Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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Il y a, dit-on, dans la mer, un petit poisson volant ; ce poisson, appelé la sauterelle d'eau, vole sur la surface de l'eau. On parle d'un autre poisson de mer qui, sortant de l'eau, monte sur le cocotier et boit le suc de la plante ; ensuite il retourne à la mer. On fait encore mention d'un animal de mer qui ressemble à l'écrevisse ; quand cet animal sort de la mer, il se convertit en pierre. On ajoute que cette pierre fournit un collyre pour un certain mal d'yeux (43).

Près du Zabedj, il y a, dit-on, une montagne, appelée la montagne du feu, dont il n'est pas possible d'approcher. Le jour, on en voit sortir de la fumée, et, la nuit, des flammes. Au pied est une source d'eau froide et douce ; il y a une autre source d'eau chaude et douce (44).

Les Chinois, grands et petits, s'habillent en soie, hiver et été. Les princes se réservent la soie de première qualité ; p.022 quant aux personnes d'un ordre inférieur, elles usent d'une soie en proportion avec leur condition. L'hiver, les hommes se couvrent de deux, trois, quatre, cinq caleçons, et même davantage, suivant leurs moyens. Leur but est uniquement de maintenir la chaleur dans les parties inférieures du corps, à cause de la grande humidité du climat et de la peur qu'ils en ont. Mais, l'été, ils revêtent une seule tunique de soie, ou quelque chose du même genre. Ils ne portent pas de turban.

La nourriture des Chinois est le riz. Quelquefois ils versent sur le riz du kouschan cuit (45), et le mangent ensuite. Quant aux princes, ils mangent du pain de froment et de la viande de toute espèce d'animaux, tels que cochons, etc.

Les fruits que possèdent les Chinois sont : la pomme, la pêche, le citron, la grenade, le coing, la poire, la banane, la canne à sucre, le melon, la figue, le raisin, le concombre, le kheyar (46), le lotus, la noix, l'amande, l'aveline, la pistache, p.023 la prune, l'abricot, la sorbe et le coco. Le palmier n'est pas commun en Chine ; on voit seulement des palmiers chez quelques particuliers. Le vin que boivent les Chinois est fait avec le riz (47) ; ils ne font pas de vin de raisin, et on ne leur en porte pas du dehors ; ils ne le connaissent donc pas et n'en font pas usage. Avec le riz, ils se procurent le vinaigre, le nabyd (48), le nathif (espèce de confitures) et autres compositions du même genre.

Les Chinois ne se piquent pas de propreté. En cas d'impureté, ils ne se lavent pas avec de l'eau ; ils s'essuient avec le papier propre à leur pays (49). Ils mangent les corps morts et autres objets du même genre, comme font les mages (les idolâtres) (50) ; en effet, leur religion se rapproche de celle des mages. Les femmes sortent la tête découverte et portent des peignes dans leurs cheveux. On compte quelquefois, sur la tête d'une femme, vingt peignes d'ivoire et autres objets analogues. Pour les hommes, ils se couvrent p.024 la tête avec quelque chose qui ressemble à un bonnet. L'usage en Chine est de mettre à mort les voleurs, quand on les atteint (51).

Observations

sur les pays de l'Inde et de la Chine

et sur leurs souverains



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Les habitants de l'Inde et de la Chine s'accordent à dire que les rois du monde qui sont hors de ligne sont au nombre de quatre. Celui qu'ils placent à la tête des quatre est le roi des Arabes (le khalife de Bagdad). C'est une chose admise parmi eux sans contradiction, que le roi des Arabes est le plus grand des rois, celui qui possède le plus de richesses et dont la cour a le plus d'éclat, et, de plus, qu'il est le chef de la religion sublime au-dessus de laquelle il n'existe rien. Le roi de la Chine se place lui-même après le roi des Arabes. Vient ensuite le roi des Romains. Le quatrième est le Balhara, prince des hommes qui ont l'oreille percée (52). Le Balhara est le plus noble des princes de l'Inde ; les Indiens reconnaissent sa p.025 supériorité. Chaque prince, dans l'Inde, est maître dans ses États ; mais tous rendent hommage à la prééminence du Balhara. Quand le Balhara envoie des députés aux autres princes, ceux-ci, pour lui faire honneur, prodiguent les égards aux députés. Il paye une solde à ses troupes, comme cela se pratique chez les Arabes ; il a des chevaux et des éléphants en abondance, ainsi que beaucoup d'argent. La monnaie qui circule dans ses États consiste en pièces d'argent, qu'on nomme thatherya (53). Chacune de ces pièces équivaut à un dirhem et demi, monnaie du souverain. La date qu'elles portent part de l'année où la dynastie est montée sur le trône (54) ; ce n'est pas, comme chez les Arabes, l'année de l'hégire du Prophète, sur lui soit la paix ! l'ère des Indiens a pour commencement le règne des rois, et leurs rois vivent longtemps ; souvent leurs rois règnent pendant cinquante ans. Les habitants des États du Balhara prétendent que, si leurs rois règnent et vivent longtemps, c'est p.026 uniquement à cause de l'attachement qu'ils portent aux Arabes. En effet, il n'existe pas, parmi les souverains, un prince qui aime plus les Arabes que le Balhara, et ses sujets suivent son exemple (55).

