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Document n° 27

Un des outils de l'ethnologue pour comprendre les systèmes de parenté et les structures de l'échange matrimonial est la terminologie(…) La terminologie est un véritable langage qui classe les parents en catégories et sous-catégories. En apprenant les termes de parenté, l'enfant apprend à se conduire d'une manière appropriée vis-à-vis des personnes auxquelles s'appliquent ces termes. Le terme de parenté est pratiquement une étiquette sur laquelle on peut fixer une conduite basée sur le respect ou la familiarité, l'affection ou l'hostilité, les droits et/ou les devoirs, la plaisanterie ou l'évitement, etc. Nous avons vu que les mariages prescrits et prohibés se rapportent le plus souvent aux termes de parenté. Les structures matrimoniales ont ainsi des correspondances dans la terminologie, notamment lorsqu'elles distinguent les consanguins que l'on peut épouser de ceux que l'on ne peut pas épouser (comme les cousins parallèles qui, dans la moitié d'Ego, sont des « frères » et des « soeurs », alors que les cousins croisés de sexe opposé, dans l'autre moitié, sont des « époux potentiels »). (…)

La dénomination des soeurs, cousines parallèles et cousines croisées bilatérales pour Ego masculin peut être représentée de la façon suivante :

Hawaïen : soeurs = cousines parallèles = cousines croisées bilatérales

Eskimo : soeurs #cousines parallèles = cousines croisées bilatérales

Iroquois : sœurs = cousines parallèles # cousines croisées bilatérales

Crow/omaha : soeurs = cousines parallèles # cousines croisées (patrilatérales # matrilatérales)

Soudanais : soeurs # cousines parallèles # cousines croisées (patrilatérales # matrilatérales)

(Christian Ghassarian : « Introduction à l’analyse de la parenté » - Point Seuil- 1996)

Type dravidien: il convient de distinguer le type dravidien du type iroquois*, car si dans ces deux systèmes terminologiques, les germains* sont assimilés aux cousins* parallèles* et distingués des cousins* croisés* (G = P # X), la nomenclature iroquoise possède par ailleurs des termes spécifiques pour les alliés*, tandis que la nomenclature dravidienne est un système dichotomique, dans lequel la distinction des parallèles et des croisés correspond en fait à l’opposition des consanguins* et des affins*, des non-épousables et des épousables, et est donc non pas l’expression d’un système de filiation*
mais d’une structure élémentaire* de l’alliance*.

« Glossaire » Par Laurent S. Barry, Pierre Bonte, Nicolas Govoroff, Jean-Luc Jamard, Nicole-Claude Mathieu, Enric Porqueres i Gené, Salvatore D’Onofrio, Jérôme Wilgaux, András Zempléni et Françoise Zonabend

L’Homme 154-155 (avril-septembre 2000) - Question de parenté




Document 28

Bien entendu, les terminologies et les systèmes de parenté n'ont pas fini d'évoluer. Aujourd'hui et sous nos yeux, les terminologies polonaise 63 et chinoise, qui sont dans leur structure globale de type « soudanais », s'orientent de plus en plus (et de plus en plus vite) vers une terminologie de type eskimo, peut-être à cause de l'importance de plus en plus grande que joue dans ces sociétés la famille nucléaire au détriment de formes de famille plus étendues. Par ailleurs, comme le rappelle Trautmann, l’histoire fournit de multiples exemples de communautés de brahmanes de l'Inde du Sud dont on pense qu'elles provenaient de l'Inde du Nord, et qui auraient abandonné leurs systèmes de parenté indo-européens (donc dépourvus de termes distincts pour désigner les cousins croisés et de règle prescrivant le tmariage avec eux) pour adopter un système dravidien.

N'est-ce pas d'ailleurs ce qui se passe dans de multiples régions du monde, où les populations converties au christianisme sont poussées à adopter le système de parenté occidentales centré sur la famille monogame, et à se marier avec des partenaires distants généalogiquement, système que les missionnaires protestants et catholiques ont importé avec eux ainsi que la terminologie eskimo qui le caractérise, et qu'ils considèrent, comme à la fois « rationnel » et « chrétien ».

