Frère Sylvestre


CONCLUSION VUE GENERALE SUR L'ETAT ACTUEL



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CONCLUSION

VUE GENERALE SUR L'ETAT ACTUEL

DE LA CONGREGATION

- Le Père Champagnat a été choisi de Dieu pour fonder la Société des Petits Frères de Marie ;

- But de cette congrégation ;

- Son esprit d'après le nom qu'elle porte ;

- Son merveilleux développement ;

- Bien qu'elle a réalisé; Opinion personnelle sur sa durée.


§ 1. Le Père Champagnat a été visiblement choisi de Dieu pour fonder la Congrégation des Petits Frères de Marie
Nous avons vu précédemment, dans le chapitre 2ième, qu y au grand séminaire l'idée de fonder une congrégation de Frères instituteurs surtout pour les enfants de la campagne, dans le but de leur enseigner la doctrine chrétienne, se présentait continuellement à l'esprit de notre Vénéré Père; il a été dit aussi, dans le même chapitre, que pendant les vacances, il avait une propension naturelle à réunir autour de lui les enfants pour leur faire le catéchisme. Tout cela évidemment était autant d'indices [218] que Dieu avait sur lui des vues particulières et qu'il l'appelait à travailler principalement au salut de la jeunesse; mais il avait une si basse opinion de lui-même qu'il se croyait impropre à une pareille mission. Il lui fallait donc une espèce de commandement pour l'entreprendre. Or, il a été dit que dans les réunions du grand séminaire, il répétait souvent ces mots: « Il nous faut des Frères, il nous faut des Frères pour faire le catéchisme, etc. ». Or, un jour, on le sait, où il insistait avec plus d'instances, il lui fut dit d'un commun accord « Eh bien, chargez-vous des Frères puisque vous en avez eu la pensée. » Ce fut dans ce moment que cette voix intérieure qui le poussait vers ce but, devenant plus impérieuse, il crut reconnaître dans ces paroles un ordre formel, de la volonté divine. Dès lors, on le sait encore, il prit la résolution de réaliser cette oeuvre, et de n'épargner ni peines ni sacrifices, ni même sa vie pour y arriver le plus tôt possible, persuadé que Dieu demandait cela de lui, se regardant, dans sa profonde humilité, comme l'instrument indigne dont il voulait se servir pour l'exécuter. Depuis lors, jusqu'à sa mort, il employa tous ses instants à édifier notre Congrégation dont la fondation a fini par ruiner son robuste tempérament. Mais la preuve évidente et sans réplique que son élection pour fonder notre Société vient de Dieu, c'est sa réussite sans secours humain, et surtout son approbation par le siège apostolique.
§2. But de la Congrégation
1°. Si Dieu a choisi le Père Champagnat pour fonder la Congrégation, il a dû nécessairement lui inspirer, outre le but général de toutes les congrégations qui est la sanctification de leurs membres, un but particulier. Mais ce but, quel est-il? Nous [219] l'avons déjà dit: J'enseignement chrétien de la jeunesse, et spécialement des enfants de la campagne. Voilà le but essentiel de son oeuvre, car celui de leur enseigner les sciences qui sont du ressort de l'instruction primaire n'est, d'après notre Vénéré Fondateur, qu'un leurre pour attirer les enfants dans nos écoles afin de pouvoir leur donner l'enseignement chrétien, et les préparer particulièrement à faire une bonne première communion.

Remarquons que ce but est unique et non multiple. Aussi veut-il que les Frères ne s'en proposent pas d'autres, lors même qu'ils seraient bons, comme le soin des sacristies, celui des malades dans les hôpitaux, etc. Il ne veut pas non plus que l'enseignement des Frères sorte du cercle des sciences qui sont du ressort de l'instruction secondaire73, comme serait de donner des cours de latin, etc. Il suit de là, que comme ce but est unique, et tout dans la Congrégation y concourant, il doit en résulter nécessairement de bons Frères Instituteurs.

