L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme



Yüklə 0,79 Mb.
səhifə10/18
tarix16.08.2018
ölçüsü0,79 Mb.
#63412
1   ...   6   7   8   9   10   11   12   13   ...   18

2 Pour ce qui suit, comparer avec SCHEIBE, Calvins Prädestinationslehre (Halle 1897). Sur la théologie calviniste en général, voir HEPPE, Dogmatik der evangelisch-reformierten Kirche (Elberfeld 1861).

3 Corpus Reformatorum, LXXVII, pp. 186 sqq.

1 On peut retrouver l'exposé cidessus de la doctrine calviniste, à peu près sous la même forme, dans HOORNBEEK, Theologia practica (Utrecht 1663), livre Il, chap. 1 : De predestinatione, cette section prend place, de façon très caractéristique, directement sous le titre De Deo. Chez Hoornbeek le principal fondement scripturaire de la prédestination est la première épître aux Éphésiens.

Nous n'avons nul besoin d'analyser ici les tentatives diverses, et inconséquentes de combiner la prédestination et la Providence divine, d'une part, avec la responsabilité et le libre arbitre de l'individu, d'autre part, afin de sauver ces derniers. Les premières amorces de cette doctrine se trouvent déjà chez saint Augustin.



2 « The deepest community [avec Dieu] is found not in institutions or corporations or churches, but in the secrets of a solitary heart » : c'est ainsi que Dowden [94] pose la question essentielle dans son beau livre, Puritan and Anglican (p. 234). Cette profonde solitude spirituelle de l'individu se retrouve chez les jansénistes, qui croyaient aussi à la prédestination.

3 « Contra qui hujusmodi coetum [c'est-à-dire une Église qui maintient une doctrine pure, les sacrements et la discipline de l'Église] contemnunt [...] salutis suae certi esse non possunt; et qui in illo contemptu perseverat electus non est. » OLEVIAN, De substantia foederis gratuiti inter Deum et electos (1585), p. 222.

4 « On dit que Dieu a envoyé son Fils pour sauver le genre humain, mais ce n'était pas là son but : il ne voulait préserver de la chute qu'un petit nombre d'entre les hommes [...] et je vous dis que Dieu n'est mort que pour les élus. » (Sermon prononcé à Broek, apud ROGGE, Wttenbogaert, Il, p. 9. Cf. Nuyens, op. cit., II, p. 232.) L'explication de la médiation du Christ est tout aussi embrouillée dans la Hanserd Knollys Confession. Partout il est admis que Dieu n'avait nul besoin d'utiliser ce moyen.

1 [Expression attribuée à Schiller] Sur ce processus, voir les autres études de ma Wirtschaftsethik der Weltreligionen. Par rapport aux éthiques de l'Égypte et de Babylone qui lui étaient apparentées de près, la position particulière de la vieille éthique hébraïque, et son développement depuis l'époque des prophètes, reposaient entièrement, ainsi que je le montre dans ces essais, sur le fait fondamental du refus de la magie sacramentelle en tant que moyen de salut.

2 De même, selon la doctrine la plus conséquente, le baptême n'était obligatoire qu'en vertu de prescriptions positives, mais il n'était pas nécessaire au salut. C'est pourquoi les indépendants anglais et écossais, puritains rigoristes, pouvaient soutenir le principe que les enfants de ceux qui manifestement sont réprouvés (des ivrognes, par exemple) ne devaient point être baptisés. Le synode d'Edam de 1586 (art. 32, 1) recommandait qu'un adulte qui désirait recevoir le baptême, mais n'était pas mûr encore pour la communion, ne fût baptisé que si sa conduite était sans reproche et s'il plaçait ce désir zonder superstitie.

3 Cette attitude négative à l'égard de la culture des sens [Sinnenhultur] est précisément, Dowden l'a montré (op. cit.), un élément fondamental du Puritanisme.

