Projet de chapitre sur les determinants psychologiques de la performance au travail


Deux déterminants individuels fondamentaux de la performance : la motivation et la satisfaction au travail



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1.2. Deux déterminants individuels fondamentaux de la performance : la motivation et la satisfaction au travail

La naissance des concepts de motivation et de satisfaction au travail est étroitement liée au développement du concept de performance au travail. Les résultats de recherche sur ces deux concepts ont abouti à des conclusions parfois convergentes, parfois divergentes, selon les périodes et les avancées de la connaissance.



1.2.1. La motivation au travail

Depuis Taylor et Fayol, la performance est un objet de recherche fondamental des auteurs en théorie des organisations. Chez Taylor, l’homme est un « flâneur », il n’est pas disposé de lui même à travailler dur pour une entreprise ou une organisation. Il faudrait par conséquent le contrôler et le motiver. Cette proposition sous-tendrait que les concepts de motivation et de traits de personnalité s’opposeraient. Le premier interviendrait pour remédier aux déficiences suscitées par le second. Cette idée est remise en cause avec l’émergence du courant des relations humaines. Avec lui, l’analyse des déterminants de la performance au travail se focalise sur les attitudes et les comportements humains dans les organisations. Les travaux des années 1920-1930, sur l’effet Hawthorne par Elton Mayo et ses collègues à la Western Electric Company, et sur la dynamique des groupes par Lewin et ses collègues, posent les premiers principes selon lesquels la motivation et la satisfaction au travail seraient des déterminants individuels importants de la performance au travail.


La mise en relation de la motivation au travail avec la performance est de plus en plus examinée au cours des années et aboutit à l’une des théories de la motivation les mieux adaptées à l’étude du phénomène : la théorie des attentes (Vroom, 1964). Avec cette théorie, la notion de « motivation à être performant » devient couramment utilisée. La performance au travail sera même centrale dans l’extension de la théorie des attentes proposée par Porter et Lawler (1968). La motivation apparaît dans le modèle théorique de ces deux auteurs comme le déterminant essentiel de la performance. Elle explique l’orientation des efforts de l’individu dans son travail, ainsi que l’intensité des efforts qu’il déploie et de leur permanence dans le temps. « Faire des efforts significatifs pour faire un bon travail » serait la traduction observable d’un comportement motivé dans le travail. Ce comportement résulterait en performance, à condition que l’individu, d’une part, dispose des capacités pour atteindre les objectifs de performance attendus par l’organisation, d’autre part, perçoive adéquatement son rôle dans l’organisation. Puis, si les performances réalisées génèrent des récompenses intrinsèques et extrinsèques, un sentiment de satisfaction ou d’insatisfaction apparaîtra. Ce sentiment dépendra de l’équité ressentie à l’égard des récompenses intrinsèques et extrinsèques obtenues. Le modèle théorique s’achève par une boucle de rétroaction montrant que le sentiment de satisfaction éprouvé à l’égard des expériences de travail à un instant donné, conditionne les perceptions futures qui motiveront l’individu à orienter ses efforts pour être de nouveau performant.
Les principales théories de la motivation au travail poursuivront ce travail de compréhension et de modélisation de l’influence de la motivation sur la performance8. D’autres cheminements que ceux proposés par Vroom, Porter et Lawler seront développés dans le cadre de perspectives théoriques concurrentes. Parmi les plus étudiés, les travaux sur la fixation des objectifs, développés entre 1968 et 1981 par Locke, suggèrent que la nature des objectifs fixés à l’individu explique l’orientation, l’intensité et le maintien de ses efforts dans le travail (Locke & Latham, 1990). La théorie de la fixation des objectifs énonce les différentes conditions de définition des objectifs aux salariés qui conduisent à la motivation, puis à la performance au travail : précision des objectifs, difficulté, intensité, sens et clarté du contenu, feed-back, transparence de l’information initiale, récompenses associées, soutien de l’encadrement, cohérence avec ses propres capacités perçues par l’individu. Les mécanismes qui transforment la motivation en performance sont de quatre ordres selon cette théorie (Locke et al., 1981). Recevoir des objectifs qui présentent les qualités énoncées produit :

  • une focalisation de l’attention et des actions vers la réalisation des objectifs ;

  • un déploiement d’efforts accrus ;

  • une persistance dans l’effort pour accomplir le travail et dépasser les échecs ;

  • un développement de stratégies orientées vers la réalisation efficace du travail.

Parmi les résultats empiriques observés sur cette théorie, deux méta-analyses ont montré le lien positif et élevé entre la difficulté des objectifs et la performance au travail (Mento et al., 1987 et Wright, 1990). Un état de l’art ajoute que la fixation des objectifs montre des liens positifs à la fois avec la performance individuelle, la performance du groupe (équipe) et la performance organisationnelle (Mitchell & Daniels, 2003). Des travaux récents précisent également que le lien entre les objectifs et la performance serait modéré par l’engagement dans les objectifs (goal commitment). Ce modérateur est défini par Tubbs (1994) comme la force de l’attachement d’une personne envers un objectif personnel. Cependant, les premiers résultats sont contradictoires. Une méta-analyse de Donovan et Radosevich (1998) sur 12 études empiriques observe un faible effet modérateur sur le lien entre la difficulté des objectifs et la performance. Celle de Klein et al. (1999) exploite 83 études qui montrent un effet modérateur plus élevé (corrélation moyenne corrigée de 0,23). Une autre question de recherche est discutée sur l’effet combiné des rémunérations et de l’engagement dans les objectifs, sur le lien entre objectifs et performance. Dans leur état de l’art, Mitchell et Daniels (2003) relèvent des résultats décevants. Les premières études empiriques montrent soit un effet négatif de la rémunération, soit un effet nul. Ce même état de l’art analyse les travaux sur l’effet modérateur possible de la complexité des tâches sur le lien entre objectifs et performance. De nombreuses études ont montré un faible effet, voire un effet négatif des objectifs sur la performance lorsque les tâches sont complexes dans le travail. La même analyse est faite dans le cas de nouvelles tâches affectées dans un emploi. Il est suggéré alors que les stratégies développées pour réaliser les tâches auraient un effet positif. Dans les cas de tâches complexes et nouvelles, travailler « intelligemment », plutôt que « durement », conduirait à de meilleures performances.

