ÉVY, Éditeur



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14 LETTRES A M. PANIZZI

vous versait toujours deux verres de porto doré au lieu d'un. Il venait me dire qu'il n'avait pas voulu mettre en bouteille à Saint-Cloud le baril venu de Portugal, attendu que le droit d'octroi serait dans ce cas infiniment plus cher, mais qu'il m'enverrait le baril et son alter ego, pour le coller et le mettre en bouteilles.

Je suis fâché de ce que vous me dites de la santé de lord Palmerston. J'ai un certain tendre pour lui. Il est si gracieux, qu'il plaît, même dans ses méchancetés, tandis que lord Russell a le talent de déplaire toujours. Demandez à toutes les chancelleries de l'Europe en quelle odeur il est.

Il me semble que les Danois vont être égorgés
et que,-lorsqu'ils seront entièrement aplatis, on
trouvera quelque moyen de leur venir en aide.
Malheureusement, je ne les trouve pas aussi
héroïques que je les voudrais. Un homme assez
désintéressé dans la question dit qu'il n'y a que
les Autrichiens qui se soient vraiment bien battus ;
les Prussiens médiocrement et les Danois comme
des conscrits. o

Adieu, mon cher Panizzi ; j'espère que le rhu-

LETTRES A M. PAN1ZZI 15

matisme dont vous vous plaigniez aura cédé aux premiers rayons de soleil.

VII

Paris, 24 mars 1864.

Mon cher Panizzi,

Le quinzième volume de la Correspondance de Napoléon est imprimé, mais il n'a pas encore paru. Vous savez, je crois, que je ne fais plus partie de la commission. On m'a fait demander sub rosa si je voudrais être de la seconde commission pré­sidée par le prince. J'ai remercié. C'était déjà assez désagréable avec le maréchal; ce doit être encore bien pis avec un prince; en outre, il est probable que la besogne que fera cette seconde commission sera fort suspecte, et je ne me soucie pas d'en partager la responsabilité.

On devient de plus en plus capucin au Sénat et partout. Vous ne sauriez croire les murmures qui ont accueilli M. Delangle lorsqu'il a osé dire que Renan n'avait pas parlé de Jésus-Christ d'une ma­nière irrespectueuse.

16 LETTRES A M. PANIZZI

Ce soir, on disait que Dùppel avait été pris et l'île d'Alsen aussi, et l'armée danoise détruite. J'en doute un peu, mais cela arrivera. M. de Metter-nich dit ici assez publiquement que l'Autriche ne s'est mêlée de l'affaire que parce qu'il fallait em­pêcher les petits princes de la confédération de se réunir et de faire quelque bêtise une fois qu'ils au­raient eu une armée.

Il me semble qu'il y a en Angleterre une assez forte irritation conlre la partialité de la reine pour les Prussiens. Est-il vrai qu'un certain nombre de membres du Parlement se sont abstenus de voter l'autre jour dans l'affaire Stanfeld, pour ne pas mettre le cabinet en déconfiture ?

On raconte une jolie histoire du ministre de Prusse, qui s'est excusé de n'avoir pas bu à la santé du roi de Danemark en disant qu'il avait pris médecine ce jour-là.

Hier, j'ai dîné chez la duchesse de Bassano et j'ai mangé des petits pois d'Alger. C'était fort mauvais.

Je crains bien quelque nouvelle sottise de Gari-baldi. On prétend qu'on lui prépare une ovation magnifique en Angleterre. Est-ce qu'il n'y a pas

LETTRES A M. PANIZZ1 17

quelque journal sensé qui fasse justice de ce cer­veau brûlé ?

Je n'ose faire de projet pour ce printemps. Je
suis eh assez pi
ètre état de santé et je ne sais
trop comment je serai dans un mois ; mais, si je ne
suis pas trop mal, j'irai vous voir lorsqu'il n'y
aura plus trop de dîners. -
"

' Adieu, mon cher Panizzi; rappelez-moi au sou­venir de nos amis.

, VIII

' Paris, 1" avril- 1864.

