ÉVY, Éditeur



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LETTBES A M. PAN1ZZI 89

et aux autres connaisseurs, cela me semble une œuvre capitale, telle que peu de musées en pos­sèdent. Je ne trouve pas que vous l'ayez payée cher. Mais que dites-vous de notre Louvre, qui a acheté cent treize mille francs, un portrait d'An-tonello de Messine? Notre administration agit avec la passion d'un amateur, ce qui est déplo­rable. Si j'en avais le pouvoir, je changerais avec vous : je vous donnerais l'Antonello pour l'Apollon, sans vous demander la différence de prix.

J'ai reçu hier une lettre de madame de Mon-tijo. Elle ne me dit pas un mot de son voyage à Londres, mais me promet qu'elle sera à Paris vers le commencement de mai. La comtesse est mieux,, à ce qu'elle m'écrit, bien qu'un peu fa­tiguée de son hiver. Sa maison étant le refuge de tous les oisifs de Madrid, elle est la victime de ses devoirs de maîtresse de maison. Elle ne se couche qu'à l'heure qui convient à ses ter-tulianos, et continue ainsi jusqu'à ce qu'elle soit sérieusement malade. Elle me charge, d'ailleurs, de ses memorias pour Pànucci; car elle persiste à dénaturer le nom de Yotre Seigneurie.

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Que dites-vous des discussions dans le Parle­ment sur les affaires du Canada ? Je voudrais sa­voir ce qu'en pensent l'ombre de Pitt et celle de lord Wellington. Mais ce qui passe mon intel­ligence, c'est un gouvernement qui prend la peine d'instruire les étrangers qu'il a la plus grande longanimité et qu'il acceptera tous les soufflets qu'on peut lui offrir. Serait-il vrai que les hommes deviennent poltrons en vieillissant?

Cousin est parti pour Paris, il y a trois jours, en assez mauvais état. Il m'a dit qu'il s'arrêterait en route, et ne serait à Paris que samedi. Je sup­pose qu'il ne veut pas revoir ses anciens amis po­litiques avant la fin de la discussion de l'adresse.

Il me semble que nous avons été plus politiques et moins bavards au Sénat. L'opposition, en pré­sentant celte kyrielle d'amendements, n'a guère obtenu d'autre résultat que celui d'ennuyer le public. C'est du moins l'impression que cela a produit à Paris, et que j'ai éprouvée moi-même.

Lisez un livre assez curieux qui vient de pa­raître : L'Immortalité selon le Christ, par Char­les Lambert. Il y a une appréciation nouvelle de

LETTRES A M. PANIZZI M

l'histoire juive qui m'a l'air d'être vraie. Depuis que le parti clérical est devenu si puissant et si intolérant, les livres de cette espèce se multi­plient et se vendent comme du pain. Cela pour­rait finir par quelque chose de falal à notre sainte religion, si les femmes n'étaient pas là, pour la faire triompher en se refusant aux hom­mes assez immoraux pour ne pas faire leurs Pâques.

Adieu, mon cher Panizzi; je voudrais bien que vous fussiez ici pour l'aire maigre demain. Je compte partir pour Paris, si j'en suis capable, vers les premiers jours de mai.

XXXIX

Cannes, 22 avril 1865.

Mon cher Panizzi,

Je suis un peu mieux, quoique toujours assez dolent. Dimanche eu huit, je compte être à Paris. J'espère y trouver la comtesse deMontijo, que je voudrais savoir en France, maintenant qu'on se tire des coups de fusil à Madrid. Elle a le mal-

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heur d'avoir une maison qui est une position stratégique, qui a déjà été occupée plusieurs fois militairement, et dont, à la dernière émeute, heu­reusement pendant son absence, son ami le gé­néral Concha a dû faire le siège. Le gouverne­ment et le parti progressiste en sont arrivés au dernier degré d'animosité ; il n'y a plus que la guerre de possible entre eux.

