L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme



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4 Ainsi dans de nombreux rapports sur les interrogatoires d'hérétiques puritains cités par NEAL, History of the Puritans, et CROSBY, English Baptists.

5 SANFORD, Op. cit. (et beaucoup d'autres avant ou après lui) fait dériver du puritanisme cet idéal de « réserve ». Sur cet idéal, comparer aussi avec les remarques de James Bryce sur le collège américain, dans le tome II de son American Commonwealth. L'idéal ascétique du « contrôle de soi-même » fait participer également le puritanisme à la naissance de la discipline militaire moderne. (Sur Maurice d'Orange, en tant qu'initiateur à l'organisation moderne de l'armée, voir ROLOFF, PreuBische Jahrbücher, 1903, III, p. 255.) Les « côtes de fer » de Cromwell avançant au grand trot sur l'ennemi, le pistolet armé au poing, mais sans tirer un coup de feu, n'étaient pas supérieurs aux « cavaliers » par leur passion violente, mais au contraire par leur froide maîtrise d'eux-mêmes, grâce à laquelle leur chef les conservait bien en main. D'autre part, les violents assauts des « cavaliers » avaient pour résultat invariable l'émiettement de leurs troupes. Voir FIRTH, Cromwell's Army.

6 [117] Voir en particulier WINDELBAND, Über Willensfreiheit, pp. 77 sqq.

1 Non sans mélange. La contemplation, alliée parfois à la sentimentalité [GefühlsmäBigkeit], se combine souvent avec ces éléments rationnels. C'est pourquoi la contemplation est méthodiquement réglementée.

2 Selon Richard Baxter, est coupable tout ce qui est contraire à la raison naturelle, donnée par Dieu comme norme d'action. Non seulement les passions qui ont un contenu coupable, mais tous les sentiments déraisonnables ou immodérés en tant que tels, parce qu'ils détruisent la countenance, et, en tant que choses de la chair, nous empêchent de rapporter nos actes et nos sentiments à Dieu et par conséquent offensent celui-ci. Voir, par exemple, ce qui est dit du caractère coupable de la colère (Christian Directory, 2e éd. (1698), p. 285. Tauler est Cité à la p. 287). Sur le caractère coupable de l'angoisse, ibid. I, p. 287, col. 2. Que notre appétit soit la rule or measure of eating est expressément taxé d'idolâtrie (ibid. I, pp. 310, 316, col. 1 et souvent passim). Dans les discussions de cet ordre sont cités en première ligne les Proverbes de Salomon, mais aussi le De tranquillitate animi de Plutarque, et assez fréquemment les écrits ascétiques du Moyen Age, saint Bernard, saint Bonaventure et autres. L'opposition au « Qui n'aime pas le vin, les femmes et les chansons... » ne pourrait être formulée de façon plus radicale : la notion d'idolâtrie s'étend ici à tous les plaisirs des sens, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas justifiés par des considérations d'hygiène - auquel cas ils sont permis (tel le sport, considéré dans ces limites, mais également d'autres « recreations »). A ce sujet, voir plus loin. A remarquer que les sources citées, ici et ailleurs, ne renvoient pas à des oeuvres dogmatiques, ou édifiantes, mais à des ouvrages dictés par la pratique pastorale; ils constituent donc une excellente image de celle-ci.

3 Soit dit en passant, je regretterais que l'on croie pouvoir discerner dans cette discussion un jugement de valeur [Bewertung] sur telle ou telle forme de religion. Nous en sommes très loin. Il s'agit seulement de l'influence [Wirkung] de certains traits qui, d'un point de vue purement religieux, sont peut-être relativement périphériques, mais n'en demeurent pas moins importants pour la conduite pratique.

1 A ce sujet, voir en particulier l'article de E. TROELTSCH, « Moralisten, englische », dans la Realenzyklo­pädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e éd.

2 La grande influence qu'exercent les idées et les situations religieuses concrètes qui apparaissent comme des « hasards historiques », ressort très clairement, par exemple, du fait que l'absence de monastères a parfois été directement déplorée dans les milieux piétistes d'origine réformée, et que les expériences « commu­nistes » d'un Labadie, entre autres, constituaient tout simplement un substitut de la vie monastique.