Un second courant de recherche rencontre un fort engouement dans les travaux sur la motivation et la performance au travail. Il s’appuie sur les travaux de Bandura (1986, 1997) qui proposent notamment, de considérer le sentiment d’auto-efficacité et le processus individuel d’autorégulation comme permettant d’accroître et de soutenir les efforts par l’intermédiaire d’objectifs nouveaux et difficiles choisis par l’individu. Le concept d’auto-efficacité décrit le sentiment ou les croyances de l’individu à l’égard de ses propres capacités à mobiliser sa motivation, ses ressources cognitives et les types d’actions nécessaires pour satisfaire aux exigences d’une situation donnée. Ce concept suggère que les entreprises devraient encourager toutes formes d’organisation du travail, de style de management, de changements de comportements individuels, de développement des compétences, qui permettraient de favoriser le sentiment d’auto-efficacité et l’amélioration des capacités d’autorégulation. En effet, le sentiment d’auto-efficacité aurait un effet positif sur la performance au travail. Deux méta-analyses observent des niveaux de corrélation moyens relativement élevés entre l’auto-efficacité et la performance (0,37 pour Hysong & QuiNones, 1997 ; 0,38 pour Stajkovic & Luthans, 1998). Néanmoins, certaines recherches soulignent que le sentiment d’auto-efficacité pourrait ne pas prédire correctement la performance, la corrélation ne constatant qu’un lien réciproque entre deux phénomènes. L’auto-efficacité serait liée aux compétences, aux aptitudes mentales et à la qualité d’être consciencieux. L’une ou l’autre de ces variables peut agir positivement sur la performance et toutes peuvent se combiner pour produire des performances élevées (Chen et al., 1999). Ou encore, le sentiment d’auto-efficacité pourrait être généré par l’accumulation d’expériences passées, celles-ci devenant un facteur plus consistant de la performance (Vancouver, et al., 1999). D’autres travaux suggèrent que l’effet serait bien réel (Kanfer & Ackerman, 1996 ; Bandura, 1997). Le sentiment d’auto-efficacité agirait positivement sur les efforts, la persistance à accomplir les tâches, et sur l’attention portée au travail. Tsui & Ashford (1994) montrent que ce sentiment accroît la recherche de feed-back, alors que selon Wood et al. (1999) il conduirait les individus à choisir les stratégies de résolution des tâches les plus efficaces. Ainsi, différents arguments s’opposent sur ce concept. Néanmoins, ses qualités potentielles, les arguments qui plaident en faveur de son influence sur la performance, incitent au développement de nouvelles études.


Malgré ces nombreux résultats, nous devons souligner que la plupart des théories de la motivation au travail n’ont pas pour objectif principal d’expliquer la performance au travail. Leur objet premier est de prédire les processus de décision et les choix effectués volontairement par l’individu. Par exemple, dans le modèle théorique de Porter et Lawler, c’est l’effort qui est le type de comportement directement prédit ; dans celui de Locke, c’est la réalisation d’objectifs de travail ; dans celui de Vroom, c’est le choix d’occuper tel type d’emploi. L’analyse des conséquences de ces comportements sur la performance vient dans un second temps, avec plus ou moins d’acuité.
Ainsi, à ce jour, l’évolution des théories de la motivation au travail ne remet pas en cause le rôle fondamental de la motivation de l’individu dans le processus comportemental qui le conduit à être, ou non, performant. Les avancées de recherche se penchent actuellement sur la conception de modèles théoriques intégrateurs de la motivation au travail (Klein, 1989 ; Locke, 1991 et 1997 ; Mitchell et Daniel, 2003 ; Meyer et al., 2004). L’objectif est de parvenir à articuler les principales théories de la motivation au travail pour expliquer les comportements de l’individu dans les organisations. Chaque théorie apporte une explication partielle à ces comportements et se place plus ou moins en amont, ou en aval, du processus qui conduit l’individu à être ou non performant. Ces modèles intégrateurs sont généralement complexes. Ils reflètent, d’une part, l’abondance des travaux de recherche et la très grande fragmentation des résultats empiriques, d’autre part, l’extrême diversité des courants théoriques qui soit se complètent, soit s’opposent. Parmi ces modèles, celui de Mitchell et Daniels (2003) présente l’avantage d’être très synthétique et de parvenir à intégrer de façon très globale les différents apports théoriques des théories de la motivation au travail. Ce modèle décrit les trois processus psychologiques qui interviennent dans le déroulement de la chaîne séquentielle de la motivation :

  • Le premier est la composante de déclenchement du comportement. Celui-ci est causé par des besoins ou le désir d’objet ou d’état (ex. réalisation de soi) partiellement satisfaits. L’attrait pour un objet ou un état, ou encore un écart à combler par rapport à des attentes non réalisées, déclenche un comportement ou un ensemble d’actions. Ce processus est particulièrement bien expliqué dans les théories des besoins, mobiles et valeurs (Maslow, Alderfer, Herzberg notamment).

  • Le second est la composante directionnelle du comportement. Les buts sont dans ce cas considérés comme des exemples types de directions fournies aux individus ou que ces derniers se fixent à eux-mêmes pour guider leurs actions. Ce processus fait notamment l’objet des travaux de Locke sur la théorie de la fixation des objectifs.

  • Enfin, la composante d’intensité d’un comportement représente l’effet de l’importance d’un besoin ou de la difficulté d’un objectif sur le comportement individuel. Elle est présente dans la plupart des théories de la motivation (ex. la hiérarchisation des besoins chez Maslow, la valence d’un objet, d’un résultat ou d’un état chez Vroom, la difficulté des objectifs chez Locke).

Les résultats de ce processus motivationnel sont la mise en œuvre de comportements spécifiques. La motivation permet de focaliser l’attention des individus sur une action déterminée, sur des personnes, ou sur des tâches particulières. Elle est alors productrice d’efforts (physiques, intellectuels, mentaux). Ainsi, la motivation se traduit-elle par le déclenchement, l’orientation, l’intensité, mais aussi la persistance, des efforts vers la réalisation de buts personnels. Enfin, la motivation résulte dans des stratégies de réalisation de tâches, c’est-à-dire des schémas de comportements ou des tactiques qui permettent de réaliser les objectifs définis. Puis, le processus motivationnel se prolonge par un résultat direct, la performance. Le modèle de Mitchell et Daniels (figure 1) montre la complexité du processus motivationnel, qui articule à la fois des variables individuelles et des variables contextuelles, mises en relation dynamique, et qui engendre la performance au travail. Ainsi, être performant dans le travail nécessite d’être notamment motivé, c’est-à-dire de mettre en action des efforts, de les orienter vers les objectifs attendus par l’organisation, de les déployer avec intensité et de persister dans ce déploiement d’efforts.



