses deux filles-poupées à son image au point d’en abuser. La cadette, Estelle, revient, au bout de quinze ans sous le nom de Pelopia, pour se venger. Après avoir provoqué son père, elle veut révéler les relations incestueuses de celui-ci aux journalistes. Toutefois, le scandale de l’inceste ne semble pas le point le plus important du message. Car le jeu des relations est bien plus compliqué, car il cache, sous la douleur, des connivences, des consentements, des fascinations.

Les Feluettes ou la Répétition d’un drame romantique (1988) analysent la complexité des relations homosexuelles. La pièce utilise la technique de la mise en abyme, celle du récit dans le récit qui renvoient l’un à l’autre dans un jeu de miroirs. Le sentiment amoureux entre Simon et de Vallier, dit Feluette, surgit durant la répétition du Martyre de saint Sébastien de Gabriele D’Annunzio et c’est cette situation que Simon se rappelle quarante ans plus tard, en prison, au moment où il met en scène la même pièce avec ses codétenus.

Rappelons, pour compléter, d’autres titres de Bouchard : Le Voyage de couronnement (1995), Le Chemin des passes dangereuses (1998) Sous le regard des mouches (2000), Les Manuscrits du déluge, (2003), Le Peintre des madones (2004), Des yeux de verre (2007), Tom à la ferme (2011).


René-Daniel Dubois (*1955) appartient à ceux qui ont été formés par l’École Nationale de Théâtre (1973-1976). Acteur professionnel, il a le sens de la mise en scène et de l’action dramatique. Sa poétique postmoderne se plaît à mélanger les codes linguistiques et culturels, à jouer avec l’intertextualité.

Il a débuté avec la comédie Panique à Longueuil (1980; traduction tchèque Odyssea o sedmi patrech, 1988) : Paul Arsenault, professeur de zoologie, ferme inopinément la porte du balcon au septième étage et pour pouvoir rentrer dans son appartement, il doit entreprendre la descente des balcons, étage par étage, jusqu’à la cave avant de pouvoir remonter par l’escalier. Durant la descente, il rencontre des voisins qui incarnent différents aspects de l’humanité et ses problèmes. Symboliquement, c’est aussi la descente au fond de l’inconscient et la redécouverte de soi et de son identité.



26 bis, impasse du colonel Foisy (1982) porte le sous-titre « texte sournois en un acte (et de nombreuses disgressions) pour un auteur, une princesse russe et un valet ». Le texte est formé par un long monologue de la princesse russe qui attend son amant. Au fur et à mesure on se rend compte que le monologue ne renvoie pas à la réalité, que la princesse est aussi fictive que son amant et qu’il s’agit de deux clichés culturels. Les souvenirs de la princesse fourmillent d’allusions intertextuelles (Freud, Proust, Claudel, Genet, Darwin, Visconti) et d’amalgames linguistiques et culturels (lecture de la bande dessinée Tintin au Congo d’Hergé, en version serbo-croate, avec traduction en russe). En fait, le récit de la princesse est une autobiographie cachée de l’auteur absent. La princesse est son émanation, un personnage interposé qui parle pour lui et de lui.

Ne blâmez jamais les Bédouins (1984) se présente comme l’énonciation, mais aussi la subversion d’un mythe postmoderne qui oppose un narrateur aux personnages. Un jeune homme grimpe en haut d’un totem qui symbolise la vérité éternelle aussi bien que la tyranie des chamanes. Il veut annoncer l’arrivée de l’âge nouveau. Sa vision qu’il énonce par l’intermédiaire des personnages a deux pôles - le collectif et l’individuel. L’individuel est représenté par Weulf, mi-Tarzan, mi-personnage d’un opéra de Wagner, et par Michaela, une diva de cinéma muet que l’on a attachée aux rails et qu’une meute de journalistes entoure pour avoir la photo de sa libération attendue. Le fond collectif est celui d’une guerre imminente qu’annoncent des personnages parlant russe, anglais et chinois. Le mélange des langues caractérise aussi les deux protagonistes. Le français de Michaela est hispanisé morphologiquement et italianisé en prononciation, celui de Weulf tient de l’allemand. Les procédés scéniques imitent ceux de l’opéra, de la bande dessinée et du cinéma pour compléter l’imbrication des codes culturels qui finisssent par se fondre dans un bruissement. La confusion aboutit à l’absence du sens. Les bédouins migrant à travers des sables mouvants sont l’image de l’humanité.

L’incertitude ontologique et noétique est le thème de la pièce Le troisième fils du professeur Youroulov (1990): Jean-Pierre a Katarina cherchent à découvrir l’identité de Bénoît qui s’est suicidé (a été suicidé?) en sautant du haut du gratte-ciel. Fut-il un agent secret, un génie ou autre chose? Aucune réponse n’est sûre. La recherche de l’identité et de la certitude est aussi le thème d’Adieu, docteur Münch… (1982): le protagoniste s’adresse à une dizaine de voix qui matérialisent sa vision de son propre for intérieur. Étape par étape, c’est aussi une descente en enfer du moi profond. Le drame noétique et psycholoque, lié à la difficulté et au mal d’être dans la socété actuelle caractérisent d’autres pièces de Dubois : Being at home with Claude (1986), Le Printemps, Monsieur Deslauriers (1987), Et Laura ne répondait rien (1991).