3 On le constate déjà dans nombre de confessions du temps de la Réforme. Aussi RITSCHL (Pietismus, I, pp. 258 sqq.) - bien qu'il considère l'évolution ultérieure comme une dégénérescence des idées de la Réforme - ne conteste-t-il pas que, notamment dans les Conf. gall., 25, 26, Conf. belg., 29, Conf. helv. Post., 17, « la véritable Église réformée était définie par des attributs empiriques et que, dans cette Église, n'étaient pas comptés les croyants sans l'attribut de l'activité morale. » Voir note 42.

4 « Bless God that we are not of the many » (Thomas ADAMS, Works of the Puritan Divines, p. 138).

5 L'idée de birthright, historiquement si importante, a de cette façon trouvé en Angleterre un appui considérable : ((The firstborn which are written in heaven [...] As the firstborn is not to be defeated in his inheritance, and the enrolled names are never to be obliterated, so certainly they shall inherit eternal life » (Thomas ADAMS, Works of the Puritan Divines, p. XIV).

1 Le sentiment luthérien de repentir et de contrition est étranger, non pas sans doute en théorie, mais du moins en pratique, à l'esprit du calvinisme ascétique. Pour ce dernier, il est sans valeur éthique. En ce qui concerne les réprouvés, il n'est d'aucun secours. En ce qui regarde le fidèle qui est certain de son élection, son propre péché, dans la mesure où il se l'avoue, est le symptôme d'un développement retardataire et d'une sanctification incomplète; [121] au lieu de s'en repentir, il le hait et cherche à le surmonter par son zèle pour la gloire de Dieu. Comparer avec l'explication de Howe (chapelain de Cromwell, 1656-58) dans « Of Men's Enmity against God and of Reconciliation between God and Man » (Works of English Puritan Divines, p. 237) : « The carnal mind is enmity against God. It is the mind, therefore, not as speculative merely, but as practical and active that must be renewed », et p. 246 : a Reconciliation [...] must begin in 1º a deep conviction [...] of your former enmity I have been alienated from God [...] 2º (p. 251) a clear and lively apprehension of the monstrous iniquity and wickedness thereo£ » La haine dont il est question ici est celle du péché et non celle du pécheur. La lettre célèbre adressée à Calvin par la duchesse Renata d'Este (la mère de Léonore), dans laquelle elle parle de la haine qu'elle ressentirait à l'égard de son père et de son mari si elle avait la conviction qu'ils appartinssent aux réprouvés, montrait déjà le mécanisme du transfert sur la personne. En même temps, c'est un exemple de ce qui a été dit plus haut (p. 125) sur la façon dont l'individu était détaché des liens découlant des sentiments « naturels », détachement qui était l'œuvre de la doctrine de la prédestination.

2 « None but those who give evidence of being regenerate or holy persons ought to be received or counted fit members of visible Churches. Where this is wanting, the very essence of a Church is lost », tel est le principe formulé par Owen, calviniste indépendant, chancelier d'Oxford sous Cromwell (Inv. into the Origin of Ev. Ch.). Voir en outre la section suivante.

3 Voir la section suivante.

4 Catéchisme genevois, 149. BAILEY, Praxis pietatis, p. 125 : « Nous devons agir dans la vie comme si personne d'autre que Moïse n'avait autorité sur nous. »

1 « La loi apparaît au calviniste en tant que norme idéale de l'action, tandis qu'elle accable le luthérien parce que, pour lui, il s'agit de quelque chose qui ne peut être atteint. » Les luthériens l'ont placé au début de leur catéchisme, afin d'éveiller l'humilité requise, alors que dans le catéchisme réformé on le trouve généralement après l'Évangile. Les calvinistes accusent les luthériens d'éprouver « une véritable terreur à la pensée de devenir des saints » (Möhler); les luthériens, en revanche, reprochent aux calvinistes leur « soumission servile à la loi », ainsi que leur arrogance.

2 Studies and Reflections of the Great Rebellion, pp. 79 sqq.

3 Parmi ces éléments, ne pas oublier le Cantique des Cantiques que les puritains ont simplement ignoré pour la plus grande part. Son érotisme oriental a influencé le développement de certains types de piété, comme par exemple celle de saint Bernard.