Quoi qu'il en soit, les systèmes de parenté changent profondément au cours des siècles alors que les terminologies de parenté comme les langues d'ailleurs, évoluent beaucoup plus lentement, puisque les mêmes termes « père », « oncle », etc., se chargent de sens nouveaux alors que d'autres sont abandonnés — comme en français parâtre, marâtre, remplacés par beau-père, belle-mère, faisant se confondre désormais des positions de parenté autrefois

distinctes en vieux français alors que les Anglais continuent à distinguer entre father-in-law (père du conjoint) et stepfather (le nouveau mari de la mère)(…) Les systèmes de parenté changent, et à nos yeux les forces qui les font changer prennent leurs sources bien davantage dans les rapports politico-religieux, qui façonnent une société comme un tout, que dans les rapports économiques. Une preuve spectaculaire en est l'évolution de la parenté en Occident depuis la fin de l'Empire romain. Le rôle de la religion, du christianisme et de l'Église dans cette évolution fut fondamental. Comme l'a montré Jack Goody dans un livre pionnier, l'Église a interdit successivement la polygamie, le concubinage, le divorce, le remariage des veufs, l'adoption, les mariages proches et le mariage des prêtres. Elle transforma le mariage, qui avait d'abord été une alliance entre deux familles et était donc leur affaire, en un « sacrement » célébré dans l’Eglise, par le prêtre, devant Dieu. Elle imposa le baptême, sans lequel un enfant n'avait pas d'existence sociale et était condamné au purgatoire s'il mourait jeune, ou à l'enfer s'il mourait plus vieux. Mais le christianisme imposa également le mariage par consentement mutuel, et affirma l'égalité de l'homme et de la femme devant Dieu sans jamais cependant permettre à la femme, qui avait suscité la faute originelle, de ravir les plus hauts échelons de la hiérarchie ecclésiastique.

(Maurice Godelier : « Les métamorphoses de la parenté » - p. 690-691 - Flammarion 2010)




  1. GENRE ET SEXUALITE

Document 29

Document

Pendant longtemps les Sciences humaines ont tenu les catégories de sexe pour un donné de la nature ; il y a deux sexes, les hommes et les femmes, qui assument la reproduction de l'espèce humaine. On pensait aussi que la division sexuelle du travail, résultait de leurs particularités biologiques ; aux hommes les activités de production et les tâches difficiles, requérant force physique, mobilité ou puissance intellectuelle (chasse, guerre, etc.), aux femmes la reproduction de la vie, les tâches faciles et de service (cueillette, travaux domestiques, soins aux enfants, etc.). On invoquait même les contraintes physiologiques de la menstruation, de la grossesse ou de l'allaitement pour expliquer le confinement des femmes dans l'espace habité. Les rapports de pouvoir entre les sexes, qui étaient le plus souvent ramenés à cette logique « naturaliste », restèrent donc eux aussi en dehors du champ du social. (…) mentionnons la confusion, déjà relevée dans les ethnographies anciennes, entre sexe social et sexualité, qui continue d'exister dans l'esprit de nombreux chercheurs. (…) ailleurs, les noms n’ayant pas de genre peuvent passer d’un sexe à l’autre, entraînant un travestissement et l'apprentissage des tâches de l’autre sexe social (socialisation inversée), lorsque le sexe de l’aïeul dont on donne le nom (l'éponyme), n’est pas le même que celui de l’enfant qui reçoit le nom.

(…): les Inuit pensent qu’un foetus peut changer de sexe en naissant. On appelle sipiniit (du radical verbal -sipi qui veut dire se fendre) les individus dont on pense que le sexe a changé à la naissance. Dans les deux tiers des cas, il s’agit d’une transformation de garçon en fille. (…) Plusieurs accoucheuses inuit affirment avoir vu le pénis et le scrotum de nouveau-nés se résorber et donner place à une fissure vulvaire dans les tissus du périnée. (…) J’ai mentionné plus haut comment l’identité d’un nouveau-né était déterminée par l’attribution de ses noms. Le choix était opéré par ses ascendants et visait à permettre aux défunts de revivre parmi les êtres qui leur étaient chers. Les ascendants choisissaient le nom de parents ou d'amis dont l’absence les affectaient le plus. Quand un nouveau-né éprouvait quelque difficulté à vivre, dans les premiers jours suivant sa naissance, c’était le signe qu’un défunt voulait revivre en lui ; ce désir devait être satisfait pour assurer la survie de l’enfant. Le rêve était une autre voie d’accès à la volonté des défunts. Quand un mort se manifestait en rêve à quelqu'un, sous la forme d’une visite ou d’une demande à boire, c’était le signe qu’il désirait renaître dans sa famille.

