L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme


Bible de Jérusalem (texte hébreu)



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Bible de Jérusalem (texte hébreu):

20- Sois attaché à ta besogne et mets-y ta joie et vieillis dans ton travail.

21- N'admire pas les oeuvres du pécheur.

Confie-toi dans le Seigneur et tiens-toi à [ta besogne.

Car c'est chose facile aux yeux du Seigneur,

rapidement, en un instant, d'enrichir un [pauvre.


Édition Dhorme (texte grec) :

20- Sois ferme en ton alliance, consacre lui ta vie

Et vieillis dans ton oeuvre.

21- Ne t'émerveille pas des oeuvres du pêcheur,

Mais aie confiance au Seigneur et persévère dans ton effort,

Car il est facile aux yeux du Seigneur

D'enrichir rapidement d'un seul coup l'indigent.


1 En revanche, cette idée ne se trouve que partiellement développée - encore est-ce de façon implicite - dans la Confession d'Augsbourg. L'article 26 (éd. Kolde, p. 43 [citée par Weber]) professe : « En effet, l'Évangile [...] ne condamne pas le gouvernement civil, ni l'État, ni le mariage, mais il veut qu'on observe toutes ces choses comme de véritables institutions divines, et que, dans ces divers états, on pratique la charité chrétienne et fasse de véritables bonnes oeuvres, chacun selon sa vocation [ein jeder nach seinem Beruf]. » [Traduction française de C. F. ROSENSTIEHL, p. 64.]

Le texte latin dit simplement : et in talibus ordinationibus exercere caritatem. [Le texte latin et le texte allemand de la Confession d'Augsbourg sont indépendants, l'un n'étant pas la traduction de l'autre. La traduction ROSENSTIEHL a été faite sur le texte allemand.]

La conséquence qui découle de cette prescription d'obéir aux autorités montre qu'ici Beruf était considéré, du moins à l'origine, comme un ordre objectif au sens de I Cor. VII, 20.

L'article 27 (Kolde, p. 83) parle de Beruf (latin : in vocatione sua) en relation seulement avec les « états » [Stände] établis par Dieu, tels que celui d'un pasteur, d'un prédicateur, d'un magistrat, d'un prince, d'un seigneur, etc. Cela dans la seule version allemande du Konkordienbuch, la phrase manquant dans l'édition princeps allemande.

Ce n'est qu'à l'article 26 (Kolde, p. 81) que Beruf est pris dans un sens qui implique, au moins, son acception moderne : « [... ] que la mortification du corps doit servir, non pas à mériter la grâce, mais à maintenir le corps dans une disposition qui ne fasse point obstacle à ce qui est exigé de chacun, selon sa vocation [einem nach seinem Beruf] (latin : juxta vocationem suam).


2 Selon les dictionnaires, et ce fait m'a été aimablement confirmé par mes collègues les professeurs Braune et Hoops, le mot Beruf (hollandais beroep, anglais calling, danois kald, suédois kallelse) n'apparaît, avec son sens profane actuel, dans aucune des langues qui le connaissent aujourd'hui avant la traduction de la Bible par Luther. En moyen-haut-allemand, moyen-bas-allemand et moyen-néerlandais, les mots apparentés à Beruf ont tous la même signification que Ruf en allemand moderne - y compris, à la fin du Moyen Age, [66] celle de Berufung [= Vokation], c'est-à-dire d'un appel à un ministère ecclésiastique par les évêques qui en jugent digne - cas particulier souvent mentionné dans les dictionnaires des langues scandinaves. Cette dernière acception a été occasionnellement utilisée par Luther lui-même. Même si cet emploi particulier du mot a pu favoriser plus tard son changement de sens, la création du moderne Beruf remonte linguistiquement aux traductions protestantes de la Bible. Les seules anticipations de ce sens ne se rencontrent que chez Tauler (mort en 1361), ainsi que nous le verrons plus loin. Ce mot a été forgé par toutes les langues qui ont subi l'influence profonde des traductions protestantes de la Bible, alors qu'il ne se trouve pas, du moins dans son sens actuel, dans celles (telles les langues romanes) qui ont échappé à cette influence.

