Frère Sylvestre



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CHAPITRE Iier




SES VERTUS

§ I. Présence de Dieu


Je voudrais maintenant faire l'éloge de ses vertus, mais il en est fait une peinture si détaillée, si vraie et si édifiante dans le second volume de sa Vie que je vais me contenter d'exposer brièvement ce qui m'a le plus frappé en lui pendant mon noviciat et dans quelques autres circonstances; au hasard de répéter ce qui déjà a été dit et de passer pour puéril dans de certains détails. Ce sera toujours une confirmation de plus.

Et d'abord, combien était clichée dans le cœur et dans l'esprit de notre pieux Fondateur la pensée de la présence de Dieu. On peut bien dire que cette sainte présence était l'âme de son âme et l'aliment de sa piété; il était tellement calme, grave et recueilli que tout portait à croire qu'il ne l'oubliait jamais. Je me souviendrai toujours lorsqu'il faisait la méditation que souvent il débutait par ces paroles du psaume 138: « Quo ibo a spiritu tuo, etc. »6. Il les prononçait d'un ton de voix si accentué et si solennel qu'elles produisaient dans l'âme une impression [16] inexplicable et portaient à un tel recueillement que l'on n'osait remuer même par nécessité. Que ce « quo ibo » m'est souvent venu à la pensée et m'a servi maintes et maintes fois de préservatif contre le péché et de préparation immédiate à l'oraison. C'était à temps et à contre-temps qu'il nous parlait de cette divine présence, nous recommandant que, si nous venions à l'oublier, de ne pas manquer de nous en souvenir au moins lorsque le tintement de la cloche ou le timbre de l'horloge annonçait la prière de l'heure.

Toutefois, il ne faudrait pas croire que l'extérieur imposant du Vénéré Père qui, de prime abord, inspirait le respect et même une certaine crainte, l'empêchât d'être gai lorsque les circonstances et les convenances semblaient l'exiger. Ainsi, pendant les récréations, il avait toujours quelques bons mots pour nous égayer; plus que cela, il nous apprenait et nous faisait faire des jeux innocents fort agréables. Il ne craignait même pas de se mettre de la partie, mais, le jeu en train, il disparaissait sans presque qu'on s'en aperçût. Mais c'était toujours, comme dit l'Apôtre St Paul, dans le Seigneur qu'il se réjouissait; et, malgré ce laisser-aller d'un bon Père avec ses enfants, il conservait, sans y faillir jamais, sa qualité de Supérieur et sa dignité de ministre de Jésus-Christ et, par-dessus tout, le souvenir de la Présence de Dieu. Aussi, je ne sache pas lui avoir ouï dire une seule parole qui aurait pu blesser en rien la charité ou choquer les plus exquises convenances et, à plus forte raison, dire ou faire quelque chose contraire à la loi de Dieu, même en matière la plus légère. Jamais je ne l'ai vu, dans les moments qu'il paraissait le plus familier, se permettre de toucher qui que ce soit du bout du doigt, et, si quelqu'un se permettait quelques familiarités que le jeu paraissait tolérer, mais qui semblaient porter atteinte aux règles concernant le respect [17] mutuel, il ne manquait jamais de faire entendre sèchement ce proverbe qui lui était familier dans ces circonstances: « Jeu de main, jeu de vilain ».