Nous avons vu qu'il avait encore en vue un autre but, celui de former des ouvriers pour divers corps de métiers, mais le Frère François à qui il le communiqua, l'en ayant détourné, comme nuisible à la Congrégation dans le moment où il la gouvernait, il n'y pensa plus. Cependant le soin de diriger des maisons de providence a toujours été dans ses idées, et la preuve, c'est qu'il a lui-même donné des Frères pour la providence de Denuzière, à Lyon, parce qu'il s'agit, dans ce cas, de donner l'instruction primaire et surtout religieuse à des enfants, plutôt que de leur apprendre un métier. [220]
§ 3. Esprit de la Congrégation d'après le nom qu'elle porte, et par conséquent, esprit de son Fondateur


1°. Que signifie ce mot de Petits qui commence le nom par lequel notre Congrégation est dénommée?

Avant de répondre à cette question, il faut remarquer que toutes les congrégations, outre les vertus qui leur sont communes et qui forment l'essence de ce genre de vie, se distinguent par une vertu principale qui est comme leur livrée et leur caractère distinctif. Ainsi, dans les uns, c'est la charité; dans d'autres, l'obéissance- celles-ci s'adonnent particulièrement à la mortification, celles-là à la contemplation, etc., de sorte que toutes ces vertus particulières, pratiquées chacune dans un haut degré de perfection, représentent dans l'Eglise ce vêtement éclatant dont parle le Roi-Prophète, orné de fleurs variées, tout éclatant d'or et de pierres précieuses.

2°. Or la vertu que le Père Champagnat a choisie comme le cachet de sa Congrégation est, avons-nous déjà dit, la vertu d'humilité avec ses compagnes inséparables, la modestie et la simplicité. Et le modèle qu'il a donné à ses Frères pour la réaliser dans tout son idéal, est la vie humble, simple et modeste de la Ste Vierge Marie dans l'obscure maison de Nazareth. Il veut donc que les membres de la Congrégation fassent tout le bien possible, dans la mesure de leur vocation, sans bruit, sans ostentation, ou, suivant son expression, sans trompette, et comme en s'effaçant.

3". Maintenant, ainsi que nous venons de le dire, le Père Champagnat, ayant été choisi de Dieu pour fonder notre Institut, il est naturel qu'en lui en inspirant le but, il lui en a aussi inspiré l'esprit, [221] et partant, qu'il lui a donné la vertu d'humilité à un tel degré qu'il pût en être pour tous ses disciples un prototype accompli. Aussi, dans cet abrégé de vie, si on y prend bien garde, on voit toujours cette vertu éclipser, pour ainsi dire, toutes les autres. Et que n'a-t-il pas fait pour l'acquérir et pour détruire en lui jusqu'aux moindres vestiges de l'amour-propre? Nous en avons vu les luttes dans le grand et dans le petit séminaire, et ensuite le triomphe dans son ministère à Lavalla et dans la fondation de sa Congrégation.

4°. Aussi Dieu, qui est admirable dans ses saints et qui les conduit à la sainteté par diverses voies, a favorisé la pratique de cette vertu à notre Vénéré Fondateur en ne permettant pas qu'il fît des choses merveilleuses et extraordinaires pendant sa vie; mais il n'en est pas moins vrai qu'il a pratiqué, sous le voile de l'humilité, les vertus théologales et morales dans un degré héroïque, ainsi que l'attestent la tradition, des faits avérés et de nombreux documents. Du reste, il n'est pas dit dans le Saint Evangile que l'humble Vierge de Nazareth ait fait des choses étonnantes pendant sa vie, et pourtant les saints Pères nous affirment que par un seul tour de fuseau elle a plus mérité que tous les anges et tous les saints ensemble Le mot de « petits » indique donc que la vertu d'humilité doit être inhérente à tous les Petits Frères de Marie, car, d'après la pensée du Fondateur, le mot petit est pris ici dans le sens de l'humble, et « petit Frère de Marie » ou « l'humble Frère de Marie » sont deux expressions synonymes.