Mon cher Panizzi,

Il paraît que l'archiduc hésite au dernier mo­ment. Les uns disent que l'archiduchesse en est la cause ; d'autres la rapportent à notre saint-père le pape," très mécontent, dit-on, du général Bazaine, qui n'est pas si facile que son prédéces­seur le maréchal. Forey, et qui, pour cette raison, a été excommunié par l'archevêque de .Mexico, dont il n'a.pas voulu suivre les avis.

Vous aurez de la peine, je crois, à empêcher

II. ' ' . 2

18 LETTRES A M. PAN1ZZI

Garibaldi de faire des sottises. Elles lui sont aussi naturelles qu'à un pommier de porter des pom­mes. Il me semble que sa visite ne doit pas être des plus agréables aux ministres en ce mo­ment.

Personne ne croit ici que les affaires du Dane­mark puissent s'arranger avant que M. de Bis­mark ait obtenu les succès militaires qu'il cher­che et avec lesquels il espère jeter de la poudre aux yeux à la Chambre des députés. En atten­dant, on continue à se tuer dans le Jutland et autour de Dùppel. Je n'ai jamais vu de guerre si bête et si vilaine, et on assure que ni d'un côté ni de l'autre l'héroïsme n'est bien considé­rable.

Je n'ai pas entendu dire qu'il fût question ici d'un changement de ministres. Ce n'est pas qu'on ne pût très facilement trouver moyen d'en rem­placer trois ou quatre, mais le maître n'aime pas les visages nouveaux. Il a tort, il faudrait en trou­ver par le temps qui court. Ce qu'il faut éviter par-dessus tout en France, c'est l'ennui, et il y a des gens bien ennuyeux dans le cabinet.

Adieu, mon cher Panizzi ; portez-vous bien et

LETTRES. A M. PANIZZI .19

ne dînez pas trop bien. Je suis condamné à un régime d'ermite, et je m'offense de voir les autres bien manger.

IX

Paris, 13 avril 1864.'

Mon cher Panizzi,

Comment expliquez-vous l'enthousiasme des Anglais pour Garibaldi? Est-ce, comme on le croit ici, pour faire compensation à l'affaire Stanfeld et montrer que, si on n'aime pas les assassins, on aime-les tapageurs? On a mis dans les journaux français que Garibaldi n'avait rien eu de plus pressé que de voir Mazzini et de l'embrasser. Si le fait est faux, comme je le crois, il ne se­rait pas mal de le démentir, dans l'intérêt de la France, de l'Angleterre et de l'Italie. Intelligenti pauca.

On se perd en conjectures sur la visite de lord Clarendon. Par parenthèse, je dîne demain avec lui chez lord Cowley. On dit qu'il vient pour recimen­ter une nouvelle alliance intime. Cela me semble

20 LETTRES A M. PANIZZ1

fort douteux. Il me paraît probable que nous sou­tiendrons, dans la conférence de Londres, l'o­pinion des commissaires anglais, mais avec une certaine réserve. Vous savez que nous avons un pied dans-la révolution, et que nous prenons tou­tes les affaires au point de vue théorique, tan­dis que vous ne considérez (et très sagement, je crois,) que le fait du moment au point de vue pra­tique et de votre intérêt personnel.

La peur de la guerre paraît se.dissiper un peu. La fin des lambineries de l'archiduc a produit un , assez'bon effet, mais nous sommes malades à l'in­térieur. Vous savez ce que deviennent les Fran­çais quand ils ne sont pas gouvernés. Or, à l'inté­rieur, nous ne sommes pas gouvernés. Les préfets ne reçoivent pas de direction. Les uns se font capucins, parce qu'ils croient, faire ainsi leur cour; d'autres inclinent vers le libéralisme outré, parce qu'ils s'imaginent que' l'avenir est là. La plupart font les morts pour demeurer bien avec tout le monde. En attendant, le socialisme fait des progrès et la bourgeoisie,.qui ne se souvient plus de 1848, est de l'opposition et aide à scier la branche sur laquelle elle est assiégée. Tout cela

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est fort triste et nous présage de mauvais jours.

Il y a longtemps que, pour vous détourner d'une résolution trop juvénile, selon ma manière de voir, je vous disais qu'excepté en Angleterre, personne n'était sûr de conserver ce qu'il possède.

