Frère Sylvestre


CHAPITRE XVIième DERNIERES TENTATIVES POUR OBTENIR



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CHAPITRE XVIième




DERNIERES TENTATIVES POUR OBTENIR

L'AUTORISATION DE LA CONGREGATION

1°. Nous avons dit qu'après l'impression de la Règle deux pensées préoccupaient beaucoup le P. Champagnat: l'autorisation définitive de la Congrégation et celle des P. Maristes par le St-Siège. J'ai dit tout ce qu'il a fait pour celle-ci, voyons maintenant la peine qu'il s'est donnée pour obtenir notre reconnaissance légale, quoique le succès n'ait pas d'abord répondu aux peines et aux fatigues qu'ils s'est données pour y arriver définitivement. La tradition et les écrits encore existants, et mon témoignage, si on le trouve bon, serviront à confirmer le contenu de ce chapitre.

2°. A l'époque, 1836, un certain nombre de Frères et de novices se trouvaient sous la loi; il fallait nécessairement viser à les exempter. On y arrivait bien en les envoyant à Saint-Paul-Trois-Châteaux, mais il y avait à cela plus d'un inconvénient que l'on comprend aisément; c'était, passez-moi l'expression, des sujets en tutelle. Comme à cette époque le gouvernement se montrait moins défavorable aux congrégations enseignantes, le P. Champagnat crut devoir recommencer les tentatives qu'il avait faites de 1829 à 1834. A cette fin, le 19 août [188] 1836, après avoir fait prier à cette intention, il se rendit à la capitale, mais malheureusement il apprit en y arrivant que M. Sauzet, alors ministre de l'Instruction Publique, sur lequel il comptait, n'était plus au pouvoir, attendu que le Ministère venait d'être changé. Donc force lui fut alors de revenir à l'Hermitage.

5°.66 En 1838, muni de lettres de recommandations, il retourne à Paris, espérant mieux réussir cette fois. M. Salvandy, alors ministre de l'Instruction Publique, qui ne voulait pas accorder l'autorisation, ni la refuser nettement comme avait fait M. Guizot en 1834, fit traîner cette affaire en longueur, et suscita au Vénéré Père de nouvelles difficultés afin de lasser sa patience. Aussi le Vénéré Père écrivait-il à l'Hermitage, le 23 janvier 1838, que l'affaire allait bien lentement, mais qu'il était déterminé à en voir le bout, qu'il s'en préoccupait continuellement et que depuis qu'il était à Paris, il ne cessait de faire des visites tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre. Il disait encore que souvent il allait chez le ministre, mais que celui-ci, soit pour une raison, soit pour une autre, n'était jamais visible. Il ajoutait qu'ayant enfin obtenu une audience, le ministre lui avait dit que les pièces qu'il avait présentées n'étaient pas suffisantes, qu'il en fallait encore d'autres. Les pièces désirées ayant été envoyées, le ministre fit connaître au Vénéré Père que sa demande, outre ces nouvelles pièces, devait être portée au conseil de l'Instruction Publique ou de l'Université. Figurez-vous l'étonnement du Vénéré Père qui n'avait pas encore entendu parler de ce [189] conseil. Aussi, bien qu'on lui assurât que tout serait conclu dans trois semaines, il n'en croyait rien et pensait avoir bien à attendre davantage, car il avait compris la mauvaise volonté qu'avait le Ministre pour faire droit à sa demande. En écrivant encore à l'Hermitage à ce sujet, il disait que malgré toutes ses courses, sa santé, grâces à Dieu, se soutenait encore, mais ce qui l'inquiétait au possible, c'était la lenteur du ministre à se prononcer. Mais pourquoi cette grande perplexité? Il le dit encore dans cette lettre, c’est que quatre Frères étaient sous la loi et dans la croyance d obtenir l'autorisation il n'avait pas cru devoir les envoyer à Saint-Paul-Trois-Châteaux.

7°. Enfin la demande du Vénéré Père ayant été portée au conseil de l'Université, comme il avait eu le temps de voir tous les membres de ce conseil, il arriva que la majorité se prononçât en faveur de l'ordonnance. On croyait donc la chose comme déjà faite; même M. Lachèze, député de la Loire, qui avec plusieurs autres, avait beaucoup travaillé à la faire réussir, disait au Vénéré Père qu'il parierait dix contre un pour sa réussite. Effectivement le ministre n'avait plus qu'à formuler l'ordonnance et à la faire signer au roi, mais comme nous l'avons dit, il n'avait dans le fond nulle envie de l'accorder. C'est ce qu'on a su clairement plus tard lorsqu'en 1849, après la mort du Vénéré Père, on fit de nouvelles tentatives qui eurent un plein succès et qui confirmèrent ces paroles qu'il disait sur son lit de mort aux Frères qui l'entouraient en exprimant son regret de mourir sans avoir la consolation de voir la Congrégation autorisée: « Soyez sûrs que l'autorisation ne vous fera pas défaut et qu'elle sera accordée quand elle sera absolument nécessaire. » [190]

8°. Donc, malgré les bonnes paroles, de M. Lachèze, le Vénéré Père ne prenait pas confiance et il écrivait même à l'Hermitage que malgré toutes les promesses qu'on lui faisait, plusieurs lui disant même qu'il pouvait s'en aller et que l'ordonnance le suivrait de près, il n'y comptait guère et plus que jamais on devait dire : Nisi Dominus aedificaverit domum. Il termine cette lettre en se soumettant en tout à la volonté de Dieu et en recommandant aux Frères de bien prier à cette fin.