Balhara est le titre que prennent tous les rois de cette dynastie. Il revient à celui de Cosroès (chez les Persans, de César chez les Romains), et ce n'est pas un nom propre. L'empire du Balhara commence à la côte de la mer, là où est le pays de Komkam (Concan), sur la langue de terre qui se prolonge jusqu'en Chine. Le Balhara a autour de lui plusieurs princes, avec lesquels il est en guerre, mais qu'il surpasse de beaucoup. Parmi eux, est le prince nommé roi du Al-djorz (56). Ce prince entretient des troupes nombreuses, et aucun autre prince indien n'a une aussi belle cavalerie. Il a de l'aversion pour les Arabes, néanmoins, il reconnaît que le roi des Arabes est le plus grand des rois. Aucun prince indien ne hait plus que lui p.027 l'islamisme. Ses États forment une langue de terre. Il possède de grandes richesses ; ses chameaux et ses chevaux sont en grand nombre. Les échanges se font, dans ses États, avec de l'argent (et de l'or) en poudre (57) ; le pays renferme, dit-on, des mines (de ces métaux). Il n'y a pas, dans toute l'Inde, de contrée mieux garantie contre les voleurs.

À côté de ce royaume est celui du Thafec ; son territoire est peu considérable ; les femmes y sont blanches et plus belles que dans le reste de l'Inde. Le roi vit en paix avec ses voisins, à cause du petit nombre de ses troupes. Il aime les Arabes au même degré que le Balhara (58).

À ces trois États est contigu un royaume appelé Rohmy (59), et qui est en guerre avec celui de Al-djorz. Le roi ne jouit pas d'une grande considération. Il est aussi en guerre avec le Balhara, comme avec le roi de Al-djorz ; ses troupes sont plus nombreuses que celles du Balhara, du roi de Al-djorz et du roi de Thafec. On dit que, p.028 lorsqu'il marche au combat, il est accompagné d'environ cinquante mille éléphants (60). Il ne se met en campagne que l'hiver : en effet, les éléphants ne supportent pas la soif ; ils ne peuvent donc sortir que l'hiver. On dit que, dans son armée, le nombre des hommes occupés à fouler le drap et à le laver s'élève de dix à quinze mille (61). On fabrique dans ses États des étoffes qui ne se retrouvent pas ailleurs ; une robe faite avec cette étoffe peut passer, tant l'étoffe est légère et fine, à travers l'anneau d'un cachet. Cette étoffe est en coton ; nous en avons vu un échantillon (62). Les échanges se font, parmi les habitants, avec des cauris ; c'est la monnaie du pays, c'est-à-dire sa richesse. On y trouve cependant de l'or, de l'argent, de l'aloès, ainsi que l'étoffe nommée samara, avec laquelle on fait les medzabb (63). Le même pays nourrit le boschan marqué, autrement appelé kerkedenn (64). Cet animal a une seule corne au milieu du front, et dans cette corne est p.029 une figure dont la forme est semblable à celle de l'homme ; la corne est noire d'un bout à l'autre ; mais la figure placée au milieu est blanche. Le kerkedenn est inférieur pour la grosseur à l'éléphant, et sa couleur tire vers le noir ; il ressemble au buffle, et est très fort ; aucun animal ne l'égale pour la vigueur. Il n'a point d'articulation au genou ni à la main ; depuis le pied jusqu'à l'aisselle, ce n'est qu'un morceau de chair ; l'éléphant le fuit ; il rumine comme le bœuf et le chameau. Sa chair est permise ; nous en avons mangé. Il est nombreux dans cette contrée ; il vit dans les bois. On le trouve dans les autres provinces de l'Inde ; mais ici la corne en est plus belle ; car elle offre souvent une figure humaine, une figure de paon, une figure de poisson, ou toute autre figure. Les habitants de la Chine font avec cette corne des ceintures, dont le prix s'élève, en Chine, jusqu'à deux et trois mille dinars, et même au delà, suivant la beauté de la figure dont on y trouve l'image. p.030 Toutes ces cornes sont achetées dans les États du Rohmy, avec des cauris, qui sont la monnaie du pays (65).

