Maîtrise d'Histoire (1973) michele grenot


ALORS POURQUOI L'AMENDEMENT WALLON SERA-T-IL POSSIBLE ?



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ALORS POURQUOI L'AMENDEMENT WALLON SERA-T-IL POSSIBLE ?


En 1873, il est trop tôt, en 1875 la République sera-t-elle le seul gouvernement possible ? Les Français sont "las du provisoire", dira WALLON ; l'Amendement survient-il au bon moment ? ou bien les nuances dans le texte rendent-elles celui-ci plus acceptable ? ou bien celui-ci est-il rendu possible par la personnalité même de WALLON ?

En 1873, THIERS a perdu l'estime de l'Assemblée. Il représente le pouvoir personnel, et le duc de BROGLIE défend le droit de l'Assemblée, le régime parlementaire. De plus, en août 1873, un accord semble devoir intervenir entre le Comte de CHAMBORD et les Princes d'ORLEANS. Pour ces motifs surtout, la droite renverse THIERS le 24 mai 1873. A ce moment-là, WALLON, nous l'avons vu, participe à la coalition du 24 mai, avec ses amis du centre droit.

Mais en octobre 1873, quand la lettre du Comte de CHAMBORD met fin aux illusions qu'avait fait renaître la réconciliation, "plus factice que réelle", des deux branches BOURBON, le sentiment d'un grand nombre de membres de l'Assemblée Nationale se modifie : la Monarchie leur apparaît désormais comme impossible. J. GREVY publie, pour la défense de la république, une brochure sous le titre : "Le gouvernement nécessaire : la République."

EVOLUTION DE WALLON LUI-MEME VERS LA REPUBLIQUE.


C'est à ce moment-là ou un peu plus tard que WALLON, devenu convaincu lui-même que la république est le seul gouvernement possible, qu'il faut en finir avec le provisoire, réalise l'union des Français, par l'union des deux centres et "se rapprochant du centre gauche, il fonde un groupe intermédiaire qui porte son nom : le Wallonat."94 Nous savons peu de choses sur ce groupe si ce n'est par ce qu'en dit HANOTAUX (sans doute s'agit-il d'une réunion d'hommes politiques mis d'accord pour voter ensemble et faire avancer la constitution Nous ne pouvons réaliser l'existence de ce groupe qu'en juin 1874. Certains membres du centre droit, en étaient venus à penser que, puisqu'il n'était plus possible d'éviter la République, il n'y avait pas de solution meilleure que de faire de celle-ci une sorte de monarchie constitutionnelle, moins le monarque, et d'en conserver la république. Telle est l'évolution du duc de BROGLIE. WALLON, lui, évolue plus à gauche, ce qui confirme qu'il soit sincèrement républicain à ce moment-là ; c'est son intervention en juin 1874. Il est alors soutenu par son groupe (LAVERGNE - TARGE).

Intervention de WALLON à la Chambre.


Le 15 juin 1874, un manifeste de 116 députés du centre gauche, Casimir PERIER en leur nom, demande à la Chambre de mettre un terme au provisoire. Le 16 juin 1874, PERROT dit :

"Comme s'il eut attendu et entendu cet appel, WALLON dépose un projet très bien étudié sur l'organisation des pouvoirs du Président de la République et sur le mode de révision des lois constitutionnelles. "

La proposition est repoussée à une énorme majorité.

Proposition de loi sur les pouvoirs du Président de la République et le mode de révision des lois constitutionnelles, présentée par M.WALLON95, séance du 16 juin 1874 :

Article 1er - Le Président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée Nationale. Il est nommé pour 7 ans. Il est rééligible.

Article 2 - Le titre et les pouvoirs du Président de la République conférés à M. le Maréchal de MAC-MAHON parla loi du20 novembre 1873 lui sont continués sans autre forme d'élection jusqu'à terme de 7 ans à partir de la promulgation de la présente loi, aux conditions ci-après définies.

