ÉVY, Éditeur



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74 LETTRES A M. PAN1ZZI

messieurs les politiques, l'encyclique du Yicaire de Jésus-Christ passe pour une réponse au traité du 15 septembre. Il n'en est rien.

Il y a ici un philosophe de nos amis-1, un peu trop clérical pour vous et pour moi, qui, deux mois avant le traité, a reçu la visite d'un auditeur de rote, Français et prêtre assez débon­naire, qui est venu le conjurer d'abjurer certaines erreurs contenues dans un de ses derniers livres, VHistoire de la philosophie, ajoutant que, s'il ne le faisait pas, il s'exposait à être compris dans une censure que préparait le Sacré-Collège. Notre ami lui a dit qu'il ne rétractait rien, et qu'il ne conseillait pas au pape de s'en prendre à la philosophie, ni aux matières qui ne le regar­daient pas. Tous voyez que l'encyclique est un vieux péché.

Je suis sans nouvelles de Paris depuis quelques jours, et un peu inquiet d'un bruit qui s'est ré­pandu ici, que l'empereur avait eu une attaque. Bien que j'attache peu de foi à cette nouvelle, j'en suis un peu ému, car la vie qu'il mène n'est pas trop bonne pour un homme de cinquante-

1. Victor Cousin.

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six ans, si j'en crois des rapports malheureuse­ment trop certains. C'est ce qui po rrait arriver de plus triste pour ce pays-ci, en ce moment sur­tout où l'encyclique et la prochaine réunion des Chambres excitent un peu d'agitation.

Il me semble que les affaires de nos amis les confédérés vont assez mal. Le bon Dieu étant tou­jours pour les gros bataillons, il n'est que trop probable qu'ils succomberont à la fin. Il y avait dans le Times le récit d'une petite machine infer­nale destinée à détruire un fort et probablement à tuer tous ses défenseurs au moyen de sept cent mille livres de poudre. On se demande si nous sommes au xix' siècle, pour voir employer dés machines de cette espèce.

Je suppose que Newton est venu à Paris pour la vente Pourtalès. Avez-vous acheté la tête de Y Apollon, de Délos? c'était la plus belle chose qu'il y eût, et j'aurais bien désiré que cela restât à Paris ; mais, si elle s'en va, mieux vaut qu'elle soit chez vous qu'ailleurs. Il y avait aussi un beau buste de Crispine, femme d'Éliogabale, et quantité de bijoux et de menus objets des plus intéressants.

Adieu, mon cherPanizzi ; bonne santé et pros-

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périté. — Ces nouvelles de la santé de l'empereur •me tourmentent malgré moi, et j'attends nos journaux avec grande impatience.



XXXIV

Cannes, 27 janvier 18G5.

Mon cher Panizzi,

Vous aurez lu le pamphlet 1res habile de mon­seigneur Dupanloiip. Il explique fort bien que, lorsque la bulle dit noir, il faut entendre blanc. C'est la perfection de l'art des jésuites. Il paraît, •d'ailleurs, que les bonnes têtes, ou les moins fê­lées du sacré collège, ont fait entendre raison au pape et lui ont persuadé de donner quelques ex­plications dans le sens de celles que monseigneur Dupanloup a présentées. Cet erratum du Saint-Esprit sera accepté, je pense, et peut-être suffira pour apaiser la noise jusqu'à ce que l'ouverture •de la session la ranime plus énergiquement que jamais. Thiers va se poser en champion de la pa-,pauté et attaquera vigoureusement le traité du 15 septembre.

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Avez-vous lu une facétie d'About. dans l'Opi­nion nationale du 22 janvier, où il traite notre ami de la bonne manière et malheureusement avec une vérité frappante? Cela ne l'empêchera nullement de faire les bêtises que lui suggèrent les belles dames et ses anciens ennemis les doc­trinaires. Lisez cela, et vous rirez, j'espère.