Après cela vient un royaume placé dans l'intérieur des terres, et qui ne s'étend pas jusqu'à la mer ; on le nomme royaume des Kaschibyn (66). C'est un peuple de couleur blanche, qui a les oreilles percées, et qui est remarquable pour sa beauté. Il habite les champs et les montagnes.

Vient ensuite une mer sur les bords de laquelle est un roi nommé Al-kyrendj (67). C'est un prince pauvre et orgueilleux, qui recueille beaucoup d'ambre ; il possède. également des dents d'éléphant. Dans ses États on mange le poivre encore vert, à cause de sa petite quantité.

Après cela, on rencontre plusieurs royaumes ; Dieu seul, qu'il soit béni et qu'il soit exalté ! en connaît le nombre. Parmi ces royaumes est celui des Moudjah (68) ; c'est le nom d'un peuple d'un teint blanc, qui se rapproche des Chinois p.031 pour l'habillement. On trouve chez lui du musc en abondance (69). Le pays est couronné de montagnes blanches d'une longueur sans exemple. Les habitants ont à combattre plusieurs rois qui les entourent. Le musc qui se trouve dans le pays est bon et d'un effet énergique.

Au delà se trouvent les rois du Mabed, qui comptent un grand nombre de villes (70). Leurs États s'étendent jusqu'au pays des Moudjah ; mais ils sont plus considérables, et les habitants se rapprochent davantage des Chinois. À l'exemple de ce qui se passe en Chine, les dignités les plus considérables sont occupées par des eunuques, et le pays touche à la Chine. Les princes vivent en paix avec le roi des Chinois ; mais ils ne lui prêtent pas obéissance. Tous les ans, les rois du Mabed envoient des députés au roi de la Chine avec des présents (71). Le roi de la Chine fait aussi des présents aux souverains du Mabed ; car cette contrée est fort vaste. Quand les députés du Mabed arrivent en Chine, p.032 ils sont surveillés, de peur qu'ils ne cherchent à se rendre maîtres du pays, vu le grand nombre de leurs compatriotes. On ne trouve entre les deux régions que montagnes et montées.

On dit que le roi de la Chine compte dans ses États plus de deux cents métropoles. Chacune de ces métropoles a à sa tête un prince (malek) et un eunuque ; du reste, elle a d'autres villes sous sa dépendance. Au nombre de ces métropoles est Khanfou, rendez-vous des navires, et ayant vingt autres villes sous sa dépendance. Le nom de ville ne se donne qu'aux cités qui ont le djadem, et l'on entend par djadem une espèce de trompette. Le djadem est long et assez épais pour remplir les deux mains à la fois ; on l'enduit de la même manière que les autres objets qui nous viennent de Chine. Il a trois ou quatre coudées de longueur ; mais sa tête est mince, de manière à pouvoir être embouchée. On entend le son du djadem à près d'un mille de distance.

Chaque ville a quatre portes, et à chaque p.033 porte il y a cinq de ces djadem, dont on sonne à certaines heures de la nuit et du jour. Chaque ville a également dix tambours, dont on frappe en même temps qu'on sonne du djadem. C'est une manière de rendre hommage au souverain. De plus, les habitants se rendent compte par là des heures de la nuit et du jour ; du reste, ceux-ci ont des signes et des poids pour connaître les heures (72).