4 Le terme « individualisme » recouvre les notions les plus hétérogènes que l'on Puisse imaginer. Les indications suivantes clarifieront, je l'espère, ce que j'entends Par là. Prenant le terme dans un certain sens, on a dit que le luthéranisme était « individualiste » parce qu'il ne connaissait pas de réglementation ascétique de la vie. Le mot est employé dans un tout autre sens, par exemple, par Dietrich SCHÄFER lorsque, dans son étude « Zur Beurteilung des Wormser Konkordats », Abhandlungen der Berliner Akademie (19O5), il appelle le Moyen Age l'époque de l'« individualité prononcée » parce que, pour les événements importants aux yeux de l'historien, les facteurs irrationnels avaient alors une signification qu'ils ne possèdent Plus aujourd'hui. Certes, il a raison, mais ceux qu'il attaque se trouvent Peut-être dans le même cas, car ils entendent par « individualité » et « individualisme » quelque chose de tout à fait différent. Les formulations géniales de Jacob Burckhardt sont en partie dépassées de nos jours, et une analyse radicale de ces concepts, du point de vue historique, serait à présent derechef fort précieuse pour la science. Tout à l'opposé, naturellement, se trouvent les « définitions » en style d'affiche de certains historiens que l'instinct du jeu [Spieltrieb] pousse à utiliser le concept comme une étiquette Collée sur une quelconque époque historique.

5 Même contraste - quoique évidemment moins aigu - avec la doctrine catholique ultérieure. En revanche, le profond Pessimisme de Pascal, qui s'appuie lui aussi sur la doctrine de la prédestination, est d'origine janséniste, de là son individualisme qui fuit je monde et ne concorde pas avec la position catholique officielle. Voir l'étude de Honigsheim sur les jansénistes français, citée à la note 10 du chap. I, section 3 ci-avant.

1 Il en va de même pour les jansénistes.

2 BAILEY, Praxis pietatis (éd. allemande, Leipzig 1724), p. 187. Un point de vue analogue est adopté par Ph. J. SPENER, Theologische Bedenken (selon la 3e éd., Halle 1712) : un ami donne rarement un conseil ayant en vue la gloire de Dieu, mais généralement ce sont des raisons mondaines [fleischlich] (mais non pas nécessairement égoïstes) qui le font intervenir. « He [the a knowing man )] is blind in no man's cause, but best sighted in his own. He confines himself to the circle of his own affairs and thrusts not his fingers into needless fires. He sees the falseness of it [le monde] and therefore learns to trust himself ever, others so far as not to be damaged by their disappointment. » Telle est la philosophie de Thomas ADAMS, Works of the Puritan Divines, p. 11. BAILEY (Praxis pietatis, p. 176) recommande en outre d'imaginer le matin, avant de se mêler aux autres, que l'on marche dans une forêt sauvage, remplie de dangers, et de prier Dieu [de nous accorder] le « manteau de circonspection et de justice ». Ce sentiment se retrouve dans toutes les sectes ascétiques sans exception, et, dans le cas de nombre de piétistes, il conduit directement à mener une sorte de vie érémitique à l'intérieur du monde. Spangenberg lui-même, dans la moravienne Men fidei fratrum, P. 382, rappelle en y insistant le passage de Jérémie, XVII, 5 : « Malheur à l'homme qui se confie en l'homme. » Pour saisir toute la misanthropie de cette attitude, se reporter aux remarques de HOORNBEEK (Theologia practica, I, p. 882) sur le devoir d'aimer son ennemi: « Denique hoc magis nos ulciscimur, quo proximum, inultum nobis, tradimus ultori Deo [...] Quo quis plus se ulciscitur, eo minus id pro ipso agit Deus. » On trouve le même thème du transfert de la vengeance dans les parties de l'Ancien Testament postérieures à l'Exil; intensification et intériorisation retorses 1971 de l'esprit de vengeance si on le compare à l'antique « oeil pour oeil ». Sur l'amour du prochain, voir ci-dessous note 34.

3 Il est évident que le confessionnal d'a pas eu seulement cet effet. Les explications, entre autres de MUTHMANM, Zeitschrift für Religion psychologie, I, fasc. 2, p. 65, sont trop simples pour un problème Psychologique aussi complexe que celui de la confession.

1 Ce point est tout particulièrement important pour une interprétation des fondements psychologiques des organisations sociales calvinistes. Leurs motifs intimes sont toujours « individualistes », « rationnels ». L'individu n'y entre pas avec ses émotions. La « gloire de Dieu » et le salut personnel restent constamment au-dessus du « seuil de la conscience ». De nos jours, certains traits particuliers à l'organisation sociale des peuples ayant un passé calviniste en portent encore la marque.