F
Variables individuelles

- capacités, connaissances du travail

- dispositions et traits personnels

- affect et humeur

- croyances et valeurs

Contexte de l’emploi

- environnement physique

- définition des tâches

- récompenses et renforcements

- normes sociales

- culture organisationnelle



Processus de motivation

Déclenchement, Direction, Intensité



- Attention : domaine de focalisation, direction / qu’est-ce que l’on fait ?

- Effort : intensité des efforts

- Persistence : combien de temps on s’emploie dans cette direction ?

- Stratégie de réalisation des tâches : la manière dont on s’y prend pour agir




Performance
igure 1 : Un modèle général de la motivation (T.R Mitchell et D. Daniels, 2003, p. 226)

Ce modèle montre également que le processus motivationnel n’explique pas à lui seul la performance, mais il le place au centre des facteurs qui interagissent. La première interaction est celle de la motivation et des habiletés individuelles. Sans les aptitudes à occuper son poste, un individu très motivé n’obtiendra probablement pas toutes les performances recherchées. Les théories de la motivation reconnaissent ainsi le rôle essentiel des habilités dans l’atteinte des performances. Celles-ci dépendent de plusieurs facteurs qui relèvent soit des compétences, des capacités et des connaissances de la personne dans l’emploi, soit de facteurs de personnalité, notamment les traits de personnalité, les affects et les humeurs, les croyances et les valeurs. Enfin, ces théories tiennent plus ou moins compte de l’influence du contexte de l’emploi occupé par l’individu. La revue de littérature de Mitchell et Daniels relève comme facteurs qui interagissent avec la motivation dans la réalisation des performances : l’environnement physique dans lequel est exercé le travail, la définition ou la conception des tâches dans l’emploi occupé (qui sous-tend les problèmes de conflit et d’ambiguïté de rôles), les récompenses et les systèmes de renforcement, les normes sociales qui prévalent dans l’équipe de travail et l’organisation, et plus largement, la culture organisationnelle.


Dans la continuité de ces travaux, le modèle de Meyer et al. (2004) élargit la question des facteurs motivationnels de la performance au travail, au concept d’implication organisationnelle. Il ouvre une nouvelle voie de recherche prometteuse : le développement de modèles intégrateurs de concepts complémentaires. Relier la motivation au travail et l’implication au travail permettrait de mieux comprendre les déterminants individuels de la performance et des comportements au travail. Pendant plus de vingt ans, les travaux de recherche sur la motivation et l’implication se sont ignorés. Aujourd’hui, les chercheurs franchissent les barrières, abandonnent les oppositions, en envisageant de larges systèmes d’explication théoriques des comportements individuels, et de la performance au travail. Ces deux concepts se rejoignent dans l’analyse de l’engagement des individus dans le travail, à travers le comportement d’effort au travail. L’implication apporte à la motivation, une explication plus probante de l’influence de l’attachement de l’individu à son travail, sur ses comportements (cf. 1.3).


1.2.2. La satisfaction au travail

Concernant le concept de satisfaction au travail, et son lien avec la performance au travail, le consensus n’est pas de mise. Récemment, Saari et Judge (2004) relevaient dans les discours, des positions contradictoires quant au lien entre la satisfaction et la performance des individus au travail : pour les uns, des employés heureux seraient plus productifs, pour d’autres, ils ne le seraient pas davantage. Cette opposition traverse autant les analyses des universitaires que celles des praticiens en gestion des ressources humaines. Elle reflète les contradictions survenues dans les recherches effectuées sur le concept de satisfaction au travail.

Voici 20 ans, en 1985, deux chercheurs américains publiaient une étude retentissante sur la mesure du lien entre la satisfaction au travail et la performance au travail. Iaffaldano et Muchinsky (1985), en réalisant une méta-analyse sur plus de 200 études théorico-empiriques, montraient que la corrélation moyenne entre la satisfaction et la performance était faible. Cette corrélation de 0,17 révèle alors que la satisfaction au travail ne serait pas une bonne variable prédictive de la performance au travail.

Ce résultat est retentissant car il semble condamner une hypothèse forte qui a sous-tendu pendant un demi-siècle, de nombreux travaux scientifiques et de praticiens en GRH, en management, en psychologie et en sociologie des organisations, qui se référaient au courant de l’école des relations humaines. Depuis les travaux de Elton Mayo et de ses collègues, sur l’effet Hawthorne, à la fin des années 1920, jusqu’aux travaux de Mc Grégor sur la Théorie X, dans les années 1960, ce courant de pensée très fécond et très influent a proposé et développé l’hypothèse d’une influence positive de la satisfaction sur la performance au travail.

Dès lors, les travaux scientifiques et les études de praticiens sur l’amélioration des conditions de travail, sur les déterminants de la satisfaction dans l’emploi, vont se développer et aboutir à de très nombreuses recommandations. Parmi les plus influentes, figurent celles de Maslow sur la satisfaction des besoins humains comme moteur de la motivation au travail et ceux de Herzberg sur les besoins humains et surtout sur l’enrichissement du travail.

Pendant toute la seconde moitié du 20ème siècle, l’étude du lien entre la satisfaction au travail et la performance a connu des analyses et des débats contradictoires. La croyance que des individus heureux seraient plus productifs se développe. Les études empiriques qui vont suivre, notamment entre 1960 et 1985, aboutiront à des résultats pessimistes par rapport à la proposition soutenue par l’école de pensée des relations humaines. Iaffaldano et Muchinsky (1985), en concluant sur la faible corrélation moyenne entre la satisfaction au travail et la performance, jettent un froid dans la communauté scientifique. Dès lors, celle-ci va modérer son propos et devenir très prudente quant aux hypothèses qu’elle formule sur les inter relations entre les deux phénomènes. Le lien entre la satisfaction au travail et la performance, pense-t-on, ne serait plus direct, mais indirect. Il serait intermédié ou modéré par d’autres facteurs : absentéisme / présentéisme, intention de quitter / fidélité, retrait psychologique / bien être au travail, etc.

La satisfaction au travail aurait par conséquent peu d’effet direct sur la performance au travail. Ce résultat est devenu un postulat pour beaucoup de chercheurs, les détournant par conséquent du concept ou les conduisant à éviter de le mettre en lien avec la performance. Les chercheurs vont alors se focaliser sur d’autres concepts, supposés plus décisifs dans la contribution des attitudes et des comportements à la performance au travail, notamment l’implication organisationnelle. Or, depuis les méta-analyses de Iaffaldano et Muchinsky, plusieurs événements sont intervenus, pouvant remettre en cause certaines idées acquises.