Les échanges, en Chine, se font avec des pièces de cuivre (73). Les princes ont des trésors, comme les princes des autres pays ; mais seuls, parmi les princes, ils ont des trésors de pièces de cuivre ; car c'est la monnaie du pays. Ce n'est pas qu'ils ne possèdent de l'or, de l'argent, des perles, de la soie travaillée et non travaillée ; bien au contraire, tout cela abonde chez eux : mais ces objets sont considérés comme marchandise ; c'est le cuivre qui sert de monnaie.

On importe en Chine de l'ivoire, de l'encens, des lingots de cuivre, des p.034 carapaces de tortues de mer (74), enfin, le boschan ou kerkedenn, dont nous avons donné la description, et avec la corne duquel les Chinois font des ceintures.

Les bêtes de somme sont nombreuses chez les Chinois, ils ne connaissent pas le cheval arabe ; mais ils ont des chevaux d'une autre espèce ; ils ont aussi des ânes et des chameaux en grand nombre ; leurs chameaux ont deux bosses.

Il y a en Chine une argile très fine avec laquelle on fait des vases qui ont la transparence des bouteilles ; l'eau se voit à travers. Ces vases sont faits avec de l'argile (75).

Quand un navire arrive du dehors, les agents du gouvernement se font livrer les marchandises et les serrent dans certaines maisons. Les marchandises sont soumises au dork pendant six mois (76), jusqu'à ce que le dernier navire soit entré (77). Alors les Chinois prennent les trois dixièmes de chaque marchandise et livrent le reste au propriétaire. Ce que le sultan de la Chine p.035 désire se procurer, il le reçoit au taux le plus élevé et le paye comptant ; il ne se permet à cet égard aucune injustice. Au nombre des objets que le souverain prélève est le camphre, qu'il paye au prix de cinquante fakkoudj le manna, et le fakkoudj équivaut à mille pièces de cuivre. Le camphre qui n'est pas mis à part pour le sultan, se vend la moitié de cette valeur, et on le met dans la circulation générale.

Quand un Chinois meurt, il n'est enterré que le jour anniversaire de sa mort, dans une des années subséquentes. On place le corps dans une bière, et la bière est gardée dans la maison ; on met sur le corps de la chaux, qui a la propriété d'absorber les parties aqueuses ; le reste du corps se conserve. Quand il s'agit des princes, on emploie l'aloès et le camphre. On pleure les morts pendant trois ans ; celui qui ne pleure pas sur ses parents est battu de verges ; hommes et femmes, tous sont soumis à ce châtiment ; on leur dit :

— Quoi ! la p.036 mort de ton parent ne t'afflige pas ?

Ensuite, les corps sont enterrés dans une tombe, comme chez les Arabes. Jusque-là, on ne prive pas le mort de sa nourriture ordinaire ; on prétend que le mort continue à manger et à boire. En effet, la nuit, on place de la nourriture à côté, et le lendemain on ne trouve plus rien. Il a mangé, se dit-on.

On continue à pleurer et à servir de la nourriture au mort, tant que le corps est dans la maison. Les Chinois se ruinent pour leurs parents morts ; tout ce qui leur reste de monnaie ou de terres, ils l'emploient à cet objet (78). Autrefois on enterrait avec le prince tout ce qu'il possédait, en fait de meubles, d'habillements et de ceintures ; or les ceintures, en Chine, se payent à un prix très élevé. Mais cet usage a été abandonné parce qu'un cadavre fut déterré, et que des voleurs enlevèrent tout ce qui avait été enfoui avec lui (79).

En Chine, tout le monde, pauvre et p.037 riche, petit et grand, apprend à dessiner et à écrire.

Le titre que l'on donne aux fonctionnaires varie suivant la dignité dont ils sont revêtus, et l'importance des villes qui leur sont confiées. Le gouverneur d'une ville d'un ordre inférieur porte le titre de toussendj, mot qui signifie il a maintenu la ville. On donne au gouverneur d'une ville de l'importance de Khanfou le titre de dyfou. Les eunuques sont appelés du nom de thoucam ; les eunuques sont nés en Chine même (80) ; le cadi des cadis (grand juge) est appelé lacchy-mâmakoun ; et ainsi des autres titres, que nous ne reproduisons pas, de peur de les écrire incorrectement (81). Aucun de ces fonctionnaires n'est promu avant l'âge de quarante ans. C'est alors, disent les Chinois, que l'homme a acquis une expérience suffisante.