Depuis quelque temps, je suis obsédé par l'idée de la misère dans ma vieillesse. Ce n'est pas que j'aie besoin de.grand'chose; mais encore faut-il pouvoir vivre. Demandez à M. Heath, ou à quelque savant homme en matière de finances, quel serait le moyen de placer de l'argent en viager d'une manière parfaitement sûre, et quel est l'intérêt que l'on donne à, un jeune homme de soixante ans. Je ne vous dis pas pour qui, ne le dites pas non plus. Nous en reparlerons.

Adieu, mon cher Panizzi. Je suis toujours souf­frant et oppressé. ■ '

. ". X



Paris, 20 avril 186).

Mon cher Panizzi,

Mille remercîments du papier que vous m'avez envoyé, mais je suis trop bête pour comprendre

22 LETTRES A M. l'ANIZZI

tout. C'est encore une chose dont nous aurons à reparler. Le jeune homme de soixante ans me. charge de vous remercier toto corde, mais il es­père qu'un monde meilleur le recevra avant la débâcle qu'il craint. En temps de famine, vous seriez un de ceux à qui il demanderait avec con • fiance un morceau de bœuf salé.

Il me semble qu'il y a pour le moment beau­coup d'accord entre les gouvernements de France et d'Angleterre, ce dont je me réjouis. Le Moni­teur a un entrefilet pour dire que notre cabinet n'a fait aucune observation au sujet de Garibaldi. C'est une bonne chose. Lord Clarendon a été tris choyé ici et a généralement plu.

Si vous avez contribué à faire reprendre à Gari­baldi le chemin de Caprera, et à lui faire faire une visite à M. d'Azeglio, vous avez fait pour le mieux. Après l'aristocratie, il serait tombé entre les pattes de la démocratie, et, n'ayant plus per­sonne pour le surveiller et le seriner, il aurait dit délie grosse. Il est fâcheux qu'il ait vu Mazzini et Stanfeld, dont l'affaire est plus mauvaise qu'on ne croit. Mais il y a, entre tous les gens de révo­lution, un trait d'union qui rapproche les coquins

>. LETTRES A M. PANIZZI 23

des niais vertueux. Cela n'empêche pas que l'on n'ait vu ici avec grande surprise lord Palmerston donner à dîner à un homme qui avait cherché à allumer une guerre européenne, qui avait dé­bauché des soldats et pris les armes contre son gouvernement. Garibaldi lui a rendu un mauvais service en le remerciant de la conduite de la marine anglaise lors de l'invasion de la Sicile. Je ne pense pas que ce soit un bon point pour lord Palmerston dans la diplomatie européenne. Mais vous êtes insulaire, et, malgré leur héroïsme, les Prussiens n'iront pas vous chercher querelle pour cela.

J'espérais que les Danois tiendraient plus long­temps. La prise de Dûppel va donner au roi de Prusse et à M. de Bismark une prépotence extra­ordinaire, et je crois qu'ils feront quelque sottise. L'empereur d'Autriche a été plus modeste. Il n'a pas voulu d'entrée triomphale pour des canons da­nois amenés à Yienne, et il les a fait mettre sans cérémonie dans un coin de ses écuries. . Adieu, mon cher Panizzi. Nous avons ici un temps magnifique; cependant je ne m'en porte guère mieux. On nous menace d'une session très

24 LETTRES A M. PANIZZI

longue. Je crains qu'elle ne dure tout le mois prochain. Tliiers et ses amis se préparent à fou­droyer le budget de leur éloquence.

XI

Paris, 24 avril 1864.

Mon cher Panizzi,

Je croyais que nous avions le privilège d'être plus fous que les autres peuples, mais cette année les Anglais ont l'avantage. Chasser M. Stanfeld, qui est ami de Mazzini, fêter Garibaldi, qui dit que Mazzini est son maître, e sempre bene. La visite du prince de Galles aurait probablement bien étonné M. Pitt et même M. Fox. Le discours de M. Gladstone au Parlement m'a paru une de ces comédies que l'on ne joue pas sur les grands théâtres. Tout cela me semble vraiment honteux.