Article 3 - Les droits et les devoirs du Président de la République sont réglés par les articles 44-49 à 57 et 60 à 64 de la constitution de 1848. Il peut, en outre, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois.

Article 4 - En cas de décès du Président de la République, les Chambres élisent un nouveau Président de la République.

Article 5 - Les lois constitutionnelles peuvent être révisées sur la demande, soit du Président de la République, soit de l'une des deux Chambres.

Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le Maréchal, cette révision ne peut avoir lieu que sur la proposition du Président de la République.

Article 6 - Quand le Président de la République propose la révision de la Constitution ou que l'une des deux Chambres l'a révolue, les deux Chambres se réunissent dans la huitaine en une même assemblée sous la présidence du Président du Sénat pour en délibérer ; si la proposition est rejetée, elle ne peut être reproduite avant un an ; si, ce terme expirée, à nouveau rejetée, elle ne peut plus être représentée avant le renouvellement de la Chambre.

Article 7 - Si la proposition est votée par les deux Chambres, les deux Chambres réunies en Assemblée Nationale procèdent à une révision de la Constitution.

Article 8 - Le Président de la République est tenu de promulguer et de faire exécuter les nouvelles lois constitutionnelles dans les délais fixés par l'Assemblée Nationale.

Dans les votes favorables à la proposition, on peut reconnaître les noms de certains membres du "Wallonat".

En fait le Wallonat, selon les explications de G. HANOTAUX, est formé en partie de l'ancien groupe LAVERGNE, auquel WALLON aurait donné- une nouvelle ligne de conduite, et devenant le groupe LAVERGNE-WALLON. Quel était ce groupe LAVERGNE ?

"Le centre droit peu à peu donne un sous-groupe dont les origines remontaient à l'ancien groupe TARGET, qui s'était manifesté par son énergie libérale dans les négociations avec le Comte de CHAMBORD et, dès juin 1874, avait pris position pour la déclaration du centre droit dissident et par le discours d'HAUSSONVILLE, au moment de la discussion de la loi électorale. La première proposition WALLON avait été déposée le 16 juin 1874, au moment même où le discours d'HAUSSONVILLE avait affirmé la rupture des droites modérées avec l'extrême droite. Il comprend : LAVERGNE, BOCHER, d'AUDIFFRET-PASQUIER ; le duc de BROGLIE ne l'ignorait pas, le duc d'AUMALE, le prince de JOINVILLE et le Comte de PARIS étaient en contact avec lui. LAVERGNE avait dit au Temps que, faute d'une autre issue, il se rallierait à la République. Il avait déclaré dans une autre lettre au Journal des Echos que le suffrage universel lui apparaissait comme une puissance opposée au socialisme. Or, M. WALLON ne pouvait rencontrer un plus utile auxiliaire."

Une lettre de Henri WALLON (fils d'Henri-Alexandre WALLON) à son frère concernant leur père et datée du 20 juin 1874 relate ce fait :



"Le dernier vote de Père m'a fait bien plaisir, ainsi que le dépôt de sa proposition constitutionnelle. Je pensais bien que les idées libérales qui n'ont cessé de l'animer finiraient par le séparer d'un parti et d'un ministère avec lequel la France risquerait de tomber dans le régime impérial. C'est une bien grande jouissance de se retrouver en communauté d'idées et de sentiments avec son Père. "

Les débats sont donc passionnés entre les fils WALLON. Ils se réjouissent de voir leur père se séparer du parti conservateur, et apprécient son vote soutenant la proposition de loi réclamant l'urgence des lois constitutionnelles et sa proposition instituant la République .