§ II. Crainte du péché


On comprend sans peine que le souvenir habituel qu'avait le Père Champagnat de la présence de Dieu lui inspirait une crainte, une répugnance ou plutôt une espèce d'effroi pour toute offense faite à la souveraine Majesté; en un mot, pour parler vulgairement, le péché était sa bête noire. Aussi, ses instructions revenaient-elles fréquemment sur ce mal qu'il appelait le mal des maux. Oh! mon Dieu! Combien il en était rempli d'horreur! C'était à faire trembler tout son auditoire lorsqu'il en peignait les caractères et les funestes conséquences. Les plus sérieux comme les plus légers en étaient épouvantés. Il se passait alors dans l'âme un je ne sais quoi qui faisait frissonner, surtout quand il traitait de certains péchés dont il nommait rarement le nom, suivant le conseil du Grand Apôtre. Alors, son ton énergique, se déployant dans toute son étendue, bouleversait les consciences les plus relâchées, et atterrait ceux qui se sentaient coupables en cette matière. Je me souviens qu'il disait à ce propos: « Si l'on me présentait un jeune homme avec son pesant d'or, eût-il même d'excellentes qualités, mais sujet à de mauvaises habitudes, je ne le recevrais pas dans la maison; et supposé qu'il y entrât, parce que ses mœurs paraîtraient extérieurement bonnes, s'il ne travaille fortement et promptement à se corriger, je ne doute pas que la Ste Vierge ne le vomisse bientôt du sein de la Communauté ». « Un enfant, ajoutait-il, qui est précoce dans le mal et qui s'y laisse aller, ne peut guère être corrigé que par la foudre qui [18] tombe à ses pieds, par quelques forts châtiments corporels, par une bonne première communion ou par un miracle obtenu par de ferventes prières ».

§ III. Vigilance


L'antidote du péché est, selon Jésus-Christ lui-même, la vigilance, la prière et la mortification. Je ne dirai qu'un mot de la manière dont il a pratiqué ces trois vertus, sa vie étant assez explicite là-dessus. Et d'abord, il fallait bien qu'il veillât sur lui-même avec une scrupuleuse attention pour qu'on ne l'ait jamais surpris réellement en défaut sur les moindres observances régulières. Comme il était ponctuel à obéir à ce premier coup sacré de cloche qui arrête sur les lèvres une parole commencée ou suspend un travail presque achevé, soit pour mettre fin à une agréable conversation, soit pour passer d'une occupation ou d'un exercice à un autre! Or, je ne sache pas l'avoir vu manquer à ce point de règle qui coûte tant quelquefois à la nature.

§ IV. Oraison, Prière


Et que dire de son amour pour l'oraison et de son exactitude à la faire tous les jours, malgré ses nombreuses occupations? Je me rappelle que, dans la salle où elle se faisait, il n'y avait ni bancs, ni chaises, ni prie-Dieu. Nous entourions tous le Révérend Père qui, par sa piété, sa ferveur, son maintien grave et recueilli, et quelquefois par sa parole animée, excitait à la dévotion les plus tièdes, tenait en éveil ceux que la tentation du sommeil aurait pu surprendre et échauffait ceux que le froid aurait pu engourdir car, en hiver, pendant ce [19] saint exercice, il n'y avait d'autre feu que celui d'une lampe vacillante ou d'un quinquet à demi éteint. Le Vénéré Père, lui, n'avait pas froid ; son cœur embrasé échauffait son corps, mais moi, jeune étourdi, ayant parfois l'intérieur aussi glacé que l'extérieur, il me fallait souvent le regarder pour n'être pas là comme le poêle éteint. Lorsqu'il faisait la prière, il avait un ton si respectueux, si énergique, une prononciation si accentuée, qu'on se sentait tout pénétré. Il allait plutôt vite que lentement et ne faisait que les pauses nécessaires pour faire comprendre clairement le sens de la pensée exprimée par la nature de la prière. En un mot, il ne lisait pas la prière, mais il la récitait avec feu et intelligence. Il tenait fortement à ce qu'on le fît ainsi, et il reprenait, punissait même au besoin ceux qui les bredouillaient ou les précipitaient trop; en un mot, il entendait qu'on les récitât au moins avec l'attention, le respect et l'expression qui conviennent lorsqu'on complimente quelque grand personnage.

Outre ses exercices de piété ordinaires, tels que l'oraison, le bréviaire, le chapelet, l'examen particulier, la lecture spirituelle, la célébration de la Ste messe, etc., qu'il n'omettait jamais, alors même qu'il était très fatigué et surchargé de nombreuses occupations, il en avait de particulières que Dieu seul connaît, de sorte que l'on peut dire, sans trop se tromper, que la prière était son aliment, comme la présence de Dieu son élément.