Si l'aristocratie anglaise a fait tant de frais pour que Garibaldi ne se compromît pas avec les radicaux, quel résultat a-t-elle obtenu? Il a dit qu'il était l'élève.de Mazzini. Il a remercié lord

LETTRES A M. PANIZZI . . 25

Palmerston de l'avoir laissé débarquer en Sicile ; il a reçu un drapeau,avec l'inscription : Rome et.' Venise, outre l'argent. Croyez-vous qu'il en eût fait davantage avec les radicaux?

Comment les ministres étrangers prendront-ils la chose ? Il me semble certain que tous les gou­vernements de l'Europe regardent l'Angleterre comme le boute-feu de la Révolution, et, lorsqu'elle demandera pour le Danemark l'exécution des traités, pour la Pologne les conventions de. 1815, qui ne lui rira au nez?

J'ai vu une lettre d'une personne qui voit sou­vent la reine, et qui la dit furieuse. On lui prête ce mot qu'elle rie croyait pas qu'elle put être jamais honteuse d'être la reine des Anglais, comme elle l'est à présent.

Adieu, mon cher Panizzi;'mille amitiés et com­pliments.

XII

' Paris, 1" mai 1864.

Mon cher Panizzi,

Vous êtes indulgent rpour Garibaldi : il est vrai qu'il n'a rien dit de l'empereur, mais il a promis

26 LETTRES A M. PANIZZl

la république à la France; il s'est reconnu pour élève de Mazzini, enfin il a fraternisé avec Ledru-Rollin. Or Ledru-Rollin n'est pas exilé depuis le coup d'État du 2 décembre. C'est sous la Répu­blique qu'il a conspiré, et par la République qu'il a été condamné.

Yous dites que Garibaldi n'a pas été condamné ni même poursuivi. Cela est très vrai, mais ne prouve qu'une chose, la faiblesse du gouvernement italien. Cela ne diminue en aucune façon la culpa­bilité de l'auteur de l'expédition qui a fini par la fusillade d'Aspromonte. Je ne crois pas que ce soit le dernier mot de Garibaldi, qui me paraît homme à vouloir mourir coi scarpi, comme on dit en Corse, et je crains fort que, d'ici à peu de temps, il ne fasse des siennes.

L'effet produit par vos ovations en Europe n'a pas été heureux, et vous verrez les Allemands travailler et peut-être réussir à faire une nouvelle coalition dont l'Italie pourra se ressentir. Un de mes amis qui arrive de Vienne me dit qu'ils ont tous la tête perdue de leur grande victoire de soixante mille hommes contre quinze mille. J'espère que leur enthousiasme leur fera faire quelque sottise.

LETTRES A M. TANIZZI 27

Ici, les choses ne vont pas trop bien, l'intérieur n'a pas de direction; on maintient des préfets compromis ou incapables, on laisse les cléricaux, les carlistes et même les rouges faire de la propa­gande. Il n'y a pas de système. Il faudrait ou ré­sister énergiquement, ou bien faire à temps quel­ques concessions utiles, mais on attend et on ne fait rien.

Les lettres de Napoléon à Joséphine que nous avons vues il y a quelques années, avec une très jolie femme, ont été vendues à Feuillet deConches pour 3,000 francs ; elle nous en demandait 8,000. Je ne trouve pas que ce soit trop cher, vu le prix des autographes à présent.

Adieu, mon cher Panizzi; portez-vous bien et tenez-vous en joie.

. . • - XIII



Paris, 16 mai 186*.

Mon cher Panizzi, .

La session linit un peu mieux qu'on ne l'espé­rait. M. Rouher a pris de l'assurance et a fait des

28 LETTRES A M. PANIZZI '

progrès très notables. Thiers a perdu beaucoup de son prestige. C'est toujours le même art et la même facilité d'élocution, mais point d'idées poli­tiques, et, au.fond, dé petites passions mesquines., II.a parlé contre l'expédition du Mexique et.a conclu en proposant de traiter avec Juarez, qui est à tous les diables. Il vient de parler,contre le budget, qu'il trouve trop considérable, et a parlé pendant trois heures et demie. Mais il ne trouve pas qu'on dépense assez pour la guerre, pas assez pour la marine; il approuve les augmentations. des traitements ; enfin il conclut en disant qu'on a trop dépensé pour 'la préfecture de Marseille, et, sur le total, il se trompe de sept millions. Les nouveaux députés se moquent un peu de lui, et il paraît; au fond, assez mécontent de lui-même.

