Maîtrise d'Histoire (1973) michele grenot



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L'HOMME DE LETTRES

L'HISTORIEN


L'étudiant et le professeur WALLON sont aussi hommes de lettres. Nous avons déjà parlé de ses travaux de jeunesse, ses thèses et son prix pour l'Institut. Sous l'Empire, WALLON agit comme les "Orléanistes" dont parle R. REMOND53,"qui restent à Paris et, rendus par l'inactivité politique à leurs chères études, consacrent leurs loisirs forcés à des recherches érudites, de savants travaux et de vastes ouvrages historiques. "

En étudiant H. WALLON universitaire, nous avons vu que sa grande motivation était la recherche historique ; recherche pour ses études personnelles, mais aussi travaux pour des professeurs (MICHELET), et, plus tard, pour la publication d'œuvres assez nombreuses. Nous n'allons pas étudier les œuvres pour elles-mêmes, ni pour en faire une analyse détaillée, mais essayer d'en dégager le fil conducteur et les motivations de WALLON dans ses sujets. Cela et les documents critiques que nous avons nous permettrons de mieux connaître notre personnage.

Député sous la lIème République, il se retire de la politique sous l'Empire. Les électeurs du Nord le rappelleront en 1871. En attendant, pendant ces 21 ans, la science et l'enseignement allaient l'occuper tout entier. Professeur à la Faculté des Lettres et, depuis 1850, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; il avait 38 ans. En 1873, il en sera le secrétaire perpétuel.

Le goût de WALLON pour la recherche ne s'applique pas seulement à l'histoire qu'il aime tout particulièrement, mais aussi à la théologie, qui lui tient tant à cœur.

En Introduction à l'étude de l'homme de Lettres, ne pouvons-nous pas dire qu'il appartient à ce type d'érudit du 19ème siècle ?

Le dictionnaire Larousse du 19ème siècle donne comme définition du mot érudit :



"Savant, instruit de ce qui a été écrit, ou de ce qui s'est fait dans les temps anciens."

WALLON s'inspire pratiquement toujours de l'antiquité qu'il a étudiée avec passion. Le dictionnaire souligne aussi l'importance qu'a prise dans le "19ème siècle l'érudition et l'estime que méritent ces esprits lumineux qui éclairent, à l'aide de l'exégèse, les points les plus obscurs de l'histoire, de la philosophie et de la religion, surtout en Allemagne, mais aussi en Angleterre, en Italie et en France. "

Avant de parler plus spécialement de chaque œuvre, œuvres qui peuvent se regrouper en deux rubriques : les œuvres historiques et les œuvres théologiques, voyons les différents jugements prêtés par ses contemporains :

"Dans ses œuvres, " dit CROISET, "WALLON aime remonter aux sources, la recherche scrupuleuse, s'effaçant volontiers pour laisser parler les documents. "

Et il ajoute : "Un souci de précision poussé à outrance."

Ce jugement sera le même plus tard pour G.HANOTAUX (Histoire de la IIIème République) ; il dit, en parlant des travaux historiques de WALLON :

"Remarquable par la solidité, sinon par l'éclat."

Dans la correspondance de REMUSAT, on peut lire au sujet de WALLON :



"Ses ouvrages ne sont qu'estimables."

Dans ses Mémoires, le duc de BROGLIE cite WALLON en ces termes : "Ce littérateur distingué. Doyen de la Faculté des Lettres. . . "

Le Larousse du 19ème siècle n'a pas plus de considération pour WALLON, homme de Lettres, que pour le WALLON professeur :

"Dans ses ouvrages, où manque totalement l'esprit critique, on chercherait vainement des vues nouvelles ou profondes. Il n'a pas fait faire aux sciences historiques un pas en avant et s'est constamment traîné dans l'ornière."

M. FALLIERES, Président du Sénat, à la mort de WALLON, dit, dans son éloge funèbre :



"Soit qu'il exalte les plus prodigieuses manifestations de la fol, soit qu'Il flétrisse les plus odieux forfaits de la violence, II ne transige ni avec la vérité, ni avec la Justice,"

FALLIERES, dans son jugement, relève les intentions humanitaires, voire même morales et religieuses, de WALLON écrivain. Nous essayerons de voir s'il a raison et, en donnant des exemples parmi ses œuvres, de saisir les intentions réelles de WALLON.

Qu'ont-elles d'''estimables, de distinguées" ? WALLON n'a-t-il jamais montré "d'esprit critique, exprimé de vues nouvelles ou profondes"? Comment le situer par rapport aux sciences historiques ? S'est-il "traîné dans l'ornière" ? Nous essayerons de nuancer ces jugements.

Voyons d'abord les Œuvres Historiques. Quoique celles-ci aient quelquefois une intention religieuse, elles ne peuvent être appelées "théologiques".

Nous avons déjà parlé, par exemple, de la thèse du Droit d'Asyle de WALLON ; PERROT, dans sa biographie, dit à ce sujet :

"Les préoccupations religieuses s'accusent : il oppose au vague des théologies et des philosophes de l'antiquité les certitudes qu'apporte l'Evangile."

Et pour "Jeanne d'Arc", PERROT dit :



"De sévères critiques regrettent d'y trouver plutôt les allures de l'hagiographie que le ton de l'histoire."

Pour son "Histoire de Saint Louis", il lui sera fait reproche de parler de Saint Louis comme Saint et non comme Roi. WALLON historien doit subir les mêmes critiques que WALLON universitaire pour son catholicisme. MICHELET lui-même trouve qu'il insiste sur la sainte avant la patriote, pour Jeanne d'Arc.


WALLON motivé par certains événements


Le 28 juin 1851, WALLON perd sa femme et reste seul avec six enfants (il se remariera et aura de sa seconde femme, Pauline BOULAN, trois autres enfants). Il cherche dans l'étude des livres sacrés le soutien moral de son affliction. C'est à ce moment-là que WALLON écrit, pendant environ une dizaine d'années, des œuvres théologiques :

  • la Sainte Bible, résumée dans son histoire et dans ses enseignements ; 1ère édition, 1854, pour l'Ancien Testament.

  • les Saints Evangiles, traduction tirée de Bossuet avec des réflexions prises du même auteur. 1ère édition, 1853.

  • de la Croyance due à l'Evangile : examen critique de l'authenticité des textes et de la vérité des textes évangéliques. 1ère édition, 1858.

Autre exemple : le contexte historique cette fois-ci inspire à WALLON plusieurs livres : c'est celui de la Terreur, de la Commune. Il lui rappelle 1792, le Tribunal Révolutionnaire et la Journée du 10 août. Analogie avec la Révolution de 1789 et œuvre contre la violence.

Nous avons donc regroupé les œuvres de WALLON en quatre groupes :



  • Ses œuvres de jeunesse déterminantes pour sa carrière" avant l'Empire.

  • Sous l'Empire :

  1. ses œuvres théologiques,

  2. ses œuvres historiques : grandes figures populaires du Moyen-Age : Saint Louis Jeanne d'Arc

  • Ses œuvres postérieures à la Commune, qui ont pour thème la Révolution.

Ses œuvres de jeunesse : motivations sociales.


De 1837 à 1847, ces dix années furent remplies par la préparation d'une Histoire de l'Esclavage de l'Antiquité. Ceci en trois étapes :

  1. Pour le concours de l'Institut, WALLON travaille avec YANOWSKI. Le résultat n'est pas satisfaisant d'après WALLON car c'était l'œuvre de quelques mois. Il en obtint néanmoins le prix académique (1839).

  2. Il retravaille le sujet et publie, en 1847, l'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité.

  3. Les trois volumes de l'ouvrage venaient de sortir des presses de l'Imprimerie Royale quand, au cours de la même année 1847, il jugea opportun et nécessaire d'en préciser la portée pour l'actualité, dans une introduction publiée à part dans une brochure :"De l'Esclavage dans les Colonies."

L'ouvrage de WALLON sur l'Antiquité montre les bienfaits de son abolition ; son intention n'est pas seulement d'ordre historique, mais aussi d'ordre humanitaire : comme LAMARTINE qui vient d'écrire et va publier trois ans après son "Toussaint Louverture", il est partisan résolu de l'émancipation.des esclavages dans les colonies.

L'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité est dédiée en ces termes au duc de BROGLIE :



"Au sage défenseur des droits de l'homme à la liberté."

WALLON dit : l'esclavage est un crime de "lèse-humanité" et la conclusion de son livre est celle-ci :



"II n'y a, " dit-il, "qu'un seul moyen de faire cesser les abus de l'esclavage, c'est de l'abolir."