Jovette Marchessault (*1938) a été peintre et sculpteur avant de se faire romancière et auteure dramatique. En elle l’engagement féministe se conjugue avec la conscience d’incarner, par sa part de sang amérindien, l’éthos des premières nations.

Son début dramatique Tryptique lesbien (1980) est original par sa facture d’assemblage générique. La première partie « Chronique lesbienne du moyen âge québécois » peut être caractérisée comme un essai-fiction : une extraterrestre est soumise à la violence d’une éducation imposée par le mâle dominant - à l’école, à l’église, dans la famille. La deuxième partie, monologue dramatique « Les vaches de nuit », est une évocaton lyrique de la relation mère-fille et une exaltation de la féminité symbolisée par la danse sur la Voie lactée, alors que sur la Terre, les femmes sont menées à l’abattoir des chambres nuptiales et de la maternité imposée. Le troisième volet « Les faiseuses d’anges », désigné comme « poésie théâtralisée », est une célébration de celles qui incarnent la révolte et et montrent la voie de la liberté en se portant au secours des femmes qui n’ont pas choisi la maternité.



La Saga des poules mouillées (1981) illustre les difficultés que les femmes doivent dépasser pour accéder, en secret, à l’insu des hommes, à la liberté individuelle et à la création où elles déposent leurs peurs et leurs désirs, interdits par la société. Les personnages historiques – grandes écrivaines – s’y rencontrent dans un hors-temps et hors-lieu, sous des surnoms symboliques Laure Conan - l'Ancêtre, Germaine Guèvremont - la Paroissienne, Gabrielle Roy - Petite corneille, et Anne Hébert - Tête nuageuse.

Un agencement analogue constitue le noyau dramatique d’Alice et Gertrude, Natalie et Renée et ce cher Ernest (1984) situé au Salon littéraire à Paris, en 1939, au moment où la guerre éclate : quatre écrivaines et artistes lesbiennes - Natalie Clifford Barney, Renée Vivien, Alice B. Toklas, Gertrude Stein – se réunissent en présence de Hemingway pour débattre sur la menace que représente le régime nazi pour la libberté de création, notamment pour les artistes homosexuels. À la fin du débat d’autres femmes se présentent : Colette, Djuna Barnes, Marguerite Yourcenar. La liberté de création et la liberté existentielle et sexuelle sont le thème central d’autres pièces à caractère biographique: La Terre est trop courte, Violette Leduc (1982), Anaïs, dans la queue de la comète (1985), Le Voyage magnifique d’Emily Carr (1990). Cette dernière pièce touche aussi la problématique des première nations (voir ci-dessus).


Marco Micone (*1945) représente la culture italo-québécoise. De même que Michel Tremblay, il met en scène la marginalité sociale, dans son cas celle des immigrants italiens. Sa trilogie Gens du silence (1982), Addolorata (1984), Déjà l’agonie (1988) retrace les changements générationnels de la communauté italophone. Les Gens du silence sont ceux de la première génération, dépourvue de la parole et qui travaille dur pour assurer un meilleur avenir aux enfants. En même temps ils forement une société ghettoïsée qui les protège, mais aussi emprisonne. Seuls les fils ont la persmission d’en sortir. C’est pour cela que Mario est inscrit à l’école anglaise, alors Nancy-Annunziata va à l’école française, car, de toute façon, elle n’aura d’autre avenir que celui de mère de famille, dans le ghetto italien. Addolorata est le récit de la deuxième génération. Un conflit oppose Giovanni-Johny, attaché à la tradition, et sa femme Addolorata-Lolita qui, après la mort de ses parents, refuse le rôle de la femme soumise. La pièce confronte, en les alternant, deux situations : celle d’il y a dix ans, avant le mariage – prometteur et plein d’espoirs, et celle qui montre la famille comme une prison que la protagoniste finit par quitter. L’agencement linguistique de Micone sert à caratériser les attitudes des personnages. Alors que le monde masculin veille à la distinction nette des domaines de domination – italien à la maison, anglais dans la société, Addolorata veut se franciser, car le français représente pour elle l’égalité avec son entourage canadien-français. Le troisième volet de la trilogie Déjà l’agonie illustre le comportement de la troisième génération, née au Québec, mais dépaysée, car les attaches avec l’ancienne patrie sont rompues, alors que le nouveau pays continue à considérer les enfants d’immigrants comme des étrangers.