Ce qui m'amuse beaucoup, c'est que le parti du progrès accuse Narvacz d'être néocatholique, ce qui me rappelle l'histoire suivante. — Dans son. avant-dernier ministère, il s'élait brouillé avec notre saint-père le pape, et, comme il est homme d'esprit et qu'il sait le défaut de la cuirasse pa-paline, il commença par saisir ce qu'on appelle-le trésor de la bulle, c'est-à-dire, l'argent que l'Espagne envoie à Rome pour ne pas faire mai­gre. Tout cet argent, et il y avait plusieurs mil­lions, fut employé à enrichir ses créatures, au nombre desquelles toutes les jolies filles de Ma­drid. Une de ces dernières, mon intime amie et très dévote, avait une pension de huit mille réaux pour services publics.

Toute la question à présent est de savoir ce

LETTRES A M. PANIZZI !)3

que fera l'armée. Dans la dernière émeute de ce mois, elle a tiré à tort et à travers sur le respec­table public, et, si elle demeure fidèle, il n'y aura pas de révolution; sinon, nous aurons à Paris l'innocente Isabelle.

Voilà les confédérés à bas, ou du moins bien bas. Reste à pacifier le pays, et quelles mesures M. Lincoln prendra-t-il pour cela ? Avec un Par­lement composé de canaille, comme celui des États-Unis, et un Sénat présidé par un tailleur ivrogne, qui peut dire quelles folies nous pour­rons voir? Ce qu'il y a de pire, c'est que ces drôles-là sont en réalité très puissants, qu'ils ont dans toutes les occasions un entêtement de mu­let, et pas plus de conscience que n'en avaient vos petits tyrans italiens du xvi° siècle. Ce sont là bien des éléments de succès dans un temps où la Providence s'obstine à ne, plus faire de miracles. Si j'étais à la place de l'empereur Maximilien, je lâcherais d'enrôler au plus vite les Irlandais et les Allemands de l'armée fédérale, outre tous les coquins qui ont pris le goût de la bataille. Ce serait, jecrois, un excellent moyen de gagner le respect de ses sujets et de les mener

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à la civilisation par le plus court chemin.

Que dites-vous du discours de Tliiers? Il paye à l'empereur d'Autriche le dîner qu'il en a reçu, en proposant sérieusement à loi France l'alliance autrichienne comme la plus utile. Thiers a une faculté singulière, c'est d'oublier tout ce qu'il a dit et tout, ce qu'il a fait, dès que la passion s'en mêle. Il est de très bonne foi, aussi con­vaincu de son infaillibilité que peut l'être le plus entêté de tous les papes.

Je ne suis guère plus content du discours de M. Rouher; mais il vous prouve quel est l'im­mense pouvoir des idées cléricales en France. On y considère comme athée quiconque met en question la souveraineté temporelle du pape. Il y a des gens très honnêtes, très éclairés, comme M. Buffet, par exemple, qui croient cela comme parole d'évangile. Viennent ensuite les politiques ou soi-disanl tels, qui admettent comme un fait incontestable que toute diminution du territoire du pape est un malheur européen et une occa­sion de conflit général. Si cela continue, vous et moi, nous courons risque d'être brûlés avec des fagots en place publique.

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Adieu, mon cher Panizzi ; veuillez me tenir au courant de vos intentions pour le temps des va­cances, j'entends vos vacances.

XL

Paris, 4 mai 1865.



Mon cher Panizzi,

J'ai vu aujourd'hui M. Fould, qui m'a -paru en assez bon état et pas trop mécontent de la marche des choses. Les orléanistes, les républi­cains, et surtout les légitimistes, sont encore dans les extases d'admiration pour le discours de M. Thiers. C'est, disent-ils, le premier homme d'État de l'Europe. Ce que c'est que la passion. Je ne crois pas qu'il ait jamais rien dit de plus propre à prouver qu'il est absolument exempt de sens politique. J'ajouterai que ce n'est pas non plus par le sens moral qu'il brille.

On m'avait parlé de la santé de lord Palmer-ston de la même façon que vous. Lord Cowley dit qu'il n'a qu'une attaque de goutte aux mains et qu'il ne veut pas se montrer, parce qu'il ne

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saurait consentir à se faire faire la barbe par un barbier. Vous savez que les diplomates ne sont pas comptés parmi les plus véridiques des hommes. Au cas où celte goutte se prolongerait ou prendrait des proportions alarmantes, qui sera premier, ministre? On m'a dit, mais j'en doute, que la reine avait appelé lord Clarendon, qui au­rait décliné d'accepter la succession et indiqué lord Stanley.