Luther traduit par Beruf deux concepts totalement différents. En premier lieu, au sens de l'appel divin en vue du salut éternel. Cf. 1 Cor. 1, 26; Éph. 1, 18, IV, 1-4; II Thes. I, II ; Héb. III, I; II Pierre I, ici. Dans tous ces passages il s'agit de l'idée, purement religieuse, de l'appel lancé par Dieu au moyen de l'Évangile annoncé par les apôtres : le mot n'a rien de commun avec les professions temporelles, au sens moderne du mot. Avant Luther, les bibles allemandes employaient dans le cas présent ruffunge (ainsi dans tous les incunables de la bibliothèque de Heidelberg); elles disaient également : von Gott gefordert au lieu de : von Gott geruffet. Mais en second lieu, ainsi que nous l'avons déjà signalé, Luther traduit les passages de Jésus ben Sira discutés dans une note précédente par « beharre in deinem Beruf » et « bleibe in deinem Beruf » au lieu de « bleibe bei deiner Arbeit », et les traductions catholiques ultérieures dûment autorisées (par exemple celle de Fleischütz, Fulda, 1781) l'ont purement et simplement suivi sur ce point, ainsi que dans les passages du Nouveau Testament. La traduction par Luther de ce passage de Jésus ben Sira constitue, autant que je sache, le premier cas où le mot allemand Beruf est employé dans son acception moderne, purement temporelle. L'exhortation du verset précédent (V. 20a) est rendue par : bleibe in Gottes Wort », bien que les passages XIV, 1 et XLIII, 10 de Ben Sira montrent que - correspondant à l'hébreu employé par Ben Sira (selon la citation du Talmud) -signifie réellement quelque chose d'analogue à notre Beruf, à savoir le destin ou le travail assigné. Nous l'avons déjà dit, le mot Beruf n'existait pas en allemand avec le sens qu'il a acquis entre-temps et qu'il conserve de nos jours. A ma connaissance, un tel sens ne se trouve ni chez les plus anciens traducteurs de la Bible ni chez les prédicateurs. Avant Luther, les bibles allemandes traduisaient ce même passage à l'aide de Werk. Berthold von Regensburg emploie dans ses sermons Arbeit là où nous parlerions de Beruf. L'usage est donc ici le même que celui de l'Antiquité. Le premier passage que je connaisse où, non pas Beruf, mais Ruf s'applique à un travail purement temporel, se trouve dans le beau sermon de Tauler sur Éph. IV (Œuvres, édition de Bâle, f• 117 v); de paysans qui transportent du « fumier » il est dit : ils se conduisent souvent mieux, « so aie folgen einfeltiglich irem Ruff denn die geistlichen Menschen, die auf ihren Ruf nicht Acht haben ». Cette signification du mot Ruf n'est pas passée dans la langue profane. Certes, l'influence de Tauler sur Luther n'est pas absolument certaine bien qu'au début [67] ce dernier hésite entre l'emploi de Ruf et de Beruf (Werke, édition d'Erlangen, LI, p. 51), pourtant dans Freiheit eines Christenmenschen on trouve comme un écho de ce sermon. Il reste que Luther n'a pas employé le mot Ruf dans le sens purement temporel que lui attribue Tauler. (Ceci contre DENIFLE, Luther, p. 163.)

À part l'exhortation générale à la confiance en Dieu, le conseil de Ben Sira, dans la version des Septante, ne contient manifestement rien qui se rapporte à une valorisation spécifiquement religieuse de l'accomplissement de la besogne profane. Dans le second passage, l'expression «rude labeur», en serait plutôt le contraire si le passage n'était corrompu. Ce que dit Ben Sira correspond simplement à l'exhortation du Psalmiste (Ps. XXXVII, 3) : « Habite la terre, et vis tranquille », comme l'indique clairement l'exhortation (V. 21) à ne pas se laisser éblouir par les oeuvres des infidèles, car il est facile à Dieu « en un instant d'enrichir un pauvre ». Seule présente une parenté avec l'exhortation du début de rester dans le (V. 20) mais ici, précisément Luther n'a pas employé Beruf pour rendre le grec. Un passage de la première lettre aux Corinthiens et sa traduction vont établir un lien entre ces deux emplois apparemment hétérogènes du mot Beruf par Luther.