L'intention de WALLON n'est-elle pas de développer l'idée que l'Eglise a joué un rôle humanitaire, dans l'histoire, pour dénoncer les abus de cet état contre nature, et c'est en chrétien qu'il en réclame l'abolition. La revue agricole et littéraire du "Courrier du Nord" résume l'œuvre de son compatriote en ces termes :



"Moïse, après avoir limité la durée de l'esclavage pour le Juif, abolit un droit antérieur dont l'inhumanité révoltait sa paternelle bonté, il punit de plus le maître qui a tué son esclave, il garantit enfin ce dernier contre l'outrage et l'odieuse mutilation inventés par le despotisme oriental. On est heureux alors de trouver aux mains si sûres de M. WALLON le flambeau de la science et l'on éprouve une sorte de joie confiante à se laisser guider aux clartés qu'il prodigue. En Orient, comme en Grèce, à Athènes comme à Rome, l'esclavage fut une usurpation du droit naturel commise par les vices de l'homme, un outrage permanent à la divinité ; l'auteur le démontre par la philosophie et par l'histoire. "

L'intérêt que WALLON porte à cette question de l'esclavage lui valut d'entrer en relation avec Victor SCHŒLCHER, l'apôtre de l'abolition de l'esclavage, très populaire alors par ses publications, sa propagande active et ses voyages relatifs à l'émancipation des noirs. WALLON attribuait la plus grande part d'influences au christianisme ; il travaillait à démontrer que c'est à celui-ci qu'on doit la fin de l'esclavage.

"SCHŒLCHER, qui n'est point catholique, qui n'est pas même déiste, ne pouvait guère s'entendre sur ce point avec M.WALLON", nous dit CLARETIE dans son portrait des hommes de la IIIème République.

Et celui-ci, journaliste démocrate qui écrit dans le "Rappel", continue :



"Mais il est un terrain commun où se rencontrent sans peine les hommes de cœur, c'est celui de l'humanité, du dévouement au droit et de la charité. "

Cet ouvrage a valu à WALLON des reproches virulents d'un de ses amis de l'Ecole Normale Supérieure, Ernest HAVET54. Celui-ci traite WALLON de "dévot" pour avoir insinué que VOLTAIRE était antiesclavagiste. En fait, WALLON dit ceci dans son livre, à propos de l'esclavage :



"Cet usage, longtemps jugé innocent, que VOLTAIRE qualifiait de bonne action, a été déclaré crime."

Et WALLON répond à son ami :



"Je ne doute pas qu'il soit libéral (en parlant de VOLTAIRE), je n'en ai pas moins le droit de lui reprocher un mot, qui est toujours un fort mauvais jeu de mot sous tous les rapports, et plus la parole avait d'autorité, plus il avait le devoir d'en contrôler l'usage... "

HAVET et WALLON échangèrent trois lettres à ce sujet. Le ton de HAVET n'est pas toujours très aimable pour WALLON, à en croire ce qu'il en dit :



"Je ne relève pas dans ton billet les reproches de mauvaise foi, de déloyauté, de méchanceté, de malhonnêteté qui y fourmillent. "

Cette petite querelle mise à part, les critiques des contemporains de WALLON sont pour la plupart très élogieuses quant à cette œuvre :



  • pour les libéraux, par cet ouvrage, WALLON faisait en quelque sorte cause commune avec eux pour la défense de la liberté ;

  • pour les historiens : a-t-il fait progresser les sciences historiques ? CROISET nous répond, dans son Mémoire pour l'Ecole Normale Supérieure en 1905 :

"Cette œuvre a vieilli assurément, comme il arrive à toutes les œuvres de science, et les inscriptions grecques, en particulier, nous ont appris sur l'esclavage antique bien des choses qu'on ne pouvait savoir il y a 60 ans. "

Les retours aux sources, s'ils paraissent fastidieux aujourd'hui, CROISET reconnaît que "ce travail était une découverte à l'époque, et non dénué d'intérêt. "

Comment le public a-t-il accueilli cette œuvre ? PERROT livre pour nous ses souvenirs :

"Cet ouvrage provoque des colères dont profite l'écrivain."

Nous pouvons citer encore une notice sur cet ouvrage dans un extrait de la Revue Agricole et Littéraire du Courrier du Nord :



"Pas trop apprécié du public parce que ce progrès social n'avait pas encore cheminé dans les esprits."

On pourrait croire le contraire pour le Nord, région où les fabricants de sucre, très influents, sont antiesclavagistes, mais la raison en est économique. L'article du Courrier du Nord indique bien l'état d'esprit réel d'une grande partie de la population :



"Que dire des conclusions pratiques et applicables à l'esclavage moderne que M.WALLON a déposées dans son introduction ? Pour être conséquent avec le savant plaidoyer dont nous venons d'essayer de donner une faible idée, l'historien n'a-t-il pas dû proclamer la nécessité de l'abolition immédiate de l'esclavage dans les colonies ? Sans doute, la logique le commandait, mais n'a-t-il pas négligé les sages lenteurs de la prudence ? "

WALLON jugé trop d'avant-garde, manquant de prudence ? Ce sera la seule fois qu'on le lui reprochera. Toutes ces affirmations ou démarches seront préparées avec la précaution et la prudence d'arriver au bon moment pour ne pas "choquer".

Une lettre de WALLON à DUPANLOUP55 du 21 avril 1862, bien plus tard donc, révèle combien WALLON se préoccupe de la mise en application des principes qu'il développe dans ce livre, et pour cela, il compte justement sur le cheminement de ceux-ci dans les esprits, et notamment dans ceux du clergé de France et surtout d'Amérique. Quant à Monseigneur DUPANLOUP, il fut un grand soutien ; la lutte contre l'esclavage est une de leurs idées libérales communes :

"Je vous remercie de l'envoi de la belle lettre sur l'esclavage que Votre Grandeur vient d'adresser au clergé de son diocèse, écrit WALLON. "Cette lettre ne se renfermera pas dans la limite de votre diocèse et en montrant, avec l'autorité qui vous appartient, quel est, sur cette grave question, l'esprit évangélique et l'esprit de l'Eglise, elle entraînera les membres du clergé américain à concourir plus efficacement au but où vous aspirez dans la prière jointe à cette lettre pour en servir de conclusion. "

L'intention de WALLON, dans ce livre, est bien une prise de position politique et sociale et, comme dit PERROT :



"Cet ouvrage prépare la réforme effective de 1848."

WALLON rappellera lui-même, à la tribune de l'Assemblée, dans un discours d'avril 1873 :



"L'honneur du 19ème siècle sera d'avoir aboli l'esclavage. D'abord l'Angleterre, puis la France, l'Amérique, etc."

Non seulement WALLON participera au décret d'abolition d'avril 1848, mais il se préoccupe aussi de l'application de celui-ci. Comme dans l'Antiquité, pense-t-il, l'Eglise a un rôle à jouer.

Dans ce but, il est membre de la Société antiesclavagiste de France, écrit dans sa revue trimestrielle, et dans le numéro de juin 1902 - alors président de cette Société - il fait un rapport de l'Assemblée Générale. L'Assemblée Générale, réunie dans la grande salle du Cercle catholique du Luxembourg, à peine suffisante pour contenir l'affluence considérable, le Président prend la parole pour porter le deuil du grand désastre : l'éruption volcanique qui engloutit Saint-Pierre (Martinique) et la statue de SCHŒLCHER qui s'y trouvait :

"Les sympathies de la France pour la liberté des Noirs ne pouvaient pas s'arrêter à la simple exécution du décret du 27 avril 1848", dit M. WALLON. "Ce qu'on n'avait plus à faire dans nos anciennes colonies, il y avait à le poursuivre dans le vaste continent d'où elles avaient jadis tiré leurs esclaves. Pas plus en France qu'en Angleterre, on n'avait désarmé. Aux Victor de BROGLIE, aux de TOCQUEVILLE, aux Hippolyte PASSY, avaient succédé les LABOULAYE, les KELLER, les Augustin COCHIN. Mais il fallait plus que des efforts individuels pour aboutir, il fallait une association. Ce fut l'œuvre du Cardinal LAVIGERIE. Il la prêcha, non seulement en France, mais dans les pays voisins ; il lui suscita des ouvriers sur les lieux mêmes en instituant la congrégation des Pères Blancs."

La ville qui s'appelle aujourd'hui BOUAKE en Côte d'Ivoire fut baptisée à ce moment-là WALLONVILLE, sans doute par les missionnaires, en hommage au rôle de WALLON dans l'abolition de l'esclavage. Ce rôle humanitaire de WALLON ne lui fut pas contesté par les libéraux du 19ème siècle qui reconnaissent même dans son livre, "L'Histoire de l'Esclavage de l'Antiquité", la valeur sociale, en dépit de la forme littéraire trop chargée, trop "érudite", et du caractère "trop chrétien" de l'œuvre (ce sont pratiquement toujours les deux principaux reproches adressés à WALLON en tant qu'homme de Lettres et historien).