2 Le caractère fondamentalement anti-autoritaire de la doctrine, qui dépréciait par principe, comme inutile, toute intervention de l'Église ou de l'État en matière d'éthique ou de salut, l'a constamment vouée à être interdite, par exemple par les États généraux de Hollande. La conséquence en fut toujours la formation de conventicules (comme après 1614).

3 Sur Bunyan, voir la biographie de Froude, dans la série des English Men of Letters, et aussi l'esquisse superficielle de MACAULAY (Miscel. Works, 11, p. 227). Bien que strict calviniste baptiste lui-même, Bunyan était insensible aux différences qui existaient entre les sectes.

4 En ce qui concerne le caractère sociétaire du christianisme réformé, il semblerait aller de soi que l'on se référât à l'idée - dont l'importance est hors de doute - qu'il est nécessaire pour le salut de l'âme d'être admis dans une communauté, conforme aux prescriptions divines, idée qui découle de l'exigence calviniste de l' « incorporation dans le corps du Christ » (CALVIN, Institutio christiana, III, 11, 10). Cependant, de notre point de vue particulier, le centre du problème est quelque peu déplacé. Ce principe dogmatique aurait pu tout aussi bien se développer dans une Église de caractère strictement institutionnel [anstaltmäBig], ce qui, on le sait, s'est effectivement Produit. Mais il ne trouvait point en lui-même cette force psychologique qui pût faire surgir de telles communautés, et leur insuffler cette vigueur que possédait le calvinisme. La tendance à former des communautés se manifestait même dans le « monde » en dehors de l'organisation de l'Église prescrite par Dieu. Le fait que le chrétien croyait attester [betähren] (voir plus loin) son état de grâce « en agissant » in majorent Dei gloriam était ici déterminant; la [99] prise en profonde horreur de l'idolâtrie de la créature et de tout attachement [Haften] personnel à d'autres êtres humains devait diriger imperceptiblement cette énergie vers le champ de l'activité objective (impersonnelle). Le chrétien, à qui cette épreuve [Bewährung] de son état de grâce tient à cœur, agit en fonction des fins divines, et celles-ci ne peuvent être qu'impersonnelles. Toute relation Personnelle d'homme à homme, purement sentimentale - donc dépourvue de rationalité - peut facilement être soupçonnée d'idolâtrie de la chair par l'éthique puritaine aussi bien que par toute morale ascétique. A titre d'exemple, la mise en garde suivante n'est-elle pas suffisamment claire ? « It is an irrational act and not fit for a rational creature to love anyone farther than reason will allow us [...] It very often taketh up men's minds so as to hinder their love of God » (BAXTER, Christian Directory, IV, P. 253). Constamment, nous rencontrerons ces mêmes arguments.

Une idée exaltait le calviniste; celle que Dieu, en créant le monde, y compris l'ordre social, a dû objectivement concevoir des moyens de célébrer sa gloire; qu'il a dû vouloir non pas la créature pour elle-même, mais l'ordonnance du créé soumis à sa volonté. C'est pourquoi, libérées par la doctrine de la prédestination, les énergies actives de l'élu se transformaient en efforts pour rationaliser le monde. En particulier, l'idée que le bien Public [der öffentliche Nutzen] - ou encore, comme le dit 13AXTER (Christian Directory, IV, P. 262) très exactement dans l'esprit du rationalisme libéral ultérieur, « the good of the many » (avec une référence un Peu forcée à Rom. IX, 3) - devait être préféré à tout bien personnel ou privé, découlait pour le puritain, pour si peu qu'il y eût là nouveauté, de la répudiation de l'idolâtrie de la créature. La répugnance traditionnelle des Américains pour les métiers consistant à rendre des services personnels se rattache probablement à cette tradition bien qu'indirectement, en dehors d'autres raisons importantes, résultant des sentiments démocratiques. De même, l'immunité relative des peuples au passé puritain à l'endroit du césarisme et, en général, l'attitude subjectivement libre des Anglais envers leurs grands hommes d'État, par comparaison avec ce que nous avons vécu, tant positivement que négativement, à cet égard, en Allemagne depuis 1878. D'une part, il existe chez eux une bonne volonté Plus grande de rendre au grand homme ce qui lui est dû; d'autre part, ils refusent d'en faire l'objet d'une passion hystérique et repoussent l'idée naïve que l'on puisse devoir par « gratitude » l'obéissance Politique à qui que ce soit. Voir BAXTER, Christian Directory, 2e éd., 1678, 1, p. 56, sur le caractère coupable de la croyance en l'autorité - permise par l'Écriture à titre impersonnel seulement - et sur la dévotion excessive envers les hommes les Plus éminents et les plus saints, laquelle risque éventuellement de mettre en danger l'obéissance due à Dieu. Les conséquences politiques de la renonciation a l'idolâtrie de la créature, et le principe que Dieu seul doit régner, d'abord dans l'Église, ensuite dans la vie en général, ne sont pas du ressort de notre étude.