§ V. Mortification
Je devrais me taire sur son esprit de mortification, puisque l'auteur de sa Vie en raconte des faits si nombreux et si frappants; cependant, je me permettrai d'en rapporter quelques-uns qui, [20] quoique plus modestes et plus minutieux, n'en sont pas moins édifiants. Il répétait souvent cette maxime: « Un religieux ne doit presque pas se soucier de son corps », et il la pratiquait dans toute son étendue. On peut bien dire qu'il traitait sa chair comme une esclave rebelle, dont il faut toujours se méfier. Il lui refusait tout ce qui pouvait la flatter, la contrariant dans ses goûts, dans ses aises, dans ses fantaisies, jusqu'à la priver quelquefois du nécessaire. Vraiment, je ne pouvais pas comprendre comment un si grand corps pouvait vivre avec si peu de nourriture, tandis que moi, en ayant un si petit, pouvais à peine me rassasier, car il était généralement le premier oisif à table et moi, presque toujours le dernier.

Mais, que faisait-il pendant ce moment de repos? Il interrogeait et les jeunes et les anciens sur le sujet de la lecture, et expliquait celle-ci au besoin. Le lecteur seul échappait ordinairement à ses interrogations, toujours piquantes et intéressantes, et je sais, par expérience, que les têtes légères et pivotantes ne s'en tiraient pas toujours par la honte du silence.

Jamais il ne prenait rien entre les repas, à moins d'une absolue nécessité. Il était d'une telle rigidité à l'égard de ceux qui se permettaient de prendre quelques fruits et même quelques grains d'une grappe de raisin qu'il avait défendu la Ste communion à tous ceux qui enfreindraient cet ordre, à moins d'en faire préalablement l'aveu à qui de droit. Je connais un Frère auquel cette défense, qui date de 50 ans au moins, a fait une telle impression qu'il ne s'est pas encore avisé de la transgresser.

Non seulement les repas du Père Champagnat étaient de courte durée, mais il ne voulait pas que les mets qui lui étaient servis fussent trop bien apprêtés et surtout que les condiments fussent en [21] trop grande quantité. J'ai vu une fois le bon Frère Stanislas, son bras droit, une des plus solides co­lonnes de l'Institut, et qui était tout à la fois pro­cureur, sacristain, linger, etc., et même au besoin cuisinier, je l'ai vu, dis-je, aller faire une station au réfectoire, parce que le Vénéré Père avait re­marqué qu'il était resté du beurre au fond d'un plat de légumes qu'on lui avait servi, et pourtant, c'était à peine (car j'étais lors petit cuisinier) s'il y en avait pour apprêter maigrement un petit oeuf. Le vin pur, le café, les liqueurs, quoique plus rares à cette époque qu'aujourd'hui, lui étaient à peine connus; du moins je ne sache pas lui en avoir vu prendre. Et quoique dans les grandes solennités, on servait sur la fin du repas du vin pur au lieu de la boisson ordinaire, il voulait que, sur un litre de vin, pour 8, on y ajoutât une bonne cuillerée d'eau, comme étant plus hygiénique.

En fait d'aliments, on ne savait trop ce qu'il aimait ou ce qu'il n'aimait pas. On pourrait présu­mer qu'il aimait préférablement à tout autre chose un aliment très commun: le fromage blanc; car on voit dans sa vie qu'un Frère Directeur, dont l'établissement était pauvre, lui ayant servi ce seul mets pour plat à dîner, n'ayant rien d'autre, il lui fit plusieurs fois un grand éloge de ses fromages blancs; mais il cachait là-dessous une rude morti­fication, car des circonstances l'avaient obligé de demeurer plusieurs jours dans cet établissement et, pour le bon Père, sortir de son régime habituel était toujours pour lui une souffrance.