Le Larousse du 19ème siècle écrit :

"La pensée mère de ce livre remarquable qui a exercé une heureuse influence sur la réforme du régime civil de nos colonies est celle-ci : les défenseurs intéressés de l'esclavage moderne invoquaient, à l'appui de leurs thèses sophistiquées, l'autorité des temps anciens ; or, cette autorité est précisément favorable aux idées d'affranchissement. Sans adresser à M.WALLON des critiques de détails, par exemple sur le trop grand développement donné à certaines matières (ou sur l'appareil philologique de la discussion en plusieurs chapitres), il convient de lui reprocher l'abus de l'érudition ; mais la science de l'auteur est toujours solide, son exactitude est rarement en défaut et d'ailleurs, en un si grave problème, ce qu'il importe d'examiner c'est le fond de l'ouvrage plutôt que la forme littéraire. La doctrine de WALLON :"La restauration de l'esclavage, dans les temps modernes, a été un acte de violente réaction contre l'esprit de l'Evangile, une révolte contre les tendances que le christianisme développe dans la société, un pas brusquement rétrograde. Les peuples modernes ont beaucoup à réparer. "

Le livre de M.WALLON fait la part beaucoup trop belle au christianisme qui a toujours et partout toléré l'esclavage, comme il le tolère encore dans quelques colonies espagnoles.

Cet ouvrage entraîne donc WALLON très loin : à la politique, de 1848 à 1851 (trois ans) ; mais son rôle politique ne fut pas négligeable, nous le verrons.


Les œuvres "théologiques"


Recherches sur l'Ecriture Sainte et motivations apostoliques.

Sous l'Empire, retiré de tout engagement politique, WALLON consacre de nombreuses années à la réflexion, dans un premier temps, il fait œuvre, pour ainsi dire, de théologien.

Recherche sur l'Ecriture Sainte : la foi fut chez lui approfondie, puisée aux premières sources, celles des Saintes Ecritures et en particulier de l'Evangile dont il fut plus tard le traducteur, le commentateur, à l'école des grands maîtres de la doctrine, tels que BOSSUET, dont il s'impose la lecture de tous les ouvrages.

Fondement des œuvres théologiques de WALLON : la Bible et les Evangiles :

Dans une lettre de WALLON à son père du 23 mai 1838, celui-ci parle des textes sacrés en ces termes :

"Lisez l'Evangile en recherchant surtout le caractère moral, ces signes divers de bonté et de simplicité qui l'entourent. . . II est facile de faire de la morale après l'Evangile, mais grandir ces deux caractères, c'est ce qui n'a été réservé à aucun autre livre.

La Providence a bien voulu que la morale se répandit sous toutes ses formes, par tous les canaux, pour relever un peu l'humanité, mais elle leur a refusé ces deux caractères distinctifs de la vraie religion.

Je crois que vous aviez commencé la lecture de la Bible ; ce . n'est point par là qu'on doit commencer ; croyez-vous qu'un homme, qui voudrait savoir l'Histoire de France, devrait, sans autre étude préliminaire, dépouiller les cartulaires de la Bibliothèque Royale, l'une après l'autre déchiffrer ces millions de pièces des Archives ? Non, sans doute ! II faut commencer par avoir une opinion nette de l'ensemble. D'ailleurs en lisant la Bible, sans aucune préparation, on est sujet à de grosses erreurs. Il faut distinguer soigneusement ce qui est "de la loi", de ce qui est "de l'histoire", car c'est là une des choses qui prouvent, irrécusablement à tout esprit attentif, la divinité de la Bible, c'est que la loi la plus pure et la plus humaine a paru chez le peuple le plus sensuel et le plus atroce. La Bible, qui est en partie l'histoire, raconte ces faits avec sa haute et rigoureuse vérité ! Quand à chaque instant, elle s'élève contre cette conduite, quand elle montre le châtiment des Juifs, on est sous l'influence d'une horrible équivoque et on le voit perpétuer par ceux qui intitulent l'histoire des Juifs : l'Histoire Sainte ! Vous êtes, mon cher Papa, avouez-le, de ceux qui disent : "Donc, on nous donne pour saint tout ce qui est raconté ! " Ouvrez les yeux. . .Est-ce raisonnable ?"

Devant cette œuvre de théologien, la notice de PERROT dit :



"Devant ces livres d'édification," dit-elle en bloc, "nous nous inclinons respectueusement, sans prétendre, ni critiquer ni juger. "

Cette édification fut, dans la vie de WALLON, une consolation, PERROT le sent et le dit :

"Ces livres nous aident à comprendre quelles ont été, chez notre confrère, les sources de la vie morale ; dans quelles pensées et dans quelles espérances il a trouvé le secret de supporter les épreuves . . . "

Nous avons parlé du deuil de sa femme.

Un article56 du Journal des Facultés Catholiques de Lille de 1905 critique cette notice de PERROT et, à propos de ce passage de la notice, remarque ceci :

"De cette solide reconstruction des fondements de la foi, non plus que des publications scripturaires qui la préparent ou la complètent, la notice académique se déclare Insouciante Elle n'en parle que pour s'excuser de n'en pas parler."

Et l'auteur de l'article parle de cette œuvre :



"A côté de l'œuvre proprement historique de WALLON, s'en place une autre que l'on peut et doit appeler son œuvre apologétique. Elle est considérable."

Il se souvient de l'émotion qu'il a ressentie à la lecture de l'ouvrage "De la Croyance due à l'Evangile", alors qu'il était jeune prêtre : c'est un véritable témoignage :



"Je tiens cet ouvrage comme une démonstration évangélique de tout premier ordre. La méthode en est puissante autant qu'originale. L'auteur prend pour point de départ deux écrits desquels l'authenticité demeure incontestée autant qu'incontestable : les Actes des Apôtres signés de Saint Luc, et les Epîtres de Saint Paul qui y sont dans chaque ligne. M. WALLON y retrouve, y fait voir en substance toute la doctrine et toute la vie de Jésus, telle qu'elle se déploie harmoniquement et identiquement dans les quatre évangiles. Après quoi, de l'authenticité incontestée des premiers livres, il conclut à bon droit et péremptoirement à l'authenticité incontestable des seconds. Je le déclare irréfutable ; et je me souviens avec reconnaissance combien autrefois mon esprit de jeune prêtre s'en trouva éclairé, saisi et affermi. "

De ce témoignage et de la réflexion de PERROT, nous ne pouvons conclure que cet ouvrage fut beaucoup lu ; en tout cas, il était connu et reconnu "avec respect" comme une œuvre "sérieuse", peu "facile", voire même difficile à réfuter ; tout argument avancé était vérifié dans les détails.

Une biographie valenciennoise nous indique mieux les intentions de WALLON dans cet ouvrage : lutter contre les méfaits des "sceptiques", rationalistes du siècle passé et du 19ème siècle pour le catholicisme, de défendre l'authenticité de l'Ecriture face à ces critiques .

Cette biographie nous explique la démarche de WALLON dans son livre "De la Croyance due à l'Evangile" :



"Si l'on montrait à l'égard des livres anciens ou nouveaux les exigences qu'on a pour le nouveau testament, l'histoire serait encore à faire, faute de témoins dûment constatés, et nous en serions toujours à l'époque mythologique. L'histoire est vieille pourtant, et nous laissons sans regret cette controverse pour reprendre les études que nous lui avons consacrées ; mais, en vérité, quand on a parcouru le cercle entier de cette discussion, on devient si difficile en matières de preuves qu'on serait tenté de ne plus croire à rien qu'à l'Evangile.

Et la conclusion de WALLON dans cet ouvrage est le résultat de toute "cette discussion".

L'article du Journal des Facultés Catholiques de Lille continue et l'auteur caractérise ensuite "Les Saints Evangiles" traduits par BOSSUET de "laborieuse compilation de l'œuvre de BOSSUET".

C'est cette traduction que la plus grande librairie de Paris, la maison Hachette, adoptera pour produire, à l'Exposition Universelle de 1867, "un chef d'œuvre de typographie, illustré de gravures de BIDA (l volume in folio)".57 Ce choix peut être un hommage à la qualité de la traduction. D'autant plus que cette exposition, que le journal "L'Univers" qualifiait "d'exposition sans Dieu", faisait surtout honneur aux manuels scolaires.

D'après une biographie valenciennoise, nous apprenons ceci, au sujet des "Saints Evangiles" :



"BOSSUET, dans ses nombreux écrits, a traduit à peu près toute la Bible, en la citant ; M. WALLON a réuni tous ces fragments épars et en a composé un ouvrage précieux à plus d'un titre. Il a dû y mettre un peu du sien. Ses additions s'y trouvent entre crochets. "

Nous savons, d'après la correspondance DUPANLOUP-WALLON58 que WALLON envoyait toujours à DUPANLOUP ses œuvres pour avoir le jugement de cet éminent membre du clergé qu'il estimait. N'avaient-ils pas les mêmes opinions religieuses (sinon politiques) et une bonne appréciation de DUPANLOUP était pour WALLON signe qu'il était dans la bonne voie.

Dans une lettre du 20 juillet 1857, WALLON écrit à DUPANLOUP :

"Je suis heureux d'obtenir de Votre Grandeur cette expression publique de l'estime qu'elle a bien voulu témoigner à ce travail."

