L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme



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1 Une différence de ton demeure donc entre les modes de rationalisation de la vie. Baxter l'exprime en disant que pour les quakers l' « Esprit » est supposé agir sur l'âme comme sur un cadavre, tandis que, selon la formule calviniste (combien caractéristique) « reason and spirit are conjunct principles » (Christian Directory, II, p. 76); mais cette opposition, de son temps et sous cette forme, n'était pratiquement plus valable.

2 Voir les excellents articles Menno » et « Mennoniten » de CRAMER in Realenzyklopädie für protestan­tische Theologie und Kirche, en particulier p. 604. En revanche, l'article « Baptisten », dans le même ouvrage, manque de pénétration, voire d'exactitude. Son auteur ignore, par exemple, les Publications of the Hanserd Knollys Society, indispensables pour l'histoire du baptisme.

3 Ainsi, BARCLAY, Op. cit. p. 404, nous dit que manger, boire, acquérir sont des actes naturels et non spirituels que l'on peut accomplir sans un appel spécial de Dieu. Cela en réplique à l'objection (caractéristique) que si - comme l'enseignent les quakers - on ne peut prier sans motion of the spirit, on ne devrait pas non plus pouvoir labourer sans l'impulsion spéciale de Dieu. Il est significatif qu'aujourd'hui encore, dans les résolutions de synodes quakers, conseil est parfois donné de se retirer des affaires après avoir acquis une fortune suffisante afin de pouvoir, à l'abri des tracas du monde, se consacrer au royaume de Dieu. Ajoutons que de telles considérations se retrouvent à l'occasion dans d'autres sectes, fussentelles calvinistes. Indice, d'autre part, que leur acceptation de l'éthique professionnelle bourgeoise avait sa source dans un ascétisme à l'origine retiré du monde, puis qui s'était tourné vers celui-ci.

1 Encore une fois, renvoyons expressément aux remarquables exposés d'Eduard BERNSTEIN, op. cit. Nous reviendrons en une autre occasion sur le tableau extrêmement schématique du mouvement anabaptiste par Kautsky (tome I du même ouvrage) et sur sa théorie du « communisme hérétique» en général.

2 Dans son suggestif ouvrage, The Theory of Business Enterprise, VEBLEN (Chicago) pense que cette devise n'appartiendrait qu'au « capitalisme débutant ». Sans doute il a toujours existé des « surhommes » de l'économie qui, tels nos modernes « capitaines d'industrie », se tenaient au-delà du bien et du mal. Et cette devise reste valable, de nos jours encore et en dessous de ceux-ci, pour de larges couches d'hommes d'affaires capitalistes.

1 « In civil actions it is good to be as the many, in religious to be as the best », énonce par exemple, Thomas ADAMS (Works of the Puritan Divines, p. 138). Ce qui est d'une plus grande portée qu'on ne pense. Cela signifie qu'honnêteté puritaine égale légalité formaliste, de la même façon que l'uprightness, que les peuples puritains aiment à revendiquer comme une vertu nationale, est spécifiquement différente de l'Ehrlichkeit allemande. On trouve à ce sujet, dans les PreuBische Jahrbücher, XCII (1903), p. 226, les remarques pertinentes d'un pédagogue. De son côté, le formalisme réflexif de l'éthique puritaine est la conséquence adéquate de sa relation à la loi.

2 Nous y reviendrons dans l'essai suivant.

3 Là réside la raison de l'action économique profonde des minorités ascétiques protestantes, ce qui ne s'applique pas aux catholiques.

1 Que la différence de fondement dogmatique ait été compatible avec un profond intérêt pour l' « épreuve » [Bewährung] s'explique, en dernière analyse, par le caractère historique propre du christianisme en général; on ne peut en discuter ici.

2 « Since God hath gathered us to be a people [...] », BARCLAY, op. cit. p. 357. J'ai moi-même entendu au Haverford College un sermon quaker où se trouvait encore énergiquement soulignée l'identité: « saints » = séparés.


1 Voir la belle esquisse du caractère de Baxter dans DOWDEN, op. cit. La préface de Jenkyn aux divers extraits de ses oeuvres recueillis dans les Works of the Puritan Divines constitue une introduction passable à la théologie de Baxter après qu'il se fut graduellement éloigné de la stricte croyance au « double décret ». Sa tentative de combiner la « rédemption universelle » avec l' « élection personnelle » n'a satisfait personne. L'essentiel, à nos yeux, c'est qu'à cette époque il soutenait encore l'élection personnelle, c'est-à-dire le point éthique décisif de la doctrine de la prédestination. D'autre part, l'atténuation qu'il a apportée à la conception forensique de la justification est importante, car elle peut être considérée comme un certain rapprochement avec les baptistes.