Mais, peut-être, la mortification qui lui a le plus coûté, et qui coûte tant aux jeunes gens, c'est l'exactitude à se lever au premier coup le cloche, car il a avoué lui-même à un ancien Frère, en pas­sant dans le village du Creux, que c'était pour lui un terrible sacrifice de couper court avec le som­meil, et auquel il n'avait jamais pu s'accoutumer. [22] Ce fait, qui confirme ce qui est dit dans sa Vie sur ce sujet, m'a été raconté par ce Frère lui-même. Et c'est l'opinion commune de tous les Frères, qui ont connu le Vénéré Père, qu'il a fait généreu­sement ce sacrifice tous les jours jusqu'à ce que la maladie l'a forcé de s'aliter. N'est-ce pas là un acte de vertu héroïque, sinon en lui-même, mais du moins par sa longue et constante durée?

Quoique le Père ait fait usage du cilice et de la discipline, ainsi qu'on le voit dans sa Vie, et que même, par extraordinaire, il ait permis ce genre de pénitence à quelques Frères, on peut dire que la mortification dans laquelle il a le plus excellé et qu'il nous recommandait comme étant la plus agréable à Dieu, a été la mortification des sens, des passions, et aussi celles qui sont inhérentes à la charge ou à l'emploi imposé par l'obéissance. Mais, dans ce genre de mortification, il mettait toujours en première ligne l'accomplissement par­fait de la règle, et notamment l'article du silence, auquel il tenait d'une manière particulière. Les violateurs de ce point important étaient d'abord sèchement avertis, puis, s'il y avait récidive et surtout habitude, punis sévèrement et publique­ment. Ceux qui traînaient pour se rendre aux exer­cices de piété étaient à peu près traités de même. A part ces pénitences personnelles et satisfactoires dont nous venons de parler, le Vénéré Père n'a pas jugé à propos d'en donner de générales, si ce n'est le jeûne des samedis, dont il ne dispensait jamais. La raison qu'il en donnait, c'est que l'en­seignement chrétien et religieux pratiqué comme le veut la règle, est une pénitence des plus sévères et des plus austères. Pour s'en convaincre, qu'on lise attentivement le chapitre des Règles communes à ce sujet, ainsi que les autres qui ont trait à l'enseignement, et l'on verra qu'il disait vrai. Du reste, ces espèces de mortifications, cachées sous [23] le voile de l'humilité, n'étaient-elles pas celles que pratiquaient la Ste Vierge et St Joseph dans la maison de Nazareth, et, par conséquent, celles que les Petits Frères de Marie doivent préférer à toutes les autres, et dont notre pieux Fondateur nous a donné de nombreux exemples?

§ VI. Sa Libéralité


Maintenant, disons qu'autant le Père Champagnat était dur pour lui-même, autant il était large et généreux pour ses Frères, tout en ne s'écartant jamais des règles de la sobriété chrétienne et de la pauvreté religieuse. Il était surtout plein d'attention et de soins pour les malades, les infirmes et les anciens Frères. Je me rappelle que, durant mon noviciat, il y avait deux Frères âgés dans le tiroir desquels il faisait mettre, je crois à deux repas, 1/5 de litre de vin pur, malgré la pauvreté de la maison. Il donnait aussi un litre de vin pur au boulanger lorsqu'il confectionnait le pain. D'ailleurs sa générosité est confirmée par plusieurs traits racontés dans sa Vie.