5°. Quant au mot « Frères » qui suit celui de « petits », il indique assez par lui-même que tous les membres qui composent cette Congrégation doivent vivre dans la plus intime confraternité, comme [222] les enfants d'une même famille dont la Sainte Vierge est la mère, et en conséquence, qu'ils doivent s'aimer, se supporter, s'entre aider, et se faire passer une vie agréable qui fasse oublier les joies et les plaisirs du foyer paternel. Aussi, dans la branche des Pères comme dans celle des Frères, l'esprit Mariste est-il un esprit qui doit revêtir tous les caractères de la famille par sa simplicité, son laisser-aller et par un cordial attachement. Il faut, dit le Vénéré Père dans son testament spirituel, qu'on puisse dire d'eux ce que l'on disait des premiers chrétiens « Voyez comme ils s'aiment ! ».

6°. Le mot de « Marie », qui termine le nom de notre chère Congrégation indique un troisième esprit qui, dans la pensée de notre Vénéré Fondateur, doit être un esprit d'une piété, d'une dévotion toute filiale envers la Sainte Vierge, qui nous fasse recourir à elle, avec la simplicité d'un enfant, dans tous nos besoins spirituels et corporels, et porte chacun de ses membres à propager son culte, à la faire aimer, honorer et respecter de tous, et particulièrement des enfants qui leur sont confiés. Cette dévotion ne doit pas se borner là pour les membres de la Congrégation; ils doivent de plus, dit le Vénéré Père, s'efforcer d'imiter ses vertus, et particulièrement son humilité, dont la Congrégation doit porter visiblement le sceau. Mais pour bien connaître quelle a été la dévotion du Vénéré Père envers cette bonne Mère, et quelle doit être celle d'un Petit Frère de Marie, je renvoie le lecteur à la deuxième partie des Règles communes qui traite de cette dévotion. Dans ce solide, riche et magnifique chapitre, il y verra cette dévotion en action dans le Père Champagnat, car, ce qu'il y est dit, il le pratiquait lui-même, comme j'en ai été, et tant d'autres, un témoin oculaire. [223]


§ 4. Merveilleux développement de la Congrégation


1°. Comme la Sainte Eglise, la Congrégation du Père Champagnat, avons-nous dit, a eu pour premiers disciples cinq ou six jeunes gens pauvres, illettrés, et ne connaissant pas même les premiers éléments de la vie religieuse. Mais, voilà que bientôt, formés par le Vénéré Père, ou mieux, par le Saint-Esprit, dont il était le docile instrument, ils deviennent bientôt capables de catéchiser les enfants de la paroisse de Lavalla, et même les grandes personnes. Il est beau de voir ces premiers disciples du serviteur de Dieu, humbles, simples, et modestes comme lui, aller de hameau en hameau, gravir avec joie, malgré le froid, la pluie et la neige, les étroits sentiers rocailleux et boueux qui y conduisent, rassembler dans quelques granges la jeunesse du lieu et leur rompre le pain des croyances religieuses, dont leurs âmes avaient un si grand besoin, tout en leur enseignant les connaissances élémentaires que comportait leur condition.

2°. Cependant le Père Champagnat voit arriver le moment où son oeuvre va s'éteindre, faute de sujets; alors, que fait-il? Il a recours à la prière, à la mortification, il s'adresse avec ferveur à celle qu'il appelait sa « ressource ordinaire », la bienheureuse Vierge Marie, et voilà que, comme miraculeusement, une huitaine de jeunes gens arrivent au noviciat, mais hélas! presque aussi dénués de ressources et aussi dépourvus de connaissances que les premiers. N'importe, il ne se décourage pas. Bientôt, son zèle, son dévouement, sa sagesse et sa piété en font de nouveaux apôtres, qui continuent son oeuvre avec d'heureux succès. Puis, sans tarder, en arrivent qui les imitent, formés qu'ils sont de la même main, de sorte qu'en peu de temps, la maison de Lavalla est trop petite pour contenir [224] la communauté naissante. Il faut donc viser à l'établir sur une plus vaste échelle.