9°. M. de Salvandy, ne sachant plus comment entraver la demande du Vénéré Père, qui à Paris, ne trouvait pas d'opposition, changea de tactique et lui dit qu'avant de formuler le teneur de l'ordonnance, il voulait consulter les préfets du Rhône et de la Loire pour obtenir leur adhésion. Deux mois après, des pièces émanées des deux préfectures, approuvant la requête du Vénéré Père arrivaient en même temps au Ministère. Il n'y avait donc plus à tergiverser. Alors le ministre eut recours à la ruse et dit au Vénéré Père qu'il désirait encore avoir l'avis du Supérieur- des Frères des Ecoles Chrétiennes parce qu'il craignait que l'autorisation demandée nuisît à leur congrégation. Le Vénéré Père le demanda lui-même: et, chose singulière, cet avis fut un peu dans le sens des idées du ministre, mais toutefois il n'était pas assez tranché pour donner lieu à un refus. Voilà donc le ministre battu sur tous les points. Que fait-il alors? Voyez son astuce; sachant que le P. Champagnat tenait essentiellement aux statuts de la Congrégation, il lui donna à entendre que s'il prenait ceux d'une autre congrégation autorisée, il serait. plus facile de faire droit à sa demande. Le Vénéré Père lui ayant représenté que ses statuts étaient approuvés par le conseil de l'Instruction Publique, le ministre qui ne connaissait pas cette approbation, ne sut que répondre. [191]

10°. Cependant il lui restait encore une arme défensive qu'il réservait pour la dernière comme la plus invulnérable. Il dit au Vénéré Père que les avis favorables des préfets de la Loire et du Rhône n'étaient pas suffisants et qu'il voulait encore consulter les conseils généraux de ces deux départements. Et pourquoi? La raison est facile à comprendre, c'est qu'il avait toute influence sur ces deux conseils, et, par suite il comptait que leurs avis seraient dans son sens. Cependant, contre son attente, celui de la Loire se prononça pour l'autorisation; mais celui du Rhône ayant été d'un avis contraire, le ministre pour cette seule raison refusa l'ordonnance. Tel fut le dernier acte de la pièce de comédie que joua M. de Salvandy au R. P. Champagnat et qui lui occasionna de si pénibles courses dans les rues de la capitale, car par esprit de pauvreté il les faisait ordinairement à pied. Tant de déceptions, de tracasseries, et de privations altérèrent sensiblement son robuste tempérament et furent le principe de la maladie qui le conduisit à pas précipités vers la tombe.

11°. Avant de quitter Paris, il écrivit à l'Hermitage une lettre dont on a encore le texte. Il y fait connaître que selon ses prévisions sa demande venait d'être rejetée, mais qu'il ne se décourageait pas et que l'autorisation arriverait à point nommé, c'est-à-dire quand elle serait absolument nécessaire. Nous avons vu ci-dessus qu'il avait répété ces mêmes paroles sur son lit de mort et qu'elles avaient eu leur accomplissement en 185067. [192]

12°. Maintenant on demandera quel était le genre de vie du Vénéré Père quand il était à Paris, hors le temps de ses courses si multipliées et si pénibles. Voici ce qu'en rapporte la tradition, appuyée par le témoignage d'un Frère68 qui l'avait accompagné dans ce voyage. Il avait pris logement au séminaire des Missions étrangères à cause de la régularité et du bon esprit dans cette maison, car disait-il, elle était pour lui un grand sujet d'édification sous tous les rapports. Mais nous savons qu’en revanche, il était lui-même pour tous ces dignes et bons ecclésiastiques un modèle de piété, de régularité, de charité, d'humilité, de modestie et de mortification. Quand il avait quelques moments disponibles, il priait, lisait ou faisait la visite de quelques églises, surtout de celles dédiées à la Ste Vierge. Les monuments profanes et les cent autres merveilles qu'il y a dans la capitale n'attiraient pas même ses regards. Aussi dans une instruction il a pu nous dire qu'il ne lui était guère moins aisé à se recueillir au sein de Paris que dans les bois de l'Hermitage.