En juillet 1874, le projet Casimir PERIER est repoussé par 369 voix contre 341. WALLON intervient à la Chambre96 pour défendre son amendement à la proposition, il n'est pas écouté :

"La proposition de M.Casimir PERIER est censée proclamer la république, elle ne la proclame pas," dit WALLON. "Quand on proclame une chose on le dit tout haut. Quand on plante un drapeau sur un édifice, on ne le laisse pas dans sa g i on le fait flotter au vent. "

WALLON reproche à Casimir PERIER de ne pas faire avancer la proclamation des lois constitutionnelles ; elle n'en demande que l'urgence et le septennat :



"Ma proposition ne la proclame pas non plus, elle l'a fait, parce qu'elle ne procède pas de l'enthousiasme. Elle n'a pas la prétention d'établir la meilleure forme de gouvernement qu'on puisse rêver, elle cherche à établir la meilleure forme de gouvernement possible...

Ce septennat est un mode de pouvoir exécutif, ce n'est pas une forme de gouvernement ; la royauté, vous n'avez pu la faire, l'empire vous n'en voulez pas, reste la République.

(Le bruit des conversations couvre la voix de l'orateur).

Si l'Assemblée avait bien voulu prêter attention à mes développements, j'aurais essayé de lui montrer comment, en acceptant cette forme de gouvernement, je cherchais à en écarter les dangers, mais comme je vois que l'Assemblée a un parti pris et que tout développement est inutile, et comme je n'ai pas l'habitude de parler pour le plaisir, je descends de la tribune. "

C'est l'échec complet pour WALLON. Pourtant, six mois plus tard, il reprendra la même proposition avec les mêmes arguments, avec succès cette fols. En 1874, il est encore trop tôt, l'Assemblée est trop partagée ; en 1875, la réussite est donc une question de lassitude ? Peut-être WALLON reprendra-t-il ses arguments avec plus de diplomatie ; en tous cas, il sera écouté.


Quelle est la conjoncture politique ?


Le discours de WALLON de juillet 1874, comme la lettre de son fils, nous donnent aussi une des motivations de WALLON : accepter la République pour écarter les dangers : c'est-à-dire la crainte du Bonapartisme (surtout à ce moment-là avec le ministère de CISSEY), et dans toute la période 1874-1875, devant l'impuissance de l'Assemblée, certains groupes murmurent l'idée d'une dissolution : WALLON et son groupe désirent le rapprochement des deux centres pour empêcher que la France se jette dans l'inconnu et, peut-être, dans les bras de l'Empire. D'après eux, il faut se résigner à voter une constitution :

"Les Orléanistes préfèrent la République plutôt que d'assister au succès des Impérialistes", nous dit M. R. REMOND.

Et comme dit M. CHASTENET97:



"A défaut d'un projet élaboré par la commission, on est pourtant en face de quelque chose de positif : la pratique institutionnelle telle qu'elle s'est dégagée par étapes successives depuis les élections de février 1871 :

- suffrage universel,

- chef de l'Etat irresponsable,

- ministère solidairement responsable,

- droit d'initiative partagé entre le gouvernement et l'Assemblée,

- prééminence du Législatif sur l'Exécutif ;

il manque une deuxième chambre, chère aux droites et au centre gauche, mais abominable pour les radicaux."

Nous verrons que c'est justement cette question qui risquera de faire échouer le premier amendement et une deuxième intervention de WALLON aboutira à un accord sur le Sénat.

Conscient de cette évolution des structures, WALLON a déjà essayé d'organiser la république en 1874, mais l'évolution des mentalités n'a pas suivi, il faut attendre un événement déclenchant en 1875.

Nous avons indiqué les nombreuses tentatives vouées à l'échec pour organiser la république et les manœuvres des conservateurs pour empêcher le vote de la Constitution.

WALLON, dans un discours au Sénat, le 21 janvier 1904 (juste avant sa mort), refait l'historique de la Constitution :

"La grande commission de l'Assemblée Nationale, chargée de lui présenter le projet de constitution, y travaillait depuis longtemps et n'aboutissait pas ; il y venait des projets de toutes parts, ils s'y accumulaient, s'entrechoquaient, s'entredétruisaient : la commission n'avait qu'à dresser par avance leur acte mortuaire. Il y en eut un pourtant qui retint particulièrement son attention.