3°. La maison solitaire de l'Hermitage, avec son site pittoresque, va être le second berceau de l'Institut, comme celui de Lavalla en a été le premier. Mais, ô déception, c'est à ce début brillant de prospérité, dont le Père Champagnat était l'âme et le soutien, que la mort vient le ravir à sa chère Congrégation. Plusieurs, à ce coup mortel, croient qu'il en sera bientôt fait de cette oeuvre, dont l'aurore présageait un si heureux avenir, et ils pensent qu'après avoir végété quelque temps, elle finira par s’évanouir entièrement. C'est bien là le calcul de la prudence humaine, mais Dieu n'a pas dit son dernier mot. Eh bien! c'est justement à cette époque qu'elle rompt les liens qui semblaient encore l'emmailloter. Dans le Centre, le Midi et le Nord de la France s'élèvent comme par enchantement de nombreux établissements, qui en préparent d'autres plus nombreux encore. Le Vénéré Père avait dit pendant sa vie et répété sur son lit de mort: « La Congrégation est l’œuvre de Dieu et non la mienne; je n'ai aucun doute qu'après ma mort elle ne fasse encore plus de progrès que pendant ma vie. » Il prophétisait vrai. Sous son successeur immédiat, les vocations deviennent plus nombreuses, les fondations se multiplient, de sorte que l'Hermitage, ce grand reliquaire du Père Champagnat, comme l'appelait le Frère François, le premier général, n'est plus une maison ni assez spacieuse, ni assez convenable pour être le centre de l'Institut. Il est nécessaire d'en construire une plus vaste, et à proximité d'une grande ville, soit pour approvisionner la communauté, soit surtout pour faciliter les relations nombreuses et importantes qui augmentent chaque jour avec les autorités civiles et ecclésiastiques. Saint-Genis-Laval, canton à quelques kilomètres [225] de Lyon, est désigné pour être le lieu où va figurer la nouvelle Maison-Mère de la Congrégation, dont l'Hermitage n'est plus qu'une succursale, précieuse à tous égards.

4°. Là, elle continue à s'étendre, à se développer et à s'affermir sur des bases solides, qui semblent lui permettre une durée permanente. C'est cependant à l'Hermitage que les Règles qu'avait ébauchées le Père Champagnat sont revues et sanctionnées par le premier Chapitre Général, et comme sous les yeux du pieux Fondateur, puisque là se trouvent ses restes vénérés. Peu après sa mort, la reconnaissance légale de l'Institut, pour laquelle il avait usé ses dernières forces, est réalisée dans les meilleures conditions possibles. Puis, toujours sous son successeur, le Frère François, a lieu l'approbation de la Congrégation par le Saint-Siège, avec la faculté d'élire canoniquement un supérieur général et de faire les vœux simples de religion.

5°. A partir de cette grande faveur, l'Institut prend un nouvel essor. Des divers noviciats de France et d'Angleterre partent des Petits Frères de Marie, qui vont porter la bonne nouvelle dans les îles lointaines de l'Océanie. Plus tard, l'Afrique voit aussi arriver sous son brûlant climat les disciples du Vénéré Père; et tout dernièrement le Canada vient encore de les voir s'établir sur son territoire. N'est-il pas évident que Dieu a béni et continue à bénir l’œuvre du Père Champagnat, et que, par conséquent, il était un homme selon son cœur et son élu pour fonder cette oeuvre.

6°. Mais on dira, il n'y a rien de bien merveilleux dans le développement de cette oeuvre, c'est l'effet des moyens puissants qui ont été employés pour arriver à un si rapide développement. Et, cela [226] étant, il n'y aurait là que du naturel, et prouverait tout au plus que le Père Champagnat était un homme de talent et de savoir-faire. Du reste, ne voit-on pas tous les jours des industriels intelligents réaliser, en peu de temps, de grandes entreprises sans beaucoup de fonds, parce qu'ils savent profiter de certaines circonstances que leur habileté sait mettre à profit pour étendre rapidement leur négoce. C'est vrai, mais il n'est rien de tout cela dans l’œuvre du Père Champagnat et voilà en quoi se trouve le merveilleux, ou plutôt un véritable miracle qui atteste l'héroïsme des vertus du Vénéré Père.