Le contexte se présente ainsi [traduction de la Bible de Jérusalem] I Cor. VII : « 17 […] que chacun continue de vivre dans la condition que lui a assignée le Seigneur, tel que l'a trouvé l'appel de Dieu […]. 18 Quelqu'un était-il circoncis lors de son appel ? qu'il ne se fasse pas de prépuce. L'appel l'a-t-il trouvé incirconcis? qu'il ne se fasse pas circoncire. 49 La circoncision n'est rien, rien non plus l'incirconcision; ce qui compte, c'est d'observer les commandements de Dieu. 20 Que chacun demeure en l'état où l'a trouvé l'appel de Dieu (l'expression est sans aucun doute un hébraïsme, m'a assuré le professeur Merx. Dans la Vulgate : in qua vocatione vocatus est). 21 Étais-tu esclave lors de son appel? ne t'en soucie pas. Et même si tu peux devenir libre, mets plutôt à profit ta condition d'esclave. 22 Car celui qui était esclave lors de son appel dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même celui qui était libre lors de son appel est un esclave du Christ. 23 Vous avez été bel et bien achetés ! Ne vous rendez pas esclaves des hommes. 24 Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où l'a trouvé son appel. » Au verset 29, on trouve la remarque que « le temps se fait court », suivie des commandements bien connus, fondés sur l'attente eschatologique « 29 [...] que ceux qui ont femmes vivent comme s'ils n'en avaient pas; 30 [...] ceux qui achètent, comme s'ils ne possédaient pas. » D'accord en cela avec les traductions plus anciennes, en 1523 encore, Luther traduit (au V. 20) par Ruf (édition d'Erlangen, LI, p. 51) et l'interprète ensuite par Stand, état.

Il est évident, en effet, qu'en cet endroit et en cet endroit seulement le mot correspond approximativement au latin status et à l'allemand Stand (état de mariage, état de servitude, etc.). Mais il ne correspond certainement pas au sens moderne de Beruf, contrairement à ce qu'affirme Brentano, op. cit. p. 137. Brentano a aussi mal lu ce passage que mon commentaire. Conformément à sa racine, le mot grec est apparenté à « assemblée appelée »; si tant est que le matériel lexicologique soit suffisant, on ne rencontre qu'une seule fois ce mot dans la littérature grecque, en un passage de Denys d'Halicarnasse où il correspond au mot latin classis (mot emprunté au grec : la partie des citoyens « appelés sous les drapeaux »). Theophylaktos (XIe-XIIe siècles) commente I Cor. VII, 20 : [68] (Mon collègue, le professeur Deissmann, a attiré mon attention sur ce passage). En tout cas, notre Beruf ne correspond pas à la [...] de Denys d'Halicarnasse. Dans l'exhortation fondée sur l'eschatologie, « que chacun reste dans sa condition [Stand] présente », Luther avait traduit [...] par Beruf; mais lorsque, plus tard, il traduisit les apocryphes, il utilisa Beruf pour rendre [...] dans le commandement traditionaliste et antichrématistique de Jésus ben Sira selon qui chacun doit rester dans la même occupation [Hantierung], cela sans doute à cause de la similitude objective de contenu des deux exhortations. C'est là l'important, le point caractéristique. Nous l'avons dit, I Cor. VII, 20 n'emploie pas [...] dans le sens de Beruf, besogne délimitée.

Entre-temps (ou presque en même temps), en 1530, la Confession d'Augsbourg avait établi le dogme protestant selon lequel est inutile le dépassement, à la façon catholique, de la moralité propre à la vie dans ce monde; et la formule : « einem jeglichen nach seinem Beruf » y était employée (voir la note précédente). Ceci, et l'appréciation de l'ordre, considéré comme sacré, dans lequel l'individu se trouve placé, conception qui gagnait du terrain dans les années 153o, ressort nettement de la traduction de Luther. Conséquence de sa croyance, de plus en plus nettement définie, dans les voies particulières de la divine Providence, jusques et y compris les moindres détails de la vie; et en même temps, de son inclination croissante à accepter comme immuable et voulu par Dieu l'ordre des choses de ce monde. Vocatio, en latin traditionnel signifiait l'appel [Berufung] divin à une vie de sainteté, en particulier comme religieux cloîtré ou comme prêtre séculier. Sous l'influence du dogme, la vie dans une profession profane prit chez Luther la même acception. En effet, tandis qu'il traduisait maintenant par Beruf, [...] et [...] de Ben Sira, pour lesquels jusqu'alors il n'y avait eu que l'analogie (latine) provenant de la traduction monastique, quelques années auparavant, dans les Proverbes (XXII, 29) ainsi qu'en d'autres passages (Gen. XXXIX, II), il avait encore traduit par Geschäft l'hébreu sur lequel se fondait [...] du texte grec; cet [...] qui, comme le scandinave kald, kallelse et l'allemand Beruf, était primitivement en relation avec un appel spirituel (Septante [...] Vulgate opus, Bibles anglaises business; et à l'avenant dans les traductions scandinaves et toutes celles que j'ai sous les yeux).