Après la démission de M. THIERS, l'Assemblée Nationale en 1873 avait prorogé les pouvoirs du Maréchal MAC-MAHON, pour 7 ans. Le provisoire pouvait durer autant. Un membre, qui n'était d'aucun groupe, crut que le provisoire pouvait nuire au relèvement de la France, qu'à ne pas pourvoir nommer la république qui était, on lui ôtait la responsabilité de son action, et pour y remédier, sans toucher à la prérogative du Maréchal, il fait comme amendement à l'organisation des pouvoirs publics. . . "

WALLON sera ce membre.

Voilà donc la situation politique analysée par WALLON lui-même. Il est à noter que WALLON dit bien qu'il n'est d'aucun groupe. Dans un article sur la Constitution de 1875 d'E.de MARCERE dans La Revue de Paris, WALLON dit :

"C'est l'amendement que je déposai sous forme de proposition de loi sur le bureau de l'Assemblée, sans aucune communication, ni mission de personne" .

II est donc très délicat de parler d'un groupe : "le Wallonat". Sans doute, ce sont presque les mêmes hommes qui suivent WALLON (nous pouvons les rattacher au groupe LAVERGNE). Nous ne les verrons se grouper vraiment qu'après ce premier amendement de WALLON.

Quel est donc l'événement déclenchant l'Amendement WALLON ?

Le 6 janvier 1875 : "L'Assemblée aborde l'examen des lois constitutionnelles, mais l'aborde mal", nous dit CHASTENET.

Le 21 janvier, c'est la première lecture du projet des 30 "sur l'organisation et la transmission des pouvoirs publics".

Il s'agit d'un texte prudent qui se borne à codifier le septennat Mac-Mahonien :



article l : le mot République est soigneusement omis :"le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. "(Chambre des députés nommée par le suffrage universel).

Le rapporteur, M. de VENTAVON, ouvre le débat :



"Ce n'est pas une constitution que j'ai l'honneur de vous soumettre ; il s'agit tout simplement d'organiser les pouvoirs temporaires ; les pouvoirs d'un homme.. . que l'avenir soit pleinement réservé, que chacun garde ses espérances et sa foi."

La gauche évidemment réagit violemment, c'est un retour en arrière. J. FAVRE dénonce l'impuissance de la droite "que barre la République".

Le 28 janvier, un membre du centre gauche, E.de LABOULAYE, dépose un amendement :

"Le gouvernement de la République se compose de deux Chambres et d'un Président. "

C'est la formule de Casimir PERIER repoussée en juin par 359 voix contre 336. L'Assemblée vote contre l'amendement LABOU-LAYE. L'existence de la République est mise en question, la France va être rejetée dans l'aventure. Or, un nouveau succès bonapartiste à l'élection partielle dans les Hautes-Pyrénées affole les hommes des deux centres. La question doit être tranchée:



"La décision parlementaire qui devait donner le vote de l'amendement WALLON fut élaborée par une réunion du centre droit avec la participation du duc d'AUDIFFRET-PASQUIER, à la mi-janvier.", d'après B.HANOTAUX.

Quelle fut la participation de WALLON ? II dit lui-même avoir pris sa décision seul. Avait-il réuni les centres pour demander leur soutien par le vote de son amendement ? Cela est fort probable.

Le 30 janvier, l'amendement WALLON obtient un succès.

Pourquoi donc l'Amendement WALLON et pas l'Amendement LABOULAYE ?

Nous essaierons de comprendre la situation en étudiant :

1) La personnalité de WALLON.

2) Le scrutin des votes.

3) Le texte constitutionnel.

Sans doute tous ces éléments rentrent-ils en jeu.