(…) Un quatrième facteur, le rapport numérique des sexes dans une famille (sex-ratio familial), opérait lorsque le sexe du nouveau-né contrariait l’attente des parents. Ceci était fonction de son rang de naissance et du sexe relatif des autres enfants de sa fratrie. Dans les fratries sans garçon ou sans fille, il n’était pas rare que des enfants fussent travestis et éduqués de façon inversée, en vue de seconder le parent du sexe opposé. (…), s'il est à peu près équilibré dans toutes les populations du monde, le sex ratio à la naissance est très variable à l’échelle de la famille. En cas de déséquilibre, les Inuit recourraient à l’adoption ou à la socialisation inversée, en particulier quand les premiers enfants étaient des filles. On jouait alors à fond sur l’éponymie et on travestissait la fille, en l’initiant aux tâches masculines. Une fille, aînée ou cadette, était ainsi souvent socialisée de façon inversée, jusqu’à ses premières menstruations, que l’on célébrait comme si elle avait tué un gros gibier (alors qu’en situation normale on aurait prétendu qu’elle avait eu un fils) ; elle devait, à compter de ce jour, porter des vêtements féminins. Symétriquement, dans une fratrie de garçons, un cadet était souvent travesti et socialisé comme une fille, jusqu’à ce qu’il tue son premier gros gibier. Il devait alors couper ses tresses et s’habiller en garçon. Dans les cas où le déséquilibre des sexes n’était pas le facteur déterminant du travestissement ou de la socialisation inversée, des raisons plus symboliques et affectives étaient invoquées pour en déterminer le degré. Les Sipiniit, décrits plus haut, étaient habituellement travestis au plus haut degré.

Si nous passons maintenant des modalités du travestissement à ses effets sur ceux qui le subissaient, il y a unanimité des témoignages pour souligner les difficultés et souffrances morales éprouvées par les travestis et les socialisés inversés, quand ils devaient adopter, à la puberté, les vêtements, outils et tâches affectés habituellement à ceux qui avaient leur sexe biologique. (…) Ce n’est que lentement et progressivement qu’ils parvenaient à acquérir les aptitudes des gens de leur sexe et, leur vie durant, ils restaient marqués par leur première éducation et par le chevauchement de la frontière des sexes. Ce chevauchement était devenu une composante de leur personnalité et faisait d’eux une catégorie à part, que j'ai proposée d’appeler le « troisième sexe social ». On les valorisait en général beaucoup en raison de leur polyvalence, de leur autonomie, mais aussi d’un pouvoir de médiation particulier qui s’exprimait notamment dans le domaine religieux.

(…) il y aurait certainement lieu de jeter un nouveau regard anthropologique, structuraliste et dynamique sur la construction sociale du sexe dans les diverses cultures.



(Bernard Saladin D’Anglure : “Le « troisième sexe ».” - La Recherche, no 245, juillet-août 1992)




Document 29bis

Parfois aussi, dans certaines sociétés, les rapports homosexuels fonctionnaient pour un temps comme un substitut plutôt que comme un complément de l'hétérosexualité. Ici, nous faisons référence à des faits peu connus et très peu analysés par les anthropologues anglo-saxons, puritanisme oblige. Par exemple, chez les Aborigènes australiens, avant l'arrivée des Européens, l'homosexualité entre hommes était une pratique relativement courante, socialement parfaitement acceptée, mais elle relevait du domaine privé. L’homosexualité masculine, n'était jamais affichée, semble-t-il, et on ne sait pas si l’homosexualité entre femmes était pratiquée. Les rapports homosexuels étaient interdits entre frères, généalogique et classificatoires, mais autorisés entre cousins croisés, donc, deux hommes qui étaient l'un pour l'autre des beaux-frères potentiels ou réels.