Et même DUPANLOUP demande des explications à WALLON : la traduction de BOSSUET des Evangiles était contestée, et, dans une lettre du 28 février 1866, WALLON répond à une demande de Monseigneur au sujet de l'authenticité des traductions de BOSSUET :



"Certains disent que ce sont les éditeurs de qui ont traduit et que BOSSUET ne citait l'Evangile qu'en latin, ce n'est vrai que pour certains passages.. "

Motivation apostolique :

Nous avons parlé de la portée "sociale" de son livre sur l'esclavage, une lettre à DUPANLOUP de 1864 indique pour ces ouvrages une intention que l'on pourrait nommer "apostolique" :

"Si par là je pouvais ramener plus de personnes à la lecture réfléchie de nos saints livres, je croirais avoir fait ce qu'il y a de plus efficace à combattre les livres où l'on nous a si étrangement défiguré l'image sacrée de Notre Sauveur. "

On peut même associer l'œuvre théologique de WALLON à sa campagne pour la liberté de l'enseignement : proposer à la jeunesse des ouvrages clairs et attrayants pour qu'elle puisse trouver son idéal en toute liberté d'opinion. WALLON pense que seuls les livres irréligieux font parler d'eux. Nous pouvons citer comme ouvrages pour l'éducation de la jeunesse : "La Sainte Bible résumée dans son histoire et dans ses enseignements". En 1867, WALLON écrit à DUPANLOUP pour lui demander l'approbation de ce livre :



"où j'ai voulu, " écrit-il, "réunir dans un cadre historique les plus beaux morceaux des deux testaments et répondre aux objections tant par l'autorité des faits exposés dans leur suite et dans leurs rapports avec les prophéties que par la grandeur incomparable de cet ensemble de Livres si divers où se manifeste constamment la même inspiration."

De même pour sa "Petite Histoire Sainte", dont il envoie le manuscrit à DUPANLOUP :



"Car tout ce qui est fait en vue de l'éducation vous touche", lui écrit-il en 1869.

"Je me suis attaché encore à garder les plus beaux récits et les traits les plus touchants des Livres Saints en ne sacrifiant que les faits qui servent le moins à l'édification."

"La vie de Jésus et son nouvel historien" :

Mais, nous l'avons vu, WALLON écrit aussi pour les adultes des livres d'un haut niveau théologique pour répondre aux attaques : celles de RENAN, par exemple ; dans une lettre à DUPANLOUP de 1864, il écrit :

"J'ai toutefois voulu, après beaucoup d'autres, dire aussi ce que je pense de l'ouvrage de M.RENAN et j'ai l'honneur de vous envoyer ce petit livre qui vient de paraître, désirant qu'il ait l'agrément d'un juge aussi compétent que vous à tous les titres."

Peut-on parler de polémiques entre RENAN et WALLON ? CROISET, dans sa notice de l'Ecole Normale Supérieure, nous écrit :



"polémiques avec RENAN, très vives, mais toujours courtoises, comme il convenait entre confrères d'une même académie. "

Pour CROISET, cela représente deux siècles, deux moments de la pensée humaine qui s'opposent. Les personnes n'étaient pas en jeu.

PERROT lui-même témoigne de cette courtoisie :

"Il n'y a pas une seule violence dans cet écrit, pas une insinuation blessante, mais une discussion courtoise de part et d'autre, etc."

De même J. CLARETIE, dans ses portraits contemporains :



"Lorsque M. RENAN publia sa Vie de Jésus, M. WALLON se trouva au premier rang des critiques qui combattirent l'œuvre nouvelle du philosophe. Mais il est juste d'ajouter que sa polémique avec M. RENAN, œuvre d'exégèse, est aussi éloignée des diatribes religieuses qui accueillirent la libre étude de M. RENAN que peut l'être, je suppose, une satire de M. de LAPRADE d'une épître vadéique de M. VEUILLOT."

Et J.CLARETIE généralise même cette qualité dans cette œuvre pour toute la vie de WALLON :



"Le talent et le caractère de M.WALLON s'opposent l'un et l'autre aux violences. "

MM. LATREILLE et REMOND, dans leur Histoire du Catholicisme en France, signalent cet ouvrage critique de WALLON : après la parution de La vie de Jésus de RENAN en 1863, l'indignation des croyants éclata. WALLON participe à cette indignation :



"L'inventaire critique des réfutations de RENAN resterait à faire pour en apprécier la qualité. Certaines d'entre elles ne manquent pas de pertinence : celle d'Henri WALLON. "

A propos de pertinence, nous pouvons en donner l'exemple par la conclusion de WALLON dans son ouvrage :



".. . ne croyez pas. Monsieur (il s'adresse à RENAN), ne croyez pas vous donner avantage vis-à-vis du public en faisant de l'apostasie la condition d'une histoire sincère ; et surtout, n'annoncez pas un cinquième Evangile ! Un Evangile qui parlerait de la naissance de Jésus-Christ, pour supprimer sa divine génération et profaner la virginité de sa mère, qui exposerait ses miracles pour y montrer l'œuvre d'un charlatan ; ses prédictions pour affirmer qu'elles ont été convaincues de mensonge.., qui décrirait enfin l'agonie de Jésus pour y chercher un doute sur sa mission, et sa mort pour nier sa résurrection : ce cinquième Evangile n'aurait qu'un nom dans toutes les communions chrétiennes : "l'Evangile selon Judas ! "

Donc dans son livre, WALLON signale un danger pour les catholiques à croire RENAN ; parce qu'il prêche une religion qui dispense et de la foi et du baptême, disant au peuple :"Vous êtes des saints", et WALLON écrit en conclusion :



"Le peuple ne se laissera pas conduire par ces flatteries."

Dans un article de la "Revue du Monde catholique" de 1862, WALLON est révolté de voir que la presse, à ce moment-là (il s'agit du Journal des Débats), s'intéresse plus à RENAN qu'à l'Evangile. Il est d'autant plus révolté que ses principaux rédacteurs font profession de catholicisme. Nous avons relevé un passage de cet article :



"Les bons catholiques de l'endroit n'ont pas eu l'air de joindre à cette note un mot de réserve, M. WALLON a pensé que, si le Journal des Débats n'avait rien dit, il permettrait à d'autres de parler. Il lui a donc demandé la permission de relever les assertions de M. RENAN... On lui a fait savoir que sa lettre ne paraîtrait pas. M. WALLON s'est adressé ailleurs sans mieux réussir. "

"J'ai pu apprendre, " dit WALLON, "que, pour plusieurs journaux, il y a une chose plus sacrée que le texte de l'Evangile, c'est un article de M. RENAN. Ils tolèrent bien qu'on attaque l'un, mais pas l'autre."

La revue rappelle aussi la "savante érudition" de M. WALLON quand l'Evangile dans sa traduction est contestée.

L'Histoire du Catholicisme en France parle de cet ouvrage en termes élogieux et cite WALLON :

"La Vie de Jésus et son nouvel Historien qui relève avec précision les entorses données aux textes, et sans se dessertir d'une très ferme modération, flétrit le ton équivoque des hommages rendus par RENAN au Christ :" "II est des cas où l'effusion de la louange peut n'aboutir qu'à blesser tout le monde : c'est quand on vante ainsi Jésus en se réservant de n'y pas croire. On n'apprécie point, parmi les fidèles, ce qu'Il peut y avoir de sincérité dans ce mélange d'admiration et d'incrédibilité. On ne se figure pas que l'éloge puisse aller sans l'adoration ou le blasphème sans l'injure."

Et l'Histoire du Catholicisme en France continue en ces termes



"Si la critique catholique avait su maintenir la discussion à ce niveau, elle aurait eu assez beau jeu, mais plutôt que de prendre la peine de discuter la méthode ou les affirmations du livre, on se contenta le plus souvent, soit de flétrir le renégat, soit de déclarer l'ouvrage sans valeur : or, on pouvait dire beaucoup, sauf qu'il fût négligeable. RENAN donna à la France le premier récit fondé sur des recherches critiques."

On peut dire que WALLON, lui, réfute chaque argument et justifie sa pertinence à la différence des autres critiques de RENAN. WALLON participe, par ce livre, au début de la critique historique.


Les œuvres historiques.


Il est rare, cependant, que les œuvres de WALLON soient dépourvues de leurs intentions chrétiennes. Par exemple, à propos de "Jeanne d'Arc", M. PERROT écrit :

"La Jeanne de WALLON était un livre d'histoire, mais c'était un acte de foi. . . S'il avait choisi ce sujet, ce n'était pas seulement parce que Jeanne, "émue de la grande pitié qui était au royaume de France", a donné sa vie pour son pays, c'était parce que, dans l'héroïne du patriotisme, il voyait une sainte dont il aurait voulu hâter la canonisation : suprême honneur qui lui semblait dû par l'Eglise à la victime que la lâcheté d'un évêque avait livrée au bourreau."

Autre chose : PERROT trouve que WALLON a été bien osé de se décider à écrire une Jeanne d'Arc, en présence et en concurrence avec l'admirable récit de son maître MICHELET. L'article du Journal des Facultés Catholiques de Lille, répondant toujours aux attaques de PERROT, dit :



"La raison, la voici : c'est que, après le récit de MICHELET, un poème, il restait à faire autre chose, l'histoire ; M. WALLON l'a faite."