Le mot Beruf avec son sens moderne, que Luther avait ainsi finalement créé, resta un certain temps d'usage entièrement luthérien. Les calvinistes considéraient les apocryphes comme non canoniques. Ce n'est qu'en conséquence du développement qui avait fait passer au premier plan l'intérêt pour la vérification [Bewährung] du salut, qu'ils acceptèrent le concept de profession et qu'ils le mirent fortement en relief. Mais dans leurs premières traductions (en langues romanes) ils ne disposaient pas d'un mot correspondant et n'avaient pas le pouvoir d'en créer un dans un langage dont l'usage était déjà stéréotypé.

Dès le XVIe siècle, le concept de Beruf, au sens moderne, s'étend à la littérature profane [auBerkirchlich]. Avant Luther, les traducteurs de la Bible avaient utilisé Berufung pour rendre [...] (par exemple, dans les versions des incunables de Heidelberg de 1462-1466 et 1485). La traduction de Eck (1537) dit : « in dem Ruf, worin er beruft ist ». Pour la plupart les traductions catholiques ultérieures suivent directement Luther. La première de toutes les versions anglaises, celle de Wyclif (1382) emploie cleping (vieux mot anglais qui sera remplacé plus tard par l'expression d'emprunt calling); ce mot, qui correspond déjà à l'usage ultérieur de la Réforme, est à coup sûr caractéristique de l'éthique des lollards. [69] La traduction de Tyndale (1534), en revanche, interprète cette idée au sens de status: ( in the same state wherein he was called »; de même Is Bible de Genève de 1557. La traduction officielle de Cranmer (1539) substitue calling à state, tandis que la Bible catholique de Reims (1582) ainsi que les Bibles anglicanes de cour du temps d'Élisabeth, s'appuyant sur la Vulgate, retournent de façon caractéristique à vocation.

Murray a déjà établi que, pour l'Angleterre, la traduction de la Bible par Cranmer a été la source de la conception puritaine de calling au sens de Beruf, trade. Dès le milieu du XVIe siècle, calling est employé en ce sens. On parlait en 1588 d'unlawful callings, en 1603 de greater callings, au sens d'occupations élevées, etc. (voir Murray, au mot calling). L'idée de Brentano est des plus singulières, qui veut (op. cit. p. 139) qu'au Moyen Age vocatio n'était pas traduit par Beruf, que ce concept était ignoré parce que seuls des hommes libres peuvent embrasser une profession et qu'à l'époque il n'existait pas d'hommes libres dans les métiers bourgeois. je n'arrive pas à bien comprendre cette assertion, étant donné que toute la structure sociale des métiers au Moyen Age, à l'inverse de l'Antiquité, reposait sur le travail libre et que, surtout, les marchands étaient pour la plupart des hommes libres.


1 Comparer avec ce qui suit l'exposé, riche d'enseignements, de K. EGER, Die Anschauung Luthers von; Beruf (GieBen 1900). Son seul défaut peut-être, que l'auteur partage avec la plupart des écrivains théologiques, 1701 est une analyse insuffisante du concept de lex naturae. A ce sujet, voir E. TROELTSCH, compte rendu de la Dogmengeschichte de Seeberg, Göttinger Gelehrte Anzeigen (1902), et maintenant surtout les parties de ses Soziallehren der christlichen Kirchen relatives à ce sujet.