On nous dit que, aussitôt après la session, il y aura quelques mouvements ministériels. Le minis­tre de l'intérieur sera changé, cela paraît sûr, mais quel parti l'emportera dans le cabinet? C'est ce que personne ne peut dire et ce que le grand fai­seur lui-même ne sait peut-être pas encore à présent.

LETTRES A. M. PAN1ZZI 29

Adieu, mon cher Panizzi ; on me dit que vous allez parfaitement bien, ce qui me réjouit fort.

XIV-'

Paris, 27 mai 18G4.

Mon cher Panizzi,

Notre session tire à sa fin : on pense qu'on nous donnera mercredi prochain la clef des champs. De ce côté-là donc, pas de difficultés ; mais, du côté de mes poumons, il y en a d'assez graves. Je suis toujours comme un poisson hors de l'eau, et je n'ose pas trop me mettre en route. Joignez à cela le risque d'une invitation à Fontainebleau, quoi­que,entre nous, il me semble que je suis un peu en disgrâce. La semaine prochaine, en tout cas, je prendrai mon grand parti, et, si je puis aller vous voir, j'écrirai à M. Poole de me faire des habits dignes de votre compagnie.

Le faubourg Saint-Germain est dans un pa­roxysme de fureur du brevet de duc de Montmo­rency envoyé au duc de Périgord. Il est le fils du duc.de Valençay (fils de madame de Dino-Talley- '

30 LETTRES A M. PANIZZ1

rand) et de mademoiselle de Montmorency, sa pre­mière femme. Mais il y a des collatéraux, des Montmorency, des Luxembourg, des Laval, etc., qui réclament et crient comme des brûlés. Pour moi, il me semble que quiconque aime les cerises de Montmorency a des droits à un duché éteint..

Ce soir, on disait qu'on allait faire un duc de X... et un duc de Z..., deux titres éteints, le premier fort antique, et l'autre du premier empire. Tous ces ducs nouveaux sont des jeunes gens qui ne brillent ni par l'intelligence ni par la vertu; mais il y a dans l'atmosphère des cours quelque chose qui attire les niais et leur procure une bonne réception.

Je suis un peu inquiet de la santé de la comtesse de Montijo. Elle ne viendra pas en France cette année, et il se pourrait bien que j'allasse lui faire une petite visite à Madrid. Que diriez-vous d'une course de ce côté? Mais il ne faudrait pas y aller avant la fin de septembre, de peur de fondre en route. Je vous mènerais à l'Escurial, où nous ver­rions quantité de manuscrits et de bouquins cu­rieux. On va en chemin de fer presque toute la route depuis Bayonne; cependant il y a encore

LETTRES A M. PAKIZZI Si

une lacune de quelques heures, mais ce n'est pas grand'chose.

Adieu, mon cher Panizzi; donnez-moi vite de vos nouvelles.

XV

Paris, 3 juin 1864.

Mon cher Panizzi,

Je suis chargé par madame de Montijo — qui ,s'obstine à vous appeler Panucci — de vous offrir le vivre et le couvert pendant votre visite à Ma­drid. Elle dit que, le 1" octobre, on ira d'une traite en chemin de fer de Bayonne à Madrid.

Le prince impérial a été un peu malade de quel­que chose comme la rougeole. Il est assez bien à présent, à ce qu'on vient de me dire. Je ne crois pas même que c'ait été la rougeole ; mais une de ces petites éruptions comme les enfants.en ont souvent.

Le pape est, m'assure-t-on, dans un très mau­vais état. Il se force pour montrer qu'il n'est pas malade, et, à force de faire le brave, il finira par s'en aller. On ne lui donne pas six mois de vie.

32 LETTRES A M. PANIZZI

Il a les jambes enflées et toujours en suppura­tion, et, à soixante-dix-sept ans, c'est peu rassu­rant. En trouvera-t-on un pire? Je ne le crois pas.