1 Nous aurons à revenir souvent sur le rapport entre les « conséquences » dogmatiques et les « conséquences » psychologiques pratiques. Est-il nécessaire de faire remarquer qu'il n'y a pas identité entre les unes et les autres ?

2 « Social » dans ce contexte, ne présente pas les résonances modernes du terme. Il s'applique simplement aux occupations à l'intérieur de communautés organisées, religieuses, politiques ou autres.

1 Sont coupables « les bonnes œuvres accomplies dans toute autre intention que la gloire de Dieu. » (Hanserd Knollys Confession, chap. XVI.)

2 Le comportement de la Mission de la Chine intérieure et celui de l'Alliance internationale des missionnaires nous aideront à saisir le sens que peut prendre cette < impersonnalité » de l'amour du prochain - déterminée par la relation exclusive de la vie à Dieu - dans le domaine propre de la vie des communautés religieuses (voir à ce Sujet WARNECK, Gesch. d. prot. Missionären, 5e éd., pp. 99, 111). Une armée de missionnaires (mille pour ce qui est de la Chine seule) fut levée et équipée à grands frais. Par des prêches itinérants, il s'agissait d' « offrir », au strict sens du terme, l'Évangile aux païens, le Christ l'ayant ordonné et en ayant fait dépendre sa seconde venue. Que, de la sorte, les païens fussent convertis au christianisme et accédassent ainsi au salut, qu'ils pussent même comprendre, ne fût-ce que grammaticalement, la langue des missionnaires, était absolument secondaire et Dieu lui-même y pourvoirait. Selon Hudson Taylor (voir WARNECK, op. cit.), la Chine compte environ cinquante millions de familles; mille missionnaires endoctrinant chacun cinquante familles par jour (1), l'Évangile peut être ainsi « offert » en mille jours, soit un peu moins de trois ans, à tous les Chinois. C'est exactement suivant ce schéma que le calvinisme a établi la discipline de son Église. Le but n'était pas le salut de l'âme du fidèle - lequel, étant l'affaire de Dieu seul (en pratique aussi celle du fidèle lui-même), ne pouvait être influencé par aucun moyen de coercition à la disposition de l'Église - mais la plus grande gloire de Dieu. Le calvinisme, en tant que tel, n'est nullement responsable des exploits modernes des missions : toutes les sectes y participent. Calvin lui-même niait qu'on fût obligé d'envoyer des missions chez les païens, l'extension de l'Église étant unius Dei opus. De toute évidence, l'origine de tels faits est à rechercher dans les idées qui avaient cours dans l'ensemble de l'éthique puritaine et selon lesquelles on en est quitte avec l'amour du prochain lorsqu'on accomplit les commandements de Dieu pour le glorifier. Notre prochain reçoit ainsi [101] ce qui lui revient; pour le reste, Dieu y pourvoira lui-même. L' « humanité », dans les relations avec le « prochain », est pour ainsi dire éteinte.