Quelques-uns, mais en très petit nombre, ont pensé que sa manière d'administrer le temporel de ses Frères, surtout, sous le rapport du nutritum et du vestitum, dénotait en lui quelques tendances à la parcimonie; c'est à tort, car il n'en est absolument rien. Il était prudent économe, voilà tout. Et il est certain que, si les fonds ne lui avaient pas fait défaut, on n'aurait eu qu'à se louer de sa libéralité pour la nourriture, l'habillement et pour tout ce qui s'ensuit; la preuve, c'est qu'à mesure que ses ressources augmentaient, il améliorait graduellement l'état du temporel des Frères, j'en pourrai dire un mot plus tard. C'est donc en suivant son esprit que le chapitre qui s'est tenu [24] après sa mort a réglé la nourriture, l'habillement etc., tels qu'ils sont aujourd'hui. Et, si actuellement il y a quelques exceptions, cela tient probablement à des circonstances de situation, de temps et de lieux que le Père Champagnat n'avait pu prévoir. Le bon Père connaissait trop les fatigues inhérentes à l'enseignement, et surtout lorsqu'il est donné avec le zèle et le dévouement voulus par la règle, pour ne pas prendre tous les moyens possibles pour conserver la santé de ses Frères. Et que ne ferait-il pas encore aujourd'hui où la vocation d'instituteur est devenue et devient de plus en plus difficile, pénible, je dirais presque impossible?

Donc, connaissant le cœur du Vénéré Père, on peut croire qu'il applaudirait volontiers à tout ce que ses successeurs ont fait et pourront faire à l'avenir pour procurer religieusement aux Frères, d'après les ressources de la Congrégation, tout le bien-être temporel possible, avec les secours spirituels les plus nombreux et les plus efficaces pour assurer leur persévérance dans leur vocation qui, d'après le Vénéré Père, est un passe-port, (que la mort signe toujours)7, pour le ciel.

§ VII. Sa Foi


Si le Père Champagnat a porté la mortification à un si haut degré, sa foi ne mérite pas moins d'éloge, soit simplement comme vertu théologale, soit comme foi pratique. Jamais on n'a pu le convaincre d'erreur, grande ou petite, ni dans ses paroles, ni dans ses écrits. Du moins, je n'ai jamais entendu dire de lui le moindre mot de blâme à cet [25] égard. La Ste Eglise, qu'il aimait de toute l'affection de son cœur et pour laquelle il avait la plus entière soumission et le plus profond respect, fixait toujours sa croyance, non seulement sur les vérités dogmatiques, mais encore sur celles qui, alors, n'étaient pas déclarées articles de foi, telles que: l'Immaculée Conception, l'Infaillibilité du Pape, etc. Aussi, lorsqu'il parlait de l'Eglise, il l'appelait toujours la Ste Eglise notre Mère. Quant aux opinions controversées et sur lesquelles l'Eglise ne s'est pas prononcée, il s'en tenait aux décisions des auteurs les plus accrédités et les plus marquants en science et en sainteté, tels que: St Thomas d'Aquin, St Liguori, et St François de Sales pour lequel il avait une tendre dévotion. Mais que dire, de son attachement et de ses sympathies pour le chef de cette Eglise, le Souverain Pontife, et surtout de son obéissance parfaite à ses enseignements? Recevait-il quelque encyclique, il en faisait lui-même la lecture et exigeait qu'on se tînt debout tout ce temps-là, quelle qu'en fût la longueur. Non seulement il croyait à l'Infaillibilité du Pape quand il parle ex-cathedra, en nous expliquant ce mot, mais il désirait que les Frères y crussent aussi et l'enseignassent aux enfants. Pour tout dire, en un mot, le Père Champagnat était Romain par le cœur et avait une horreur prononcée pour ce qu'on appelait en ce temps-là le Gallicanisme. Que de fois je lui ai entendu dire que l'Eglise ou le Pape, quand il s'agit de décider quelques questions relatives au dogme ou à la morale, sont une même chose et ne se trompent jamais; et que, dans le fond, il n'y a pas d'Eglise sans le Pape et qu'il n'y a pas de Pape sans Eglise.