Wajdi Mouawad (1968) est né au Liban, d’où la famille a d’abord émigré en France, au moment de la guerre civile, puis, en 1983, au Canada. Parmi les auteurs immigrés, il représente la nouvelle vague qui ne s’attache plus au destin de la collectivité, mais qui met l’accent sur la problématique individuelle, de portée universelle. Mouawad utilise la transposition symbolique. Le traumatisme de la guerre, l’omniprésence de la mort et de la violence, la destruction des relations humaines forment le terreau de ses pièces : Journée de noces chez les Cromagnons (1992), Alphonse (1993), Willy Protagoras enfermé dans les toilettes (1993), Les Mains d’Edwige au moment de la naissance (1995), Littoral (1999), Rêves (2002). Littoral (traduit en tchèque : Pobřeží, 2001) est centré sur la piété filiale : après la mort du père Wilfrid cherche la terre où l’enterrer. Le pèlerinage à travers le pays dévasté par la guerre est vu aussi comme une matière cinématographique, un film à tourner par une équipe de cinéastes. Ce double miroir du récit reflète aussi la recherche complexe de ses propres racines d’un être déraciné, destiné à un errance perpétuelle. Ce n’est pas la terre qui à la fin peut accueillir le corps mort, mais la mer qui efface les traces sur le sable du littoral.


XIII. Conclusion générale
Le survol rapide et sommaire des quatre siècles du théâtre canadien-français et québécois n’a pu montrer que quelques éléments qui fondent la vitalité du genre. À la différence de la poésie et de la prose, le théâtre semble davantage lié à la vie publique et aux conditions que la société met à sa disposition. Le théâtre ne se réduit pas aux textes et à la poétique, mais il dépend aussi des institutions – théâtres, écoles, maisons d’édition, structures économiques, etc. - que la société met à sa disposition et des agents multiples – auteurs, metteurs en scènes, acteurs, dramaturges, directeurs, public. Il est aussi plus complexe - à la fois texte et spectacle, abstraction et réalisation, émotion intellectuelle et émotion des cinq sens qui participent au spectacle.

En comparaison avec d’autres cultures, le Canada et le Québec ont connu un développement différé, plus lent. Toujours est-il que la seconde moitié du 20e siècle marque un essor rapide, de portée mondiale. Le théâtre québécois représente de nos jours un volet créateur, progressiste et inventif du théâtre francophone.



Analyse : Tableau récapitulatif.

Commentaire : Catégorisez les éléments du Tableau, triez-les, transformez-en la forme énumérative en tableau synoptique.

1 Delâge, Denys. Le pays renversé. Amérindiens et Européens en Amérique du Nord-Est –1600-1664. Montréal: Boréal, 1991, pp. 55-56.

2 Plourde, Michel (dir.). Le Français au Québec. Québec : Fides, 2003, p. 17; Delâge, Denys. Le pays renversé, p. 248.

3 Cité d’après Plourde, Michel (dir.). Le Français au Québec, p. 17, avec renvoi à Oury, Guy. Marie de l’Incarnation, Correspondances. Solesme : Abbaye de Saint-Pierre, 1971.

4 Plourde, Michel (dir.). Le Français au Québec, p. 12.

5 Relations des Jésuites, tome I. Montréal : Éditions du Jour, 1972, Paul Le Jeune, « Relation de la Nouvelle France, en l’Année 1633 », p. 24. Cf. Valero Peña, Ana Isabel. « Le pouvoir de la parole dans les relations franco-amérindiennes en Nouvelle-France au XVIIe siècle ». Globe 6, 1, 2003, pp. 151-169; Valero Peña, Ana Isabel. « Les langues amérindiennes: un obstacle dans l’évangélisation ». Cahiers francophones d’Europe centre-orientale 12. Pécs, 2002, pp. 75-88.

6 Relations des Jésuites, tome III. Montréal : Éditions du Jour, 1972, Barthélémy Vimont, « Relation de la Nouvelle France, en l’Année 1645 », chap. IX « Traitté de la paix entre les François, Iroquois et autres nations », pp. 23-35.

7 Bernard Andrès. « Jouer le Sauvage: rôle, emploi, représentation et interprétation du „Sauvage“ dans les spectacles dramatiques de Nouvelles-France ». In Bernard Andrès. Écrire le Québec: de la contrainte à la contrariété. Montréal : XYZ, 2001, pp. 59-93.

8 Jean Béraud, 350 ans de théâtre au Canada français, Montréal, Cercle du livre de France 1958, p. 45.

9 Sabourin, Guy. « Le Théâtre », in Culture vivante, no 5, 1967, p. 24.

10 Cité par Greffard, Madeleine – Sabourin, Jean-Guy. Le Théâtre québécois. Montréal: Boréal, 1997, p. 42.

11 Cité par Pierre Desrosiers dans Culture vivante, no. 5, 1967, p. 76.

12 Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, V, 1970-1975, tome V. Montréal: Fides, 1987, p. XXXIX.

13 Interview de Thérèse Arbic et Robert Chartrand avec Bernard Dort « Sur le travail théâtral », in Chroniques, I, no 4, avril 1975, p. 17.

14 Viz www.ondinnok.org.

15 Brossard, Nicole – Girouard, Lisette. Anthologie de la poésie des femmes au Québec des origines à nos jours. Montréal: Les Éditions du remue-ménage, 2003, p. 31.




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