ÉVY, Éditeur



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LETTRES

M. PANIZZI

4oi

CALMANN LÉVY, ÉDITEUR

OUVRAGES

DE

PROSPER MÉRIMÉE

Format grand in-18

Carmen, Arsène Guillot, L'abbé Aubain, etc., etc 1

Les Cosaques d'autrefois 1

Dernières Nouvelles 1

Les Deux Héritages 1

Épisode de l'Histoire de Russie 1

Études sur les Arts au moyen ace 1

Études sur l'Histoire romaine 1

Lettres a une Inconnue. Avec une étude par H. Taine. 2

Lettres a une autre Inconnue 1

mélanges historiques et littéraires , 1

Portraits historiques et littéraires 1

615-81. Corbeil, Typ. et stér. Crété. .




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PROSPER MÉRIMÉE

LETTRES

A

M. PANIZZI

1850 - 1870

PUBLIÉES PAT.

. M. LOUIS FAGAN



PARIS

CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL LÈVY FRÈRES

3, RUE AUBEIt, 3

1 881

Droits de traduction et de reproduction réservée.

LETTRES

A

M. PANIZZI

1

Cannes, 17 Janvier 18G4.

Mon cher Panizzi,

Je ne sais guère de nouvelles de Paris que par les journaux. Je suis fort triste de la tournure que prennent les "affaires. D'un côté, les tentatives d'assassinat recommencent; de l'autre, la discus­sion de l'adresse s'envenime de jour en jour. Thiers avait bien commencé. Sauf la fin de son premier discours, qui est ou un lapsus lingux, ou plutôt, je le crains, une complaisance à ses amis

de l'opposition, il était parfaitement dans son
n. i

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rôle. Son second discours, qui dément toute sa carrière politique, montre qu'il est à la remorque de ses nouveaux amis. L'àpreté de langage de Favre et ses insolences irritent la majorité au dernier point et la poussent à des vivacités qui, à l'égard d'une faible minorité, sont fâcheuses, mais à peu près inévitables. Que faire avec des gens qui sont délerminés à abuser de toutes les libertés qu'on leur donne? D'un autre côté, comment refu­ser de parti pris des concessions qui sont justes en principe et presque promises par l'empereur? De tous les côtés, il y a danger.

L'opposition rouge gouverne et est maintenant disciplinée. Elle veut avant tout glorifier la défunte République. Thiers voulait qu'elle portât à Paris M. Dufaure et Odilon Barrot. Ce sont des noms il­lustres, mais ce ne sont pas des ennemis tout à fait irréconciliables. L'opposition veut Carnot, qui, sous la République, a fait les circulaires détesta­bles que vous savez, et Garnier-Pagès, une des plus grosses bêtes de la même époque. On avait un instant voulu avoir Renan ; mais ses opinions au sujet de Jésus-Christ ont effrayé, car il y a des républicains catholiques, de même qu'il y. a bon

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nombre de prêtres républicains. Tous les fous ont quelque affinité les uns avec les autres.

Voilà l'affaire du Danemark qui paraît entrer dans une phase nouvelle. L'Autriche et la Prusse prétendent l'arrangera elles deux, à leur manière. Les petits États de l'Allemagne ne pourront pro­bablement pas l'empêcher, mais ils s'en vengeront en excitant l'esprit révolutionnaire, qui a des élé­ments assez nombreux et inflammables surtout en Prusse. Au milieu de toutes ces agitations, la ques­tion polonaise a perdu presque toute son impor­tance et sa popularité. L'opposition a renoncé à en faire son cheval de bataille. L'insurrection est, d'ailleurs, presque partout comprimée.

Je n'entends plus parler de l'affaire qui a eu lieu à Tivoli entre des soldats du pape et des nô­tres. Ces soldats du pape étaient des Belges et des Français. Le général de Montebello est aussi mal avec monseigneur de Mérode que l'était son pré­décesseur, mais il est beaucoup moins endurant, et, de plus, il est mieux soutenu.

Il parait certain que les quatre individus qui ont été arrêtés avec des bombes et-des poignards empoisonnés attendaient un chef de Londres. On

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les surveillait pour arrêter ce chef avec eux, mais l'empereur a voulu absolument aller patiner au bois de Boulogne. Comme il va toujours là sans garde, le préfet de police n'a pas osé laisser cette occasion aux gens qu'il observait. Je vois que Mazzini se défend d'avoir conseillé. Tout mauvais cas est reniable. S'il n'a conseillé, il a du moins inspiré.

Adieu, mon cher Panizzi ; donnez-moi donc de vos nouvelles.

II

Cannes, 28 janvlorl864.

