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LES TESTAMENTS DE MICHEL PINHAN

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du Nord, que « à la fin du

XV

e

siècle, les occlusives dentales finales ne



devaient plus être prononcées après consonnes ou après voyelles ». « Dist »

et « fast » étaient donc, peut-être, entendus à Arles [di] et [fa]. Dans ce cas, il

devait en être de même pour les autres finales que nous venons de voir.

Plusieurs constatations s’imposent maintenant. Ce –s- ne concerne pas

uniquement les formes du pluriel, puisque nous le trouvons aussi au singu-

lier (« Quavayrast, luost,... »). De plus, il est parfois absent au pluriel. Dans

certains cas, il est plus fréquent au singulier qu’au pluriel, lorsque –t est pré-

cédé de –a-, -e-, -i-, -n-, -r-. Seuls, -o- et –u- sont à mettre à part. Si nous fai-

sons le compte des deux formes, nous obtenons : sing. –st = 62% ; -t = 37% ;

pl. –st = 84,5% ; -t = 15,4%.

Pinhan témoigne d’une tendance très nette à intercaler –s entre le –t final

et la lettre qui le précède. Peu importe, de même, la nature du mot. (Seul le

démonstratif « aquest » n’est pas pris en compte ici.) Le –t final n’est proba-

blement plus prononcé à cette époque. Pinhan a besoin d’un signe pour

transcrire cela ; il choisit donc –s. Pourquoi ? La réponse est difficile à don-

ner, car c’est le seul à utiliser ce procédé. D’ordinaire, lorsqu’il n’entend pas

une lettre, il la supprime. Pourquoi ce –s ici ? En mettre au singulier et au

pluriel pose un problème. Sans doute traduit-il l’amuïssement de cette

consonne finale, en monosyllabes aussi bien qu’en polysyllabes. Le –t implo-

sif est noté dans l’écriture simplement.

Ces –t n’ont pas tous la même origine ni la même valeur. Certains pro-

viennent de –t latins. D’autres du groupe –ct. J. Ronjat

36

a rencontré ce s +



consonne, t et c. La consonne finale est prononcée dans certains endroits.

Dans d’autres, le traitement est identique à celui de –s- intérieur

devant consonne. Nous pouvons penser que –c et –t en fin de mots sont des

occlusives sourdes. Faut-il donc voir dans ce –t une graphie archaïsante qui

n’a aucune valeur phonétique ? -ct a d’ordinaire une résolution différente.

Selon J. Anglade

37

, « Le traitement de ce groupe en finale romane diffère sui-



vant les dialectes. Tantôt c se vocalise et devient i (factum > fait, dictum >

dit). Tantôt le c se combine avec t pour former la consonne double ch (tch)

écrite quelquefois g,h ( factum > fach, dictum > dich) ». A. Grafström fait lui

aussi évoluer ct intervocalique en ch. La plupart des autres textes arlésiens

offrent en général les formes « fach, dich », au féminin « facha, dicha » ;

Pinhan n’a pas d’autres féminins. Le –st de ces deux mots fait –cha au fémi-

nin. Nous avons déjà vu que la finale du masculin, omise, réapparaissait au

féminin ; il en est de même ici. Différents mots et différents problèmes se

résolvent de la même manière et aboutissent au même résultat, mais

l’explication de leur développement n’est certainement pas identique.

Simplement nous trouvons-nous devant un fait accompli. Pinhan ne se pré-

36. J. R


ONJAT

Grammaire Istorique des Parlers Provençaux Modernes (sic) ; Montpellier,

1930, t.2, p. 281.

37. J. A


NGLADE

Grammaire de l’Ancien Provençal, Paris, 1921, p. 165.

0312-072Mep:0312-072Mep  28/10/11  14:39  Page 547



MARIE-ROSE BONNET

548

occupe pas de phonétique. Il se contente de traduire, avec des moyens per-

sonnels, le langage qu’il parle et qu’il entend parler.

-l- associé à –a- se vocalise en –au- : « losquaus ; espitau ; esgaus ; auquna ;

universau; mondanau; espirituau; sauvamen ». Il en est de même pour –o- + l:

« lansou ; vou (une fois, = vol). » L vélaire devant consonne devenu u est un

phénomène général. Par contre, lorsque ce –l- était, en latin, une géminée

(aquellus par exemple), il reste intact, la vocalisation ne s’effectuant qu’avec

–l- simple à l’origine. Les autres documents témoignent de cette vocalisation,

mais d’une manière moins systématique ; elle n’apparaîtra vraiment que vers

la fin du

XV

e



siècle – début du

XVI


e

. Néanmoins, sa notation parcellaire

indique qu’elle existait, ce qui permet à H. Coustenoble

38

de conclure :



« Nous pouvons seulement supposer qu’au cours du développement de la

langue, à travers les siècles, les habitants de la région d’Arles ont prononcé £

vélaire. Ceci expliquerait la transformation de l en u que l’on entend

aujourd’hui ». Pinhan est là pour témoigner que ce changement était déjà

amorcé au milieu du

XV

e



siècle.

En général, dans les textes, l et n mouillés sont transcrits –lh-, -nh-.

À Arles, ce son est bien vivace à l’époque médiévale. Cependant, nous

l’avons vu, Pinhan utilise –h- dans un autre contexte. Comme il ne lui reste

aucun autre signe disponible, il écrit : « mole(r) ; fil ; fila ; milor ; sener ». Faut-

il voir là une dépalatalisation de –lh-, les autres textes témoignant d’une gra-

phie plus traditionnelle ? Dans la mesure où nous avons aussi « molie », par

exemple, il est plus que probable que Pinhan n’a pas jugé utile d’insister sur

cette graphie.

La morphologie, beaucoup plus « classique », ne sera pas abordée dans

cet article, le plus intéressant étant ces particularités phonétiques dont

Pinhan fait preuve tout au long de ses copies. La conscience linguistique dont

il témoigne se révèle au détour de nombres de mots ou de formes, à travers,

aussi, ses incertitudes et ses tâtonnements. Plusieurs influences apparaissent,

celle de la langue « savante », notariale, proche du latin (« matremoni, matri-

moni »), celle du français aussi. Il serait impensable que notre testateur ne

l’ait pas connu ; quelques reçus, en français, sont intercalés, parmi d’autres en

latin. Peut-être était-il bilingue ? Elle se fait sentir dans l’emploi de certains

termes (« maria(da)ge ; veduytat, veroage »), plutôt que dans l’orthographe

elle-même (permanence du –a final, du [ka-] initial, etc.). Il ne s’agit pas là de

diglossie, peut-être, mais les deux langues sont en contact permanent grâce

aux échanges commerciaux, à la place de la ville, à l’affluence de personnes

venant du Nord. Cette graphie, dans sa complexité et son apparente incohé-

rence, débouche sur un système assez bien organisé. Cinq grands traits sont

à retenir : le rhotacisme, la vocalisation de –l- dans certaines conditions, la

présence de –h-, signe de palatalisation, la position de –s- en pénultième,

38. H. C

OUSTENOBLE

op. cit., p. 89.

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