Ainsi - pour présenter un vestige de cet état de choses au XXe siècle dans le domaine de la charité réformée, vestige célèbre à juste titre - les orphelins d'Amsterdam avec leurs vestes et leurs pantalons mi-partis verticalement noir et rouge, ou rouge et vert (espèce d'habit de fou_!), que l'on conduit en cortège à l'église, constituaient sans doute, selon les idées de jadis, un spectacle des plus édifiants. Il servait la gloire de Dieu, dans la mesure où tous les sentiments personnels et humains s'en trouvaient blessés. Et de même - nous le verrons plus loin - de tous les détails de la vie privée. Naturellement, cela n'indique qu'une tendance, et nous aurons à en tracer certaines limites. Mais il était indispensable de signaler ici pareille tendance, et d'une telle importance, de cette religiosité ascétique.



1 A cet égard, l'éthique de PortRoyal, bien que déterminée par la prédestination, est totalement différente, en raison de son orientation mystique et de son détachement du monde. Par quoi elle peut être dite catholique (voir HONIGSHEIM, Op. cit.).

2 HUNDESHAGEN (Beiträge zur Kirchenverfassungsgeschichte und Kirchenpolitik, 1864, 1, P. 37) représente le point de vue - souvent repris depuis - selon lequel la prédestination était un dogme de théologiens et non pas une doctrine populaire. Ce qui n'est exact que si l'on identifie le « peuple » avec la masse sans instruction des couches inférieures, et même ainsi reste de signification très limitée. KÖHLER (Op. cit.) nous dit que, dans les années 40 du XIXe siècle, les , masses » (à savoir la petite bourgeoisie hollandaise) étaient profondément pénétrées de cette doctrine. Quiconque niait la double prédestination était tenu pour un hérétique et un réprouvé. Il advint que Köhler lui-même fut interrogé sur la date de sa « renaissance » (dans le sens de prédestination). Da Costa et la séparation de de Kock en ont été grandement influencés. Non seulement Cromwell, chez lequel déjà ZELLER (Das theologische System Zwinglis, p. 17) avait montré les effets de ce dogme, mais aussi son armée, savaient fort bien de quoi il s'agissait. En outre, les canons des synodes de Dordrecht et de Westminster sur le même sujet furent l'un et l'autre une affaire d'importance nationale. Les tryers et les ejectors de Cromwell n'admettaient que ceux qui croyaient à la prédestination, et BAXTER (Life, 1, P- 72), bien que par ailleurs l'adversaire du Protecteur, a estimé que son action fut considérable en ce qui concerne la qualité du clergé. Il serait absolument inconcevable que les piétistes réformés et les membres des conventicules anglais et hollandais n'eussent pas compris cette doctrine. C'est elle, précisément, qui les a rassemblés dans la recherche de la certitudo salutis.

Ce que signifie la prédestination, ou ce qu'elle ne signifie pas, lorsqu'elle demeure une doctrine de théologiens, le catholicisme orthodoxe nous le montre, lui qui ne l'a nullement méconnue en tant que doctrine ésotérique et sous une forme vague. L'important, c'est que ce dernier a constamment rejeté l'idée que l'individu est dans l'obligation de se tenir pour élu et de se le confirmer. Voir pour la doctrine catholique Ad. VAN WYCK, Tractatio de praedestinatione (Köln 1708). Nous n'avons pas à examiner ici dans quelle mesure étaient fondées les vues de Pascal sur la prédestination.

Hundeshagen, qui n'aime pas cette doctrine, tire manifestement ses impressions des conditions allemandes. Son antipathie repose sur l'opinion, purement déductive, que la doctrine conduit obligatoirement au fatalisme et aux contradictions internes. ZELLER (Op. cit.) a déjà réfuté cette opinion. D'un autre côté, on ne saurait nier que les choses aient pu emprunter cette voie. Mélanchthon et Wesley en avaient parlé chacun en son temps. Mais, de façon caractéristique, dans ces deux cas il s'agissait d'une combinaison de la foi avec une religiosité toute sentimentale. Pour des auteurs à qui l'idée rationnelle de confirmation [Bewährung] faisait défaut, pareille conséquence découlait de l'essence de la doctrine.