Mon cher Panizzi,

Votre désespoir m'a fait rire. Quel diable de rapport peut-il y avoir entre ces quatre coquins et vous ? Et quel imbécile vous rendra responsable de ce qu'entre vingt-quatre millions d'hommes il se trouve quelques scélérats ou quelques fous ? J'ai vu la dénégation de Mazzini. Il se peut qu'il ne soit pour rien dans cette horrible affaire, mais il a cependant sa part de responsabilité, et ces

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quatre bandits sont ses élèves plus ou moins immédiats. Vous avez vu, au reste, que nos rouges les désavouent très hautement. Je n'affirmerais pas que ce soit avec une parfaite sincérité. Ce qui paraît certain, c'est que les quatre arrêtés n'é­taient que les instruments d'un chef qu'on atten­dait, et qui aurait été pris, selon toute apparence, si l'empereur avait consenti pendant quelques jours à ne pas aller au bois de Boulogne. C'eût été courir trop de risques que. de laisser libres les soldats, qui pouvaient fort bien agir sans leur capitaine, et on les a très judicieusement mis à l'ombre.

Est-il vrai, comme je serais tenté de le croire par le ton des journaux anglais, que John Bull se fâche pour tout de bon de l'ingérence des Alle­mands dans la question du Holstein? que le mi­nistère est menacé de renversement et que les tories vont rentrer aux affaires ?

Je n'ai jamais pu comprendre le premier mot de la question des duchés, et je crois qu'il y a peu de personnes qui en savent quelque chose. J'es­père que nous serons plus avisés qu'au Mexique et que nous ne nous en mêlerons pas. Je serais bien fâché que nous nous fissions prendre à l'appât des

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provinces rhénanes. Nous n'en avons pas besoin, et elles ne veulent pas de nous. Ce serait, d'ail­leurs, j'en suis convaincu, le seul moyen de ré­soudre ce grand problème : « Faire que les Alle­mands s'entendent entre eux. »

Adieu, mon cher Panizzi. On a destitué, à ce que je vois, l'évêque Colenso ; mais partout les dévots sont les mêmes imbéciles.

III

Cannes, 4 février 1864.

Mon cher Panizzi,

11 n'y a pas de calissons à Cannes ; mais, la poste n'étant pas faite pour les chiens, je viens d'écrire à Aix pour en avoir. Je pense que la caisse partira après-demain au plus tard.

Vous aurez vu le succès de l'emprunt de M. Fould. On lui a donné seize fois plus d'argent qu'il n'en demandait. On prétend que cet empres­sement à souscrire est effrayant, parce que cela peut et doit donner le goût d'employer tant d'ar­gent à quelque entreprise chanceuse.

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Cependant, jusqu'à présent, rien ne donne lieu de présumer que nous nous mêlions de cette diable d'affaire du Sleswig-Holstein. On croit, au contraire, qu'en vertu du respect que nous pro­fessons pour les nationalités, nous nous abstien­drons. En effet, si nous venions au secours des Danois, qui m'intéressent autant que vous, nous ne manquerions pas de réconcilier à l'instant tous les Allemands les uns avec les autres" et de ra­mener les beaux jours de 1814 et 1815.

La difficulté est grande pour lord Russell. Je ne sais pas trop comment il pourra se tirer de cette mauvaise affaire avec élégance, comme disait Ar-chambauld de Talleyrand, à propos de la guerre d'Espagne de 1809. Lord Russell a pris les Alle­mands pour plus bêtes et plus lourds qu'ils ne le sont. Il s'est fait battre par M. de Beust dans des notes diplomatiques, et je crois qu'il n'a aucune envie d'en venir à Yultima ratio.

Je serais enchanté, pour ma part, que les Danois battissent rudement les alliés; malheureusement le bon Dieu a la mauvaise habitude d'être toujours du côté des gros bataillons. Il me paraît impos­sible que la guerre, s'il y a guerre, ne soit très

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promptement terminée. Les Allemands, une fois maîtres du Sleswig, s'arrêteront et on ne se bat­tra plus qu'à coups de protocoles.

Si, par hasard, l'Angleterre réussissait à faire une coalition contre l'Allemagne avec la Russie et la France, l'affaire prendrait des proportions telles, qu'il faudrait avoir le diable au corps pour l'enta­mer. Ce serait un remaniement complet de la carte de l'Europe. D'un autre côté, quels seraient les gagnants à la guerre ? les Russes et nous, car nous avons des rognures allemandes à prendre de notre côté du Rhin, et la Russie a aussi ses préten­tions sur des provinces slaves. Comme l'Angle­terre, avec beaucoup de raison, ne fait pas la guerre, comme nous, pour des idées, qu'elle ne peut la faire seule sur le continent, je suis porté à croire qu'elle se bornera à protester; mais comment le Parlement prendra-t-il la prépotence et les menaces de lord Russell, qui n'aboutissent qu'à la compromettre et à faire rire les Allemands (natarse dedecus) à ses dépens? Lord Palmerston aura bon besoin de sa santé, que vous dites si bonne, pour résister aux attaques de l'opposition.

Thiers, en allant à Londres, s'il y va, ne peut

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avoir qu'un but, c'est de faire sa paix avec les princes d'Orléans. A mon avis, c'est une faute qui couronne toutes les autres.

Adieu, mon cher Panizzi ; je vous préviendrai du départ des calissons. Portez-vous bien et ne vous exterminez pas à travailler.