Il faut savoir que les Australiens épousaient des femmes beaucoup plus jeunes qu'eux. Souvent des hommes se voyaient promettre une épouse avant même que celle-ci soit née. Le mariage effectif n'intervenait que lorsque la fillette devenait femme, c'est-à-dire quand ses seins commençaient à se développer. En attendant ce moment, les deux beaux-frères étaient autorisés à entretenir des relations homosexuelles. Cette pratique assurait deux fonctions, l'une individuelle, l'autre sociale. Il s'agissait tout à la fois de satisfaire sexuellement le beau-frère/beau-fils en attendant qu'il puisse jouir de son épouse, ce qui pouvait prendre de longues années, mais aussi de tisser des liens entre les deux beaux-frères et les deux familles alliées. Or, chez les Aborigènes australiens, les liens les plus forts, les plus solidaires, étaient, du côté des hommes, les liens entre beaux-frères, suivis des liens entre co-initiés, et, pour les femmes, les liens entre belles-soeurs et entre co-initiées. Notons que l’homosexualité était interdite entre frères, réels ou classificatoires de même que les rapports hétérosexuels étaient interdits avec les soeurs, réelles ou classificatoires. L’exogamie s’appliquait aux deux formes de sexualité, et c’est au-delà du cercle des germains et des parallèles, parmi les croisés, que le mariage et les rapports homosexuels se pratiquaient.


SITIONS POUR UN AUTRE SCÉNARIO 631
((Maurice Godelier : « Les métamorphoses de la parenté » - Flammarion 2010 - p 606-607)




Document 30

Existe-il des sociétés où l’union de couples homosexuels est avérée ? N’est-ce pas une forme de pis-aller, à l’exemple des Azandés du Soudan ?

Il faut se méfier de la manière formelle de présenter les choses… Dire cela de cette manière peut entraîner de nombreuses critiques, car cela serait compris comme une prise de position contre le PACS. J’ai connu ces critiques, alors qu’elles ne reflétaient pas ma position sur cette question.

Ce qu’il faut admettre, c’est qu’il n’y a pas de société connue qui reconnaisse l’existence d’unions homosexuelles de même valeur que les unions hétérosexuelles.

A cela, il y a plusieurs raisons. La principale est que l’union hétérosexuelle s’opère dans le but d’avoir des enfants, qu’elle est le garant de rapport harmonieux entre deux familles, qui deviennent un élément du couple et qui établissent entre elles des relations consanguines.

Néanmoins, il existe des cas, peu fréquents mais reconnus, où des unions homosexuelles ont pu être validées de façon plus ou moins temporaire.

Dans certaines sociétés indiennes d’Amérique du Nord, certains comportements transsexuels sont ainsi reconnus. C’est le cas notamment de ceux que l’on nomme les Berdaches. Au sein de ces sociétés, des individus de sexe masculin sont habillés en femmes, ils ont le comportement des femmes - comme les Rae Rae à Tahiti - et peuvent vivre avec des hommes de façon au moins temporaire. Dans ce cas de figure, les Berdaches se comportent comme les épouses. Ainsi, ce type d’union qui peut être qualifiée d’homosexuelle existe, mais elle n’a pas le même statut qu’une union hétérosexuelle. Elle est considérée comme une possibilité d’expression de l’individu. S’il n’est pas réprouvé ou interdit d’être un Berdache, cela n’est pas non plus recommandé. Par ailleurs, l’union d’un homme avec un Berdache ne peut être que transitoire, puisqu’à la fin il doit avoir une épouse et des enfants. (…) Des cas de figures similaires peuvent se retrouver dans des sociétés d’Afrique de l’Est ou d’Océanie. Ainsi, il s’agit de formes d’organisation sociales sociologiquement admises. Elles ne sont toutefois pas assimilées au mariage durable à vie : elles ne sont ni réprouvées ni valorisées, mais elles existent.

Il a également existé des cas d’unions homosexuelles entre femmes dans des sociétés d’Afrique de l’Est telles que les Nuers, sociétés qui n’existent plus désormais. Elles ont été étudiées par Evan Pritchard dans les années 1950. Il ne s’agissait pas d’unions homosexuelles reconnues comme telles, mais elles traduisaient la possibilité de changer de statut économique et social pour les femmes ayant fait la preuve de leur stérilité, au bout d’un certain nombre d’années de mariages sans enfants.
Dans ces sociétés, l’existence de ces femmes stériles était considérée comme une erreur de la nature. Ces femmes étaient alors assimilées à des hommes dans des corps féminins. Celles qui revenaient dans leur village d’origine se trouvaient donc incluses dans leur lignage au même titre que les hommes et pouvaient bénéficier d’une redistribution des compensations matrimoniales que les hommes recevaient pour leurs filles et leurs nièces. En effet, le don d’une fille en mariage à une autre famille entraînait des compensations financières, souvent en nature, qui se trouvaient réparties entre le père et les oncles de la fille en question. Le statut de l’épouse était d’abord celui de la personne pour laquelle une compensation financière a été versée. Les femmes stériles retournées au village participaient à cette redistribution avec le statut d’oncle. Quand elles avaient accumulé assez de compensations matrimoniales, elles pouvaient à leur tour se « payer » une épouse.