1 Les traités de piété et les sermons de Thomas Adams, John Howe, Matthew Henry, J. Janeway, Stuart Charnock, Baxter, Bunyan, ont été réunis dans les dix tomes des Works of the Puritan Divines (London 1845-48), mais le choix en est assez arbitraire. Les éditions des oeuvres de Bailey, Sedgwick et Hoornbeek sont citées plus haut.

2 Nous aurions tout aussi bien pu choisir Voet ou encore d'autres représentants continentaux de l'ascétisme dans le monde. La conception de Brentano, suivant qui cette évolution aurait été purement , anglo-saxonne », est totalement fausse. Mon choix est surtout (mais non exclusivement) motivé par le désir de présenter dans la mesure du possible le mouvement ascétique de la seconde moitié du XVIIe siècle, immédiatement avant sa transformation en utilitarisme. Dans les limites de cette étude, nous avons malheureusement dû renoncer à la tâche séduisante de décrire le style de vie de l'ascétisme protestant en partant de la littérature biographique. Sous ce rapport, les quakers auraient été particulièrement intéressants, car ils sont relativement peu connus en Allemagne.

3 Nous aurions tout aussi bien pu prendre les écrits de Gisbert Voet, les débats des synodes huguenots ou la littérature baptiste hollandaise. Sombart et Brentano m'ont opposé de façon particulièrement malheureuse ces éléments ébionites de Baxter, que j'avais moi-même soulignés avec force, pour m'objecter l'aspect, du point de vue capitaliste, indubitablement arriéré de sa doctrine. Ici, deux remarques : il importe : 1º de connaître à fond l'ensemble de cette littérature pour avoir une chance de l'utiliser correctement, et 2º ne pas perdre de vue que j'ai tenté de démontrer que malgré la doctrine ( antimammoniste » l'esprit de cette religiosité ascétique a donné naissance - comme dans le cas des unités de production monastiques [Klosterwirtschaften] -au rationalisme économique, parce qu'il réservait ses récompenses [prämieren] à ce qui, pour lui, était déterminant : les motifs rationnels conditionnés par l'ascétisme. C'est uniquement de cela qu'il s'agit ici.

4 Saints' Everlasting Rest, chap. X, et XII. Comparer avec BAILEY, Praxis Pietatis, p. 182, ou Matthew HENRY, « The Worth of the Soul », Works of the Puritan Divines, p. 319. « Those that are eager in pursuit of worldly wealth despise their Soul ,, not only because the Soul is neglected and the body preferred before it, but because it is employed in these pursuits » (Psaume CXXVII, 2). Toutefois on trouve à la même page la remarque, citée plus loin, sur le caractère coupable de toute perte de temps, en particulier dans les distractions. De même, dans presque toute la littérature du puritanisme anglehollandais. Voir par exemple la philippique de HOORN13EEK (op. cit. X, chap. XVIII, 18) contre [166] l'avaritia. Cet écrivain a également subi des influences sentimentales piétistes. Voir sa louange de la tranquillitas animi, laquelle plaît davantage à Dieu que la sollicitudo de ce monde. Pareillement, BAILEY (op. cit. p. 182), se référant au célèbre passage de la Bible, pense qu'il n'est pas facile au riche d'être sauvé ». Les catéchismes méthodistes dissuadent eux aussi d' « amasser des trésors sur cette terre ». Pour le piétisme cela coule de source, ainsi que pour les quakers. Comparer avec BARCLAY (op. cit. p. 517) « [...] and therefore beware of such temptations as to use their callings as an engine to be richer ».

5 De même chez Calvin, qui n'était rien moins qu'un thuriféraire de la richesse bourgeoise (voir ses vives attaques contre Venise et Anvers dans Comm. in Jesaiam prophetum, III, 140 a, 308 a).

1 Non seulement la richesse était condamnée, niais également le désir impulsif du gain (ou de ce qui en tenait lieu). Aux Pays-Bas, en 1754, le synode de la Hollande Méridionale stipula, en réponse à une question, qu'on ne pouvait admettre les « lombards » à la communion, bien que leur trafic fût autorisé par la loi, et le synode provincial de Deventer étendit cette interdiction à leurs employés. En 1606, le synode de Gorichem prescrivit des conditions sévères et humiliantes pour l'admission des femmes des « usuriers ». En 1644 et en 1657 encore, on discuta sur le cas des lombards (contra Brentano, qui cite ses ancêtres catholiques - bien que, depuis des millénaires, dans l'ensemble du monde européen et asiatique, il n'ait pas manqué de banquiers et de marchands d'origine étrangère). Gisbert VOET (« De usuris », Selectae disputationes theologicae, IV [1667], p. 665) préconisait l'exclusion des « trapézites » (lombards, piémontais). Il en allait de même dans les synodes huguenots. Les éléments capitalistes de cette espèce n'étaient nullement les représentants typiques de la disposition d'esprit et de la conduite dont il s'agit. Ils ne constituaient pas une nouveauté eu égard à l'Antiquité ou au Moyen Age.