4 Sur la nécessité de ce contrôle, de cette surveillance de soi-même, voir le sermon de Charnock, déjà cité, sur Il Cor. XIII, 5 (Works of the Puritan Divines, pp. 161 sqq.).

5 La plupart des théologiens moralistes le recommandent. Ainsi BAXTER, Christian Directory, 11, pp. 77 sqq., qui, cependant, n'en dissimule pas les dangers.

6 Il est évident que la comptabilité morale a été largement utilisée ailleurs. Mais il lui manquait cet accent qui en fait l'unique moyen de connaître le décret éternel de salut ou de damnation, et, de ce fait, le bénéfice psychologique qui récompense le soin et l'exactitude de ce calcul.

1 Ce qui constitue la différence décisive avec d'autres attitudes, semblables en apparence.

2 BAXTER (Saints' Everlasting Rest, chap. XII) explique l'invisibilité de Dieu par cette remarque : de même que l'on peut traiter par correspondance une affaire fructueuse avec un étranger que l'on n'a jamais vu, de même peuton, par un « saint commerce », acquérir d'un Dieu invisible une « perle inestimable ». Ces symboles commerciaux, remplaçant les symboles judiciaires des moralistes anciens et du luthéranisme, sont caractéristiques du puritanisme, lequel, en effet, laisse à l'homme lui-même le soin d'« acquérir » son propre salut. Comparer en outre avec le passage suivant, tiré d'un sermon : « We reckon the value of a thing by that which a wise man will give for it, who is not ignorant of it nor under necessity. Christ, the Wisdom of God, gave Himself, His own precious blood, to redeem souls, and He knew what they were and had no need of them. » (Matthew HENRY, The Worth of the Soul, in Works of the Puritan Divines, p. 313.)

3 A l'opposé, Luther lui-même a dit : « Les larmes priment l'action et la souffrance passe toute besogne. » [Weinen geht vor Wirken und Leiden übertrifft alles Tun.]

1 Ce fait apparaît de façon extrêmement nette dans le développement de l'éthique luthérienne. A ce sujet, voir HOENNICKE, Studien zur altprotestantischen Ethik (Berlin 1902), ainsi que le compte rendu riche d'enseignements qu'en a donné E. TROELTSCH, Göttinger Gelehrte Anzeigen (1902), no 8. La doctrine luthérienne et la doctrine calviniste orthodoxe ancienne étaient souvent fort proches par la forme, mais la différence de leur orientation religieuse perçait toujours malgré tout. Afin d'établir un lien entre foi et moralité, Mélanchthon avait placé au premier plan la notion de repentance. La repentance produite par la loi doit précéder la foi, mais les bonnes œuvres doivent découler de celle-ci, sinon elle ne saurait être la foi véritablement justifiante - ce qui est presque une formule puritaine. [126] Mélanchthon admettait qu'un certain degré de perfection puisse être atteint sur cette terre. En fait, il avait d'abord enseigné que la justification était donnée afin de rendre l'homme capable de bonnes oeuvres, et que dans une perfection croissante résidait au moins le degré de félicité, toute relative, auquel la foi permettait déjà d'accéder dès ici-bas. Aussi les dogmatistes luthériens qui ont suivi ont-ils eux aussi soutenu l'idée que les bonnes oeuvres sont les fruits nécessaires de la foi, que la foi engendre une vie nouvelle : du dehors, cela ressemble à ce qu'exposaient les réformés. A la question : en quoi consistent les « bonnes œuvres »? Mélanchthon répondait déjà - et après lui d'autres luthériens, avec encore plus de force - en renvoyant à la loi. Des doctrines originales de Luther il ne restait plus alors que le sérieux, diminué, avec lequel on considérait l'autorité de la Bible [Bibliokratie] et, spécialement, les prescriptions particulières de l'Ancien Testament. En tant que codification des principes les plus importants de la loi naturelle, le Décalogue demeurait essentiellement la norme de l'action humaine. Mais il n'existait pas de chaînon solide entre sa valeur légale et l'importance toujours plus grande de la foi pour la justification, cette foi (voir ci-dessus) ayant un caractère psychologique fondamentalement différent de la foi calviniste.