Les gouverneurs d'un ordre inférieur, quand ils siègent, s'asseyent sur un trône, dans une grande salle ; un autre siège p.038 est placé devant eux. On leur présente les écrits où sont exposés les droits respectifs des parties ; derrière le gouverneur est un homme debout, désigné par le titre de leykhou ; si le gouverneur se trompe dans quelqu'une de ses décisions, et fait une méprise, cet homme le reprend. Il n'est tenu aucun compte de ce que disent les parties ; ce qu'elles ont à dire dans leur intérêt doit être présenté par écrit (82). Lorsqu'une personne demande à poursuivre une affaire devant le gouverneur, un homme, qui se tient à la porte, lit d'abord l'écrit, et, s'il y remarque une irrégularité, il le rend à la personne. Les requêtes adressées au gouverneur doivent être rédigées par un écrivain qui connaisse les lois. L'écrivain ajoute au bas : « Rédigé par un tel, fils d'un tel ». Si quelque irrégularité se trouve dans l'écrit, la faute retombe sur le rédacteur, et on le bat des verges (83). Le gouverneur ne siège qu'après avoir mangé et bu ; c'est afin qu'il apporte aux affaires plus d'attention. p.039 Chaque gouverneur est payé sur les revenus de la ville où il commande.

Le roi suprême ne se montre qu'une fois tous les dix mois.

« Si, dit-il, le peuple me voyait fréquemment, il n'aurait plus de considération pour moi. Les formes du gouvernement doivent être despotiques ; en effet, le peuple n'a aucune idée de la justice ; la force seule peut lui apprendre à nous respecter.

Les terres ne payent pas d'impôt ; mais on exige une capitation de tous les mâles, chacun suivant ses moyens (84). Les Arabes et les autres étrangers payent un droit pour la conservation de leurs marchandises.

Quand les denrées sont chères, le sultan fait tirer des vivres des magasins publics, et on les vend à un prix inférieur à celui du marché ; par conséquent, la cherté ne peut pas se prolonger (85).

L'argent qui entre dans le trésor public provient uniquement de l'impôt levé sur les têtes. Je suis porté à croire que l'argent p.040 qui entre chaque jour dans la caisse de Khanfou s'élève à cinquante mille dinars ; et, pourtant, ce n'est pas la ville la plus considérable de l'empire (86).

Le roi se réserve, entre les substances minérales, un droit sur le sel, ainsi que sur une plante (le thé) qui se boit infusée dans de l'eau chaude. On vend de cette plante dans toutes les villes, pour de fortes sommes ; elle s'appelle le sâkh. Elle a plus de feuilles que le trèfle (87). Elle est un peu plus aromatique, mais elle a un goût amer. On fait bouillir de l'eau, et on la verse sur la plante. Cette boisson est utile dans toute espèce de circonstances (88).

Tout l'argent qui entre dans le trésor public provient de la capitation, de l'impôt sur le sel, et de l'impôt sur cette plante.

Dans chaque ville, il y a ce qu'on appelle le darâ ; c'est une cloche, placée sur la tête du gouverneur, et qui est attachée à un fil, lequel s'étend jusque sur la voie publique, afin qu'elle soit à la portée de p.041 tout le monde indistinctement. Quelquefois ce fil a une parasange de long. Il suffit que quelqu'un remue tant soit peu le fil pour que la cloche se mette en mouvement. Celui donc à qui on a fait une injustice, remue le fil, et la cloche s'agite sur la tête du gouverneur. Le plaignant est admis auprès du gouverneur, afin qu'il expose lui-même ce qu'il désire, et qu'il fasse connaître le tort qu'on lui a fait. L'usage de la cloche existe dans toutes les provinces (89).

La personne qui veut voyager d'une province à l'autre se fait donner deux billets, l'un du gouverneur et l'autre de l'eunuque. Le billet du gouverneur sert pour la route, et contient les noms du voyageur et des personnes de sa suite, avec son âge, l'âge des personnes qui l'accompagnent, et la tribu à laquelle il appartient. Toute personne qui voyage, en Chine, que ce soit une personne du pays, un Arabe, ou tout autre, ne peut se dispenser d'avoir avec elle un écrit qui serve à la p.042 faire reconnaître. Quant au billet de l'eunuque, il y est fait mention de l'argent du voyageur et des objets qu'il emporte avec lui. Il y a sur toutes les routes des hommes chargés de se faire présenter les deux billets ; dès qu'un voyageur arrive, les préposés demandent à voir les billets ; ensuite ils écrivent : « A passé ici, un tel, fils d'un tel, telle profession, tel jour, tel mois, telle année, ayant tels objets avec lui ». Le gouvernement a eu recours à ce moyen, afin que les voyageurs ne courussent pas de danger pour leur argent et leurs marchandises. Que si un voyageur essuie une perte ou meurt, on sait tout de suite comment cela s'est fait, et on rend ce qui a été perdu au voyageur, ou à ses héritiers, après sa mort (90).