Le premier événement est d’ordre théorique. Historiquement, la performance de l’individu au travail a été très peu étudiée d’un point de vue conceptuel (Motowidlo, 2003). D’une part, les chercheurs se sont largement interrogés sur l’art et la manière de mesurer la performance (les techniques et les outils). Ils se sont largement appuyés sur les pratiques mises en œuvre dans les entreprises pour mesurer les résultats individuels en matière de productivité, de qualité des produits ou des services, de délais de mise en circulation de nouveaux produits ou de services, de délais de production ou de réponses aux clients, etc. D’autre part, les chercheurs se sont également interrogés, et de façon considérable, sur les déterminants individuels de la performance, c’est-à-dire, les facteurs humains qui l’expliquent (motivation, satisfaction, implication, etc.). Or, les travaux de Borman et Motowidlo (depuis 1993) montrent que ces recherches souffrent d’un manque de réflexion précise sur le concept même de performance individuelle au travail. C’est la raison pour laquelle ils ont proposé de l’engager en distinguant la performance dans la tâche, et la performance contextuelle. Cette approche devrait permettre de mieux capturer le concept et d’envisager de manière plus pertinente sa mesure.

Les travaux contemporains qui s’appuient sur cette distinction, commencent à produire des résultats qui remettent en question les résultats de Iaffaldano et Muchinsky sur le lien entre la satisfaction au travail et la performance au travail. C’est l’entreprise que se sont fixés Motowidlo avec d’autres chercheurs du domaine depuis quelques années. Subséquemment, cette analyse souligne que les recherches antérieures reposaient sur des enquêtes empiriques hétérogènes. Les techniques de mesure de la performance étaient ad hoc, dépendant des terrains choisis et de la définition opérationnelle donnée à la performance (définition souvent jugée comme étant très étroite). Les comparaisons ont possiblement été perturbées par cette hétérogénéité.

Pour conforter cette analyse, quatre auteurs, Judge, Thoresen, Bono et Patton (2001) ont procédé à une méta-analyse sur 301 études théorico empiriques (plus de 200 pour Iaffaldano et Muchinsky). Ils utilisent des procédures statistiques de correction des coefficients de corrélation pour les erreurs de mesure et d’échantillonnage, afin d’homogénéiser et de rendre comparables les données observées. Ils mettent en exergue un niveau de corrélation moyen entre la satisfaction au travail et la performance des individus au travail de 0,30 (au lieu de 0,17 dans l’étude de Iaffaldano et Muchinsky). Leur étude montre par ailleurs que cette corrélation s’accroît pour des emplois plus complexes (ex : les professionnels). Ce niveau de corrélation, dans les sciences comportementales, suffit pour montrer que le concept, la satisfaction dans ce cas, est une variable prédictive de la performance.

Le second événement est d’ordre méthodologique et appuie l’analyse précédente. Les recherches examinées par Iaffaldano et Muchinsky sont très largement fondées sur des études empiriques transversales (sur une période de mesure), avec questionnaire d’enquête et population unique de répondants (les salariés). Or, ces recherches ont été largement critiquées et les revues scientifiques appellent au renouveau méthodologique des études empiriques. Elles demandent, voire exigent, de présenter des résultats fondés sur des études longitudinales (deux à trois temps de mesure) et des échantillons multiples (ex : performance mesurée par le salarié et par un supérieur hiérarchique). Cette évolution peut remettre en cause la qualité des données exploitées et des résultats de la méta-analyse de Iaffaldano et Muchinsky. Ces préconisations sont largement reprises dans les recherches actuellement publiées dans les revues scientifiques. Les données et les résultats qu’elles proposent seraient par conséquent de meilleure qualité. Cela crédibiliserait davantage les résultats de Timothy Judge et ses collaborateurs (r moyen de 0,30).

Le troisième événement est également d’ordre méthodologique. Depuis la fin des années 1980, les méthodes d’analyse de données ont connu de nombreuses et profondes évolutions en sciences de gestion et en psychologie avec l’extension de l’utilisation des méthodes d’équations structurelles. Ces méthodes permettent de mesurer avec plus de précision les variables conceptuelles et de réaliser des traitements de données plus complexes, notamment en ce qu’il concerne les analyses de relations linéaires. Les modèles de recherche qui peuvent être testés avec ces méthodes permettent d’intégrer de nombreux effets simultanés : directs, indirects, réciproques, modérateurs, médiateurs, covariances entre variables indépendantes, corrélations entre variables dépendantes, etc. Ainsi, les effets de la satisfaction au travail sur la performance peuvent être étudiés dans des situations reflétant toujours mieux la complexité de l’environnement du travail, en tenant compte de multiples effets d’interaction.

Ainsi, un doute pèse sur les données et les résultats qui fondent la proposition supportant un faible lien entre la satisfaction et la performance. Cette position est probablement à reconsidérer. Judge et al. (2001) proposent des résultats qui vont dans ce sens. C’est un des enjeux de la recherche contemporaine sur le lien entre la satisfaction et la performance au travail.


1.3. La performance au travail : une interaction des formes d’implication 

Le résultat retentissant de la méta-analyse de Iaffaldano et Muchinsky (1985), évoqué précédemment, a vraisemblablement contribué à détourner les chercheurs du concept de satisfaction et à les conduire à s'intéresser à d’autres concepts, supposés plus influant sur la performance. En particulier, ils vont « sortir des bibliothèques » un ancien concept étudié dans les années 19609 (Becker, 1960) et qui n’avait pas connu de lendemain : le concept d’implication organisationnelle. Remise en scelle par Mowday, Steers et Porter, à la fin des années 1970, l’implication organisationnelle devient un concept clé. Il arrive dans un contexte intellectuel qui lui est favorable. A la suite des travaux du chercheur Edgard Schein sur la culture organisationnelle, dans les années 1975 et 1980, les auteurs et les praticiens en management vont promouvoir le concept opérationnel de culture d’entreprise. Mowday, Steers et Porter proposent, quant à eux, un concept psychologique qui prend le relais du concept de culture organisationnelle, venant lui de la sociologie des organisations. A la fin des années 1980, d’autres auteurs vont poursuivre les travaux des précurseurs, pour affiner la connaissance du concept, en particulier les canadiens Allen et Meyer. C’est l’implication organisationnelle qui est encore aujourd’hui la forme la plus étudiée du concept mais d’autres facettes de l’implication ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche et ont conduit Paula Morrow, en 1983, dans un article très souvent cité, à parler de « redondance conceptuelle ». Elle proposa, dans un ouvrage de synthèse sur la théorie et la mesure de l’implication au travail, publié dix ans plus tard, de regrouper sous le terme d’implication au travail (« work commitment ») différentes formes d’implication, dont l’implication organisationnelle (Morrow, 1993).