Les épouses ainsi « achetées » par les femmes stériles devaient alors se comporter en tout point comme une épouse normale, à ceci près que, pour Pritchard, il n’y avait certainement pas de relations sexuelles entre les deux femmes. La femme qui « achetait » ainsi une épouse était en droit de vouloir faire fructifier son « bien ». Cela impliquait que l’ « achetée » travaille pour elle, mais aussi qu’elle ait des enfants. A cette fin, des esclaves étaient appointés pour effectuer le travail du lit : ils étaient à ce titre rémunérés en nature. Les enfants qui naissaient ensuite étaient reconnus comme issus de l’«acheteuse ».

Ceci correspond bien pour nous à une forme de mariage homosexuel, mais pas pour les Nuers, puisque la femme stérile « acheteuse » était perçue comme un homme.

Il existe un troisième type de sociétés reconnaissant une forme de mariage homosexuel, du moins dans le cadre de la projection de notre manière de pensée sur ces populations. Il peut être rattaché aux pratiques de certaines populations de Nouvelle Guinée. Selon elles, un homme n’a pas la capacité de fabriquer son sperme tout au long de sa vie : il faut lui en fournir une certaine dotation avant la puberté, dotation qui sera utilisée ensuite. Cette dotation peut selon ces populations être prolongée, en mangeant certains fruits, mais l’idée de base est qu’il existe une dotation initiale et que cette dotation est le fruit de la générosité d’autres hommes, dotation qu’il convient ensuite de gérer de la meilleure manière. Il en résulte d’ailleurs l’obligation d’une grande sagesse dans le comportement sexuel, puisqu’il ne faut pas galvauder cette dotation initiale. Cette dotation est obtenue par relations de type sodomie ou fellation, selon les normes de ces sociétés, souvent auprès des oncles maternels

Gilbert Herdt a montré que chez les Sambias, la transition vers une sexualité non homosexuelle se passe sans trop de problèmes quand les jeunes hommes deviennent adultes. Il arrive toutefois que certains prennent goût à ces pratiques. Il cite ainsi un homme qui aurait voulue les continuer. Or, cela était très mal vu au sein de sa société.

Ainsi, si l’existence d’unions homosexuelles est reconnue, celles-ci n’ont jamais la même valeur que les unions hétérosexuelles. (…)



(Laurent Valdiguié : « Entretien avec Maurice Godelier : "L'Occident vit une refondation, comme pendant la Renaissance"- Le Journal du Dimanche - dimanche 29 décembre 2013 )


  1. CONCEPTION DE L’ENFANT

Document 31 

Pour l'anthropologue, qu'est-ce que signifie "être élevé"?

Il y a sept fonctions à la "parentalité", qui sont universelles. Même si, selon les systèmes familiaux, différentes personnes les exercent. La première fonction est de concevoir et d'engendrer. Cela semble simple chez nous les Occidentaux, un homme et une femme couchent ensemble. Mais c'est déjà plus compliqué quand il y a des mères porteuses et qu'il faut deux femmes pour faire un enfant. Dans des sociétés patrilinéaires, comme en Nouvelle-Guinée, c'est le sperme de l'homme qui est considéré comme seul fabriquant l'enfant. Dans d'autres, matrilinéaires, c'est la femme, son sang menstruel, avec l'aide d'un esprit qui font l'enfant. Dans le premier cas, l'enfant appartient au clan du père, dans l'autre, au clan de la mère et de ses frères… Vous voyez le rôle des représentations, qui n'ont rien de scientifique, mais qui relèvent de logiques sociales et de pouvoir. Dans la plupart des sociétés, on ne pense pas qu'un rapport sexuel suffise pour faire un enfant. L'idée générale est qu'il faut être trois. Les Baruya pensent que c'est le soleil qui finit le fœtus dans le ventre des mères. Dans d'autres sociétés, ce sont les ancêtres qui jouent ce rôle. Chez les chrétiens aussi, il faut être trois! Car qu'est-ce qui introduit l'âme dans le fœtus ? Ce n'est pas le sperme de l'homme. Elle est introduite par Dieu. Dans le christianisme, malgré toutes nos connaissances en biologie moléculaire, il faut être trois pour faire un enfant. Pareil pour l'islam…