Connaissant sa foi religieuse et son patriotisme, il n'est pas étonnant, en fait, que WALLON se soit intéressé aux deux figures qui ont honoré tout ensemble la foi chrétienne et la France : Jeanne d'Arc et Saint Louis. Son intention n'est-elle pas de montrer que l'on peut être catholique et engagé politiquement et même que tout catholique doit accomplir ses devoirs de citoyen. Ces deux grands personnages lui serviront d'exemples pour accomplir fidèlement ces devoirs de catholique et de Français.

D'autre part, WALLON ne voulait-il pas, en parallèle à l'Histoire de Jeanne d'Arc de MICHELET, d'Henri MARTIN ou même de VOLTAIRE, sanctifier la patriote ? C'est pourquoi l'édition de 1875 lui valut un bref pontifical. Soixante cinq ans après, un journaliste de "L'Echo de Paris", André de PONCHEVILLE, prétend même, dans un article sur WALLON, le mettre en analogie avec PEGUY :



"Peu d'hommes ont cru en lui autant que WALLON. Il faut arriver jusqu'à cet autre esprit religieux, PEGUY, pour trouver pareil exemple d'une invincible foi en ses destinées. N'est-il pas remarquable que tous deux se soient attachés à cette figure de la Pucelle d'Orléans, inséparable de Dieu, inséparable du peuple français ! "

Cette intention de WALLON : insister sur la sainteté de Jeanne d'Arc, est clairement exprimée dans une lettre à DUPANLOUP où il demande à celui-ci de lui donner l'approbation et les observations de l'Académie Française quand elle décerna le prix GOBERT. Il dit à propos de son livre :



"Ouvrage sans notes, ni appendice, afin de combattre, sous une forme accessible à tous, les idées fausses qu'on veut répandre dans le peuple sur cette pauvre et sainte figure. Il est vraiment trop fort que les ennemis de l'Eglise mettent Jeanne d'Arc de leur côté. "

PERROT signale que :



"Jeanne d'Arc" de WALLON eut auprès du grand public un vif succès de lecture."

Et, même après MICHELET et H. MARTIN, la "Jeanne d'Arc" de WALLON obtint le grand prix GOBERT de l'Académie Française. Au sujet de ce prix académique, nous avons deux lettres de WALLON à GUIZOT. Il lui avait sans doute demandé son avis sur son livre "Jeanne d'Arc" et s'il avait quelque chance pour le prix. Sans doute GUIZOT lui avait répondu que s'il y était favorable, il estimait que WALLON attachait trop d'importance aux miracles, au "merveilleux" dans l'histoire de Jeanne d'Arc, en fait à la légende. Et WALLON, dans une lettre à GUIZOT d'avril 1860, s'en défend :



"Je viens de parcourir mon livre sous l'Impression des objections de détails que vous m'avez signalées, tout en me disant qu'elles ne vous avalent point frappé et Je demeure convaincu moi-même qu'elles tiennent à quelque malentendu. A propos du passage de la Loire, les eaux s'enflant miraculeusement pour faire aborder les bateaux, que raconte Jeanne d'Arc devant ses juges, je dis : l'eau, qui était basse, parut sous l'impulsion du vent, contraire au courant, s'enfler pour en rendre plus facile l'abordage... La plupart de ces traits divers du merveilleux, de fantaisie que l'on trouve généralement disséminés dans les Histoires de Jeanne d'Arc, J'ai pris soin de les séparer du récit et de les donner pour ce qu'ils sont : le travail de l'imagination populaire sur un fait dont le merveilleux était tout autre chose."

Et WALLON explique sa véritable intention en parlant de l'expulsion des Anglais :



"Là n'est pas le miracle ; ce qui est merveilleux dans cette histoire de Jeanne, c'est ce qu'elle dit elle-même quand on connaît, par toute sa vie, la fermeté de son intelligence et-. la simplicité de son cœur, et c'est pour que l'on en juge en toute vérité que nous avons retracé avec tant de détails les scènes où elle a paru."

C'est ce même reproche : "livre superstitieux", qui lui sera fait à la séance d'Académie où il fut débattu. Une lettre59 très intéressante de GUIZOT à Mme de GASPARIN raconte cette séance qui donne l'état d'esprit des académiciens à l'époque, et confirme le fait que chez WALLON le chrétien fait tort à l'historien :



Paris, 2 juin 1860 : "J'ai eu avant-hier à l'Académie Française une petite bataille que j'ai gagnée et qui m'a amusé, tant j'y ai rencontré de malice sournoise et obstinée en même temps que timide. Je proposais au nom d'une commission de donner le grand prix GOBERT à une nouvelle Histoire de Jeanne d'Arc de H. WALLON. Je me suis trouvé en face de quelques hommes d'esprit qui n'ont de goût, ni pour Jeanne d'Arc, ni pour M. WALLON ; l'héroïne est une quasi sainte, l'historien est chrétien et catholique. On a contesté mes conclusions ; on a traité le livre de superstitieux. Tout-à-coup s'est posée la question de l'ordre surnaturel dans l'histoire humaine. Je l'ai posée moi-même nettement. Alors mes adversaires ont battu en retraite, embarrassés, mais entêtés. On a été aux vois et "Jeanne d'Arc" a été couronnée par 19 voix contre 4. Quand les grandes questions sont dans l'air, elles se produisent dans les plus petites occasions."

Autre conséquence de l'Histoire de Jeanne d'Arc, WALLON participe à la canonisation de celle-ci. Nous l'apprenons par une lettre du 19 février 1895 à DUPANLOUP :



"J'ai préparé par écrit ma déposition dans le procès commencé par votre initiative et sous vos auspices pour la béatification et la canonisation de Jeanne d'Arc. Je serais à la disposition du tribunal, le premier jour où les travaux de l'Assemblée me permettraient de me rendre à Orléans."

Et dans d'autres lettres encore, par exemple le 2 janvier 1876, DUPANLOUP s'apprête à partir pour Rome pour la canonisation, WALLON lui écrit qu'il lui envoie une lettre pour le Saint Père et il ajoute un paquet : un exemplaire de son livre pour Mgr MERCURELLI, et un pour le Saint Père, et une reproduction du tableau contemporain de Jeanne d'Arc, comme pièce à l'appui de sa déposition :



"Je vous renouvelle, Monseigneur, tous mes vœux pour votre heureux voyage et le succès de l'entreprise dont vous êtes le plus ferme et le plus éloquent promoteur."60

GUIZOT, lui-même protestant, disait de cette canonisation :



"J'admire la veine intarissable de Monsieur l'Evêque d'Orléans. Je souhaite sincèrement qu'il réussisse dans la canonisation de Jeanne d'Arc. Elle y a plein droit, et il est digne d'être son patron. "

Saint Louis.

Si tous les critiques reconnaissent une valeur dans la "Jeanne d'Arc" de WALLON, l'ouvrage sur Saint Louis fut moins estimé à ce qu'il semble d'après le jugement de PERROT :



"Le "Saint Louis" n'est pas placé haut, malgré le mérite sérieux qu'on lui reconnaît. "

Quel est son tort ? Toujours celui d'être trop saint et pas assez roi.



"A peine a-t-il le courage de blâmer la croisade de Tunis", nous dit PERROT.

Ces deux ouvrages. Saint Louis et Jeanne d'Arc, étaient savamment illustrés par les soins des maisons DIDOT (1875 - in 4°) et MAME (1878 - in 4°).

L'opinion de J.CLARETIE est plus élogieuse :

"Cet ouvrage ressuscite le 13ème siècle : l'art, le genre de vie, etc, comme pour l'Histoire du Moyen-Age de MICHELET, et avec une sûreté d'informations plus complètes."

Pouvons-nous conclure de ce jugement que ses recherches sur le 13ème siècle ont fait alors progresser les connaissances, même si maintenant cet ouvrage et le nom de son auteur, à côté d'un MICHELET, sont oubliés ?

En quoi Saint Louis a-t-il passionné WALLON pour le motiver à en écrire son histoire ?

Dans son livre, ce qui apparaît essentiel pour lui ce sont les qualités de ce saint roi pour faire régner la justice. Un passage de l'ouvrage résume bien cette idée chère à WALLON : contre le pouvoir absolu pour la défense de la liberté, par le respect des droits. Nous avons là déjà un aperçu de ses idées politiques :



"Saint Louis avait montré que, pour être fort à l'intérieur, le pouvoir royal n'avait pas besoin d'absorber en soi tous les droits, de supprimer toutes les franchises : il les avait consacrées jusqu'à reconnaître le droit de prendre les armes contre lui. Il avait montré que pour faire de la France la première puissance de la terre, il n'était pas besoin de l'esprit de conquête : c'était assez de désintéressement et de l'équité. Saint Louis n'avait qu'à choisir entre les dépouilles de la maison des HOHENSTAUFEN, soit en Allemagne, soit en Italie II n'en prit rien et sa voix fut l'arbitre du monde. "

Richard II

C'est ce même amour de paix, opposé à tout esprit de conquête. qui incite WALLON à écrire l'histoire de Richard II et le désir de le revaloriser dans l'Histoire.