Ne trouvez-vous pas qu'on fait un peu trop de fiiss pour la mort de M. Lincoln ? C'était, après tout, un first second rate man, comme disaient les Yankees, dont probablement vous n'auriez pas voulu pour un employé du Muséum; mais il valait mieux que la majorité de ses compa­triotes, et il me semble qu'il avait gagné à force de vivre dans les grandes affaires. Les éloges qu'on en fait au Parlement montrent la peur qu'on a de l'Amérique ; et le résultat qu'on aura obtenu sera de rendre ces rustres encore plus impertinents et orgueilleux qu'ils ne le sont natu­rellement. Croyez qu'il ne se passera pas long­temps avant que l'Angleterre regrette sa politique au commencement de la guerre civile.

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M. Booth et l'autre sont des scélérats bien trem­pés qui rendraient des points à Millier <. Ed. Cliilde me dit que, depuis un mois, ce Booth s'entraînait à tirer des coups de pistolet dans toutes les positions. Il croit qu'il n'a eu aucune communi­cation avec les gens du Sud ; cependant sa phrase latine : Sic semper tyrannis ! est la devise de la Virginie. Nous verrons probablement de singu­lières choses avec l'ivrogne qui succède à Lin­coln.

Tout le monde ici me paraît mécontent du voyage de l'empereur en Algérie. C'est trop ris­quer pour voir ce qu'il verra. Le plus sage eût été de laisser faire le maréchal Mac-Mahon, qui est un homme de sens et très honnête, deux qualités rares par le temps qui court.

Adieu, mon cher Panizzi ; j'espère que vous avez votre part du beau temps qu'il fait ici et que vous êtes fort et allègre. Je voudrais pouvoir en dire autant.

II. 7

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LETTRES A 51. TANIZZI

XLI

Paris, 12 mai 18G5.

Mon cher Panizzi,

Lundi dernier, j'ai déjeuné avec notre hôtesse de Biarritz et son fils. Tous les trois. Elle m'a demandé de vos nouvelles. Elle va bien et l'en­fant est extrêmement gentil et bien élevé. Il me semble que tout le train de la maison est changé. On est moins gai, mais on est plus calme. Je crois que, depuis un an, elle en a appris beaucoup sur les choses et sur les hommes. Un sculpteur assez bonl fait un assez joli portrait de l'enfant ; ce qui adonné à celui-ci l'envie de mettre la main à la terre glaise, et il a fait un portrait de son père qui est ressemblant. Cela est pétri à la diable, mais il y a un sentiment des proportions qui est vraiment extraordinaire.

Ici, on est assez content de M. Bigelow, le mi­nistre des États-Unis. Il dit très haut qu'ils veu-

1. Carpeaux.

LETTRES. A M. PANIZZI 99

lent être en paix avec tout le monde, et, quant au Mexique, qu'ils laissent à leurs voisins le choix du gouvernement qu'ils préfèrent. L'impératrice lui'a demandé ce que voulait dire cette phrase du président: « Si l'Angleterre est juste avec nous. » M. Bigelow a répondu que la justice qu'ils atten­daient, c'était le remboursement de cent millions de dollars, somme à laquelle on évalue les pertes causées au commerce fédéral par les croiseurs confédérés armés en Angleterre.

Maintenant qu'on fait tant de fuss et tant de compliments à l'occasion de la mort de M. Lin­coln, que la reine d'Angleterre et'l'impératrice écrivent à la veuve de leurs mains blanches, quelle sera, .croyez-vous, la prépotence de ces drôles, qui déjà se regardent comme les pre­miers moutardiers du pape ? Attendez-vous à toutes les insolences les plus monstrueuses. Lin­coln était un pauvre hère, non dépourvu de bon sens et qui, en quatre années, avait appris quel­que chose. Croyez que la faiblesse de lord Pal-merston et ses peurs absurdes seront, bientôt vivement senties et chèrement payées. La poli­tique sénile, qui est de vivre au jour le jour,et

100 LETTRES A M. PANIZZl

d'ajourner toutes les grandes questions, finit tou­jours tragiquement.

