Frère Sylvestre


CHAPITRE XIX ième SON TESTAMENT SPIRITUEL - SA MORT



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CHAPITRE XIX ième




SON TESTAMENT SPIRITUEL - SA MORT



1°. Le mieux qui s'était fait remarquer après la neuvaine que la communauté avait faite à Ste Philomène à l'effet d'obtenir sa guérison ne dura pas longtemps; bientôt son mal des reins qui s'était fait sentir dès le mercredi des cendres redoubla d'intensité. Les mains et les jambes enflèrent de nouveau, et de plus, il lui prit des vomissements presque continuels. Cependant cela ne l'empêcha pas de continuer ses exercices de piété, de faire de fréquentes oraisons jaculatoires et de se conserver en la sainte présence de Dieu; même il dit son bréviaire jusqu'à ce qu'il ne pût plus le tenir dans ses mains.

2°. Ce fut alors que voyant arriver à grands pas sa fin prochaine, il fit appeler le cher Frère François et le cher Frère Louis-Marie pour leur dire qu'il désirait faire son testament spirituel. Le cher Frère François lui représenta que cela le fatiguerait trop: Non, dit-il, et s'adressant au cher Frère Louis-Marie, il le chargea d'en faire la rédaction par écrit. Après qu'il eut exprimé ses pensées et que le cher Frère Louis-Marie eut fait cette rédaction, celui-ci lui en lut le contenu qu'il trouva parfaitement conforme à ses sentiments, puis il dit de [208] réunir les Frères dans sa chambre et de leur lire le présent testament, avant qu'on lui appliquât l'indulgence in articulo mortis. Cette réunion, qui devait être la dernière, se fit après la prière du soir. Je ne donnerai pas le texte de ce testament attendu qu'il se trouve dans les Règles communes dont il est comme la quintessence.

(Je ferai remarquer que le cinquième alinéa du texte de ce testament spirituel, qui se trouve dans les archives, a été omis parce qu'il concerne l'obéissance que les Petits Frères de Marie doivent au supérieur général des PP. Maristes; la raison en est qu'avant l'impression des Règles communes le R. P. Colin, dans le premier chapitre général tenu après la mort de notre Vénéré Fondateur, se démit en faveur du Frère François de tous les droits qu'il pouvait avoir sur les Frères et que lui avait légués le P. Champagnat. Dès lors cet alinéa n'avait plus raison d'être pour les Frères)71

3°. Tous les Frères, profondément recueillis, écoutaient cette lecture avec beaucoup d'attention. Lorsqu'elle fut finie, ils tombèrent à genoux, lui demandant pardon et le suppliant de ne pas les oublier. A ces mots, le Vénéré Père semble se raviver et, tout ému, avec une voix pleine de paternité: « Moi, vous oublier, dit-il, mais c'est impossible. » Alors le Frère François lui demanda sa bénédiction, non seulement pour les Frères présents, mais encore pour les absents et pour tous ceux qui à l'avenir feraient partie de la Congrégation. Sur cette demande, le Vénéré Père joignant les mains, prononça très distinctement la formule liturgique en faisant sur eux le signe de la croix. [209]

4°. Cependant, de toutes parts, il se faisait des prières pour obtenir la guérison du Vénéré Père; toutes les communautés des environs avaient été mises à contribution pour cela. Dans la maison on évitait tout bruit qui aurait pu le fatiguer et, malgré qu'on eût couvert de tapis les passages proches de sa chambre, les Frères qui étaient obligés de les parcourir prenaient encore la précaution de quitter leurs chaussures. M. Bélier, ancien missionnaire du diocèse de Valence, ne pouvait s'empêcher d'admirer tant d'attention et voyait là le centuple promis aux bons religieux. Toutefois, le Vénéré Père n'était pas difficile à soigner. Il était plein d'attention pour tous ceux qui le veillaient et tâchait de les laisser dormir le plus qu'il pouvait, les invitant même de le faire au risque de souffrir un peu. Il se montrait on ne peut plus reconnaissant pour tous les services qu'on lui rendait, même les plus légers. Dans les crises les plus violentes, il répétait souvent et même en dehors de ses grandes souffrances, ces paroles: « Mon Dieu, que votre volonté soit faite. » Il recevait, malgré son malaise continuel, avec une bonté touchante les Frères qui venaient lui rendre visite et leur adressait toujours quelques bonnes paroles suivant leur position et leurs besoins particuliers.