1 En effet, lorsque saint Thomas d'Aquin présente la division de l'homme entre condition et métier comme étant l'œuvre de la divine Providence, il pense au cosmos objectif qui constitue la société. Mais, que l'individu se dirige vers une profession concrète déterminée (ainsi que nous dirions, alors que saint Thomas parle de ministerium ou d'officium) c'est un effet des causae naturales. Quaest. quodlibetales, VII, art. 17 c : « Haec autem diversificatio hominum in diversis officiis contigit primo ex divina providentia, quae ita hominum status distribuit [ ... ] secundo etiam, ex causis naturalibus, ex quibus contingit, quod in diversis hominibus sunt diversae inclinationes ad diversa officia [ ... ]. »

De même pour Pascal, lorsqu'il dit que c'est le hasard qui décide du choix d'une profession. Voir à ce sujet A. Köster, Die Ethik Pascals (1907). Parmi les systèmes « organisés » d'éthique religieuse, seul le plus systématique [geschlossenste], l'indien, diffère sous ce rapport. L'opposition entre les notions thomiste et protestante de profession est si évidente qu'après la citation précédente nous en resterons provisoirement là (même si sur certains points de détail, telle l'importance accordée à la Providence, thomisme et luthéranisme tardif se révèlent proches l'un de l'autre). Nous reviendrons plus tard sur la discussion du point de vue catholique. Sur saint Thomas, voir MAURENBRECHER, Thomas von Aquino's Stellung zum Wirtschafisleben seiner Zeit (1898). D'ailleurs, là où saint Thomas et Luther semblent s'accorder, ce dernier a probablement davantage subi l'influence de la doctrine générale de la scolastique que celle de saint Thomas lui-même, car, d'après les recherches de Denifle, il semble avoir assez mal connu saint Thomas. Voir DENIFLE, Luther und Luthertum (1903), p. 501 et, sur cet ouvrage, Köhler, Ein Wort zu Denifles Luther (1904), p. 25 sq.



2 Dans Von der Freiheit eines Christenmenschen, 1º la double nature de l'homme sert à justifier les devoirs temporels au sens de la lex naturae (ici, l'ordre du monde). Il s'ensuit (édition d'Erlangen, XXVII, p. 188) que l'homme est effectivement lié tant à son corps qu'à la communauté sociale; 2º dans cette situation, il prendra (p. 196, et ceci est une seconde justification), s'il est un bon chrétien, la décision de rendre la faveur de Dieu, accordée par pur amour, par l'amour de son prochain; cette liaison assez lâche de la foi et de l'amour se combine avec 3º (p. 190), la vieille justification ascétique du travail en tant que moyen de donner à l'homme « intérieur » la maîtrise sur le corps; 4º d'où le travail serait - car le raisonnement se poursuit et l'idée de lex naturae revient sous une autre forme (ici, moralité naturelle) - un instinct particulier donné par Dieu à Adam (avant la chute) et auquel celui-ci aurait obéi « uniquement pour plaire à Dieu »; enfin, 5º (pp. 161 et 199), en liaison avec Mat. VII, 18 sq. l'idée apparaît que travailler avec application dans un métier est - doit être - la conséquence de ce renouveau de la vie que donne la foi, sans toutefois que l'auteur en arrive à développer l'idée calviniste la plus importante : celle de la probation [Bewährung]. La profonde émotion qui anime cet écrit explique le rapprochement d'idées hétérogènes.

1 « Nous n'attendons pas notre dîner de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger, mais de ce que ceux-ci considèrent comme leur propre intérêt. Ce n'est pas à leur humanité que nous nous adressons, mais à leur égoïsme; nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins, mais de leur avantage. » (Wealth of Nations, livre let, chap. II.)

2 « Omnia enim pet te operabitur [Deus], mulgebit per te vaccam. et servilissima quaeque opera faciet, se maxima pariter et minima ipsi grata erunt. » (Exégèse de la Genèse, Opera latina exegetica, éd. Elsperger, VII, P. 213.) Avant Luther, on trouve cette idée chez Taulet, qui tient la vocation [Ruf] spirituelle et la vocation mondaine comme équivalentes en principe. L'opposition au thomisme est commune au mystique allemand et à Luther. Il faut ajouter que saint Thomas, pour maintenir la valeur morale de la contemplation au premier chef, mais aussi du point de vue du frère mendiant, se trouve contraint d'interpréter la sentence paulinienne selon laquelle « si un homme ne veut pas travailler, il ne doit pas non plus manger » en ce sens que le travail, lex naturae nécessaire, est imposé à l'espèce humaine dans son ensemble et non à chaque individu en particulier. La gradation des valeurs attribuées aux divers types de travaux, en partant des opera servilia des paysans jusqu'aux formes élevées, se rattache au caractère spécifique des ordres mendiants, lesquels, pour des raisons matérielles, étaient liés à la ville en tant que lieu de leur domicile. Gradation étrangère tant aux mystiques allemands qu'au fils de paysan Luther, ceux-là et celui-ci attribuant une égale valeur à toutes les occupations et considérant rangs et conditions comme voulus par Dieu. Les passages décisifs de saint Thomas se trouvent reproduits dans MAURENBRECHER, Op. cit. pp. 65 sqq.