7°. D'après tout ce que nous avons dit dans cet abrégé de sa vie, sur la fondation de sa Congrégation, n'est-ce pas une espèce de prodige de voir l'état prospère de la Congrégation aujourd'hui, malgré sa pauvreté primitive causée par le peu de ressources du Vénéré Père, et surtout à raison des persécutions continuelles qui lui ont été suscitées de toutes parts pour l'empêcher de l'asseoir définitivement? D'abord, comme le vénérable curé d'Ars, il n'avait naturellement que des talents médiocres d'érudition, ainsi qu'on l'a vu dans le début de ses études. D'autre part, comme il le disait lui-même, son coffre-fort était la Providence, et la Providence seule. Mais quels ont donc été ses moyens de réussite? La prière, la mortification, une profonde humilité, et surtout son recours à Marie. Ajoutez-y encore les croix, les contrariétés, les vexations, les injures, les moqueries etc. De la part de qui? De ses ennemis, sans doute; plus que cela, de la part même, osons le dire (car Dieu lui a ménagé cette cruelle épreuve) de la part de ses amis les plus chers et de ceux qui devaient lui prêter leur concours.

8°. Point de ressources pécuniaires pour commencer son oeuvre: c'est son modeste traitement [227] de vicaire qui est sacrifié. Il faut que de ses propres mains, il bâtisse, aidé de ses premiers disciples, l'humble maison qui va servir de premier berceau à sa Congrégation, tout en les initiant aux principes de la vie religieuse et aux éléments des connaissances qu'ils vont bientôt enseigner. Et remarquez que c'est sur le temps destiné au travail, qui sert à peine à leur fournir le strict nécessaire, qu'il devra dérober quelques instants pour les instruire.

9°. A l'Hermitage, même pauvreté. Il faut qu'il emprunte, non seulement pour acheter l'emplacement de la maison, mais encore pour la faire construire, car quels fonds a-t-il par-devers lui? Quelques modiques sommes que gagnent à la sueur de leurs fronts cinq on six Frères qui, pour une raison ou une autre, ne pouvant être employés aux classes, tissent quelques pièces de toile pour les gens du dehors, ou, si vous le voulez encore, les petites économies des Frères directeurs des établissements, fruits de dures privations, que leur piété filiale leur fait supporter courageusement afin de venir en aide à leur bon Père. Mais, au milieu de besoins si urgents, le Vénéré Père n'abandonne pas son oeuvre; au contraire, sa confiance semble croître en proportion même de sa détresse. Et lorsqu'on le blâme de son peu de prudence et de sa témérité à continuer un projet qui est au-dessus de ses forces, il n'a dans le fond d'autre réponse que celle des croisés: Dieu le veut, et cela me suffit. Même il a pu dire, et ce sont ses propres paroles: « Jamais le nécessaire n'a manqué à ma communauté, soit pour la nourriture, le vêtement, et le logement, lorsqu'elle s'est trouvée dans le besoin. »