On paraît croire ici que la question du Dane­mark n'est pas près de se dénouer. Ce qui est assez drôle, c'est que cette grosse bêtise du vote des provinces en litige a fait de nombreux prosér lytes en Allemagne, où la France et l'empereur sont maintenant assez populaires. Je voudrais qu'on introduisît en Autriche cette manière de faire voter les gouvernés sur les gouvernants. Nous aurions un spectacle assez drôle. Au fait, la Révolution fait des progrès effrayants partout. 11 n'y a guère que votre île de brouillards qui n'en soit pas menacée.

La révolte des tribus arabes tire à sa fin. Ils ont fait la faute de faire leur levée de boucliers avant leur récolte, ce qui les oblige à manger leurs troupeaux pour, les empêcher de mourir de faim. Il y a aussi d'assez bonnes nouvelles du Mexique. On dit qu'on forme en Autriche un assez bon corps de volontaires pour le nouvel empereur.

LETTRES A M. PANIZZI Sî

Adieu, mon cher Panizzi; à bientôt j'espère. Mettez-moi toujours aux pieds de vos belles dames.

XVI

Paris, 7 juin 1864.

Mon cher Panizzi,

M. Frémy, que vous connaissez, est venu hier, de la part de l'impératrice, me dire qu'elle voulait que j'allasse à Fontainebleau le 13 de ce mois. Je l'ai prié de dire à Sa Majesté que j'étais très peu propre à faire l'ornement de sa cour dans l'état de débine où je me trouvais; que, de plus, j'étais attendu à Londres et que toutes mes dis­positions étaient faites pour ce voyage. Aujour­d'hui, je suis allé voir Frémy, qui m'a dit, de la part de Sa Majesté, que je n'avais rien à faire à Londres ; que le climat ne me valait rien, et qu'elle comptait sur moi le 13.

"Vous comprenez que je ne puis répliquer. Me voilà donc pour une semaine au moins à Fontai­nebleau. Si vous êtes à Londres encore, j'irai

vous trouver en quittant Leurs Majestés. Je n'ai
n. 3

34 LETTRES A M. TANIZZI

pas besoin de vous dire combien ce retard me contrarie, mais le moyen de refuser?

Je suis parfaitement résolu à m'excuser si, se­lon son usage, Sa Majesté m'invite à prolonger mon séjour. Alors j'aurai fait preuve de bonne volonté et j'aurai le droit de résister. Maintenant ce n'est pas possible. Vous avez en ce moment la meilleure partie de moi-môme sous votre toit, je veux dire mon habit et mes culottes. Dans le cas où vous auriez un ami assez bête pour se char­ger de m'apporter ledit habit (l'habit et le gilet seulement), et si cet ami partait avant le 12 de ce mois, j'en paraîtrais plus beau devant mes hôtes augustes. Cependant ne vous donnez au­cune peine pour cela. Mon habit numéro deux est encore mettable, et il y en aura dô plus vieux, selon toute apparence. Il est donc bien entendu que vous payerez M. Poole, que vous me ferez crédit, et que vous me répondrez de mes culottes devant Dieu et devant les hommes ; enfin que, si une occasion facile et imprévue se présentait, vous m'enverriez l'habit et le gilet avant le 12 juin. Selon toutes les probabilités, je pourrai être à Londres pour ma fête, qui est le 25 de ce mois.

LETTRES A M. PANIZZI 35

A ce propos, je vous dirai que le chemin de fer de Bayonne à Madrid sera ouvert, non,pas le 1" octobre, comme on me l'avait dit, mais le 15 juillet.

Aller à Madrid le 15 juillet, c'est, quand on n'est pas incombustible, une affaire un peu grave. Je sais que nous serions à Carabanchel, où il y a un peu d'air; mais lé mauvais côté de l'affaire est qu'on ne peut rien voir, ni taureaux, ni opéra ni manuscrits. Tout le monde est en vacances. Il vaudrait mieux, à mon avis, partir vers le milieu de septembre, ou au commence­ment d'octobre. Le mois de novembre est encore très beau à Madrid, seulement il ne faut pas sortir sans un paletot qu'on porte sur le bras pendant le jour, mais qu'il faut endosser dès que le soleil se couche.

Adieu, mon cher Panizzi ; je vous ai dit que j'a­vais retrouvé dans ma cave du vin de Porto vrai­ment sublime ; le docteur Maure y fait des brè-. ches notables, mais il en restera toujours une ou deux bouteilles pour Votre Seigneurie.


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