Thiers tend visiblement à se séparer de ses amis pour se rapprocher des cléricaux et du fau­bourg Saint-Germain. 11 est, comme bien des gens venus de bas, très sensible aux flatteries de l'a­ristocratie, et le faubourg Saint-Germain ne les lui marchande pas. On lui fait une cour très assi­due, et des gens qui le pendraient probablement, s'ils revenaient jamais au .pouvoir, l'encensent de la manière la plus honteuse. Il en est tout bouffi, et ses femmes encore plus. Chez les bour­geois, on commence à lever les épaules de ses théories politiques et à l'appeler radoteur. Je doute qu'il fût élu à Paris, s'il y avait une nou­velle élection. Pour moi, je n'ai rien'vu de plus bouffon que son argument pour le pouvoir tem­porel, fondé sur la liberté nécessaire au catho-icisme. Le catholicisme a besoin d'un souve­rain étranger; ergo, il faut que le pape soit sou­verain. Mais, pourrait-on répondre, les Romains n'ont malheureusement pas un souverain étran­ger. Enfin';' tout cela est bête et pourtant cela passe et est accepté par beaucoup de niais.

LETTRES A M. PANIZZI 101

Adieu, mon cherPanizzi; portez-vous mieux et tenez-vous en joie.

XLII

Paris, 19 mai 1865.

Mon cher Panizzi,

Madame de Montijo est arrivée ici très enrhu­mée, et la vue pire que lorsque vous étiez à Biar­ritz. C'est, pour une personne si active, un très grand malheur; mais elle le supporte avec cou­rage, et se tire d'affaire même, sans que bien des gens s'aperçoivent de son infirmité. Le comte de las Navas et sa femme sont avec elle. L'un et l'autre en bonne santé. Ils m'ont demandé beau­coup de vos nouvelles.

Que dites-vous des cent mille dollars offerts par le président Johnston? Croyez que ces affreuses canailles de Yankees nous donneront sous peu, à vous et à nous, de fiers tracas.

On commence à croire que le Corps législatif ne voudra pas voter le budget des travaux extra­ordinaires. Fould, qui s'était fort opposé à ce

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qu'il fût présenté, a eu le tort de chercher en­suite des moyens d'exécution qui rendissent la chose possible.

Adieu, mon cher Panizzi. Vous savez que Libri est un homme du xvi° siècle qui ne se fie à personne, comme était Benvenuto Cellini qui tournait les coins de rues ait largo.

XLIII

Paris, 13 mai 1805.

Mon cher Panizzi,

Je suis bien désolé de ce que vous me dites de lady Zetland. C'était — car je crois qu'il faut main­tenant parler d'elle au passé — c'était une femme comme il n'y en a plus guère, distinguée, s'inté-ressant à tout et parlant bien de tout. Quoique je l'aie très peu vue, je l'aimais plus que des femmes avec qui j'ai eu de plus intimes relations. Lorsque vous verrez lord Zetland ou quelqu'un de la famille, veuillez lui dire toute la part que je prends à leur malheur.

LETTRES A M, PANIZZI 103

J'ai toujours oublié de répondre à votre ques­tion au sujet du voyage de madame de Montijo en Angleterre, d'abord, parce que je n'y croyais pas, et que je n'y croirai que lorsqu'il se fera. Mais il est très vrai qu'on en parle. Elle veut passer une semaine à Londres, puis une quin­zaine dans un château en Ecosse, je ne me rap­pelle plus chez qui.

A ce propos, dites-moi belween you and me et très nettement ce que vous pensez de ce voyage et de la circonstance suivante. Elle doit passer ces huit jours chez madame ***, à Londres. Madame *** est très riche ; mais, si je ne me trompe, pas trop bien dans le monde anglais. Son mari a un air dé juif qui ne lui est pas très prepossessing. Elle ne manque pas d'esprit, mais elle est horriblement cancanière. Il me semble que c'est, de toutes les maisons, celle où j'aime­rais le moins à la savoir. Vous êtes plus à même que personne de nous éclairer là-dessus. Mais, au surplus, je ne pense pas que la chose se fasse : d'abord, sa fille ne sera pas trop pres­sée je pense de la laisser partir, puis probable­ment elle aura sur l'affaire la même opinion que

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moi; enfin, si la cour va à Fontainebleau, à Biar­ritz ou ailleurs, ce sera un dérivatif tout naturel.