Sans que rien ait pu le remplacer, le point de vue authentiquement luthérien des origines était abandonné - et il devait forcément en être ainsi - par une Église qui se considérait comme une institution préparant au salut. Impossible, en particulier, de parvenir à la rationalisation ascétique de la vie entière en tant que tâche morale de l'individu, sans risquer de perdre de vue le principe dogmatique (sola fide!). Car, précisément, manquait le stimulant qui aurait permis à l'idée d'épreuve [Bewährung] de se développer jusqu'à une signification identique à celle a laquelle était parvenu le calvinisme grâce à la doctrine de la prédestination. L'interprétation magique des sacrements - qui va de pair avec l'absence de cette doctrine - notamment l'association de la regeneratio, à tout le moins de son début, avec le baptême, jointe à l'acceptation de l'universalisme de la grâce, empêchait d'ailleurs le développement de la moralité méthodique : elle atténuait en effet pour le sentiment le contraste entre le status naturalis et l'état de grâce. Et d'autant plus qu'elle se combinait avec la forte insistance sur le péché origine' qui est un trait du luthéranisme. N'était pas moins importante, l'interprétation purement « forensique » [devant le for de Dieu] de l'acte de justification [forensische Deutung des Rechtfertigungsaktes] qui présumait que les décrets de Dieu pouvaient être modifiés par l'effet d'actes concrets de pénitence du pécheur converti. Ce sur quoi Mélanchthon, précisément, insistait avec une force toujours accrue. Cette transformation complète de sa doctrine, transformation qui se manifestait par l'importance croissante accordée à la repentance, était intimement liée au « libre arbitre » qu'il professait. Autant de circonstances qui ont décidé du caractère non méthodique de la conduite luthérienne.



Des actes de grâce concrets pour des péchés concrets - et non pas le développement d'une aristocratie de saints créant eux-mêmes la certitude de leur propre salut - constituaient nécessairement - le maintien de la confession en témoigne - la voie du salut pour le luthérien moyen. De cette façon, pas question d'aboutir à une moralité libérée de la loi, ni à un ascétisme rationnel en fonction de la loi. Au contraire, la loi subsistait de façon inorganique à côté de la foi, comme statut et exigence idéale. De plus - car on craignait que la bibliocratie ne suggérât le salut par les œuvres - elle était incertaine, vague et surtout de contenu non systématique. Ainsi que Troeltsch l'a dit de leur théorie éthique, pour les luthériens la vie restait « une somme d'élans ne réussissant jamais à se réaliser ». Ils « s'en tenaient à un émiettement des maximes particulières et incertaines », [127] ne visant pas à « l'élaboration [Auswirkung] d'un système de conduite cohérent ». Essentiellement, suivant en cela le chemin parcouru par Luther lui-même, ils acceptaient, telles quelles et avec résignation, toutes choses, petites ou grandes. La tendance tant déplorée des Allemands à « s'accommoder » des cultures étrangères, leur changement rapide de nationalité, en un sens cela pourrait être attribué - parallèlement à certaines circonstances du destin politique de la nation - à ce processus qui continue d'influer sur tous les aspects de notre vie. L'assimilation subjective de la culture restait faible, parce que fondamentalement elle demeurait acceptation passive de ce qui était présenté de façon autoritaire.

1 Sur ce point, voir le livre quelque peu anecdotique de THOLUCK, Vorgeschichte des Rationalismus.

1 Sur les effets tout différents de la doctrine islamique de la prédestination (ou, plus exactement, de la prédétermination) et sur ses causes, voir la dissertation théologique (Heidelberg) déjà citée de F. Ullrich, Die Vorherbestimmungslehre im Islam und Christentum (1912). Sur la doctrine de la prédestination chez les jansénistes, voir P. Honigsheim, Op. cit.