C'est l'histoire émouvante du fils du Prince de Galles, le vainqueur de Poitiers, petit-fils d'Edouard III, le vainqueur de Crécy, Richard de Bordeaux qui pérît victime, du rapprochement tenté par lui entre l'Angleterre et la France.

A ce sujet, WALLON écrit à Mgr DUPANLOUP le 15 juin 1865 :



"Si Monseigneur a le temps de lire, vous ne serez pas insensible aux efforts que j'ai faits pour en appeler devant le public de la sentence unique portée par l'esprit de parti sur ce noble et malheureux prince et Inscrite, comme ayant force de chose jugée, dans une histoire."

Pour cette œuvre, comme pour les autres, posons nous les questions suivantes :



  1. WALLON parle-t-il en chrétien ?

II semble que cette œuvre fasse exception, "pratiquement le seul parmi tous les ouvrages de l'auteur, "nous dît PERROT,"où ne se trahisse pas une autre préoccupation que celle de la vérité historique. "

  1. WALLON a-t-il, par cette œuvre, fait progresser les sciences historiques ?

PERROT répond ceci :

"Cette histoire de l'Angleterre est celle où SHAKESPEARE a trouvé tant de tragédies toutes faites. Ce livre, à son heure, eut un autre mérite : l'histoire de l'Angleterre du Moyen-Age finissant sous les Tudor, n'avait pas encore tenté chez nous la curiosité. Nous avions la conquête de l'Angleterre par les Normands d'Augustin THIERRY et la Révolution d'Angleterre de GUIZOT, mais rien pour l'intermédiaire. Elle a profité aussi aux historiens anglais."

Œuvres sur la Révolution : postérieures à la Commune.


Partialité ou impartialité de l'historien WALLON? Les critiques semblent encore moins d'accord pour les œuvres plus tardives, celles relatives à la Révolution Française, inspirées par les événements de la Commune.

Pour mieux comprendre, cette fois-ci, les intentions de WALLON, il nous faut situer le contexte historique. C'est bien dans ce contexte qu'elles se situent, comme dit WALLON lui-même dans un discours aux comices agricoles de Valenciennes en 1872. WALLON n'oublie pas qu'il s'adresse à des électeurs : il est question de dissolution de l'Assemblée de Bordeaux ; WALLON n'y est pas favorable. Il veut leur signaler le danger d'une nouvelle prise de pouvoir par la gauche républicaine : WALLON reproche aux républicains de citer en exemple les journées révolutionnaires du 10 août et du 14 juillet et veut, devant les électeurs, en prévenir les dangers :



"L'ordre règne dans la rue. L'opposition s'efface devant l'Assemblée. Pourquoi ? C'est quelle est dans la pensée que le pouvoir lui ménage la place et qu'elle compte lui succéder incessamment. Il est bon de savoir qui sont ceux qui se portent comme les héritiers immédiats du pouvoir et à quel régime ils convient. Je suis peu rassuré, si j'en dois croire les dates qu'eux-mêmes inscrivent sur leur drapeau. Ils mettent le 14 juillet, le 10 août. Or, qu'est-ce que le 14 juillet ? Ce n'est pas seulement la prise de la Bastille (et que de Bastilles élevées, non seulement à Paris, mais dans tous les départements par les destructeurs de la Bastille !), couvents, maisons de refuge, hôpitaux, hôtels, palais, tout, en 3 ou 4 ans, devient bastille et suffit à peine aux lettres de cachet ou mandats d'arrêt des comités révolutionnaires ; le 14 juillet, c'est le droit à l'insurrection avec l'impunité de l'assassinat, introduit au sein d'une révolution qui voulait être réformatrice et pacifique. Qu'est-ce que le 10 août ? Ce n'est pas seulement le renversement de la royauté... c'est l'avènement de la commune insurrectionnelle de Paris, en face d'une Assemblée qui lui laissera forcer les prisons aussi bien que les Tuileries et le verra pendant 2, 3 ou 4 jours, procéder aux massacres de septembre, sans dire un mot, sans faire un geste pour les arrêter. Qui donc invoque ces journées laisse à d'autres, même sans le vouloir, la faculté de s'en prévaloir sans réserve. Il nous donne à nous le droit de nous tourner vers le passé pourvoir l'avenir qu'on nous prépare. Messieurs les Jacobins sont toujours là. "'

WALLON est-il pour ou contre la révolution ? L'allocution de WALLON et d'un autre député valenciennois à ces comices avaient recueilli les vivats, disait-on. Elles avaient été sans doute moins chaleureusement accueillies dans le milieu républicain, à en juger par un article de "L'Impartial" du Nord :



"M.WALLON, professeur d'histoire, n'a pas appris à aimer la révolution."

WALLON n'allait pas laisser cet article sans réponse. Elle paraîtra dans "L'Impartial" quatre jours plus tard ; il se défend d'attaquer la révolution de 1789 :



"Je l'ai toujours défendue, et serai toujours prêt à la défendre pour ses réformes sociales, et la restauration de nos libertés politiques, mais. . . , en ce qui concerne le 14 juillet et le 10 août, je les considère comme les plus funestes. Je réprouve toutes les journées où se mêle impunément l'assassinat. "

Et il concluait : "Si vous voulez que la république dure, ne lui choisissez pas d'autre date que celle du jour où elle sera proclamée par la libre représentation du pays."

Nous avons là, rassemblées, les idées politiques chères à WALLON : la République, mais contre la violence et pour le suffrage universel. L'historien et le politicien ne sont pas deux hommes séparés et ce sont bien là les intentions de l'historien quand il écrit :



  • La Terreur : étude critique sur l'histoire de la Révolution française. 1870, in 8°. Deux volumes chez Hachette.

  • Histoire du Tribunal Révolutionnaire de Paris avec le Tournai de ses actes. 1880-82. Six volumes in 8° chez Hachette.

  • Le Tribunal Révolutionnaire, 10 mars 1793 - 31 mai 1795. Nouvelle édition, 1899-1900. Deux volumes, chez Pion. (C'est un résumé de l'ouvrage précédent).

  • La Révolution du 31 mai et le Fédéralisme en 1793 ou la France vaincue par la Commune de Paris. Paris 1886. Deux volumes In 8° chez Hachette.

  • Les Représentants du Peuple en mission et la Justice révolutionnaire dans les départements en l'an II, 1793-1794. 1889-1890. 5 volumes in 8°. Hachette l édition.

Œuvres abondantes : 15 volumes en tout, consacrés à l'Histoire de la révolution. Dans cette image de la révolution, il y avait plus qu'un souvenir du passé, il y avait un avertissement pour l'avenir :

"On pourrait revoir ces temps-là, prenons garde" dit WALLON.

Georges PERROT dit :



"Après les épreuves de la guerre et de la Commune dont les crimes avaient dans la presse leurs apologistes attitrés, notre confrère sentit très vivement la nécessité d'éclairer l'opinion et de la convaincre des vices et des dangers de la violence érigée en méthode d'action et de gouvernement. "

C'est de cette patriotique pensée que sont nés tous les ouvrages parus de 1880 à 1900.

Tout d'abord. La Terreur, écrite en 1870 avant la Commune : il faut placer aussi cette œuvre dans un contexte littéraire car c'est un recueil de morceaux critiques, inspirés par les publications relatives à la révolution française, par les histoires de M. Edgard QUINET, L. BLANC, MORTIMER TERNAUX et qui, réunis, forment un livre. La conclusion fera mieux que tout autre passage connaître l'esprit même dans lequel ce travail est conçu :

"Qu'on ne cherche pas, dit WALLON, à réhabiliter la Terreur au nom du Salut Public, qu'on ne cherche pas à la réhabiliter au nom de la liberté. La liberté, elle ne l'a pas connue ; elle l'a violemment supprimée et jamais la nation n'a tremblé sous un plus honteux et plus sanglant despotisme. Qu'on ne l'accuse pas davantage au nom de la République qu'elle prétendait défendre en supprimant la liberté. Car elle l'a noyée dans le sang, elle lui a laissé une tache dont n'a pu la laver l'essai tout pacifique tenté de ce régime en 1848. Quelque vertu que la République ait puisée dans le suffrage universel, quelque modération qu'elle ait montrée dans ses assemblées, II a suffi, pour la faire crouler, que l'on montrât, dans un avenir douteux, ce spectre rouge, dont pourtant elle avait bien su triompher, quand II avait fait mine de se produire. . . Appliquons à l'histoire les prescriptions de la morale qui est universelle et ne souffre pas d'exception. Tout régime qui attente à la liberté avoue que le bon droit lui manque. Tout régime qui ne peut vivre qu'en répandant du sang est un régime contre nature. "

Le Dictionnaire Universel replace aussi cette œuvre dans son contexte littéraire ; tout du moins la rattache à une littérature orientée dans une certain sens : la littérature antidémocratique ou même contre-révolutionnaire :



"Suite de comptes rendus et d'analyses de divers travaux sur la période révolutionnaire. Cela dispense de recourir à des originaux qui eux-mêmes ne sont pas de premier ordre. C'est comme une espèce de selecta et de réduction de quelques unes de ces compilations indigestes dont la littérature antidémocratique accable le public depuis 20 ans et plus, une manière de thésaurus et d'anthologie contre-révolutionnaire. "

Le Dictionnaire continue à décrire l'œuvre, et l'attaque avec virulence et partialité :



"M. WALLON prend partout tout ce qui peut diffamer la révolution, hommes et choses, recoud tant bien que mal ces lambeaux sans avoir fatigué son génie et son imagination. . . Fatras presque tout en citations, sans méthode, sans critique, sans impartialité. Il n'a voulu que raviver les haines contre la Révolution, il y a mis toute la passion cléricale et réactionnaire et il n'a fait que l'œuvre d'un sectaire et d'un écrivain de parti. "

Peut-être WALLON avait-il senti cette erreur une fois l'ouvrage achevé ; les autres ouvrages n'ont pas reçu de telles critiques, bien au contraire, l'Histoire du Tribunal Révolutionnaire est appréciée des républicains, voire même jugée impartiale. Sans doute en 1870, WALLON écrit La Terreur au moment où la patrie est en danger, il met toute sa fougue tant il craint le pire. N'est-ce pas preuve de prévoyance si peu de temps avant la Commune ?