Il n'est question ici que de la nouvelle frasque du prince Napoléon et de son discours à Ajaccio, qui a été commenté si étrangement ensuite par l'Opinion nationale. On blâme beaucoup la ré­gente de ne lui avoir pas donné un vigoureux coup de caveçon. Elle a craint de paraître juge dans sa propre cause, mais elle aurait dû réflé­chir qu'outre sa cause, il y a celle de son mari, de son fils et la nôtre à nous. Quelle opinion doit-on avoir de nous à l'étranger, et comment s'ex-plique-t-on que le premier prince du sang an­nonce des intentions et prêche une politique si contraire à celle de l'empereur et de l'Empire?

Adieu, mon cher Panizzi ; j'irai vous voir le plus tôt que je pourrai ; mais vous savez que ce n'est pas pour les dîners et les assemblées du beau monde que je vais à Londres.

LETTRES A M.

PANIZZI

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XL1V

Paris, 2 juin 18G5.

Mon cher Panizzi,

Je n'ai pas eu beaucoup de peine à faire com­prendre à madame de Montijo que, si elle allait à Londres, elle ferait bien de prendre une autre posada, et je crois qu'elle a renoncé au voyage, sur lequel, d'ailleurs, elle n'avait pas encore con­sulté sa fille. M. de Elaliaut, que j'avais consulté de mon côté, est absolument de votre avis.

Que dites-vous de la lettré de l'empereur, de celle du prince et de toute l'affaire? Tout le monde à peu près s'en réjouit : les uns parce qu'ils dé­testent Son Altesse, les autres parce qu'ils trou­vent que cette querelle de famille affaiblit l'Em­pire. Pour moi, je tiens pour vrai le mot du pre^ «nier Napoléon, que c'est en famille qu'il faut laver son linge sale, et je regrette que la régente n'ait pas donné tout d'abord un coup de caveçon au prince ; puis, que l'empereur ne lui ait pas de­mandé sa démission du conseil privé par une

106 LETTRES A M. PANIZZI

lettre qui n'aurait pas été publiée. Cette combi­naison remédiait à tout, ce me semble, et ne cau­sait pas un scandale comme le procédé qui a été préféré. Mais à quoi bon parler de ce qui est fait?

Comment vont tourner les élections? Lord Pal-merston les fera-t-il? conservera-t-il son porte­feuille, si les députés nommés lui donnent la ma­jorité? Savez-vous que la réclamation des États-Unis, pour être polie, à ce qu'il dit, n'en est pas moins des plus désagréables, et qu'elle peut finir tragiquement avec les drôles qui siègent au con­grès.

Notre affaire du Mexique ne s'améliore guère non plus, et la paix des Élats-Unis n'est pas de nature à l'arranger. Cependant, M. Bigelow, le ministre de M. Johnson, est des plus pacifiques, et promet, non seulement de ne pas favoriser, mais même d'empêcher l'intervention. Tant qu'il n'y aura que des flibustiers, le mal ne sera pas grand.

Ici, à l'intérieur, il y a quelque chose comme un apaisement, du moins il y a tendance à l'adou­cissement des partis extrêmes. Les orléanistes et les légitimistes penchent à ne faire qu'un avec les

LETTRES A M. PANIZZI 107

cléricaux, et les rouges à' se changer en une op­position tracassière, mais non factieuse. Il ne faut pas croire toutefois que le gouvernent gagne .beaucoup à cela. Il est, d'ailleurs, sur une pente où il n'est pas facile de s'arrêter, et, quoi qu'il fasse, il esi probable que l'influence parlementaire ira toujours augmentant. Sera-ce un bien ou un mal? je n'en sais rien. Thiers est cajolé par le faubourg Saint-Germain ; et ses femmes sont en­chantées de recevoir des duchesses. Je ne déses­père pas que tout ce monde ne fasse ses Pâques un de ces jours, afin de prouver sa noblesse.