2 Développé en détail au chapitre VII du Saints' Everlasting Rest: Celui qui cherche à se reposer à l'abri des possessions que Dieu lui a données, Dieu le frappe en cette vie même. Se reposer, repu, sur la fortune acquise est presque toujours un présage de dégradation morale. Si nous avions toutes les choses qu'il est possible de posséder en ce monde, serait-ce là tout ce que nous aurions à espérer? La satisfaction complète des désirs tic peut être atteinte sur cette terre pour la raison que la volonté de Dieu a décrété qu'elle ne doit pas être.

3 Christian Directory, I, pp. 375-376 : « It is for action that God maintaineth us and our activities; work is the moral as well as the natural end of power [...] It is action that God is most served and honoured by [...] The public welfare or the good of the many is to be valued above our own. , On notera ici l'amorce de la transition entre le principe de la volonté de Dieu et le point de vue purement utilitaire de la théorie libérale ultérieure. Sur les sources religieuses de l'utilitarisme, voir ci-après dans le texte et ci-avant, chap. II, § I, note 146.

1 La règle du silence -qui découle de la menace, dans la Bible, d'une punition pour chaque parole inutile - a été, depuis les clunisiens notamment, un moyen éprouvé de l'éducation ascétique du contrôle de soi. Baxter lui aussi traite en détail du péché des paroles inutiles. SANFORD, op. cit. pp. 90 sqq., en a donné la signification caractérologique. Ce que les contemporains ressentaient en tant que melancholy profonde, la moroseness des puritains, c'était le résultat de la destruction de la spontanéité du status naturalis, et la prohibition des discours irréfléchis visait cette fin. Lorsque Washington IRVING, Bracebridge Hall, chap. XXX, en cherche la raison, partie dans le calculating spirit du capitalisme, partie dans les effets de la liberté politique, laquelle donne naissance au sens de la responsabilité personnelle, il faut remarquer que les peuples latins n'ont rien connu de semblable et que pour l'Angleterre la situation était probablement la suivante : 1º le puritanisme rendait ses adeptes capables de créer des institutions libres tout en permettant à l'État de devenir une puissance mondiale, et 2º il a transformé ce calculating spirit (Rechenhaftigheit comme le nomme Sombart), qui est l'une des parties constitutives du capitalisme, de simple moyen économique en un principe général de conduite.

2 Op. cit. I, p. 111.

3 Op. cit., I, pp. 383 sq.

4 Pareillement, BARCLAY, op. cit. p. 14, sur la grande valeur du temps.

5 BAXTER, Op. cit. I, p. 79. « Keep up a high esteem of time and be every day more careful that you lose none of your time, then you are that you lose none of your gold and silver. And if vain recreation, dressings, feastings, idle talk, unprofitable company or sleep, be any of them temptations to rob you of any of your time, accordingly heighten your watchfulness ,, et Matthew HENRY : ( Those that are prodigal of their time despise their own souls - (« The Worth of the Soul », Works of the Puritan Divines, p. 315). Ici aussi l'ascétisme protestant suit un chemin battu. Nous sommes accoutumés à considérer comme un fait caractéristique de l'homme moderne qu' « il n'a pas le temps ,, et - comme Goethe dans les Wanderjahre - à mesurer le degré de développement capitaliste au fait que les pendules sonnent tous les quarts d'heure. Pareillement Sombart dans son Kapitalismus. Toutefois, nous ne devons pas oublier qu'au Moyen Age les moines furent les premiers à vivre selon une minutieuse division du temps, et qu'en cela surtout résidait l'utilité des cloches.

6 Comparer avec la discussion de Is notion de profession chez BAXTER op. cit. I, pp. 108 sqq. En particulier le passage suivant : « Question : But may I not cast off the world that I may only think of my salvation? Answer : You may cast off all such excess of worldly cares or business as unnecessarily hinder you in spirituals things. But you may not cast off all bodily employment and mental labour in which you may serve the common good. Everyone as a member of Church or Commonwealth must employ their parts to the utmost for the good of the Church and the Commonwealth. To neglect this and say : I will pray and meditate, is as if your servant should refuse your greatest work and tie himself to some lesser, easier part. And God has commanded you some way or other to labour for your daily bread and not to live as drones of the sweat of others only. » L'explication employée dans le commandement de Dieu à Adam : « [...] à la sueur de ton front » et l'instruction de saint Paul : « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus » [2 Thess. III, 10], sont également citées. Les plus aisés d'entre les quakers eux-mêmes ont toujours considéré qu'ils devaient faire apprendre un métier à leurs fils pour des raisons éthiques, et non pas, comme le recommande Alberti, pour des raisons utilitaires.