L'affaire du duché de Montmorency donné à M. de Périgord commençait à ennuyer tout le monde à Paris, lorsqu'un nouveau petit scandale est venu fort à propos pour faire diversion. La fille aînée de madame de X... avait été mariée, il. y a vingt-cinq ou trente ans, à un M. de Z..., qui avait le malheur d'êlre impuissant. Elle y remé­diait au moyen du marquis de L..., qui ne l'était pas et qui lui fit un enfant. Donc cet enfant fut mis au monde très mystérieusement, car le mari était depuis deux ans à l'étranger. Ce mari est mort, mais le fils est vivant et majeur, et, se fon­dant sur l'axiome Is pater est quem nuptiœ de^ monstrant, il demande le nom.et le titre de Z... Yous pouvez penser le bel effet que cela produit.

Lord H... vieillit rapidement, et, entre nous, je doule qu'il ait la cervelle en bien bon état. Lors-

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qu'on lui a annoncé la mort de sa femme, il a dit : Well I hope she will be soon better. Puis il a fait hisser au-dessus de sa villa un pavillon à ses armes, pour avertir les demoiselles, je crois, qu'il était redevenu un homme libre à leur service.

Cousin ne se porte pas trop bien non plus et me donne un peu d'inquiétude. Il a des sifflements dans les oreilles, des bourdonnements et maigrit pitoyablement. Il conserve néanmoins toute sa vivacité et son intelligence.

Pour moi, je ne suis pas trop mal, bien que j'aie éprouvé récemment un retour de mes oppressions. Le temps très doux que nous avons me fait grand bien. Nous allons demain faire un déjeuner cham­pêtre en plein air. Je ne pense pas que vous déjeu­niez encore dans votre jardin. Je voudrais bien, si la chose est possible, rester ici tout le mois de février ; mais peut-être sera-t-il nécessaire de re­venir pour l'adresse, surtout si les cléricaux li­vrent bataille. J'espère toutefois que les choses se passeront sans bruit.

Adieu, mon cher Panizzi ; portez-vous bien et ne tombez dans aucune des quatre-vingts erreurs condamnées.

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XXXV

Cannes, 15 février 1865.

L

Mon cher Panizzi,

Je suis très enrhumé et horriblement ennuyé par la perspective de l'adresse et l'obligalion d'aller assister à la bataille que les cléricaux vont nous livrer. J'attends avec impatience l'adresse qui a dû être prononcée ce matin, mais ce ne sera que dans quelques jours que je pourrai sa­voir le jour de l'ouverture de la discussion et celui de mon départ. Ce qu'on me dit du temps qu'il fait à Paris ne m'engage pas du tout à me presser."

Cousin est ici assez souffrant d'une névralgie qui lui cause des insomnies continuelles, vous le plaindrez pour cela ; il maigrit beaucoup, il s'a­bat et commence à m'inqùiéter. L'autre jour, il se promenait dans un bois près de Cannes avec son secrétaire qui lui lisait le journal. Une paysanne qui passait dit à sa compagne : « Yois donc,

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ce vieux monsieur qui, à son âge, ne sait pas lire. »

On me conte des choses fabuleuses de la vente Pourtalès. Si elle finit comme elle a commencé, vous aurez à fouiller à l'escarcelle.

J'ai fait vos compliments à lord Glenelg. Mis-tress Norton est ici, toujours belle et très gracieuse, et nous est venue voir avant-hier. Elle a fait la conquête de ces dames. Sa petite-fille menace d'être aussi belle qu'elle, et a déjà des yeux pour la perdition du genre humain.

Je n'ai rien lu de plus plat que le discours de la reine, et on dit qu'il n'est pas écrit en anglais. Si notre ami de Piccadilly continue à tenir quel­ques années encore lé timon, Dieu sait quelles couleuvres il fera avaler au respectable public. Il semble qu'il veuille mourir en repos, et tout bruit l'importune, même lorsque c'est le bruit d'un grand péril qu'il serait à temps de conjurer.

Si, comme cela semble très probable, le Sud est accablé, vous verrez de quelle façon le Nord té­moignera sa reconnaissance à l'Angleterre pour la remise des raiders de Saint-Albans. Cela me semble, au fond, une grande lâcheté du gouver-

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nement du Canada et de celui de l'Angleterre.

Ces gens sont des voleurs sans doute, mais qu'a fait Sherman en Géorgie, et Butler et tant d'au­tres? Au reste, l'Europe sera assez vite punie, je pense. Il y a dans les Américains un si beau mépris de toute morale, que je ne vois que les Romains d'autrefois à leur comparer. Ils en ont l'avidité, l'audace, et cinq ans de guerre terrible en ont fait des soldats redoutables. Ils payeront leur dette en faisant banqueroute, et trouveront de l'argent sur les terres de leurs voisins..