5°. Dans un entretien seul à seul avec le Frère François, il le plaignit de la lourde charge qu'il lui laissait; mais il l'encouragea en lui disant que son esprit de zèle et de prière, accompagné d'une grande confiance en Dieu, lui aideront à la porter. Il dit aussi confidentiellement au cher Frère Louis-Marie de seconder de tout son pouvoir le cher Frère François et de ne pas se décourager malgré les obstacles que l'ennemi du bien pourrait lui susciter dans sa charge d'assistant, parce que celle qui est la ressource ordinaire de la communauté lui aidera à les [210] vaincre. Après avoir témoigné au Frère Stanislas, dans un moment où il était seul avec lui, toute sa reconnaissance de toute la peine qu'il lui donnait, il lui recommanda d'encourager le plus qu'il pouvait les novices et les nouveaux venus à persévérer dans leur vocation, surtout lorsqu'il les verra ennuyés et tentés de l'abandonner.

6°. Cependant la maladie poursuivait son cours avec une extrême rapidité et elle était arrivée à un point qui ne permettait plus à notre cher malade de prendre aucun aliment. Un feu intérieur le dévorait et lui faisait même rejeter les liquides tels que bouillons, crème, etc. Pour se réconforter au milieu de si intolérables douleurs, il désirait avec ardeur de recevoir le pain des forts, mais ses vomissements continuels s'y opposaient. Que fit-il? Il s'adressa plein de confiance à son Ange gardien dont il avait fait apporter une image. Il fut exaucé, les vomissements cessent et il peut recevoir encore Notre-Seigneur. Puis après, la maladie continua son cours. C'est à la suite de cette communion qu'il recommanda la pratique du silence, comme absolument nécessaire pour entretenir dans les maisons religieuses l'esprit de recueillement et de prière. Il recommanda encore de fuir l'oisiveté à cause du regret que l'on aura à l'heure de la mort des moments que l'on aura passés dans l'inaction.

7°. Le soir de ce même jour, il reçut la visite du R. P. Colin et, le lendemain, celle de M. Mazelier, à qui, ainsi que je l'ai dit, il avait confié ses Frères qui étaient atteints par la loi du recrutement. Le Vénéré Père fut extrêmement consolé de ces deux visites. Il s'entretint longtemps avec le R. P. Colin. Il lui demanda, en terminant, pardon de tous les désagréments qu'il aurait pu lui causer et lui recommanda ses Frères. Le Père Colin, édifié on ne [211] peut plus de sa profonde humilité, lui dit les paroles les plus encourageantes et lui donna des marques de la plus vive affection. Il eut aussi une conversation particulière avec M. Mazelier relativement aux sujets qu'il lui envoyait toutes les années pour les soustraire à la loi militaire, le priant d'en prendre grand soin. Avant de le quitter, M. Mazelier lui dit aussi de penser aux siens quand il serait au ciel.

8°. Ce fut, je crois, après ces deux visites que, par humilité et par esprit de pauvreté il demanda d'être transporté à l'infirmerie pour causer moins d'embarras aux infirmiers. Le Frère François lui ayant fait observer que cela pouvait déranger ceux qui y couchaient, « Eh bien! ajouta-t-il, qu'on me mette sur un lit de fer ». On satisfit à ses désirs et c'est justement sur ce lit que nous le verrons bientôt rendre le dernier soupir.

9°. Ainsi qu'il l'avait dit au Frère Stanislas, ses souffrances, sur la fin du mois devinrent excessives et comme insupportables, et cependant il n'en continuait pas moins ses oraisons jaculatoires, ses actes de contrition, de confiance et de résignation à la volonté de Dieu. On le voyait portant tour à tour les regards sur les images de la Ste Vierge, de St Joseph et de ses patrons appendues aux rideaux de son lit. Plus souvent encore il prenait sa croix de profession, la baisait avec amour et sortait les mains de dessous sa couverture pour la chercher comme quelque chose dont on ne peut pas se passer.

10°. Le lundi, premier juin, M. Dutreuil, curé de St-Pierre de St. Chamond étant venu le voir, il se passa un fait où l'on voit bien le peu de cas qu'il faisait de son corps. Comme M. le Curé se penchait pour lui donner une marque d'intime affection. « Oh! monsieur le Curé, s'écria-t-il, je suis trop sale [212] pour que vous m'embrassiez. » Ce dernier, édifié au possible de cette expression partie spontanément de son cœur, l'encouragea de son mieux; surtout il lui fit un sensible plaisir en l'assurant qu'il pouvait communier parce que ses vomissements n'étaient pas continus. Avant de se retirer M. le Curé lui demanda sa bénédiction. Le Vénéré Père refusa, lui disant que c'était à lui de le bénir. De là une pieuse contestation, mais l'humilité du Vénéré Père l'emporta et, selon son désir, M. le curé le bénit puis se retira en le priant de le faire participer aux mérites de ses souffrances.

