pas pouvoir être oublié. Or cette association, comme tout stéréotype culturel ou social, permet
des courts-circuitages de l’expression. C’est-à-dire qu’elle rend possible de
dire littéralement
« non-oubliable » pour
vouloir dire en réalité
« extraordinaire », « hors normes », etc. Cette
indirectivité de l’expression met en œuvre un principe interprétatif qu’on pourrait paraphraser
ainsi :
(9)
L (= le locuteur) a dit de l’événement E qu’il était « non-oubliable ». Or, un
événement est non-oubliable (conséquence) très souvent parce qu’il a présenté des
caractéristiques extraordinaires, hors normes (cause). Donc, L a peut-être voulu
dire, en réalité, que E présentait des caractéristiques extraordinaires.
Il n’y a là rien de nouveau sous le soleil, ce type d’implicite étant bien connu depuis Grice et
les travaux des pragmaticiens post-gricéens – en particulier Levinson (1983), Horn (1984),
Berrendonner (1987), Traugott (1989, 1999)
9
– qui ont tenté de définir diverses “stratégies”,
“heuristiques” et autres “routines” rendant compte de ces phénomènes logico-pragmatiques.
Cependant, s’agissant de nos adjectifs, il y a plus. Ce rapport entre négation et superlativité
fait également penser à la figure de la litote
10
. L’hypothèse que je voudrais défendre est que
l’acception superlative d’un adjectif comme
inoubliable
a son origine dans ce qu’on pourrait
appeler une
litote lexicale
, et que cette figure relève fondamentalement de la pragmatique des
interactions langagières. Son interprétation comme sa mise en œuvre relèvent
en effet
fondamentalement de l’implicite et mobilisent des inférences, des contre-inférences, des
prédictions voire des paris interprétatifs, ainsi que le suggère la paraphrase (9). Au total, on
peut donc faire l’hypothèse que la polysémie de nos adjectifs négatifs résulte d’une
sédimentation d’inférences lexicales
.
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