Je vois par votre dernière lettre que vous nevous portez pas trop bien. Je vous en présente autant. Nous avons eu une suite d'orages qui m'a fatigué.

La décadence de l'Angleterre fait des progrès bien rapides. On nous dit que c'est un cheval fran­çais qui a gagné le derby d'Epsom. On ajoute que le respectable public a essayé de culbuter le vain­queur, mais que celui-ci avait eu la prudence de se faire accompagner par quelques boxeurs à tant par coup de poing.

Adieu, mon cher Panizzi ; soignez-vous et donnez-moi de vos nouvelles.

108 LETTRES A M. PAN1ZZI

XLV

Paris, 5 juin 1805.

Mon cher Panizzi,

Vous savez que ce n'est pas l'envie qui me manque pour aller vous voir; mais je crains que notre session ne se prolonge un peu plus que je ne le prévoyais. J'ai de plus à courir le risque d'une invitation à Fontainebleau. Au sujet de ce dernier voyage, il n'y a rien encore de décidé.

Il paraît que l'empereur se trouve si bien de son voyage, qu'il n'est pas pressé de revenir. Il a poussé jusqu'au grand désert pour voir des anti­quités romaines et se faire cirer les bottes par les barbes des Arabes. On ne l'attend pas à Paris avant le 14 de ce mois. Il y a des gens qui croient qu'à son relour, le prince Napoléon et lui s'em­brasseront et que tout sera fini ou raccommodé. Le prince surtout, plus que personne, paraît le croire. Si cela arrivait, ce qui n'est pas impossible vu la débonnaireté de l'empereur, ce serait la plus déplorable politique, et rendrait la publica-

LETTRES A M. PANIZZI 109

tion de la lettre encore plus regrettable. Pouttant je ne crois pas la chose possible en ce moment ; mais elle est 'malheureusement probable dans quelques mois.

Adieu, mon cher Panizzi. Soignez-vous et ne vous faites pas de mauvais sang.

XLVI

Paris, 7 juin 1865.

Mon cher Panizzi,

Si vous allez en Italie, arrêtez-vous en passant ici. Yous ferez votre apprentissage d'une mau­vaise maison, chez moi, et nous vivrons en étu­diants et boirons du porto doré. Vous ne ferez pas mal, venant à Paris, au commencement de juillet, de mettre dans votre malle une culotte, pour aller à Fontainebleau, où vous serez sûre­ment invité. Je serais homme, si vous voulez bien de ma compagnie, à vous suivre en Italie, surtout si vous vouliez passer par la Suisse ou l'Allema­gne. Qu'en dites-vous?

110 LETTRES A M. PANIZZI

Je suis allé avant-hier soir au bal, et j'ai causé un quart d'heure avec la régente, de rébus omni­bus et quibusdam aliis; je l'ai trouvée très réso­lue. Je souhaite que l'empereur ne le soit pas moins. Beaucoup de gens en doutent, et prédisent déjà la réconciliation des deux cousins. Si elle , avait lieu, ce serait la plus déplorable chose du monde et la plus ridicule.

La circulaire de lord Russell au sujet des na­vires confédérés me paraît peu digne ; mais les Yankees sont décidément la première, la grande nation. Toutes les autres s'aplatissent. Lord Rus­sell lançait des épigrammes à l'empereur de Rus­sie, lors de la dernière insurrection de la Pologne. Il est plus poli avec les plus grossières gens du, monde. Enfin !

Adieu, mon cher Panizzi. Madame de Montijb n'a rien décidé quant à son voyage, du moins offi­ciellement. Elle m'a dit, à ma première observa­tion, qu'elle y renonçait, mais qu'elle ne voulait pas le dire d'avance. En outre, après le retour de l'empereur, il est probable qu'elle ira à Fon­tainebleau pour quelque temps. Elle veut être à Carabanchel pour le mois d'août; vous voyez qu'il

LETTRES A M. PANIZZI 111

lui faudrait faire diligence pour aller faire des visites à Londres et en Ecosse.

XLYII

Paris, H juin 1865.

Mon cher Panizzi,

Ici, personne ne croit à l'accident du prince. On veut qu'il ait inventé cette chute pour que l'em­pereur vînt le voir. Bixio m'assure qu'il est tombé effectivement. Il paraît certain que l'empereur lui a écrit une nouvelle lettre, mais non publiée celte fois, pire que la première.