(Laurent Valdiguié : « Entretien avec Maurice Godelier : "L'Occident vit une refondation, comme pendant la Renaissance"- Le Journal du Dimanche - dimanche 29 décembre 2013 )




Document 32

Ces agents qui coopèrent avec les humains pour faire un enfant sont de plusieurs sortes : des défunts, des ancêtres, des esprits, des divinités. Les ancêtres sont des humains décédés mais qui continuent à vivre une autre vie au-delà de la mort et qui choisissent de se réincarner dans l'un de leurs descendants. Ces ancêtres sont soit nommément connus des parents de l'enfant (Inuit), soit font partie d'un stock d'ancêtres qui portent des noms propres à un clan. En donnant à l'enfant k nom d'un des ancêtres du clan, on le connecte avec tous ceux (ou toutes celles) qui avaient porté ce nom avant lui. En général, l'enfant qui porte le nom d'un ancêtre ne part pas dans la vie avec la mémoire de toutes ces existences, de toutes les expériences qu'ont vécues ceux ou celles qui ont porté le même nom. En revanche, chez les Inuit, parce que l'on a affaire à des gens qui désignent eux-mêmes, avant de mourir, l'enfant dans lequel ils veulent revivre et auxquels les parents de l'enfant, pour diverses raisons, ont promis de satisfaire leur désir, la vie, les expériences du défunt réincarné sont constamment rappelées à l'enfant, qui s'en trouve par conséquent imprégné. Bref, dans beaucoup de sociétés, la naissance d'un être humain n'est pas un commencement absolu, et la mort n'est pas la fin de la vie.

Mais les ancêtres, souvent, ne suffisent pas pour transformer le foetus en un enfant humain. Des divinités interviennent : Sila, maître de l'univers, qui donne à l'enfant inuit son souffle et une âme, le Soleil chez les Baruya, qui ajoute au foetus un nez, les yeux, les doigts des mains et des pieds. Chez les Mandak 1 de Nouvelle-Irlande, société où la descendance est matrilinéaire et est divisée en deux moitiés exogames, l'une placée sous le signe du Soleil, l'autre de la Lune (qui sont à la fois cousins croisés et mari et femme), quand un couple humain fait l'amour, les deux divinités interviennent dans l'accouplement. Moroa, le Soleil, rend efficace le sperme des hommes en déposant simultanément sa propre semence surnaturelle dans la matrice de la femme. Sigirigem, la Lune, elle, rend fertiles les femmes en faisant venir leurs règles et elle accompagne la gestation du foetus dans le ventre de la femme. Chacun des parents surnaturels laisse alors sa marque sur le corps de l'enfant, dans les lignes de sa main et dans sa démarche. À ces signes, chacun sait à quelle moitié l'individu appartient.


616 MÉTAMORPHOSES DE LA PAREN
(Maurice Godelier : « Les métamorphoses de la parenté » - Flammarion 2010)



Document 33

Tous les Trobriandais descendent par les femmes de ces ancêtres femmes.

Le mariage est virilocal. La femme, après son mariage, s'en va vivre auprès de son mari, et leurs enfants seront élevés par lui et continueront à résider auprès de lui à l'exception du fils aîné. Celui-ci, à la puberté, quittera son père pour aller vivre auprès de son oncle maternel qui réside sur les terres de son matrilignage et en contrôle l'usage, et auquel il succédera.

En général, le chef d'un village ou le leader d'un hameau est l'ainé des hommes du matrilignage dont les ancêtres sont supposé avoir émergé du monde souterrain en ces lieux ou seraient venus les occuper les premiers.