7 Ce sont là des points sur lesquels le piétisme diverge, en raison de son caractère émotionnel. Bien que, dans un esprit parfaitement luthérien, Spener affirme que l'exercice d'une profession est une célébration du culte divin, il soutient d'autre part - ce qui est aussi très luthérien -que l'agitation des affaires éloigne de Dieu - et cette position est l'antithèse extrêmement caractéristique du puritanisme.

1 Op. cit., I, p. 242: It's they that are lazy in their callings that can find no time for holy duties. » De là l'idée que les villes, [16q] qui sont la résidence de la bourgeoisie et le centre de son activité économique rationnelle, sont par excellence le siège des vertus ascétiques. Dans son autobiographie, Baxter parle ainsi de ses tisserands de Kidderminster : « And their constant converse and traffic with London doth much to promote civility and piety among tradesmen [...] » (Works of the Puritan Divines, p. XXXVIII). L'idée que la proximité de la capitale puisse renforcer la vertu surprendrait fort les prêtres d'aujourd'hui - du moins en Allemagne. Le piétisme, cependant, présente des conceptions semblables. Ainsi Spener écrit à un jeune collègue : « Au moins, il apparaît que si, parmi la multitude des villes la plupart [des gens] sont totalement impies, en revanche on y trouvera toujours quelques âmes pures auxquelles on pourra faire du bien; alors que parfois il est à craindre que dans toute l'étendue d'une paroisse de campagne on ne trouve pas grand-chose de vraiment bon » (Theologische Bedenhen, 1, 66, p. 303). En somme, le paysan est peu qualifié pour une conduite rationnelle; sa glorification éthique est très récente. Nous n'avons pas à rechercher ici ce que signifie cette assertion, ou d'autres analogues, pour la relation entre l'ascétisme et l'appartenance à une classe sociale.

2 Que l'on se reporte, par exemple, aux passages suivants : « Be wholly taken up in diligent business of your lawful callings when you are not exercised in the more immediate service of God. ( Labour hard in your callings. » See that you have a calling which will find you employment for all the time which God's immediate service spareth » (op. cit. pp. 336 sq.).

3 Récemment encore HARNACK (Mitteilungen des evangelisch-sozialen Kongresses, 14. Folge [1905], nos 3-4, p. 48) faisait vigoureusement remarquer que l'appréciation éthique du travail et de sa « dignité » n'était pas à l'origine une notion propre au christianisme, ni même qui lui soit particulière.

4 Pareillement dans le piétisme (SPENER, op. cit. III, pp. 429-430). La version piétiste caractéristique veut que le zèle dans la profession qui nous a été imposée en punition du péché originel, serve à mortifier la volonté particulière. En tant qu'obligeant service à l'égard du prochain, la besogne professionnelle constitue un devoir de gratitude envers la grâce divine (idée luthérienne!); par conséquent, il déplaît à Dieu qu'elle soit accomplie à contrecœur (op. cit. III, p. 272). Le chrétien se montrera donc « aussi appliqué à sa tâche qu'un homme de ce monde » (Op. cit. III, p. 278). Ce qui est manifestement en retrait sur la conception puritaine.

5 Sur quoi se fonde cette importante opposition, évidente depuis la règle de Saint-Benoît, ne peut être montré que dans un exposé de plus vastes proportions.

1 Selon BAXTER, le but du mariage est - a sober procreation of children v. De même chez Spener, mais avec des concessions à la façon de voir brutale de Luther, selon qui le but secondaire est d'éviter l'immoralité - irrépressible autrement. En tant qu'elle accompagne l'accouplement, la concupiscence est coupable jusque dans le mariage. Conformément aux vues de Spener, c'est une conséquence du péché originel qui transformerait ainsi un processus rationnel, voulu par Dieu, en quelque chose d'inévitablement lié à des sensations coupables, et de ce fait en un pudendum. Suivant une opinion répandue dans de nombreux mouvements piétistes, la forme la plus haute du mariage chrétien est celle qui préserve la virginité; la forme qui vient immédiatement après est celle où le commerce sexuel vise uniquement la procréation, et ainsi de suite jusqu'aux mariages contractés à des fins exclusivement érotiques ou mondaines qui, du point de vue éthique, équivalent au concubinage. A ce niveau (et toujours pour des raisons inspirées de motifs rationnels), les mariages simplement mondains sont encore préférés à ceux qui relèvent de l'érotisme. La théorie et la pratique du mariage chez les Frères moraves peuvent être tenues en dehors de nos considérations. La philosophie rationaliste (Chr. Wolff) devait reprendre à son compte la théorie ascétique dans la version suivante : ce qui est prescrit comme moyen en vue d'une fin, la concupiscence et son assouvissement, ne doit pas être tenu pour la fin elle-même.