Quant à l'Immaculée Conception, non seulement il y croyait comme si c'eût été un article de foi, mais sa croyance en cette vérité le portait à honorer spécialement Marie sous le titre d'Immaculée. [26] La fête du 8 décembre était chômée dans l'Institut et célébrée avec toute la solennité possible. L'invocation « O Marie conçue sans péché... » était une de ses oraisons jaculatoires les plus fréquentes, et il ne cessait d'exhorter les Frères de la répéter souvent, surtout dans les tentations contre la pureté.

§ VIII. Sa dévotion au Supérieur Général
Si la soumission, le respect et l'attachement du Père Champagnat pour le Souverain Pontife étaient si accentués, ils ne l'étaient pas moins pour ses autres Supérieurs, que sa foi vive lui faisait envisager comme les représentants de Dieu à son égard et comme les dépositaires de son autorité. Sa Vie citait plusieurs traits à l'appui de cela; je me contenterai de dire, pour les confirmer, que, lorsque le R. P. Colin, regardé à cette époque comme le Supérieur Général des Pères et des Frères, venait à l'Hermitage rendre visite au Père Champagnat, celui-ci le recevait avec la plus honorable distinction. Tous devaient se mettre en état de propreté comme pour une fête solennelle; il revêtait la plus belle et la plus riche chasuble pour la célébration du St Sacrifice; on jouait de l'orgue comme aux doubles de Première Classe. C'était un jour de joie pour toute la Communauté; le Père Champagnat était splendide et rayonnant de bonheur. On comprenait aisément que le Vénéré Père révérait son visiteur, non comme un simple confrère, mais comme Jésus-Christ, dont il tenait la place. [27]

§ IX. Sa dévotion au Saint-Sacrement


Maintenant, que dire de la foi du Vénéré Père par rapport à l'Auguste Sacrement de nos autels? Le second volume de sa Vie en parle avec une si grande édification et une si exacte vérité que je me contenterai d'ajouter quelques mots comme confirmation. J'ai eu le bonheur de lui servir sa messe différentes fois, mais je dois dire que, quoique étourdi et très léger, j'étais saisi et comme stupéfait de sa gravité dans l'exécution des cérémonies, de son attention à suivre les moindres rubriques et encore plus du ton pénétré avec lequel il récitait les prières de la liturgie sacrée. Le « Domine, non sum dignus », dont il est parlé dans sa Vie, me faisait éprouver des sentiments de si profonde humilité et de contrition que je baissais les yeux malgré moi, ce qui n'était guère dans mon habitude.

Quelle impression de religieuse piété n'éprouvait-on pas lorsque, dans les processions du St Sacrement, où il déployait toute la pompe que comportait à cette époque la pauvre maison de l'Hermitage, lorsque, dis-je, on le voyait porter l'ostensoir avec un respect si profond qu'on aurait pu le comparer à la Ste Vierge allant visiter sa cousine Ste Elisabeth, ostensoir vivant qui portait dans son chaste sein le même Dieu contenu dans le pain sacré.

Il tenait tellement à ce que les chants fussent bien exécutés, qu'outre la classe qui se faisait tous les jours à cette fin, il exigeait que ceux qui devaient entonner, chanter le graduel ou quelques motets s'exerçassent en leur particulier afin de ne pas troubler le chœur.

Quant aux cérémonies, il voulait qu'on les fît avec toute la perfection possible; dans ce but, il avait établi une réunion spéciale le dimanche pour [28] que tous, jeunes et vieux, apprissent à les faire avec goût, aisance et édification. Après les offices, il ne manquait pas de reprendre ceux qui s'étaient trompés et de donner un petit mot de louange à ceux qui, suivant son expression, s'en étaient bien tirés.