L'Histoire du Tribunal Révolutionnaire de Paris n'en a pourtant pas moins la même intention : citons H. WALLON dans sa préface, pensée qui domine son livre :

"L'institution du Tribunal Révolutionnaire a été le crime et l'erreur de la révolution. On s'imagine que pour le fonder solidement, il fallait détruire ses ennemis. On fit donc des lois d'après lesquelles tout écrit, toute parole, toute pensée contraire à la révolution devint crime capital. On appliqua sans sourciller la peine de mort comme peine de simple police. Mais une révolution, qui ne peut vivre qu'à ce prix, se condamne elle-même."

Mais le Larousse du 19ème siècle souligne :



"II s'est efforcé de ne pas sortir de l'impartialité que lui imposait son devoir d'historien. Il reconnaît notamment que • la Conventionné s'est pas jetée de gaieté de cœur dans les excès du Gouvernement Révolutionnaire, que Robespierre et Saint-Just n'étaient pas "des scélérats de naissance", etc."

Son livre ainsi entendu mérite d'être consulté et même d'être médité par les hommes de tous partis, même par les panégyristes de la Terreur.

Et même Le Journal des Débats parle de cet ouvrage, sans doute pour cette raison : WALLON était plus impartial que dans les autres : nous l'apprenons par une lettre de WALLON à J. SIMON du 30 novembre 1886 :

"Je te remercie vivement du grand article que tu as bien voulu insérer dans le Journal des Débats sur mon Histoire du Tribunal Révolutionnaire. C'est la première fois que le Journal des Débats, je ne sais pourquoi, parle de mes ouvrages. Jeanne d'Arc, Saint Louis, l'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité, que tu as eu la bonté de mentionner, lui étaient absolument inconnus. Quant au Tribunal Révolutionnaire, tu en as parlé en politique et en maître. Je t'en suis infiniment obligé. Henri WALLON."

Ce journal de grande renommée littéraire ne mentionnait pas les œuvres de WALLON ? Une fois de plus, WALLON est renié par son catholicisme.

La motivation réelle de WALLON dans ces œuvres est son horreur de la révolution. Le Larousse insiste bien : WALLON s'attache surtout à montrer ce qu'eut de violent et d'arbitraire la justice jacobine, soit à Paris par le fameux Tribunal Révolutionnaire, soit en province par les représentants en mission. Nous retrouvons donc toujours les mêmes idées morales et humanitaires, et aussi le même souci de recherche scrupuleuse.

Nous avons relevé les intentions de WALLON liées au contexte historique. L'ouvrage La Révolution du 31 mai, est un exemple inspiré par la Commune : WALLON avait souligné les horreurs de la violence à ce moment-là, II souligne ici le danger de la domination de Paris sur la province. Le Larousse du 19ème siècle approuve WALLON quant à cette Idée. :



"Voilà la vérité sur ce mouvement fédéraliste, calomnié par les jacobins, dans lequel les historiens n'ont vu qu'une tentative séparatiste, et que M. H. WALLON remet, pièces en main, dans son véritable jour. Ce mouvement, très républicain, avorta, faute de vues communes, d'ensemble, trois mois après. Paris avait subjugué les départements. Le triomphe de la Convention sur le Fédéralisme, c'est-à-dire de Paris sur les départements, est célébré par les historiens de la Révolution. H. WALLON en indique, au contraire, les funestes conséquences et on peut se demander ce que le Fédéralisme, s'il l'eût emporté, eût amené de pire. "

PERROT nous donne une idée de l'ampleur de ce travail, il nous dit que, pour ses Histoires du Tribunal Révolutionnaire et de la Révolution du 31 mai, WALLON a dépouillé aux Archives Nationales pas moins de 600 cartons, et a cherché en province les documents ou des actes des proconsuls envoyés en mission par le Comité de Salut Public. Dans l'Histoire du Tribunal Révolutionnaire, on y trouve jour par jour la liste des victimes avec le résumé des principaux procès. Livrer aux lecteurs toutes ces sources est fastidieux pour eux, souligne PERROT :



"Ce sont moins des histoires composées avec un souci d'art que des recueils de pièces."

Il peut témoigner sur l'homme qu'il a connu, dit-il, "toujours actif, toujours des livres sous les yeux, la plume aux doigts, il avait beaucoup vu, beaucoup observé, beaucoup réfléchi."


REDACTEUR D'ARTICLES DANS QUELQUES JOURNAUX


L'œuvre de WALLON historien ne s'arrête pas là. WALLON publie aussi des articles historiques et se fait journaliste, principalement dans le Journal des Savants et dans Le Correspondant. Il publia quelques extraits de ses livres, mais aussi ses recherches sur des sujets divers. A partir de 1863, WALLON est un des rédacteurs ordinaires du Journal des Savants, et la liste de ses articles est longue et variée ; ceux-ci concernent beaucoup d'époques : l'Antiquité (l'Orient, la Grèce, Rome), le Moyen-Age, les Temps Modernes, la Révolution, le XIXème siècle, les contemporains de WALLON (la correspondance de M. de REMUSAT) dont il analyse les ouvrages, par exemple :

  • Dernier bienfait de la Monarchie, du duc de BROGLIE ;

  • Les Mémoires de Saint Simon ;

  • et aussi' l'Histoire de l'Europe et l'Histoire de l'Eglise.

Deux lettres de WALLON nous donnent une petit aperçu de l'activité littéraire de ce journal : une lettre adressée à DURUY où WALLON propose à celui-ci de parler de son livre dans un article de ce Journal et une lettre de la correspondance BRUNETIERE qui montre le mouvement en sens Inverse : WALLON insiste auprès de celui-ci pour qu'un de ses articles paraisse.

1er janvier 1889 : "Mon cher DURUY, J'ai reçu le dernier volume de ton histoire de la Grèce. Je t'en remercie et te félicite d'avoir pu élever un pareil monument à l'antiquité classique, l'histoire romaine complétant ton œuvre. Dès qu'on pourra me donner une place au Journal des Savants, j'en profiterai pour en rendre compte."

Lettre du 19 juillet 1900 : "Mon cher confrère, Je comptais vous demander aujourd'hui des nouvelles de mon simple aperçu de la Constitution actuelle des Etats-Unis et de la France. Je voudrais savoir si vous ne lui trouverez pas incessamment la très petite place qu'il pourra tenir ! "

Comme de nombreux catholiques libéraux, WALLON appartient au groupe du Correspondant : DUPANLOUP, Vicomte de MELUN, MON-TALEMBERT, etc. Il publie des extraits de ses œuvres historiques, mais aussi de nombreuses notices sur ses ouvrages religieux ou sur d'autres livres parus sur l'Histoire de l'Eglise.



"Par les COCHIN, les FOYSSET, les LACOMBE, les MEAUX, les DUPANLOUP, la tradition catholique et libérale commencée aux environs de 1830 par LACORDAIRE, MONTALEMBERT, OZANAM, continue," nous dit D.HALEVY61, et celui-ci continue :

"étroitement unis, trop peut-être, trop séparés de la multitude par le charme grave et l'intimité de leur union et nullement gênés d'être séparés d'elle, ils se réconfortaient par cette union même et par un sens élevé des traditions dont ils s'étaient constitués les gardiens. Le nom du régime politique est d'importance secondaire, mais il fallait s'attacher à rendre fortes les institutions conservatrices."

WALLON, certes, défenseur de la religion et de l'ordre, pour la stabilité politique, oui, mais cependant n'est-il pas encore un peu à part dans ce groupe : son rôle de Père de la République, par exemple, le montrera.

Nous avons parlé de l'homme de Lettres WALLON, écrivain et journaliste ; le couronnement de cette carrière fut l'honneur de l'Académicien. Ce couronnement s'est limité cependant à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Nous verrons que WALLON s'est vu plusieurs fois refuser l'Académie Française.