2 Voir ci-après : Les sectes Protestantes et l'esprit du capitalisme.

3 RITSCHL, Geschichte des Pietismus, I, p. 152, cherche, pour la période antérieure à Labadie (et uniquement d'après des exemples néerlandais) à distinguer [129] les piétistes en ce que : 1º ils ont formé des conventicules; 2º ils ont professé la doctrine de la « vanité [Nichtigkeit] de la créature » de façon « contraire aux intérêts protestants pour le salut »; 3º ils ont acquis, de façon non calviniste, « l'assurance de la grâce dans un tendre commerce avec le Seigneur Jésus ». Ce dernier critère n'est exact, dans cette période de début, que pour un seul des cas traités. En elle-même l'idée de la « vanité de la créature » était l'authentique rejeton de l'esprit calviniste, et ce n'est que là où elle a pratiquement conduit à renoncer au monde qu'elle s'est écartée de la voie normale du protestantisme. Enfin le synode de Dordrecht avait, dans une certaine mesure, institué lui-même les conventicules (en particulier à des fins catéchétiques). Parmi les caractères du piétisme analysés par Ritschl, il faut considérer : 1º la minutie [Präzisismusj avec laquelle la lettre de la Bible était suivie dans tous les aspects extérieurs de la vie [in allen ÄuBerlichkeiten des Lebens] et dont Gisbert Voet se fait parfois l'avocat; 2º la façon de traiter la justification et la réconciliation avec Dieu, non en tant que but en soi, mais comme simple moyen d'accéder à une vie sainte et ascétique, telle qu'elle existe peut-être chez Lodensteijn, mais déjà ébauchée chez Mélanchthon (voir ci-dessus note 105); 3º le haut prix attaché au « repentir » en tant que signe de la vraie régénération, ainsi que W. Teelinck l'enseigna le premier; 4º l'abstention de la communion lorsque des personnes non régénérées y participent (nous aurons à en reparler dans un autre contexte), avec pour conséquence la formation des conventicules, - ce qui allait au-delà des limites fixées par les canons de Dordrecht - ainsi que le renouveau de la « prophétie », c'està-dire l'interprétation de l'Écriture par des non-théologiens, voire par des femmes (Anna Maria Schürmann).

Déviations, parfois considérables, de la doctrine et de la pratique des réformateurs. Mais, comparées aux mouvements que Ritschl n'inclut pas dans son tableau, au puritanisme anglais au premier chef, elles rie représentent, le 31 mis à part, qu'une intensification de tendances que l'on retrouve tout au long du développement de cette religion. L'objectivité de l'analyse de Ritschl souffre du fait que cet éminent savant y fait entrer ses propres jugements de valeur religieux ou, plus exactement, politico-religieux; du fait également que, dans son antipathie à l'égard de toutes les formes spécifiquement ascétiques de religion, il les interprète invariablement comme autant de rechutes dans le « catholicisme ». De même que le catholicisme, le vieux protestantisme incluait, il est vrai, all sorts and conditions of men. Ce qui n'a pas empêché l'Église catholique de rejeter le rigorisme de l'ascétisme dans le siècle sous sa forme janséniste, tandis que le piétisme a repoussé le quiétisme spécifiquement catholique du XVIIe siècle. Pour ce qui est de notre point de vue particulier, le piétisme ne diffère pas du calvinisme en intensité, mais en qualité, et seulement lorsque l'angoisse croissante devant le spectacle du « monde » conduisait à fuir la vie économique ordinaire et à former des conventicules monaco-communistes (Labadie), ou bien - ce que les contemporains ont reproché à certains extrémistes puritains - amenait à négliger de façon délibérée l'exercice d'une tâche séculière afin de favoriser la vie contemplative. Il va de soi que cela est arrivé chaque fois que la contemplation a commencé à prendre ce caractère que Ritschl nomme « bernardisme », parce qu'il apparaît pour la première fois dans l'interprétation du Cantique des Cantiques par saint Bernard. Il entend par là une forme émotionnelle et mystique de la religion qui s'efforce d'atteindre à l'unio mystica, dans sa coloration crypto-sexuelle. [130] Fût-ce du point de vue de la psychologie religieuse, cette forme représente indubitablement quelque chose de tout à fait différent du calvinisme, voire de l'empreinte ascétique qu'il a prise chez des hommes tels que Voet. Ritschl, cependant, tente continuellement d'allier ce quiétisme avec l'ascétisme piétiste et de ranger ainsi ce dernier dans la même réprobation, en soulignant chaque citation tirée de la mystique ou de l'ascétisme catholiques qu'il peut découvrir dans la littérature piétiste. Mais des théologiens et des moralistes anglais et néerlandais au-dessus de tout soupçon ne citent-ils Pas saint Bernard, saint Bonaventure et Thomas a Kempis? Les relations de toutes les Églises réformées avec le passé catholique étaient des plus complexes, et, suivant le point de vue auquel on se place chacune risque d'apparaître intimement proche du catholicisme, du moins de certains côtés de celui-ci.