13°. Comme délassement il allait à l'école des Sourds-Muets pour apprendre leur méthode d'enseignement, afin de la communiquer plus tard aux Frères. M. Dubois, ecclésiastique dont la vertu égalait le mérite et supérieur du séminaire, disait entre autres ces paroles en faisant à un Frère l'éloge du Vénéré Père: « Le Père Champagnat est l'homme le plus vertueux que je connaisse; jamais je n'ai vu une humilité, une mortification, une résignation à la volonté de Dieu pareille à la sienne. Sa piété charme et édifie tous nos jeunes prêtres qui se disputent [193] à qui mieux mieux qui aura le bonheur de servir sa messe. »

14°. En quittant Paris le P. Champagnat se rendit à St. Paul-en-Artois pour y fonder un établissement à la demande de M. de Salvandy, et cela au moment même qu'il lui refusait l'autorisation. Le Vénéré Père, pour mettre M. le ministre en contradiction avec lui-même, l'accepta lui prouvant par là que sa Congrégation ne pouvait nuire en aucune manière aux Frères des Ecoles Chrétiennes, puisque ceux-ci avaient déclaré aux autorités ne pouvoir leur donner des Frères avant dix ans.

15°. Cet établissement fondé, le Vénéré Père revint à l'Hermitage épuisé de fatigue, car sa première maladie de 1825 lui avait laissé dans le côté une douleur qui lui rendait la marche pénible; et par surcroît, à cette infirmité s'était jointe une gastrite très prononcée, de sorte que même dans ces voyages il prenait peu de nourriture, et souvent il différait trop longtemps d'en prendre. Le R. P. Colin, voyant que sa santé déclinait de plus en plus, pensa à lui donner un successeur parce qu'il avait sagement compris dès le principe que les Pères et les Frères ne pouvaient pas, vu leur but différent, avoir la même règle. D'ailleurs, la charge aurait été trop lourde pour un seul supérieur, d'autant plus que la direction des Frères demandait naturellement un mode de gouvernement dont le chef fût à même de connaître leurs règles, leurs usages et leur genre de vie, c'est-à-dire un Frère et non un Père. Aussi, la conviction du P. Colin était que chaque branche devait avoir chacune ses règles, son gouvernement et par suite un supérieur choisi dans chaque branche. Mais le Père Champagnat avait une toute autre idée, car il avait toujours rêvé une société unique de Frères et de Pères, et cette même [194] idée lui est restée jusqu'à la mort. Le R. P. Colin avait bien cherché à l'en désabuser et lui avait déclaré plusieurs fois assez clairement qu'il ne devait pas compter sur les Pères pour continuer son oeuvre. Il lui avait même conseillé, dans le cas où le bon Dieu l'appellerait à lui, de la mettre préalablement entre les mains de Monseigneur. Mais le Père Champagnat n'avait jamais voulu accéder à cette proposition parce qu'elle restreignait son oeuvre à un seul diocèse, ce qui n'avait jamais été dans sa pensée. Ainsi, dans le fond, le Vénéré Père voulait que les Frères eussent pour supérieur général le même que celui des Pères, et dans le cas d'impossibilité, il entendait que ses Frères se gouvernassent eux-mêmes comme les Frères des E. Chrétiennes.

16°. Sur ce, le R. P. Colin, voyant son état empirer de plus en plus et n'admettant pas l'idée d'un même supérieur pour les deux branches, se transporte à l'archevêché, rend compte à Monseigneur du triste état de la santé du Père et le supplie de donner les pouvoirs nécessaires pour élire un Frère supérieur de la branche des Frères, ce que Monseigneur lui accorda en le chargeant lui-même de procéder à cette élection. Le R. P. Colin se rendit donc à l'Hermitage à la retraite de 1839 et fit comprendre au Vénéré Père l'absolue nécessité de nommer un Frère avec le titre de supérieur général des Frères. Le P. Champagnat se soumit et d'un commun accord ils décidèrent que cette élection se ferait après la retraite.



17°. Elle eut effectivement lieu à la suite de ces saints exercices en présence du R. P. Colin et du P. Champagnat. Le P. Colin en détermina le cérémonial, de concert avec le Vénéré Père. Je ne le relaterai pas ici, attendu qu'il se trouve dans les archives de la Congrégation ; je dirai seulement, car [195] j'étais présent, que lorsque le dépouillement fut fait, on choisit parmi les élus les trois qui avaient le plus de voix afin d'en nommer un supérieur et les deux autres assistants. Ce choix fait, le Père Colin rentra dans la salle et proclama, au grand contentement de tous les Frères, le Frère François Supérieur général de la branche des Frères, et les FF. Louis-Marie et Jean-Baptiste ses assistants. Le Vénéré Père parut très satisfait de cette nomination, car il trouvait dans le F. François celui qui l'avait constamment aidé dans le gouvernement de l'Institut. Il venait d'y associer depuis quelque temps le cher F. Louis-Marie, dont la capacité était appréciée plus tard de la manière la plus élogieuse par son Eminence le cardinal de Bonald. Le cher Frère Jean-Baptiste, quoiqu’en ce moment directeur de l'établissement de St. Paul-en-Artois que venait de fon. der le Vénéré Père, était un Frère à larges vues, très versé dans les sciences ascétiques et le principal conseiller du Vénéré Père en ce qui concernait la direction des classes, et de plus tous les trois étaient aimés des Frères. Aussi le Vénéré Père, n 1 ayant plus d'inquiétude sur l'avenir de son oeuvre que dirigeait si bien celle qu'il en avait établie la première supérieure, se livra-t-il malgré son état maladif aux transports d'une sainte joie et d'une vive reconnaissance. [196]


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