11°. Les derniers jours de notre Vénéré Fondateur ne furent qu'une suite continuelle d'oraisons jaculatoires, d'aspirations, de doux soupirs à Jésus et à Marie. Deux principales pensées le consolaient et l'encourageaient; celle de mourir religieux et celle du ciel. Déjà il lui semblait voir dans ce séjour fortuné ses Frères qui l'avaient précédé. Il assurait plus que jamais, avec une entière conviction, que les membres de la Congrégation qui y mourront obtiendraient le salut; que, quant à lui, lorsqu'il sera auprès de la bonne Mère, il lui fera tant d'instances que certainement elle obtiendra leur salut. Considérant ensuite la faveur de mourir Mariste comme une marque des plus certaines de prédestination, il ne tarissait pas en prières d'action de grâce et semblait déjà goûter un avant-goût du bonheur du ciel.

12°. Le 4 du mois de juin, ses vomissements ayant un peu cessé, faveur qu'il disait devoir à St Joseph, il demanda encore de recevoir le Viatique. On s'empressa de satisfaire cet ardent désir, mais c'était pour la dernière fois et il le sentait bien. Aussi, sa foi, sa ferveur et sa piété lui firent- [213] elles produire des actes d'amour envers N. Seigneur des plus ostensibles. Le vendredi 5 juin, ses souffrances atteignirent à leur dernière période et je ne saurais trop comment les exprimer en ayant été moi-même témoin. Comme digression on me permettra de faire connaître par quel hasard je me trouvais là auprès de son lit de mort; ma reconnaissance pour le Vénéré Père paraissant me faire un devoir de faire connaître cette circonstance.

13°. Or il m'arriva vers les derniers temps de la maladie du Vénéré Père, une terrible tentation semblable à celle du Frère Louis dont j'ai parlé ailleurs. Conseillé par quelqu'un qui, de droit, devait avoir toute ma confiance, je me disposais à me retirer. Toutefois, ne voulant rien hasarder dans une affaire d'une si grande importance et surtout sans l'approbation du Père Champagnat, je lui écrivis à ce sujet, ignorant encore la gravité de sa maladie. Je crois cependant qu'il put lire ma lettre, mais impossible d'y répondre, car il était déjà alité. Oh, quelle sollicitude! aussitôt il fait appeler le cher Frère Louis-Marie et lui enjoignit de m'écrire de suite en me donnant l'ordre de me rendre à l'Hermitage. Puis il lui fit connaître la réponse qu'il aurait à me faire de sa part si le bon Dieu venait à l'appeler à lui. La lettre reçue, je pars et j'arrive le vendredi 5 juin, je crois aux environs de midi. On comprend que je n'eus rien de plus pressé que de me présenter au Vénéré Père; mais malheureusement il était dans une des crises qui sont un avant-coureur de l'agonie dans les maladies du genre de la sienne. J'arrive dans sa chambre, je me jette à genoux au chevet de son lit pleurant. Il me fait signe de me lever et me serre affectueusement l'avant-bras sans pouvoir proférer une seule parole. Je me remets à genoux et continue à verser des larmes. Je demeurais là comme anéanti lorsqu'on me fit signe de [214] me retirer, car je devais me rentourner72 le même jour et l'heure de mon départ était arrivée. Ce fut alors que le cher Frère Louis-Marie me prenant à part me dit: « Le Père Supérieur sur son lit de mort m'a dit de vous dire qu'il vous croyait parfaitement dans votre vocation. » De retour dans mon établissement je réfléchis sur ces paroles qui pour moi étaient sacramentelles, mais toutefois pas assez sérieusement car, la tentation étant revenue, plus forte que jamais et croyant que le Vénéré Père ne m'avait pas compris, je résolus de suivre ma première idée. Je me disposais à le faire mais avant, pour tranquilliser ma conscience, j'écrivis au P. Colin car les paroles du Vénéré Père me venaient toujours à l'esprit. Celui-ci me conseilla tout bonnement d'écrire au Frère François et de m'en tenir à sa décision. Je le fis; sa réponse ne fut autre que la répétition des paroles du Vénéré Père, c'est-à-dire que lui aussi me croyait parfaitement dans ma vocation, ajoutant qu'il en répondait devant Dieu. Alors je n'hésitai plus et fis profession aux vacances. Reconnaissance à jamais au Vénéré Père de m'avoir rendu un service qui, je l'espère, sera la cause de mon salut.