1 L'excellent article de Mirbt sur le « Piétisme » dans la 3º édition de la Realenzyklo­pädie für protestantische Theologie und Kirche, traite de l'origine du Piétisme, en laissant totalement de côté ses antécédents protestants, comme d'une expérience religieuse, purement personnelle, de Spener, ce qui ne laisse pas d'être quelque peu surprenant. En tant qu'introduction au piétisme, la description de Gustav FREYTAG dans ses Bilder ans der deutschen Vergangenheit demeure digne d'être lue. Pour les débuts du Piétisme anglais dans la littérature contemporaine, voir W. WHITAKER, Prima institutio disciplinaque pietatis (1570).

2 On sait que cette façon de voir a fait du piétisme l'un des hérauts de l'idée de tolérance. L'occasion nous parait propice pour insérer ici quelques remarques à ce sujet. Si nous laissons de côté l'indifférence humaniste de la philosophie des Lumières qui, en ellemême, n'a jamais exercé une grande influence pratique, en Occident l'idée de tolérance est issue historiquement des sources principales suivantes :

1º La raison d'État, purement politique (type : Guillaume d'Orange).

2º Le mercantilisme (ce qui est très net, par exemple, pour Amsterdam et nombre de villes, de seigneurs, de potentats qui ont admis les sectaires en tant que précieux porteurs de progrès économique).

3º La tendance radicale de la piété calviniste. Fondamentalement, la prédestination excluait que l'État favorisât réellement la religion par le moyen de l'intolérance. Sauver une seule âme de cette façon eût apparu impossible. Seule, la gloire de Dieu autorisait l'Église à faire appel à l'État pour écraser l'hérésie. Mais plus l'on soulignait que les prédicateurs et l'ensemble de ceux qui participaient à la communion appartenaient au petit nombre des élus, plus l'intervention de l'État dans la nomination des prédicateurs et dans l'octroi des charges ecclésiastiques devenait insupportable. Véritables prébendes, celles-ci étaient souvent attribuées par le pouvoir à des élèves de l'Université, peut-être non régénérés eux-mêmes, sur la seule recommandation de leur formation théologique. En général, toute immixtion de gouvernants, dont la conduite personnelle était souvent contestable, dans les affaires de la communauté était ressentie amèrement. Le piétisme réformé renforçait cette attitude en dévalorisant l'orthodoxie doctrinale et en sapant le principe extra ecclesiam nulla salus. Calvin avait jugé que la soumission du réprouvé à la surveillance divine de l'Église était seule compatible avec la gloire de Dieu. En Nouvelle-Angleterre, on relève des tentatives de constituer l'Église en une aristocratie de saints confirmés [bewähren] ; quant aux indépendants radicaux, ils rejetaient toute immixtion du pouvoir temporel, mieux, d'un pouvoir hiérarchique quelconque, dans l'épreuve [Bewährung] du salut, celle-ci n'étant possible que dans des communautés autonomes [Einzelgemeinde]. Que la gloire de Dieu exigeât des réprouvés qu'ils se soumissent eux aussi à la discipline de l'Église, cette idée fut supplantée par cette autre - qui existait dès l'origine et s'affirma peu à peu avec une passion croissante - que c'était insulter à la gloire de Dieu que de partager la communion avec un réprouvé. Cela menait fatalement au volontarisme, car on en venait ainsi à la Believers' Church, à une communauté religieuse qui ne devait comprendre que des régénérés. Le baptisme calviniste, auquel appartenait par exemple Praisegod Barebone, le leader du ( Parlement des saints », tira les conséquences les plus radicales de cet enchaînement d'idées. L'armée de Cromwell prit fait et cause pour la liberté de conscience et le Parlement des « saints » plaida même en faveur de la séparation de l'Église et de l'État, parce que ses membres étaient de pieux piétistes, donc pour des raisons religieuses positives.


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