C'est ce concept général d’implication au travail qui sera retenu dans cette partie10. Il permet de qualifier le lien unissant l'individu à son univers de travail et semble offrir effectivement un cadre explicatif complémentaire à celui de la motivation et de la satisfaction au travail. Les chercheurs distinguent aujourd’hui différentes formes d’implication en fonction des cibles11 (organisation, activité de travail, carrière…) et des différentes natures ou dimensions12 (affective, calculée/de continuité, normative). C’est surtout l’implication organisationnelle qui a retenu l’attention des chercheurs, notamment pour étudier son influence supposée sur la performance au travail. Trois formes d'implication organisationnelle ont été étudiées : affective ou attitudinale (qui reflète l'identification et l'attachement d'une personne à l'égard d'une organisation particulière), calculée ou de continuité (mettant l'accent sur les pertes perçues associées au départ de l'organisation) et normative (qui correspond à un sentiment d'obligation morale de demeurer au sein d'une organisation). Les dirigeants tentent d’impliquer leurs salariés en les incitant à construire un lien de nature affective avec leur organisation. Mais les salariés sont en réalité impliqués dans différentes facettes de leur travail et le lien entre l’implication et la performance semble affecté par les interactions de ces implications multiples. Les salariés souhaitent-ils être performants ou sont-ils contraints de l’être ? La relation entre implication et performance dépend-elle de la nature affective ou calculée de leur attachement ? Les résultats des recherches présentés ici, qui concernent essentiellement la performance dans la tâche ou dans le rôle et, dans une moindre mesure, le comportement de citoyenneté organisationnelle (OCB)13, soulignent l’extrême imbrication des formes d’implication et suggèrent, là encore, la nécessité d’adopter des perspectives intégratives. Les différences culturelles observées dans quelques études apportent un éclairage complémentaire.

1.3.1. Une cible privilégiée par les organisations, l'implication organisationnelle affective

Nous disposons de nombreuses études, qui s’intéressent tout particulièrement aux relations entre l’implication organisationnelle affective et la performance dans l’activité de travail, la tâche ou le rôle. Il est vrai que cette forme d’implication semble, d’un point de vue théorique, particulièrement intéressante pour les dirigeants d’une organisation mais les résultats empiriques ne semblent pas à la hauteur de leurs espérances.



a) L’implication organisationnelle affective et la performance : un lien théorique fort mais un lien effectif relativement faible

En théorie, des salariés impliqués dans leur organisation devraient travailler de façon plus intense et contribuer à ce que l’organisation soit plus efficace. Mowday, Steers et Porter (1979) définissent en effet l’implication comme l’identification de l’individu avec une organisation particulière et sa participation dans cette organisation. Elle est caractérisée par trois facteurs liés : une forte croyance et acceptation des objectifs et des valeurs de l’organisation, une volonté d’exercer des efforts considérables pour le compte de l’organisation et, enfin, un fort désir de rester membre de l’organisation. Ils soulignent que l’implication organisationnelle est plus qu’une simple loyauté passive à l’égard de l’organisation. Elle suppose également une relation active.


Cependant, dans leurs études empiriques, les chercheurs n’ont souvent mis en évidence, dans le meilleur des cas, qu’une faible relation entre implication organisationnelle et performance au travail des individus. En effet, si nous reprenons les principaux travaux, la méta-analyse de Mathieu et Zajac (1990) ne fait apparaître qu’une faible relation positive (0,135) entre implication organisationnelle et performance. Il en est de même dans la méta-analyse de Randall (0,21, 1990). Quelques années plus tard, Becker et al. (1996) n’ont pas trouvé de corrélation entre implication organisationnelle et performance mais ont constaté en revanche un lien (0,16) entre l’implication à l’égard d’un responsable hiérarchique et cette variable résultante. Aucune relation n’a été trouvée entre implication organisationnelle et performance dans l’étude de Keller (1997), ni dans celle de Somers et Birnbaum (1998). La corrélation entre l’implication affective et la performance dans la méta-analyse plus récente de Meyer et al. (0,16 pour la performance dans le job et 0,32 pour la relation avec l’O.C.B., 2002) est relativement proche de celles calculées dans les méta-analyses publiées en 1990 et est comparable à celle de la méta-analyse de Riketta (0,18 pour la performance liée au rôle et 0,25 pour la performance extra-rôle, 2002) et de Cooper-Hakim et Viswesvaran (0,17 à 0,27, selon l’échelle de mesure utilisée, 2005). Les résultats d’études empiriques récentes vont dans le même sens. Les travaux de Riketta et Landerer (2005) concluent à une relation positive entre l’implication organisationnelle affective et la performance dans le rôle (0,30) d’une part, et d’autre part le comportement de citoyenneté organisationnelle (0,63) et confirment ceux de Stephens et al. (2004) : l’implication affective a un effet positif sur la performance au travail (0,355). Ainsi, après quinze années de recherche supplémentaire, on peut toujours conclure que l’implication organisationnelle affective et la performance sont certes corrélées mais à un niveau relativement faible et que le lien semble plus fort avec l’OCB. Riketta (2002) l’explique en rappelant que le comportement extra-rôle, parce qu’il est souvent volontaire, dépend de façon plus importante de facteurs motivationnels intrinsèques par rapport au comportement lié au rôle.
Il est important de s’intéresser également à la généralisation possible de ce résultat à d’autres contextes culturels. L’étude de Chen et Francesco, réalisée en République de Chine en 2003 nous apporte des éléments : ils ont en effet observé une corrélation positive (0,18) tout à fait comparable à celles calculées sur des échantillons Nord-américains. La méta-analyse de Jaramillo et al. (2005), qui porte sur 51 études publiées dans les 25 dernières années dans 14 pays fait ressortir des corrélations entre l’implication organisationnelle affective et la performance d’un même niveau (0,21 pour l’ ensemble de l’échantillon), mais cependant plus fortes pour les cultures « collectivistes » que pour les cultures « individualistes ». Il est difficile de conclure sur ce dernier point car une étude récente réalisée par Francesco et Chen (2004), qui fait apparaître une relation positive entre l’implication affective et la performance dans le rôle d’une part, et la performance extra-rôle (mesurée par le comportement de citoyenneté organisationnelle) d’autre part, montre cependant que le lien est plus faible pour les cultures « collectivistes » que pour les cultures « individualistes ». Une autre étude, menée dans les Emirats Arabes Unis (Shaw et al., 2003) fait état d’une relation entre l’implication organisationnelle et la performance globalement non significative (0,05) mais différenciée selon le statut des salariés. La relation est significativement positive uniquement pour les ressortissants de ce pays. Les auteurs expliquent ce résultat en mettant en avant la différence de statut entre deux catégories de salariés. Les travailleurs étrangers (dont les principaux pays d’origine sont l’Inde et le Pakistan) sont embauchés avec des visas de travail restrictifs qui prévoient souvent l’expulsion en cas de rupture du contrat de travail. Ils doivent donc maintenir un standard minimum de performance pour éviter de faire face à des conséquences graves, qu’ils soient impliqués affectivement ou non.
Ce constat fait sur la relative faiblesse des corrélations rapportées, il reste à en expliquer les raisons. Pour ce faire, les chercheurs avancent plusieurs arguments.