IY

Cannes, 13 février 1864.

Mon cher Panizzi,

Vos sentiments danois ont dû souffrir beaucoup de la prise du Danewirke. J'en suis très fâché pour ma part, et j'espérais que la chose ne se ferait pas si vite. C'est toujours très pénible de voir l'oppres­sion du faible par lé fort, et il est impossible de ne pas s'intéresser à un pauvre petit peuple assailli par ces deux brutes d'Allemands.

Il me semble que l'Angleterre, ou plutôt que lord Russell, a résolu le problème de se faire jeter la pierre par tout le monde. Ce n'est pas que je trouve qu'elle ait tort de ne pas se mêler d'une querelle qui ne l'intéresse que médiocrement, mais

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il ne faut pas injurier les gens avec qui on ne veut pas se batlre. C'est ce qu'a fait lord Russell. Il y gagne de se faire répondre des énigmes fort inso­lentes par M. de Bismark et, proh pudor, de se faire donner des démentis par le ministre de Saxe. Ajoutez à cela que les Danois accusent l'Angleterre de les avoir trompés. Je me trompe fort ou bientôt un jour viendra où l'Angleterre sera obligée de faire des efforts considérables pour revendi­quer son rang de puissance de premier ordre que lord Russell, par son mélange de faiblesse et d'in­solence, lui a fait perdre.

Je n'entends plus parler du voyage de Thiers en Angleterre. Ce serait la plus grande sottise qu'il pût faire en ce moment que d'aller ou de paraître aller se raccommoder avec Claremont.

Il me semble que les choses ne vont pas mal en Italie, et les rouges ont reçu un échec dans les dernières élections qui doit leur prouver qu'on ne veut plus d'eux.

Adieu, mon cher Panizzi; soignez-vous et ob­servez fidèlement le carême.

LETTRES A M. PANIZZI

11

Y

Cannes, 29 février 1864.

Mon cher Panizzi,

Le ministère prussien est vraiment farceur, et on n'a jamais passé des notes diplomatiques dans un style pareil. Il me paraît évident que vos amis les Danois sont abandonnés de l'univers entier. Ils se défendront honorablement et tueront pas mal de Prussiens avant de lâcher le Sleswig, mais ils le lâcheront.

Il me semble que lord Russell a fait toutes les. maladresses possibles dans cette affaire; mais il ' n'y avait qu'un moyen de s'en tirer, et ce moyen était trop dangereux : c'était la guerre. On pré­tend, au reste, qu'il y a dans ce moment une recru­descence d'amitié entre le cabinet anglais et le nôtre, pour une intervention énergique. Je n'y crois pas. Nous avons trop d'embarras chez nous en ce moment pour en accepter d'autres, et ce qui me revient de Paris me donne lieu de croire que l'empereur n'a aucune disposition à s'y en-

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gager. Je trouve que les ministres anglais ont été bien faibles, et, si j'en crois quelques tories qui sont ici, ils courraient le risque de se trouver en minorité. Mais que feront leurs successeurs et que pourront-ils faire? Lord Russell a eu le tort de commencer sur un ton trop haut; car, au fond, je ne crois pas qu'il soit de l'intérêt de l'Angle­terre de faire la guerre pour que le Sleswig ap­partienne au Danemark. Le plus mauvais côté de l'affaire serait que la Prusse et l'An triche se fus­sent sincèrement alliées et se fussent garanti leurs possessions non allemandes, le duché de Po-sen et la Vénétie.

Adieu, mon cher Panizzi ; portez-vous bien et soignez le moule du pourpoint.

Y.I

Paris, 19 mars 1864.

Mon cher Panizzi,

Je suis arrivé avant-hier à Paris en assez mé­diocre état de conservation. J'ai trouvé votre let-

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ire et j'y réponds à mon premier moment de loi­sir.

En mettant pied à terre, j'ai trouvé qu'une assez grosse bataille allait se livrer dans le Sénat entre le parti clérical et celui des philosophes. Le nouveau cardinal de Rouen, qui a été long­temps procureur, demandait protection pour notre sainte religion. Il a mis beaucoup d'art à troubler le peu de cervelle de messieurs les sénateurs, et à leur faire peur des deux grands monstres de ce temps-ci, le diable et les salons. Les vieux généraux sont particulièrement timidesquand il s'agit du green gentleman beiow et des douairières chez lesquelles ils vont faire leur whist. L'ouvrage de Renan a tellement irrité les prêtres, qu'ils ne se tiendront tranquilles que lorsqu'ils auront fait brûler l'auteur. En attendant, ils lui ont fait gagner beaucoup d'argent, car il n'y a rien qui fasse autant lire un livre que la défense de l'autorité. Nous avons gagné la bataille aujourd'hui, mais ee n'a pas été sans peine.

Ce matin, j'ai reçu la visite d'un des somme­liers de Sa Majesté, précisément celui que vous aviez gagné par je ne sais quels procédés, et qui


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