Je suis sans, nouvelles et un peu inquiet de la
santé de madame de Montijo, qui avait été tour­
mentée par un retour de fièvre. On me dit que
l'impératrice va mieux, mais qu'elle vit très re­
tirée et presque toujours seule. L'empereur se
porte parfaitement bien.
i

On raconte que monseigneur Chigi est fort pe­naud et irrité de la publication de ses deux lettres aux deux traducteurs si peu d'accord sur le sens de l'encyclique.

Adieu, mon cher Panizzi; écrivez-moi ici jus­qu'à ce que je vous donne avis de la translation de mes pénates.

II. c

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XXXVI

Paris, 14 mars 18C5.

Mon cher Panizzi,

Je suis parti de Cannes, il y a quelques jours, très souffrant et je suis arrivé ici en pire état. Je compte y rester jusqu'à la fin de la discussion de l'adresse, puis m'en retourner à Cannes. Ma santé me donne du tintoin. Mes étouffements augmentent d'intensité et se renouvellent à des intervalles plus rapprochés ; bref, l'animal se dé­traque; qu'y faire?

Je suis allé voir l'impératrice hier. Je l'ai trou­vée très bien portante, mais forl triste. Elle com­prenait toute la perte qu'elle venait de faire par la mort de M. de Morny. Je dis elle personnelle­ment, et je n'ai pas besoin de vous dire le pour­quoi. L'empereur est profondément affligé. Il n'est pas facile, en effet, de trouver un homme d'esprit et de tact comme Morny, plein de bon sens et de décision. Il est question de le rempla­cer à la présidence du Corps législatif par M. Ba-

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roche; mais la chose est difficile, je ne sais même si elle.est possible.



Vous recevrez presque en même temps que cette lettre la visite, d'un de mes amis, le comte de Circourt. C'était un grand ami du comte de Cavour. C'est un homme très instruit, trop in­struit, car il a la mémoire la plus extraordinaire que je connaisse et sait tout; d'ailleurs, fort ga­lant homme et anticlérical, bien que, par sa nais­sance, ses relations et ses habitudes, il vive au milieu des cléricaux. Peut-être est-ce pour cela ■ qu'il ne peut les souffrir.

Nous aurons probablement demain au Sénat une séance curieuse. Les cardinaux, à l'exception de M. de Bonnechose, sont des sots et ne savent pas dire deux mots. Mais le Bonnechose est très habile, et, d'un autre côté, nos vieux généraux ont peur du diable. Ils se disent : « S'il y avait seulement cinq pour cent de vérité dans ce qu'on rapporte de ce gentleman!... » Ajoutez à ces ré­flexions très sages, les femmes et les filles qui sont dévotes; car toutes les femmes, même les pires catins, sont dévotes à présent. Soyez per­suadé qu'il ne sera pas aisé de se débarrasser de

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l'hydre, après lui avoir laissé pousser bien plus de sept têtes.

Bien que le discours de M. Rouland ne fût ni des meilleurs, ni des plus habiles, il a produit son effet. On aurait pu lui dire : « Pourquoi, puisque vous connaissiez le danger, avez-vous été si faible lorsque vous étiez ministre des cultes? » Mais enfin, mieux vaut tard que jamais.

J'ai vu dans le journal que lady Palmerston était gravement malade; puis plus de nouvelles. J'espère qu'elle est rétablie. Lorsque vous la ver­rez, tâchez de trouver moyen de lui dire quelque chose de gentil de ma part.

Est-ce la vieillesse qui règne dans le cabinet britannique, ou bien est-ce calcul de gens qui ont fait un bon coup à la Bourse et qui ne veulent plus se risquer? Quoi qu'il en soit, vos ministres affichent la poltronnerie avec trop d'éclat. Rien n'est plus bête que d'être fanfaron, mais il est dangereux, outre le ridicule, de se poser en poltron. C'est le moyen d'avoir tous les faux braves à ses trousses.

Adieu, mon cher Panizzi ; santé et prospérité. Je suis ici jusqu'à la fin de la semaine.

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XXXYII

Cannes, 2G mars 1805.