b) Les problèmes de conceptualisation et l’influence des variables modératrices ou médiatrices

Une composante de l’implication organisationnelle, le désir de rester membre de l’organisation, a souvent une relation faible et incertaine avec la performance (Slocombe et Dougherty, 1998). Dans certaines circonstances, un individu peut désirer rester dans une organisation sans vouloir pour autant faire beaucoup d’efforts. D’un autre côté, des salariés insatisfaits peuvent exercer des efforts considérables pour le compte de l’organisation tout en cherchant à la quitter afin de recevoir le maximum de compensations jusqu’à ce qu’ils trouvent un autre emploi plus attractif ou simplement pour préserver leur réputation de salarié performant. Parmi les trois aspects de la définition de l’implication organisationnelle affective de Mowday et al. (1979), c’est la volonté de faire des efforts qui serait le plus fortement liée à la performance dans le rôle selon les résultats de Slocombe et Dougherty (1998). Ils ont également trouvé une relation significative entre la volonté de faire des efforts considérables et l’OCB lorsque la croyance et l’acceptation des buts, ainsi que l’attractivité des récompenses liées à une performance élevée sont contrôlés. La volonté de faire des efforts considérables pour le compte de l’organisation n’étant pas nécessairement liée au désir de rester (à moins qu’il faille exercer des efforts considérables pour pouvoir rester, auquel cas la performance est « obligée »), le fait d’inclure la composante « désir de rester » dans la mesure de l’implication organisationnelle contribue selon ces auteurs à affaiblir les liens entre l'implication organisationnelle et la performance. Par ailleurs, le concept d’implication organisationnelle n’englobe pas les récompenses perçues pour une performance élevée alors que cette variable est un déterminant significatif de la performance (Slocombe et Dougherty, 1998). Ainsi, pour que la performance soit souhaitée par les individus, il semble important qu’elle soit récompensée.


L’effet de variables modératrices ou médiatrices pourrait être un autre élément explicatif. Ainsi, dans leur méta-analyse de 27 études, Wright et Bonett (2002) ont montré que l’ancienneté avait un effet modérateur non linéaire très fort sur la corrélation entre l’implication et la performance, les corrélations ayant tendance à diminuer de façon exponentielle avec l’augmentation de l’ancienneté, quand la « lune de miel » entre le salarié et l’organisation appartient au passé. Leurs résultats ne semblent pas être dus aux différences entre les études en terme de type de performance mesurée (par le responsable hiérarchique ou par auto-évaluation), en terme de type d’ancienneté (dans le poste ou dans l’organisation) ou en terme de mesure de l’implication (par l’O.C.Q.14 ou par d’autres mesures). En maintenant l’âge constant à 35 ans, les corrélations calculées dans cette méta-analyse ont été de 0,437 puis de 0,161 et de 0,041 pour les salariés ayant respectivement un an, cinq ans et dix ans d’ancienneté. Même si l’ancienneté n’a pas d’effet significatif dans la méta-analyse de Riketta (2002), la corrélation entre l’implication organisationnelle et la performance tend à diminuer lorsque l’ancienneté augmente. Cette méta-analyse (Riketta, 2002) met en évidence une corrélation significativement plus élevée pour les « cols blancs » (0,201) que pour les « cols bleus » (0,098) qui s’expliquerait par la plus grande autonomie accordée aux membres de la première de ces catégories. Ce dernier résultat doit cependant être analysé avec prudence compte tenu du très faible nombre d’études intégrées dans cette méta-analyse à partir desquelles sont calculées les corrélations corrigées (4 études pour les cols bleus contre 84 études pour les cols blancs). Dans leur méta-analyse de 2005, Jaramillo et al. font état d’une relation positive entre l’implication organisationnelle et la performance plus forte pour les salariés travaillant dans la vente (0,25) que pour les autres salariés (0,18), ce qui s’expliquerait par le plus grand contrôle qu’ils exercent sur leurs résultats lié à la nature même de leur activité. L’implication vis-à-vis du responsable hiérarchique pourrait également jouer un rôle : Vandenberghe et al. (2004) ont montré que l’implication organisationnelle a un effet indirect sur la performance dans l’activité de travail par l’intermédiaire de l’implication à l’égard du responsable hiérarchique. Dans cette même étude, les auteurs ont également mis en évidence un effet direct (0,24) de l’implication vis-à-vis du responsable hiérarchique sur la performance. Le supérieur hiérarchique représente en effet la personne qui est formellement responsable d’inciter les salariés à être performants. Par comparaison, l’organisation est une cible plus distante, plus adaptée pour prédire la performance extra-rôle, ce qui expliquerait également les corrélations supérieures observées entre l’implication organisationnelle affective et la performance extra-rôle par rapport à la performance dans le rôle. L’implication organisationnelle offrirait simplement un « terrain favorable » qui nécessiterait cependant d’être focalisé sur une cible, en l’occurrence le responsable hiérarchique, pour influencer la performance dans le rôle (Vandenberghe et al., 2004). Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’étude de Becker et al. (0,16, 1996 entre l’implication vis-à-vis du responsable hiérarchique et la performance) évoqués précédemment.

L’étude de l’implication organisationnelle affective met ainsi en évidence l’importance d’une cible intermédiaire, le responsable hiérarchique, mais d’autres cibles pourraient également jouer un rôle : le groupe de travail, le poste ou encore le métier. L’implication des individus semble en effet multiple. Bien que les études disponibles sur ces autres cibles soient beaucoup moins nombreuses, des résultats intéressants ouvrent de nouvelles voies de recherche.