WALLON à l’académie des inscriptions et belles lettres


En 1850, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres l'élit comme membre titulaire : il avait 38 ans. En 1873, il en fut le Secrétaire perpétuel. C'était sur Edouard LABOULAYE qu'il l'emportait dans ce scrutin académique le 24 janvier 1873. Deux ans plus tard, c'est à la Chambre que les deux hommes s'affronteront en proposant chacun un amendement pour les lois constitutionnelles. Celui de WALLON, peu différent de celui de LABOULAYE, l'emportera pourtant.

C'est comme Secrétaire perpétuel que WALLON avait l'honneur d'habiter un appartement de l'aile gauche du Palais Mazarin à l'Institut.

Que représente cette Académie ?

Nous pouvons donner la définition du Larousse du 19ème siècle :



"L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres est l'arbitre de la critique et de l'érudition appliquées à l'histoire et l'archéologie. Depuis 1717 elle publie de précieux mémoires. Elle a 40 membres et 10 membres libres."

Par conséquent, WALLON a, comme de nombreux savants historiens et archéologues, lu, voire même critiqué leurs ouvrages, encouragé le progrès de la connaissance historique en gratifiant certains ouvrages, avec ses confrères de l'Académie, de récompenses par des prix, par l'éloge de ceux-ci dans ses notices, etc.

De plus, WALLON, à l'Académie, survécut à tous ceux qui l'avaient élu en 1850.

"Il a donc fréquenté dans la libre familiarité du commerce académique," nous dit PERROT, "pratiquement tous les savants de la deuxième moitié du dernier siècle, tenu au courant jour par jour de leurs recherches, par ce qu'ils disaient à l'Académie, les concours, etc. dont il était souvent le rapporteur."

Une lettre de la correspondance de WALLON à J. SIMON62 nous montre aussi que les Académiciens encourageaient les chercheurs grâce à l'octroi de subventions : il s'agit d'un jeune archéologue :



"Je t'écris de l'Institut pour t'annoncer que l'Académie accorde une subvention de l 200 francs à M. IMBERT, doublant ainsi la somme qu'il avait reçue du Ministre de l'Instruction Publique pour sa mission. La commission des Ecoles d'Athènes et de Rome a donné un avis favorable si les renseignements à prendre étalent bons. J'ai fait cette enquête et je suis heureux de pouvoir user des pouvoirs qui m'ont été laissés. Je m'applaudis que ce soit en faveur d'une personne à laquelle tu portes intérêt."

L'article commémoratif de l'Echo de Paris du 27 février 1925, au cinquantenaire de la mort de WALLON, s'étonne que celui-ci ne figure pas parmi les membres de l'Académie Française :



"Dans ces œuvres, à défaut de l'éclat du style, la sûreté de documentation et décomposition est une qualité assez maîtresse pour qu'on s'étonne que, seule, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ait accueilli un écrivain auquel l'Académie Française fût honorée en ouvrant ses portes."

Quelles sont les raisons des difficultés de WALLON à parvenir à cette élection ? Le manque d'éclat de son style ? Ou alors, dans un tout autre ordre d'idées, ses idées politiques, son catholicisme ?

Pour essayer de répondre à cette question, il faut situer cette élection dans son contexte. Nous savons que WALLON a posé ou aurait aimé poser sa candidature à l'Académie plusieurs fois par la correspondance entre WALLON et DUPANLOUP63. Ses lettres se situent dans les années 1869-1870-1871-1875-1878-1884. Or, on assiste, à ce moment-là, à un grand changement de l'état d'esprit des académiciens.

Pour WALLON, figurer à l'Académie à côté d'hommes comme de BROGLIE, de FALLOUX, GUIZOT, V.HUGO, SAINTE-BEUVE, DUFAURE, J.FAVRE, DUPANLOUP, MONTALEMBERT, d'HAUSSONVILLE, REMUSAT, entre autres, aurait été l'honneur suprême.

La première lettre de WALLON à DUPANLOUP au sujet de son élection académique que nous ayons est du 6 mars 1869 :

"Vous me verriez volontiers un jour dans votre Académie. . ." écrit WALLON.

Si plus tard l'occasion se présente, il lui demande de soutenir sa candidature.

De nombreuses fois, il se présentera candidat et échouera. Il ne se décourage pas pour autant. Quelles sont les raisons de son échec ? Son manque d'envergure, "d'éclat", dans le domaine littéraire ? Ses opinions politiques, religieuses ?

Pour l'Académie, la Monarchie de Juillet représente (nous dit M. R. REMOND dans La Droite en France) :



"le début d'une intimité entre le régime et l'Institut qui va faire, pour un demi siècle, de l'Académie Française et plus encore de celle des Sciences Morales et Politiques des salons orléanistes.

WALLON serait-il trop républicain à leurs yeux ? Une autre lettre de la correspondance de DUPANLOUP64 nous indique que le 6 novembre 1871, WALLON désirerait se présenter, mais il apprend que M.LITTRE a quelque chance. Il se demande si cela est possible : il s'agit de prendre le fauteuil de MONTALEMBERT ! Aussi WALLON fait-il appel au groupe catholique de ses amis : DUPANLOUP, etc.



"Il m'est très utile de savoir", écrit WALLON à DUPANLOUP, "avant de pousser plus loin mes démarches, si vos amis n'ont d'autres vues, et s'ils se montrent assez décidés en ma faveur pour entraîner ceux qui n'en sont encore qu'à des sentiments de bienveillance. Il importe du reste qu'ils prennent un parti quel qu'il puisse être, car les nouveaux choix que va faire l'Académie peuvent avoir beaucoup d'influence sur sa composition dans l'avenir."

De plus, nous apprenons par cette lettre que DUPANLOUP est favorable à l'élection de WALLON à l'Académie et WALLON ajoute :



"De mon côté, j'ai trouvé des sentiments favorables parmi les membres de l'Université et de l'Assemblée qui en font partie. "

Une fois de plus, l'intention de WALLON, entre autres, est de défendre le catholicisme ici à l'Académie Française. A nouveau, le 19 février 1875, WALLON informe DUPANLOUP de sa candidature et lui demande le soutien de son groupe :



"J'ai besoin de votre avis et, dans le cas où il me serait favorable, de votre appui auprès de ceux qui pourraient trouver important de ne pas laisser tomber les catholiques dans une minorité d'où ils ne se relèveraient plus de longtemps."

WALLON nous apprend aussi dans cette lettre qu'il s'agit de remplacer le fauteuil de GUIZOT. Il espère l'appui des catholiques, puisqu'il explique à DUPANLOUP avoir écrit, à "M. de FALLOUX". Ce dernier lui aurait demandé de s'assurer de l'avis de la famille de GUIZOT. WALLON écrit que des membres de la famille "lui ont témoigné qu'ils seraient contents de me savoir chargé de l'éloge funèbre de notre illustre confrère."

On sait toute l'admiration de WALLON pour GUIZOT, mais, s'il a remplacé ce dernier à la Sorbonne, il ne lui succédera pas à l'Académie Française.

WALLON n'hésite pas à retirer sa candidature quand il est sûr de n'avoir pas la chance d'être élu.



"Mon titre de secrétaire perpétuel d'une Académie ne me permet pas de la compromettre jusqu'à un certain point en ma personne dans une démarche dont le succès serait douteux."

Ou alors, une autre fois (lettre non datée), il ne se présentera pas pour laisser à un autre candidat toutes ses chances : il s'agit du duc d'AUDIFFRET PASQUIER, ami de WALLON, qu'il admire beaucoup. De même, à l'annonce de la candidature de F. de LESSEPS en février 1884 :



"Cette candidature a si bien dérouté tout le monde que Père renonce aujourd'hui à la sienne. J'en suis affligé pour Père dont le succès paraissait assuré, mais je ne puis qu'approuver son désintéressement et sa prudence", écrit Henri WALLON à son frère Paul65, "car je serai plus peiné pour lui d'un échec que je ne me serais réjoui de son élection. J'écris d'ailleurs un mot à Père à ce sujet. "

Après un certain nombre de tentatives sur presque 20 années, en 1884, WALLON était-il vraiment assuré d'un succès. Avant 1884, par exemple, le 5 avril 1878, WALLON écrit à DUPANLOUP pour lui demander conseil au sujet de sa candidature à l'Académie :

"Le moment ne serait-il pas favorable à ma candidature ?"

WALLON, à ce moment-là, est devenu une personnalité politique.



Et finalement, en juin 1878, WALLON est en concurrence avec RENAN ; nous avons vu déjà ces deux hommes s'opposer sur La Vie de Jésus-Christ ; quant à la lutte "académique", nous en avons un écho par un article du Temps du 13 juin 1878 :

"Le succès de M.RENAN n'est point douteux. L'inoffensive honorabilité de son concurrent n'est vraiment pas de nature à balancer les mérites du plus souple, du plus brillant, du plus merveilleux des écrivains contemporains. Savant sérieux, penseur profond, prosateur exquis, M.RENAN est de ceux que l'Académie ne saurait exclure lorsqu'Ils se présentent sans s'abaisser dans l'estime du public. La lutte entre M. RENAN et M .WALLON est pour ainsi dire décisive. "

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