Mon cher Panizzi,

Je ne crois pas un mol. du voyage à Rome de madame de Montijo, encore moins de son voyage en Angleterre. Dans la dernière lettre qu'elle m'a écrite, il y a sept ou huit jours, elle m'annon­çait le dessein d'aller à Paris au mois de mai ; ce qui semble fort peu d'accord avec la visite au saint-père et à madame ***. Il me paraît peu vraisemblable qu'elle aille ailleurs qu'à Paris. A Rome et à Londres, elle se trouverait dans une po­sition embarrassante, à certains égards, et privée de sa liberté, qui est la chose à laquelle elle tient le plus.

Lord Glenelg est toujours ici, occupant ses loi­sirs comme à l'ordinaire, entre la lecture de ro­mans et la prière.

Cousin s'apprête à retourner à Paris pour y faire un immortel. Je lui laisse ce soin, et je compte passer ici le mois d'avril à tâcher de re-

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mettre un peu mes poumons maléfieiés, qui ont grand besoin de repos et de ménagements.

Lorsque j'ai quitté Paris, on ne croyait pas que la discussion de l'adresse au Corps législatif dût être beaucoup plus animée qu'elle ne l'a été au Sénat. L'opposition est fort divisée, et il y a grande apparence qu'elle portera ses principaux efforts sur les questions intérieures. On doutait. que M. Thiers parlât sur la convention du 15 sep­tembre, afin de ménager ses amis politiques, moins papalins que lui. Le moins qu'on parlera de ce traité sera le mieux. Je pense que, si nous parais­sons bien résolus de l'observer à la lettre, la cour de Rome reviendra à des idées plus saines. Non point le pnpe, peut-être, qui est un peu fou, et auquel on prête des aspirations singulières au martyre. Mais il y a autour de lui une grande quantité de canailles en rouge, en violet et en noir, fort peu disposées au martyre, et prêtes à accepter toutes les conditions qui leur laisseront quelque chose de leurs revenus actuels. Proba­blement ces gens-là exerceront quelque influence sur les résolutions de leur souverain. Reste à savoir si son obstination ne l'emportera pas „sur

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l'intérêt bien entendu de son petit établissement.

Je vous fais mes compliments sur l'acquisition de l'Apollon Justiniani. Newton, que j'ai vu la veille de mon départ, m'en avait dit du mal, ce qui m'avait persuadé qu'il en avait fort envie. Je ne trouve pas que vous l'ayez payé trop cher, et c'est certainement un morceau de musée qu'il faut acquérir dès qu'on en trouve l'occasion.

Adieu, mon cher Panizzi; la poste me presse, je n'ai que le temps de fermer ma lettre.

XXXVIII

Cannes, 13 avril 1865. Mon cher Panizzi,

J'attendais pour vous écrire que je fusse assez bien pour vous donner des nouvelles de ma santé et de mes projets ; mais la première ne fait pas de progrès, et les autres, qui en dépendent, sont dans le vague le plus complet. Je tousse tou­jours, je ne dors ni ne mange, je me sens faible et sur un déclin rapide. Parfois j'en prends mon

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parti assez philosophiquement, d'autres fois je m'en irrite ou je m'en afflige. C'est quelque chose comme les alternatives de pensées dans la tête d'un homme condamné à être pendu.

Jl me semble que vous êtes un peu sévère pour la Vie de César, qu'on vous a envoyée. Voudriez-vous qu'au lieu de dire les choses simplement, bonne­ment, l'auteur eût fait comme les historiens tudes-ques, qui, pour ne pas entrer dans la voie battue, prennent les sentiers les plus absurdes et les plus extravagants du monde. D'ailleurs, j'aurais bien voulu que l'auteur eût suivi le conseil que j'avais pris la liberté de lui donner. C'était de se borner à ses réflexions sur l'histoire, au lieu de s'em­barquer dans un récit où il n'y aura rien de neuf. Il est évident que ces réflexions d'un homme placé à un point de vue où aucun homme de lettres ne peut se placer, auraient eu quelque chose d'original et de très intéressant. Le grand défaut du livre, à mon avis, c'est qu'on dirait que l'auteur se place devant un miroir pour faire le portrait de son héros.

Vous me paraissez aussi un peu dédaigneux pour votre tête d'Apollon. N'en déplaise à Newton


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