1.3.2. Les individus et leur travail : une imbrication des cibles et des natures de l'implication.

La question des cibles de l’implication nous renvoie également au débat sur sa nature : l’implication affective n’entraîne pas nécessairement les mêmes conséquences que l’implication normative ou calculée.



a) L’implication organisationnelle normative et la performance

Peu de données sont disponibles pour la dimension normative de l’implication organisationnelle. Récemment, les résultats d’une étude empirique réalisée par Stephens et al. (2004) permettent de conclure à une relation positive entre l’implication normative et la performance au travail, mais celle-ci est d’un niveau très faible (0,094). On peut également se référer à la méta-analyse de Meyer et al. (2002) qui fait état d’une corrélation de 0,06 entre cette facette de l’implication et la performance dans l’emploi. En revanche, la corrélation est plus importante avec l’OCB (0,24). Ce résultat est très proche de celui de la méta-analyse de Cooper-Hakim et Viswesvaran (0,08, 2005). Meyer et al. (2002) font remarquer que la corrélation est légèrement plus forte dans les études conduites hors Amérique du Nord (0,10) par rapport à celles réalisées en Amérique du Nord (0,01). En même temps, ils soulignent que la corrélation entre les deux composantes affective et normative de l’implication organisationnelle est plus forte dans les études menées en dehors de l’Amérique du Nord. Ceci pourrait suggérer que ces construits eux-mêmes sont plus proches, c'est-à-dire que la différence entre désir et obligation est moins importante. Une autre hypothèse moins intéressante expliquerait cette plus grande redondance par des difficultés de traduction (Meyer et al., 2002). Il est difficile de conclure sur ce point quand on examine les résultats de l’étude empirique de Chen et Francesco (2003), réalisée en République de Chine. Ils n’ont pas trouvé de corrélation significative entre l’implication normative et la performance mais ils ont mis en évidence le rôle modérateur de l’implication organisationnelle normative dans la relation entre l’implication organisationnelle affective et la performance dans le rôle : la relation est plus forte entre implication affective et performance pour les individus qui ont une implication normative plus faible. Ce résultat pourrait signifier que l’implication affective pourrait servir comme moteur de la performance lorsque l’implication normative est faible et donc qu’il n’y a pas de sentiment d’obligation à l’égard de l’organisation.


La faiblesse des corrélations est également une caractéristique des relations entre l’implication dans le poste ou l’activité de travail et la performance.

b) L’ implication dans l’activité de travail (job involvement) et la performance

L'implication dans le poste fait référence au degré d'absorption dans l'activité de travail. La méta-analyse de Brown (1996) met en évidence une quasi absence de relation (0,088) entre l’implication dans l’activité de travail et la performance. Ces résultats pourraient être expliqués, selon l’étude empirique réalisée par Diefendorff et al. en 2002 par le choix des critères de performance et l’utilisation de mesures controversées de l’implication dans le poste pour les plus anciennes études incorporées dans la méta-analyse de Brown. En effet, en mesurant l’implication dans le poste par une échelle plus récente, celle de Paullay et al. (1994), Diefendorff et al. montrent que l’implication dans l’activité de travail est un déterminant significatif de la performance dans le rôle et du comportement de citoyenneté organisationnelle, tels qu’évalués par le responsable hiérarchique.

En 1997, Keller note l’absence relative de recherches sur la relation entre l’implication dans l’activité de travail et la performance. C’est ce qui le conduit à mener une étude portant sur une population de 532 scientifiques et ingénieurs, dans laquelle l’ancienneté dans l’organisation a été intégrée comme variable de contrôle. Ses résultats montrent que l’implication dans l’activité de travail est un prédicteur significatif (corrélation de 0,23) des variables dépendantes de performance mesurées un an après la mesure des variables indépendantes15. Son étude a également mis en lumière l’effet modérateur du type d’activité sur la relation entre l’implication dans l’activité de travail et les différentes mesures de la performance. Cette relation est en effet plus forte pour les scientifiques que pour les ingénieurs. Il explique cette différence en suggérant que l’implication dans l’activité de travail serait particulièrement importante pour les « travailleurs de la connaissance » qui ont une orientation « cosmopolite », leur loyauté s’exerçant à l’égard de leur domaine scientifique ou de leur communauté professionnelle, en dehors de leur organisation. Le type de poste occupé pourrait donc être un élément explicatif de la faiblesse des relations souvent observées. La méta-analyse récente de 997 articles de Cooper-Hakim et Viswesvaran confirme un lien globalement positif et plutôt faible (0,18, 2005), comme c’est le cas également pour une autre cible, l’implication dans le métier.


c) Implication dans le métier (occupational commitment), la profession (professional commitment) ou la carrière (career commitment) et la performance

Les termes « occupation », « profession » et « career » ont été utilisés de façon quelque peu interchangeable dans la littérature sur l’implication. Il est toutefois possible d’apporter quelques précisions sur leurs spécificités (Lee et al., 2000). Nous traduirons ici ces trois termes respectivement par métier, profession et carrière. Ces auteurs soulignent notamment que le terme de métier est plus général que celui de profession et que certains auteurs (Blau, Morrow) utilisent le terme « carrière » dans un sens équivalent, pour eux, à celui de métier. Ces derniers définissent l’implication dans le métier comme un lien psychologique entre une personne et son métier, fondé sur une réaction affective à ce métier.


Les salariés qui sont fortement impliqués dans leur profession seraient plus enclins à fixer un standard de performance plus élevé et seraient plus désireux de travailler durement pour atteindre ce standard (Wallace, 1995). Quant à l’implication dans la carrière, d’après les résultats de Somers et Birnbaum (1998), elle serait liée de façon positive à la performance dans la tâche (l’âge et l’ancienneté dans le poste étant contrôlés). Ces résultats sont cohérents avec la méta-analyse de Lee et al., (2000), qui a permis de calculer une relation positive modérée (0,219) entre l’implication dans le métier et la performance dans la tâche évaluée par le responsable hiérarchique. Ils vont également dans le même sens que les corrélations calculées entre l’implication dans la carrière et la performance dans la méta-analyse de Cooper-Hakim et Viswesvaran (0,19, 2005).
Comme nous l’avons vu, l’étude de la nature affective de l’implication a fait l’objet d’un grand nombre de recherches. La dimension calculée a été nettement moins explorée mais ses relations avec la performance semblent néanmoins être différentes de celles observées pour l’implication affective ou normative.

d) L’implication calculée ou de continuité : performance contrainte ou absence de performance ?

Nous traiterons ici de l’implication organisationnelle calculée qui est la facette essentiellement explorée dans la littérature concernant la nature calculée de l’implication.