10°. Lorsque le gouvernement, par des lois inattendues, lui suscite des embarras de tous genres [228] qui semblent devoir anéantir son oeuvre, il n'est aucunement ébranlé: il va de l'avant, et il va encore. Par la prière, la mortification, le recours à Marie, ses armes défensives, il triomphe de tout. Les difficultés s'évanouissent, les affaires s'arrangent au mieux, les secours arrivent à point nommé. Et son oeuvre, semblable d'abord à un petit ruisseau, devient peu à peu une grande rivière qui, grossissant toujours de plus en plus, va porter de toutes parts les eaux salutaires et bienfaisantes de notre sainte religion dans le vaste champ de la Sainte Eglise, et cela, malgré les efforts que fait l'enfer pour en tarir la source et en arrêter le cours. N'est-ce pas là un éclatant miracle?
§ 5. Bien que la Congrégation réalise dans la Sainte Eglise
1°. Mais quel bien fait la Congrégation dans le champ étendu de la Sainte Eglise? Ce bien, dans le siècle où nous vivons, est incalculable. Des milliers d'enfants qui fréquentent nos écoles tenues par les disciples du Père Champagnat, reçoivent avec toutes les connaissances humaines qu'exigent leur état et leur condition, celle, la plus importante de toutes, je veux dire celle de la religion dans toute sa pureté native, c'est-à-dire celle qu'ont enseignée les apôtres, les conciles et les décisions des Souverains Pontifes. De plus, ils sont formés avec le plus grand soin aux pratiques de la religion catholique, et surtout, ils sont préparés avec une attention spéciale à cet acte solennel de la vie qui décide généralement du bonheur ou du malheur éternel: je veux dire la première communion, ce jour heureux qu'on ne se rappelle jamais sans attendrissement, et que l'illustre Exilé de Sainte-Hélène [229] appelait le plus beau jour de sa vie. Mais, ce n'est pas seulement la science religieuse et les sciences humaines que la jeunesse puise si avantageusement dans les écoles dirigées par les Petits Frères de Marie. Il faut savoir que le Vénéré Père leur enjoint dans ses Règles, et de la manière la plus formelle, de donner à leurs élèves une éducation chrétienne, en éclairant leur esprit par les lumières de la foi, et principalement en formant leur cœur à la vertu, par leurs exemples et leurs paroles, en les corrigeant de leurs défauts et en leur apprenant à maîtriser leurs passions naissantes, de manière à en faire de bons chrétiens et d'honnêtes citoyens. Pour arriver à ce but, ils doivent, d'après les règlements du Vénéré Père, tout sacrifier: leur temps, leur santé, leur vie même car, nous répétait-il souvent: « Dieu, avant tout, a fondé cette Congrégation pour faire des saints, et au grand jour des justices, chacun passera sur la sellette avant ses élèves et répondra de leur âme s'ils se sont perdus par sa faute... Et moi, mes Frères, ajoutait-il avec émotion, j'y passerai avant vous tous pour rendre compte du salut ou de la perte de tous les membres de la Congrégation. » Oh! quel bien ne fait pas un Frère lorsqu'il est aiguillonné par cette pensée et rempli d'un zèle ardent pour faire connaître aimer et servir Dieu, Jésus-Christ et sa Sainte Mère! Que d'innombrables péchés il fait éviter! Que de proies il arrache à l'enfer et de combien de prédestinés il peuple le ciel !

2°. Maintenant, qu'on me permette une réflexion. Ne dirait-on pas que Dieu, dans sa miséricorde, a inspiré au Père Champagnat la fondation de la Congrégation particulièrement pour le temps où nous vivons. Car, a-t-on jamais vu la jeunesse exposée à de si grands dangers pour l'affaire capitale du salut? Que sont, en effet, des écoles sans [230] Dieu qui s'élèvent de toutes parts74, sinon l'apprentissage du libertinage le plus effréné, de la plus audacieuse insubordination et des crimes les plus énormes? L'homme portant, par le fait même de son origine, la semence de tous les vices, que deviendra la jeunesse imbue de toutes sortes de mauvaises doctrines, sollicitée au mal par des exemples plus mauvais encore, excitée par les plus honteuses concupiscences? Que deviendra-t-elle au sortir de ces écoles athées où l'on enseigne, il est vrai, une certaine morale décorée du nom de civique, mais qui n'est au fond qu'une immoralité déguisée et toute païenne? Qui les soutiendra, ces pauvres jeunes gens, dans les combats qu'ils auront à livrer contre eux-mêmes pour pratiquer cette prétendue morale civique, n'ayant ni la vérité évangélique pour les guider, ni la grâce pour se vaincre, surtout lorsqu'un monde pervers leur présentera cette coupe enchantée des plaisirs qui renferme les plus mortels poisons? Hélas! les feuilles publiques nous font déjà trop connaître l'avant-garde de cette génération ignoble et féroce que nous préparent les écoles publiques d'un gouvernement qui a banni Dieu de son enseignement et enlevé brutalement des regards de la jeunesse le signe sacré qui a civilisé les peuples les plus barbares. Voilà contre qui la Congrégation du Père Champagnat est appelée à lutter. La tâche est rude, mais ses disciples ne se déconcertent pas. Continuellement sur la brèche, on les voit partout où ils sont appelés, armés, à l'exemple du Vénéré Père, de la prière, du zèle et du recours à Marie, combattre comme de vaillants soldats et soustraire malgré des concurrents audacieux [231] avantagés, soutenus et salariés jusqu'au ridicule par des autorités souvent impies et voltairiennes, soustraire, dis-je, à d'imminents dangers une masse d'enfants qui fréquentent leurs écoles. Evidemment, l’œuvre du Père Champagnat réalise un bien immense dans l'Eglise en lui conservant tout ce qu'elle a de plus sacré: l'« Enfance », que le bon Maître chérissait d'un amour de prédilection et qui appelait à lui les petits enfants par ces tendres et paternelles paroles: « Laissez venir à moi les petits enfants, ne les empêchez pas, car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »

3°. Mais ce n'est pas seulement (par)75 le bien que fait la Congrégation en faveur des 80.820 enfants qui reçoivent aujourd'hui (1886) le bienfait de l'instruction et de l'éducation chrétienne qui leur sont donnés par le zèle et le dévouement des Petits Frères de Marie, il est un bien d'un ordre supérieur qui résulte de l’œuvre du Vénéré Père, celui de retirer du monde 4007 jeunes gens, savoir 3172 Frères, 209 postulants et 626 juvénistes qui, pour la plupart, y auraient fait un triste naufrage, et qui combattent, ou se préparent à combattre contre satan et ses suppôts, et travaillent efficacement par les moyens les plus sûrs à assurer leur salut. Oh! quel beau spectacle de voir 3172 Frères, revêtus des livrées de Marie, lutter avec un courage vraiment héroïque contre eux-mêmes, faire une guerre à outrance aux mauvais instincts de la nature corrompue, fréquenter plusieurs fois par semaine les sacrements, se soumettre volontairement à une règle qui détermine le programme de la journée, fixe le temps de leur sommeil, de leur ordinaire, soit [232] pour la quantité, soit pour la qualité, et les oblige à se laisser conduire en tout par leurs supérieurs comme de petits enfants, sacrifiant ainsi leur liberté avec toutes les joies de la famille; et tout cela il est vrai, dans le but de se sauver, mais aussi pour peupler le ciel de prédestinés, en apprenant à près de 90.000 enfants, et par leurs exemples et par leurs paroles, le chemin du vrai bonheur, que ne sauraient leur indiquer les écoles sans Dieu. Et ce grand nombre d'éducateurs religieux et de leurs élèves, combien il serait encore plus élevé si les persécutions des méchants ne venaient continuellement entraver, par tous les moyens possibles, la marche de l’œuvre admirable du Père Champagnat.

4°. Et ces postulants qui arrivent du monde, où ils étaient menacés d'imminents périls pour leur salut et où peut-être déjà des orages funestes ont fait subir à leurs âmes des avaries plus ou moins considérables, n'est-ce pas une consolation et une joie pour la Sainte Eglise de les voir, dirigés par des maîtres habiles, réprimer leurs passions, corriger leur caractère, vaincre leurs mauvaises habitudes, devenir, après avoir été jetés pendant quelque temps dans ce creuset qu'on appelle le noviciat, de véritables apôtres de Jésus-Christ!