§ X. Respect pour le St Lieu et les choses saintes
Le Père Champagnat était surtout sévère pour les fautes commises dans le lieu saint. Je me rappelle qu'un jour, pendant le mois de Marie, lorsque, suivant l'usage, on venait de se lever pour la lecture du second point, un jeune Frère très léger et pas trop robuste en piété, portant le nom de Frère des Anges, se permit de dissiper ses voisins en faisant quelques enfantillages peu convenables et même irrévérencieux. Le Vénéré Père, se rappelant sans doute ces paroles des saints livres: « Le zèle de votre maison m'a dévoré », et enhardi probablement par l'exemple de J. C. chassant les vendeurs du temple, s'avance soudain vers notre jeune étourdi et lui fait en pleine face une puissante correction, qui atterra toute la communauté et fit trembler tous nos jeunes dissipés. La correction faite, il continua avec la même piété et la même ferveur la lecture du mois de Marie, sans presque faire paraître d'émotion. Il va sans dire que cet acte, si contraire à son caractère et qui échappa à son zèle, corrigea le coupable et tous ceux qui, à l'avenir, auraient été tentés de l'imiter.

Il voulait qu'on eût le plus grand respect pour les objets servant directement au culte. Un jour, m'étant passé une étole au cou pour me donner un petit air de curé, sans toutefois y croire faute, je fus aperçu par un ancien Frère qui se mit à [29] me crier: « Ha ! si le Père Champagnat vous voyait ! ». A ces mots de « P. Champagnat » je m'empresse vite, et non sans crainte, de déposer cet ornement en son lieu. Fort heureusement j'en fus quitte pour la peur; mais, ce qui est certain, c'est que j'aurais eu une terrible punition si ma faute était parvenue à la connaissance du Vénéré Père. Il n'en fut pas de même dans une autre circonstance où le fait revêtait un caractère de profanation sacrilège. Le petit sacristain d'alors se permit un jour, peut-être par enfantillage plutôt que par malice, et encore plus peut-être par gourmandise, de faire dans la sacristie la fonction de prêtre. Il but donc dans le calice une copieuse ablution, omettant, d'après la rubrique, d'y mettre de l'eau; ayant été pris en flagrant délit, le P. Champagnat le fit fermer seul pendant trois jours dans un appartement et ensuite le renvoya. Ce péché qui pouvait n'être que matériel, fit tellement mal au cœur du Vénéré Père qu'il en perdit pour ainsi dire comme l'appétit. Que l'on juge de là l'horreur qu'il avait des mauvaises communions et en général de toute espèce de profanations. Ainsi, non seulement il ramassait les parties du costume religieux, les images, les feuillets de livres de piété, etc., qui étaient exposés à être foulés aux pieds, mais encore il ôtait, par des déchirures, les saints noms de Dieu, de Jésus et de Marie que des circonstances auraient pu exposer à être souillés, tant l'esprit de foi le dirigeait dans les choses les plus minutieuses.


§ XI. Des autres Vertus
Il me resterait à parler des autres vertus du Vénéré Père, et surtout de sa profonde humilité, sous le voile de laquelle il a caché de riches trésors de [30] grâces et de mérite, et encore plus de sa dévotion si marquée à la Ste Vierge, dévotion qui a égalé, du moins en confiance, celle des plus grands saints. Mais je me tais; sa Vie, la règle, le livre des « Avis et Sentences », etc., en parlent si éloquemment que je ne ferais qu'amoindrir ce qu'ils en disent.

Du reste, je raconterai ailleurs quelques traits qu'il sera facile de rapporter à telle ou telle vertu qu'il a pratiquée, et dont ils seront la preuve et la confirmation. Qu'on me permette cependant, avant de terminer cet article, de citer une expression relative à sa dévotion envers la Ste Vierge, qu'il m'a souvent répétée au St Tribunal: « Mon cher ami, me disait-il, en me serrant fortement le bras, aimons, oui, aimons chaudement Marie, oui, aimons-la bien chaudement ». Ce n'était pas des mots, mais bien des flammes, qui s'échappaient de son cœur tout de feu, et qui éveillaient dans mon âme les sentiments les plus affectueux et les plus suaves envers celle qu'il appelait habituellement: sa ressource ordinaire, et qui, à son dire, ne lui avait jamais fait défaut.

Fin

du Chap. I ier [31]




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