Meyer et al. (1989) montrent l’existence d’un lien négatif entre l’implication organisationnelle calculée et la performance dans la tâche. Cependant, dans d’autres études, la relation entre l’implication organisationnelle calculée et la performance n’est pas significative (Mayer et Schoorman, 1992 ; Hackett et al. ; 1994 ; Somers et Birnbaum, 1998 ; Stephens et al., 2004). Dans leur méta-analyse de 2002, Meyer et al. relèvent une corrélation négative (-0,07) avec la performance dans le travail et une corrélation quasiment nulle avec l’OCB. Le sens de la relation entre ces deux variables est cohérent dans l’étude de Chen et Francesco (2003) réalisée en Chine, mais la corrélation calculée n’est pas significative (-0,01).
Les salariés impliqués de façon calculée pourraient se sentir prisonniers d’une situation non désirée. Ils pourraient occuper leur emploi avec une certaine passivité mais être contraints tout de même de remplir les exigences de base de cet emploi pour éviter de le perdre. C’est ce qui pourrait expliquer que la corrélation négative généralement constatée est très faible voire non significative.
Des différences liées aux problèmes de conceptualisation et de mesure pourraient expliquer également le caractère significatif ou non des corrélations calculées. En effet, dans leur vaste méta-analyse, Cooper-Hakim et Viswesvaran (2005) font la distinction, dans le calcul des corrélations corrigées, entre l’implication calculée (calculative organizational commitment, mesurée par l’échelle de Hrebiniak et Alutto, 1972) et l’implication de continuité (continuance organizational commitment, mesurée par celle de Meyer et Allen, 1984). Or, bien que la relation avec la performance est non significative dans les deux cas, le sens de la relation n’est pas le même : la corrélation est positive pour l’implication calculée (0,17) mais négative pour l’implication de continuité (-0,12). Ces différences pourraient être expliquées par les instruments de mesure utilisés. Morrow avait d’ailleurs rappelé en 1993 que Meyer et Allen (1984) avaient montré que la mesure de Hrebiniak et Alutto était « saturée d’implication affective » et elle soulignait que cette échelle plus ancienne ne semblait plus appropriée pour mesurer cette nature de l’implication organisationnelle. De façon plus générale, la méta-analyse de Cooper-Hakim et Viswesvaran est intéressante à la fois pour le nombre très important d’études intégrées (997 articles) et pour la distinction qui est faite dans le calcul des corrélations en fonction des échelles de mesure utilisées.
Pour conclure sur ce point, nous pouvons souligner que de nombreux auteurs rappellent dans les limites de leurs études, le fait que leurs données ne permettent pas de parler de causalité (Keller, 1997 ; Meyer et al., 2002 ; Riketta, 2002 ; Chen et Francesco, 2003 ; Shaw et al., 2003 ; Jaramillo et al., 2005). Il est possible que l’implication et la performance aient une relation de cause à effet inverse, comme le supposent par exemple Brashear et al. (2003), ou réciproque, d’où la nécessité de développer des recherches expérimentales ou longitudinales, plus adaptées pour déceler les causalités.

Les auteurs suggèrent également de développer des modèles multidimensionnels de la relation entre l’implication et la performance afin d’examiner les effets additifs ou soustractifs des interactions entre les différentes facettes de l’implication (Somers et Birnbaum, 1998 ; Wright et Bonett, 2002 ; Meyer et al., 2002 ; Cooper-Hakim et Viswesvaran, 2005), notamment pour expliquer la faiblesse des corrélations avec les comportements au travail. Dans leurs discours, les individus peuvent d’ailleurs être amenés à exprimer parfois toute la complexité des relations entre les aspects enthousiastes et aliénants de leurs formes d’implication (Neveu et Peyrat-Guillard, 2002), ce qui souligne la nécessité d’appréhender simultanément les différentes formes d’implication.

L’intérêt d’examiner l’influence de variables modératrices ou médiatrices est également souvent évoqué. Par exemple, Lee et al., (2000) montrent l’utilité qu’il y aurait à examiner les variables modératrices de la relation entre l’implication dans le métier et la performance dans la tâche. Ainsi, nous ne savons pas encore si l’implication dans le métier augmente la performance par son impact sur la motivation au travail ou par ses effets cumulatifs sur les compétences et les connaissances de l’individu. Dans le même ordre d’idée, les résultats d’une étude empirique réalisée par Carmeli et Freund (2004) indiquent que la satisfaction au travail constitue une variable médiatrice de la relation entre l’implication organisationnelle (affective et calculée) et la performance au travail d’une part, et que, d’autre part, elle joue également un rôle médiateur entre l’implication dans la carrière et la performance au travail. Il apparaît en outre dans cette étude que l’implication dans l’activité de travail (« job involvement ») est un antécédent de l’implication organisationnelle affective et de l’implication dans la carrière.

Enfin, plusieurs auteurs suggèrent l’intérêt d’étudier les liens entre l’implication et la performance dans un contexte international (Slocombe et Dougherty, 1998 ; Meyer et al., 2002), notamment en réalisant des comparaisons culturelles directes ce que Chen et Francesco (2003), Francesco et Chen (2004) n’ont pu faire, leurs études ayant été menées uniquement sur un échantillon de salariés chinois. Il n’existe pas encore assez d’études permettant une comparaison culturelle systématique. Dans la plupart des cas, les résultats des études conduites en dehors des Etats-Unis sont similaires à ceux des travaux de recherche réalisés dans ce pays, ce qui améliore la confiance dans le fait que les quelques différences observées sont significatives. Il reste important toutefois de faire clairement la distinction entre les différences liées aux aspects culturels et celles relevant tout simplement de problèmes de traduction (Meyer et al., 2002).


De façon plus générale, il est possible de porter un regard critique sur les échelles de mesure utilisées, notamment celles que proposent Meyer et Allen (1997, p.118 et 119) et qui sont aujourd’hui largement utilisées par les chercheurs. Tous les items de leur échelle d’implication de continuité font référence à l’intention de rester ou de quitter. Cette notion de fidélité apparaît également dans les échelles concernant la dimension affective et la dimension normative. On peut donc parler d’un certain chevauchement entre les sous-dimensions de l’implication organisationnelle. A titre d’exemple, les deux plus fortes corrélations entre les sous-dimensions de l’implication organisationnelle relevées par Cooper-Hakim et Viswesvaran (2005) dans leur méta-analyse sont de 0,64 entre l’implication organisationnelle affective et l’implication organisationnelle normative (échelles de Meyer et Allen) et de 0,63 entre l’implication attitudinale (Mowday et al., 1979) et l’implication de continuité (Meyer et Allen). Il paraît difficile d’appréhender les relations entre l’implication et la performance tant que les problèmes de mesure n’auront pas trouvé de réponse plus appropriée.


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