Je vous écris très à la hâte, car je crains de manquer l'heure de la poste. Je suis tolérable-ment depuis quelques jours, grâce au beau temps. J'espère que vous allez bien aussi et que vos idées de retraite ne sont plus aussi arrêtées.

.XLVI.II-

Paris, 23 juin 18C5.

Mon cher Panizzi, . , Avant-hier, j'ai dîné aux Tuileries avec la grande-

m LETTRES A M. PANIZZl

duchesse Marie de Leuchtenberg, fille de feu Nico­las. Il y a dix ans, ce devait être la personne la plus admirablement belle qui se pût imaginer. Elle a encore un profil qui ressemble à une mé­daille de Syracuse. Elle est fort aimable et fait beaucoup de frais.

Le maître de la maison se porte beaucoup mieux que le pont Neuf : il est rajeuni de dix ans et est très gai. Il l'était du moins mercredi, bien qu'il eut vu son cousin la veille. Ce qui paraît le plus clair de l'entrevue, c'est que ledit cousin a reçu la permission d'aller faire ses foins en Suisse. On dit qu'il congédie une partie de sa maison, comme s'il avait l'intention de1 vivre en philo­sophe. Prenons la soupe comme elle est.

Votre favori le prince impérial, que vous ne reconnaîtriez plus, tant il est grandi et formé, a les dispositions les plus extraordinaires pour la sculpture. Un artiste nommé Carpeaux qui a beaucoup de talent, a fait son portrait ; lorsque le prince l'a vu pétrir de la terre glaise, il a na­turellement eu envie de mettre la main à la pâter et a fait un portrait de son père, qui est atroce­ment ressemblant ; mais, bien que ce soit gâché

LETTRES A M. PANIZZI llï

comme un bonhomme de mie de pain^ l'observa­tion des proportions est extraordinaire. Il a fait encore le combat d'un cavalier contre un fan­tassin plein de mouvement. On voit qu'il sait manier un cheval et qu'il a appris l'escrime à la baïonnette. Mais le plus extraordinaire, c'est le portrait de son précepteur, M. Monnier, que vous aimez tant. Je vous jure que vous le reconnaîtriez l'un bout de la cour du British Muséum à l'autre. €e ne sont pas seulement ses traits, c'est même son expression. Tout le génie de l'homme se ré­vèle dans ses yeux, son nez et ses moustaches. Je suis sûr qu'il y a peu de sculpteurs de profes­sion qui pourraient en faire autant.

L'empereur nous a conté son voyage, dont il paraît enchanté. Ne trouvez-vous pas extraordi­naire que, après avoir eu quatre ou cinq cent mille hommes tués par les chrétiens, après avoir eu. beaucoup de leurs femmes violées, après avoir perdu leur autonomie et je ne sais combien d'items, les Arabes aient reçu si admirablement le chef des gens qui ont fait tout cela. Sa Majesté est allée dans le grand désert avec une vingtaine de Français tout au plus et est restée quarante-

II. s

114 LETTRES A M. PANIZZI .

huit heures au milieu de quinze à vingt mille Sa­hariens qui lui ont tiré des coups de fusil aux oreilles (c'est la manière de saluer du pays) et ont nettoyé ses bottes avec leurs barbes. Pas un seul n'a montré la moindre envie de prendre une re­vanche. On lui a donné des bœufs entiers rôtis, on lui a fait manger des autruches et je ne sais quelles autres bêtes impossibles; mais par­tout il a été reçu comme un souverain aimé. Il en est très fier et très content. — Il m'a de­mandé de vos nouvelles.

Adieu, mon cher Panizzi. Hier, on a fait une pétition au Sénat contre la prostitution. J'avais envie de citer lord Melbourne. Le vieux Dupin a fait un petit speech excellent pour demander si les belles dames avaient objection à la concur­rence? Nous avons voté l'ordre du jour.

XLIX

Paris, 2G juin 18G5.

Mon cher Panizzi,

Catherine de Médicis disait à Henri III après la mort du duc de Guise : « Bien coupé; à présent,


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