14°. J'ai dit que, lorsque je quittai notre pieux Fondateur, il souffrait des douleurs atroces et cependant, je me rappelle qu'au milieu de ce paroxysme de la douleur il avait encore un air calme; ses yeux enfoncés étaient pleins de bénignité, ses lèvres pincées et presque sans saillie lui donnaient encore cet air de bonté qui lui gagnait tous les cœurs. Après que je fus parti, j'ai su que, ne pouvant plus prononcer les noms de Jésus et de Marie, il se faisait soutenir la main pour avoir au moins [215] le bonheur de les saluer. Ce jour même, vendredi, vers le soir, on s'aperçut qu'il était à la dernière extrémité. Plusieurs Frères voulurent passer la nuit auprès de lui pour recevoir une dernière bénédiction, mais ayant fait connaître qu'il ne le jugeait pas à propos, ils se retirèrent et il ne resta auprès de notre Vénéré Père que deux anciens Frères pour le veiller pendant la nuit. Vers deux heures et demie, il leur fit remarquer que leur lampe s'éteignait; eux, ayant répondu qu'elle était parfaitement allumée, il se la fit approcher mais il ne la vit pas davantage. Alors, d'une voix mourante il dit: « Je comprends, c'est ma vue qui s'en va », et bientôt il entra dans une agonie qui ressemblait plutôt à un paisible sommeil.

Toute la communauté était déjà réunie à la chapelle pour le chant du Salve Regina, pratique qu'il avait établie lors des événements fâcheux de 1830. Aussitôt on fit réciter pour lui, avant de le commencer, les litanies de la Ste Vierge, et elles n'étaient pas achevées que son âme purifiée par tant de souffrances s'envola, nous l'espérons, dans le sein du bon Maître pour lequel son cœur avait été tout embrasé d'amour pendant sa vie, et aussi vers celle qu'il avait si souvent invoquée avec une ferveur angélique et qu'il regardait comme la Supérieure de sa communauté.

Cette bienheureuse mort, suivant son ardent désir, arriva un samedi, le 6 juin, veille de la Pentecôte, à 4 heures et demie: c'était juste le moment où, lorsqu'il était présent, il entonnait le Salve Regina.

15°. Oh! quelle douleur pour toute la Congrégation, douleur toutefois bien tempérée par la croyance unanime que sa sainte mort lui avait ouvert les portes du ciel. Il avait vécu en saint et il devait mourir en saint car, dit le proverbe; telle vie, telle mort. La transition de ce monde à l'autre, [216] loin de le défigurer, lui avait laissé ces traits de dignité et cet air de bonté qui l'avaient toujours caractérisé pendant sa vie. Aussi, aimait-on à le contempler, à être auprès de son lit funèbre. Tous, tour à tour ou par bandes, vinrent lui témoigner leur respect et leur vénération et, en lui baisant affectueusement les pieds, y joignaient de pieuses prières et en y récitant l'office des fidèles trépassés.

16°. Le lundi 8 juin, eurent lieu ses funérailles. Au préalable, le dimanche soir, on l'avait mis dans un cercueil de plomb enveloppé d'un autre en bois de chêne. Il y fut déposé avec ses habits sacerdotaux et, chose singulière, son corps avait encore alors conservé toute sa souplesse sans la moindre raideur. En présence du R. P. Matricon, des Frères Jean-Marie, Louis et Stanislas, on renferma dans sa bière un cœur en métal sur lequel était gravée cette inscription: Ossa Champagnat 1840. Le corps fut porté au cimetière par les Frères profès; il était accompagné de la majorité des prêtres du canton et des principaux bourgeois de la ville de St. Chamond et naturellement de toute la communauté. Plusieurs versaient des larmes et tous, par leur piété et leur recueillement, témoignaient qu'ils conduisaient à sa dernière demeure un grand serviteur de Dieu. Un monument simple et modeste a été élevé sur son tombeau. Au bas de l'inscription où sont indiqués son nom, ses titres et le jour de sa mort, on lit pour épitaphe ces paroles de l'Ecriture Ste : Pretiosa Domini mors sanctorum ejus.

Peut-être maintenant désirerait-on savoir ce qu'est devenue l’œuvre du Père Champagnat. Pour répondre à ce légitime désir, je vais, sous le titre de « conclusion », donner un aperçu général sur toute la Congrégation afin de nous faire estimer plus que jamais son Fondateur.

A. M. D. G. [217]


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