Les Chinois respectent la justice dans leurs transactions et dans les actes judiciaires. Si un homme prête une somme d'argent à quelqu'un, il écrit un billet à ce sujet ; l'emprunteur, à son tour, écrit un billet, qu'il marque avec deux de ses p.043 doigts réunis, le doigt du milieu et l'index. On met ensemble les deux billets. On les plie l'un avec l'autre, on écrit quelques caractères sur l'endroit qui les sépare ; ensuite, on les déplie et on remet au préteur le billet par lequel l'emprunteur reconnaissait sa dette. Si, plus tard, l'emprunteur nie sa dette, on lui dit : « Apporte le billet du préteur ». Si l'emprunteur prétend n'avoir point de billet, qu'il nie avoir écrit un billet accompagné de sa signature et de sa marque, et que son billet ait péri, on dit à l'emprunteur qui nie la dette : « Déclare par écrit, que cette dette ne te concerne pas ; mais, si, de son côté, le créancier vient à prouver ce que tu nies, tu recevras vingt coups de bâton sur le dos, et payeras une amende de vingt mille fakkoudj de pièces de cuivre (91) ». Or, comme le fakkoudj équivaut à mille pièces de cuivre, cette amende fait à peu près deux mille dinars (92). D'un autre côté, vingt coups de bâton suffisent pour tuer un homme. Aussi personne, en Chine, n'ose faire une déclaration par p.044 écrit, de peur de perdre à la fois la vie et la fortune. Nous n'avons jamais vu qui que ce soit consentir à faire cette déclaration. Les Chinois se conforment, dans leurs rapports respectifs, à la justice ; personne n'est privé de son droit ; ils n'ont pas même recours aux témoins ni aux serments.

Quand un homme fait faillite, et que les créanciers le font mettre, à leurs frais, dans la prison du sultan, on exige une déclaration de lui. Après qu'il est resté un mois en prison, le sultan le fait comparaître en public, et l'on proclame ces mots : « Un tel, fils d'un tel, a emporté l'argent d'un tel, fils d'un tel ». S'il reste au failli une somme placée chez quelqu'un, ou s'il possède quelque champ, ou des esclaves, en un mot, quelque chose qui puisse faire face à ce qu'il doit, on le fait sortir tous les mois, et on lui applique des coups de bâton sur l'anus, parce qu'il est resté en prison, mangeant et buvant, bien qu'il lui restât de l'argent. On lui applique les coups de bâton, que quelqu'un le p.045 dénonce ou ne le dénonce pas ; il est battu dans tous les cas, et on lui dit : « Tu n'as cherché qu'à frustrer les autres de ce qui leur appartenait et à t'emparer de leur bien ». On lui dit encore : « Tâche de faire droit aux réclamations de ces personnes ». S'il n'en a pas les moyens, et s'il est bien constant pour le sultan qu'il ne reste au failli aucune ressource, on appelle les créanciers, et on les satisfait avec l'argent du trésor du Bagboun, titre que porte le roi suprême. Bagboun est le seul titre qu'on donne au souverain, et ce mot signifie fils du ciel ; c'est le mot dont nous avons fait magboun (93). Ensuite on proclame ces mots : « Quiconque entretiendra des rapports d'affaires avec cet homme sera mis à mort ». Ainsi personne n'est exposé à éprouver des pertes de ce genre. Si on apprend que le débiteur a de l'argent placé chez quelqu'un, et que le dépositaire n'ait pas fait de déclaration au sujet de cet argent, on tue celui-ci à coups de bâton. L'on ne dit rien pour cela au débiteur ; on se p.046 contente de prendre l'argent, qu'on partage aux créanciers ; mais, à partir de ce moment, le débiteur ne peut plus entretenir de rapports d'affaires avec personne.


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