5°. Quel ravissant spectacle ne présentent pas encore ces jeunes novices futurs qui, après avoir reçu le Dieu Eucharistie pour la première fois, abandonnent leurs familles au moment même où ils en sont le plus chéris, pour se consacrer au Seigneur en essayant les commencements de la vie religieuse, où souvent des circonstances providentielles les ont amenés! Oh! qu'il est édifiant de les voir toutes les quinzaines s'approcher du divin banquet avec une piété et une modestie tout angéliques! Que de fois mes yeux se sont mouillés de larmes en les [233] entendant chanter, d'une voix aussi sentimentale qu'harmonieuse, leurs cantiques d'action de grâces! Et, puis, quelle soumission envers leurs maîtres! Quelle affabilité dans leurs manières! quel front pur et candide! quel visage serein et content! Quelle dissemblance avec leurs compagnons qu'ils ont laissés dans le monde, et qui, déjà pour la plupart, sont initiés dans toutes les voies du mal. Voilà la jeune pépinière de sujets qui garantit un riche avenir à la Congrégation, tout en réjouissant le cœur de la Sainte Eglise. On voit bien là, dans l’œuvre des juvénats, la réalisation de la promesse du Père Champagnat, qui avait dit plusieurs fois dans sa vie et répété à l'heure de la mort que la Congrégation était l’œuvre de Dieu, et qu'à point nommé lui viendraient d'abondants secours, lorsqu'il semblerait qu'elle va perdre ses moyens d'existence. Je ne doute pas que c'est lui qui a inspiré à ses successeurs l’œuvre des juvénats, que déjà il avait admis en principe pendant sa vie en recevant dans le noviciat, j'en sais quelque chose, des jeunes gens qui n'étaient encore que des enfants. Oh, quelle sera magnifique la triple couronne de notre Fondateur, enfants, juvénistes, et Frères, qui, pendant toute l'éternité, se réjouiront d'avoir fait partie de sa Congrégation, et plusieurs dans un âge où ils avaient encore la blanche robe de leur innocence! Voilà bien faiblement le bien que fait dans l'Eglise la Congrégation du Père Champagnat. Or, je demande, ne suppose-t-elle pas dans celui qui l'a établie un homme selon le cœur de Dieu, c'est-à-dire un saint, mais un saint toutefois dont les vertus ont été cachées sous le voile de la plus profonde humilité? [234]
§ 6. Mon opinion personnelle sur la durée de la Congrégation


1°. Cette opinion personnelle est que la durée de notre Institut verra la fin des siècles et, par conséquent, qu'il et destiné à combattre l'Antéchrist. Voici mes rasons. La fin du inonde, d'après plusieurs savants docteurs et même plusieurs textes de nos saints livre, ne paraît plus très éloignée.

Et dans ces derniers temps, ne voyons-nous pas déjà poindre l'aurore de ces jours précurseurs de la grande persécution ? il semble aussi que Dieu verse finalement le derniers trésors de ses miséricordes sur le monde, savoir: le Sacré Cœur de Jésus, la Vierge Immaculée et le culte de St Joseph, son divin époux. Qu'a-t-il de plus à donner à la terre? Aussi est-ce une croyance générale que Dieu a réservé ces trois grandes faveurs pour la fin des temps. Je crois donc que la Société de Marie qui n'est encore qu'à son début, est l'armée que Dieu a choisie pour lutter contre l'Antéchrist au moyen de ces trois dévotions, attendu que notre Institut rend un culte particulier au Sacré-Cœur de Jésus, à l'Immaculée Conception et à Saint Joseph.

2°. Outre cette raison, voici le fait qui m'a confirmé dans cette opinion. Je crois être le seul qui en ait connaissance Un jour, un aumônier de l'Hermitage, tout brûlait du salut des infidèles, grand dévot envers la Ste Vierge, et plus tard devenu évêque, Mgr Pompallier, un jour, dis-je, comme il ne se rendait pas tu réfectoire à l'heure du dîner, le Vénéré Père envoya le Frère Stanislas pour voir s'il ne serait pas indisposé. Celui-ci frappe à la porte de sa chambre, où la clef était en dehors, mais point de réponse; il frappe plus fort, même silence. Alors, sais revenir à la charge, il ouvre et voit le Père, à genoux devant une statue de la [235] Sainte Vierge que dominait un Christ. Il avait, me disait ce Frère, une figure tout enflammée, toute rayonnante, et paraissait abîmé dans une profonde méditation. Le Frère Stanislas le contemplait dans cet état extatique, lorsque tout à coup le pieux aumônier se lève et lui dit d'une voix très accentuée: « Mon cher Frère, prions... prions, c'est la Société de Marie, -Pères et Frères, qui doit combattre contre l'Antéchrist. » Et sans en dire davantage, voyant qu'il s'était trahi, il descendit au réfectoire, en recommandant au Frère Stanislas le secret sur cette affaire. Supposé cette prédiction vraie, quelle gloire ne serait-ce pas pour le Père Champagnat d'avoir été choisi de Dieu pour être le créateur d'une des armées d'élite, dont la Vierge Immaculée doit se servir pour écraser définitivement la tête du serpent infernal, personnifié dans l'homme du péché, l'Antéchrist ! [236]




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