Les mêmes conséquences fatalistes sont apparues dans l'Islam, mais pourquoi? Parce que, pour l'Islam, il y a prédétermination et non pas prédestination, parce qu'il s'agit de la destinée en ce monde et non pas du salut dans l'autre, et qu'en conséquence l'élément éthiquement le plus important, la « confirmation » [Bewährung] du croyant dans sa prédestination, ne joue plus aucun rôle. Il pouvait en découler l'absence de toute peur pour le guerrier (comme dans le cas de la moira), mais aucune [103] conséquence pour la rationalisation de la vie, car il manquait la « récompense » [Prämie] religieuse. Voir la dissertation théologique (Heidelberg) de F. ULRICH, Die Vorherbestimmungslehre im Islam und Christenheit (1912).



Les adoucissements à la doctrine apportés par la pratique - par exemple chez Baxter - ne l'ont pas troublée dans son essence aussi longtemps que ne fut pas ébranlée l'idée de l'élection divine appliquée à un individu concret, et de sa preuve [Erprobung]. Enfin, tous les grands esprits du puritanisme (au sens le plus large) sont partis de cette doctrine dont la sombre rigueur avait profondément influencé leur jeunesse - Milton aussi bien que, à un degré moindre, Baxter, et plus tard le libre penseur Franklin. Leur émancipation de sa stricte interprétation ne fera que correspondre au développement dans cette même direction du mouvement religieux dans son ensemble. Mais tous les grands réveils religieux, en Hollande du moins, et la plupart du temps en Angleterre, se sont par la suite réclamés de la même source.

1 C'est également vrai, et c'en est la note dominante, du Pilgrim's Progress de Bunyan.

2 Le dogme de la prédestination fût-il mis à part, cette question était déjà plus éloignée du luthérien du temps des épigones que du calviniste. Non que le luthérien portât moins d'intérêt au salut de son âme, mais, en se développant, l'Église luthérienne avait pris de plus en plus le caractère d'une institution de salut [Heilsanstalt]. L'individu se tenait ainsi pour l'objet de son activité et se sentait protégé par elle. C'est le piétisme qui, de façon caractéristique, a pour la première fois soulevé ce problème dans le luthéranisme. Cependant, le fait ne peut être méconnu, la question de la certitudo salutis elle-même s'est avérée fondamentale dans toutes les religions de salut non sacramentelles - bouddhisme, jaïnisme ou autres. Elle a été à l'origine de toutes les motivations psychologiques de caractère purement religieux.

3 Cette idée se trouve en propres termes dans la lettre à Bucer, Corpus Reformatorum, XXIX, p. 883 sq. À ce sujet comparer de nouveau avec Scheibe, op. cit. p. 30.

4 La Confession de Westminster (XVIII, 2) laisse entrevoir aux élus l'infaillible certitude de la grâce, bien qu'avec toute notre activité nous demeurions des « serviteurs inutiles » (XVI, 2) et que la lutte contre le mal doive durer toute la vie (XVIII, 3). Cependant l'élu lui-même doit combattre longtemps avant d'atteindre à cette certitudo que lui donnera la conscience d'avoir accompli son devoir, dont un vrai croyant ne sera jamais totalement dépourvu.

1 La véritable doctrine calviniste renvoyait à la foi et à la conscience de s'unir à Dieu dans les sacrements, ne mentionnant qu'incidemment les autres « fruits de l'esprit ». Voir certains passages dans HEPPE, Dogmatik der evangelischen-reformierten Kirche, P. 425. Calvin lui-même, avec beaucoup d'insistance, nie que les œuvres soient le signe [Merkmal] de la faveur de Dieu, bien qu'il les considère, de même que Luther, comme le fruit de la foi (Inst. christ., III, 2, 37, 38). La tendance pratique à prouver la foi par les oeuvres, qui distingue l'ascétisme, est allée de pair avec la transformation graduelle de la doctrine de Calvin. Pour celui-ci (comme pour Luther) la pureté de la doctrine et les sacrements caractérisaient la véritable Église, mais plus tard la disciplina fut mise sur le même plan que ces deux autres signes. On peut constater cette évolution dans les passages cités par HEPPE, op. cit. pp. 194, 195, et, d'autre part, dans la façon dont étaient recrutés aux Pays-Bas, dès la fin du XVIe siècle, les membres des communautés (la première condition exigée était une soumission expressément acceptée à la discipline).

Yüklə 0,79 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   6   7   8   9   10   11   12   13   ...   18




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©genderi.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

    Ana səhifə