Comment donc est conçu un enfant selon les Trobriandais ? Non pas par l'union sexuelle d'un homme et d'une femme mais par la rencontre et la conjonction d'un enfant-esprit (waiwaia) et du sang menstruel d'une femme. Ces enfants-esprits sont des esprits des morts (baloma) qui vivent sur une petite île au large de Kiriwina, à Tuma, et qui de temps à autre désirent renaître dans le corps d'un de leurs descendants. Les morts, en effet, sont immortels et vivent une existence plaisante, sur l'île de Tuma, sous l'autorité d'une divinité, Topileta, qui est leur « chef » à tous. Après avoir vieilli, toujours ils rajeunissent à nouveau, comme ce fut le cas pour l'humanité avant qu'elle émerge du monde souterrain où elle vivait aux origines, Un mort qui désire revivre sous forme humaine se transforme alors en enfant-esprit et se laisse flotter sur la mer jusqu'à l’île de Kiriwina. Là, il devra trouver son chemin jusque dans le corps d'une femme de son clan et y pénétrer soit par la tête soit par le vagin. Mais l'enfant-esprit ne parvient pas seul à trouver son chemin, c'est l'esprit de la mère de la femme, où celui d'un autre parent maternel, parfois même du père de la femme, qui le transporte et le fait pénétrer dans le corps, de la femme qui va bientôt se retrouver enceinte. Quand l'enfant esprit pénètre par la tête, le sang de la femme se porte à sa tête, et en redescendant fait descendre l'esprit jusque dans son utérus. Le plus souvent, l'enfant-esprit pénètre par le vagin et devient fœtus en se mêlant directement au sang menstruel qui emplit l’utérus.

(Maurice Godelier : « Les métamorphoses de la parenté » - Flammarion 2010)





Document 34

Mais là encore, l'union d'un homme et d'une femme ne suffisent pas à faire un enfant. Ce qu'ils fabriquent est un foetus qui a besoin d'une âme pour devenir un enfant. Cette âme, c'est Dieu qui l'introduit pendant la grossesse dans le corps du foetus. Apparemment, nous ne sommes pas si loin de l'homme-dieu du Tu'i Tonga de Samoa, qui ensemence de son souffle spermatique toutes les femmes de son royaume. Et pourtant comme nous allons le voir en passant par la Chine, la diffence est radicale.

En Chine, depuis l'Antiquité jusqu'au XXIe siècle, l’une des institutions fondamentales de la société et de l'État est le culte des ancêtres. Un culte que n'ont pas réussi à éradiquer les assauts des gardes rouges. Ce culte est célébré dans les familles et les lignages sur l'autel domestique où sont réunies les tablettes d ancêtres masculins, chacun accompagné de la tablette de son épouse, sur quatre générations. Ces rites renvoient à la manière dont les Chinois se représentent l'individu, sa naissance et sa mort. L’idée centrale est que les ancêtres se réincarnent dans un de leurs descendants toutes les cinq générations.

Pour les Chinois en effet, un individu possède deux âmes, une âme corporelle, dont la présence est marquée par la respiration qui témoigne qu'un individu est vivant, et une âme-souffle qui, elle, ne disparaît pas au moment de la mort comme l'âme corporelle, mais subsiste pendant plusieurs générations avant de se réincarner. Au moment de la mort, alors que l'âme corporelle disparaît sous la terre, l'âme-souffle, elle, se loge dans la tablette qui va désormais représenter le défunt et sera placée à son rang sur l'autel domestique. Cette tablette, où sont indiqués le nom et quelques éléments de la vie du défunt, accompagne le corps jusqu'à la tombe et est ensuite ramenée sur l'autel familial, contenant désormais l'âme désincarnée du défunt. Quatre générations plus tard, cette tablette sera soit enterrée, soit brûlée, et l'âme du défunt se réincarnera dans l'un de ses descendants, idéalement le fils de son arrière-arrière-petit-fils.

((Maurice Godelier : « Les métamorphoses de la parenté » - Flammarion 2010- p 382)




  1. CONCLUSION PROVISOIRE : UNIVERSALITE DES FONCTIONS




Document 35

Ou peut organiser et résumer ces fonctions en sept groupes : (1) concevoir, engendrer ou adopter (fonction qui peut être divisée entre plusieurs hommes ou femmes connus ou inconnus) ; (2) élever, nourrir, protéger ; (3) instruire, éduquer ; (4) être responsable de ce que fait l'enfant ; (5) le doter d'un nom, d'un statut et de devoirs à respecter ; (6) exercer une autorité, attendre certaines formes d'obéissance et de marques d’affection ; (7) s'interdire d'avoir des rapports sexuels (homo ou hétéro) avec cet enfant pour ne pas commettre d’inceste.



(Ch. Collard – F. Zonabend : «  La parenté » - PU.F. – 2015)



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