Le passage à l'utilitarisme qui met l'accent sur l'hygiène est déjà réalisé par Franklin dont le point de vue préfigurait à peu près celui des médecins modernes qui entendent par « chasteté , la limitation des rapports sexuels au niveau désirable pour la santé (ils ont même donné des conseils théoriques sur les moyens d'y parvenir). Dès que ces matières sont devenues l'objet de réflexions purement rationnelles, le même développement s'est partout accompli. Rationalistes puritains de la sexualité et hygiénistes ont beau suivre des chemins très différents, ici « ils se comprennent d'emblée ». Au cours d'une conférence, un ardent zélateur de la « prostitution hygiénique » - il s'agissait de la réglementation des bordels et des prostituées - déclarait que les « rapports sexuels hors mariage » (considérés comme hygiéniquement utiles) étaient moralement admissibles en se référant à leur sublimation poétique dans l'aventure de Faust et de Marguerite. Traiter Marguerite comme une prostituée et mettre sur le même plan le puissant empire des passions humaines et les rapports sexuels considérés sous leur aspect hygiénique - ce sont là, en vérité, deux traits qui correspondent tout à fait au point de vue puritain. De même, cette conception typique des experts -soutenue parfois par d'éminents médecins - qui veut que les problèmes les plus subtils de la personnalité et de la civilisation, telle l'abstinence sexuelle, soient du ressort « exclusif » du tribunal des médecins (en tant que spécialistes). Pour le puritain, le « spécialiste », c'était le théoricien de la morale; ici, c'est celui de l'hygiène : avec une inversion de signes, le principe est le même dans les deux cas. Il reste qu'en appeler aux « compétences » pour trancher la question nous paraît quelque peu cuistre.



Avec toute sa pruderie, le profond idéalisme de la conception puritaine pouvait certes faire valoir des résultats positifs, fût-ce du point de vue de la conservation de la race, et au sens purement,< hygiénique », tandis que l'hygiène sexuelle moderne, par son inévitable appel à la « libération de tous les préjugés », risque [171] de faire sauter le fond du tonneau auquel elle puise. Ici évidemment reste en dehors de la discussion la façon dont cette interprétation rationnelle de la vie sexuelle, chez les peuples influencés par le puritanisme, a finalement donné naissance à un certain raffinement, à une imprégnation spirituelle et éthique des rapports entre époux, à la floraison d'une chevalerie conjugale. Elle contraste avec les relents [Brodem] patriarcaux que l'on découvre encore chez nous jusque dans les cercles de l'aristocratie intellectuelle. Des influences baptistes ont contribué à l' « émancipation » de la femme. La protection de sa liberté de conscience et son inclusion dans l'idée de « sacerdoce universel » ont été, ici aussi, les premières brèches ouvertes dans la forteresse du patriarcalisme.

2 Ce thème revient sans cesse chez Baxter. Le fondement biblique en est régulièrement, soit le passage des Proverbes que Franklin nous a rappelé (XXII, 29), soit celui à la gloire du travail (XXXI, 16). Cf. op. cit. I, pp. 377, 382, etc.

1 Zinzendorf lui-même dit en passant : « On ne travaille pas seulement pour vivre, mais on vit pour l'amour du travail, et si l'on n'a plus rien à faire, on souffre ou l'on s'endort [du sommeil éternel]. » (PLITT, op. cit. I, p. 428.)

2 Un Symbole des mormons se termine par ces mots (d'après une citation) : « Mais un indolent ou un paresseux ne peut être un chrétien, ni être sauvé. Il est destiné à être piqué à mort et rejeté hors de la ruche. » Ici, cependant, c'était surtout l'extraordinaire discipline, à mi-chemin entre 1e cloître et la manufacture, qui plaçait l'individu devant le choix entre le travail ou l'élimination. Choix lié, il est vrai, à l'enthousiasme religieux, rendu possible par lui seul, et qui est à l'origine des étonnantes réalisations économiques de cette secte.

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