1 Il est d'autant plus surprenant que certains chercheurs puissent croire qu'une création aussi neuve ait pu se produire sans laisser de trace sur l'action des hommes. J'avoue ne pas comprendre.

2 « La vanité est si ancrée dans le cœur de l'homme, qu'un [...] goujat, un cuisinier, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs [...] » (Éd. Faugère, I, P. 208. Cf. KÖSTER, OP. cit. pp. 17, 136 sqq.). Sur la position de principe de Port-Royal et du jansénisme à l'égard de la profession - nous y reviendrons brièvement plus loin - voir l'excellente étude du Dl Paul Honigsheim, Die Staats- und Soziallehren der französischen Jansenisten im 17ten Jahrhundert (Heidel­berger historische Dissertation, 1914). Il s'agit d'une partie imprimée séparé­ment d'un ouvrage d'ensemble sur la Vorgeschichte der französischen Aufklärung. Voir en particulier pp. 138 sqq.

1 A propos des Fugger, il pense qu'« il ne peut être ni juste ni pieux [göttlich] d'entasser une aussi grande et royale fortune durant une vie d'homme ». C'est évidemment la méfiance paysanne à l'égard du capitalisme qui s'exprime ici. De même (GroBer Sermon vont Wucher, édition d'Erlangen, XX, p. 109), il considère comme moralement scabreux l'achat de valeurs [Rentenkauf], ce qui est ein neues behendes erfunden Ding, c'est-à­-dire, reste pour lui économiquement incompréhensible; de la même façon que le marché à terme pour les prêtres d'aujourd'hui.

1 Opposition fort bien exposée par H. Levy (dans son étude sur Die Grundlagen des ökonomischen Liberalismus in der Geschichte der englischen Volkswirtschaft, lena 1912). Voir aussi, par exemple, la pétition des Niveleurs de l'armée de Cromwell, en 1653, contre les monopoles et les compagnies, dans GARDINER, Commonwealth, II, p. 179. L'administration de Laud, en revanche, tendait à une organisation économique chrétienne et sociale sous la double direction de l'Église et de la Couronne. Le roi en attendait des avantages politiques et fiscaux monopolistes. C'est précisément contre quoi se dressèrent les puritains.

2 Ce que j'entends par là ressort, par exemple, de la proclamation adressée en 1650 par Cromwell aux Irlandais. Proclamation qui marque le commencement de la guerre d'extermination qu'il devait mener contre eux et qui constituait sa réplique aux manifestes du clergé (catholique) de Clonmacnoise des 4 et 13 décembre 1649En voici les passages essentiels : « Englishmen had good inheritances [notamment en Irlande] which many of them purchased with their money [...] they had good leases from Irishmen for long time to come, great stocks thereupon, houses and plantations erected at their cost and charge [...] You broke the union [...] at a time when Ireland was in perfect peace and when, through the example of English industry, through commerce and traffic, that which was in the nation's hands was better to them than if all Ireland had been in their possession [...] Is God, will God be with you? I am confident He will not. » Cette proclamation n'est pas sans rappeler certains articles parus dans la presse anglaise au temps de la guerre des Boers. Ce qui est caractéristique ce n'est pas qu'elle mette en avant les « intérêts » capitalistes des Anglais pour justifier la guerre, car le même argument aurait pu être employé dans une querelle entre Venise et Gênes sur l'étendue de leurs sphères d'influence respectives en Orient (et c'est ce que m'objecte étrangement BRENTANO, Op. cit. 142, bien que je mette ici ce fait en évidence). Au contraire, ce qui est intéressant dans ce contexte, c'est précisément que Cromwell y justifie moralement, avec la conviction la plus profonde - ceux qui ont étudié son caractère en conviendront -, la sujétion des Irlandais auprès des Irlandais eux-mêmes, prenant Dieu à témoin que le capital anglais leur a appris à travailler. (On trouve cette proclamation dans Carlyle; elle est également reproduite et analysée dans GARDINER, History of the Commonwealth, I, pp. 163 sqq.).

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