Mais II faut bien souligner que le succès n'est pas facile : l voix seulement de majorité.

Les suites de l'Amendement : on manque de faire machine arrière, puis finalement nous verrons comment de l'amendement on progresse vers la Constitution de 1875 et vers une majorité républicaine de plus en plus Importante.

Pourquoi WALLON est-il l'homme de la situation ?



"L'amour de l'ordre est inscrit sur son front en rides majuscules", disait de lui PELLETAN.

Homme de gauche pourtant, PELLETAN apprécie cette qualité de WALLON. Dans la situation confuse où se trouvait la politique en ce début de 1875, tout le monde, mais surtout la droite, aspirait à l'ordre.

Par son comportement, WALLON plaît à la droite : "C'est un homme grave, digne, pénétré de ses responsabilités"

Si LABOULAYE échoue en introduisant pour la première fois le mot de République dans la Constitution et si WALLON réussit, c'est parce que WALLON est "réputé pour sa douceur".98

Le journal L'Illustration en 1875 publie un article sur WALLON dans lequel il attribue aussi le succès de ce dernier à sa personnalité :

"Le caractère et le talent peuvent donner l'estime et la considération. On peut acquérir la réputation par le travail et la patience, mais la célébrité ne procède point par mesure ; elle veut des coups d'éclat et procède pour ainsi dire par explosions.

Dans la confusion des mêlées politiques, alors que les plus rudes jouteurs sont hors de combat et que les plus clairvoyants tâtonnent, l'homme qui, par une inspiration subite, saisit le joint de la situation, ou bien celui qui, placé par les événements dans une situation favorable, frappe le coup décisif, celui-là, presque toujours, donne son nom à la victoire, et et conquiert une célébrité proportionnée à l'Importance de l'événement.

Nul ne convenait mieux à cette fonction que M.WALLON et l'on peut dire qu'entre l'homme et l'événement qu'il a présidé, il y a une sorte de ressemblance, presqu'une identité parfaite de caractère. "

L'article souligne bien le rôle de WALLON conciliateur à la charnière des deux centres.



"L'honorable M.WALLON est l'un des hommes les plus sympathiques de l'Assemblée. Libéral mais conservateur, il touchait au centre droit et avoisinait au centre gauche ; aux deux groupes il inspirait confiance et personne mieux que lui ne pouvait servir de trait d'union. . . Personne d'ailleurs, même parmi les plus rancuniers des vaincus, ne saurait lui en vouloir. Il respire la douceur et commande la bienveillance. C'est bien l'homme qu'il fallait pour se faire l'introducteur d'une République ouverte à tous et qui n'effrayât personne. "

De quelle République s'agissait-il aux yeux de WALLON ? Déjà sa thèse sur le droit d'Asyle en 1837, comme le dit A.de PONCHEVILLE, dans L'Echo de Paris du 27 février 1925, "préfigure la République" :



"Dès lors, en effet, la passion de la liberté l'a saisi autant qu'un MICHELET ; mais cette liberté il estime que l'Eglise peut en prévenir l'usage excessif. . . Et l'on sent qu'au-delà des démocraties antiques, sa pensée va à une démocratie moderne que le christianisme garderait de tomber en dissolution. Ainsi point l'idée maîtresse du patriote catholique que fut WALLON. "

PERROT, lui aussi, rend hommage à la personnalité de WALLON



"Dans une heure inquiète et trouble, il a pris une initiative qui a dû surtout son succès à l'estime que cet homme de bien avait inspirée à tous les partis."

Il faut dire aussi que le 29, le projet WALLON est d'abord rejeté et le 30 il aboutit. PERROT ajoute :



"Le 30, WALLON à la tribune défendit son œuvre avec une extrême modération et une réelle habileté de langage."

L'Impartial du Nord, journal républicain, reconnaît aussi le rôle joué par WALLON, mais cela est "inattendu" de sa part, pense ce journal :



"M. H. WALLON nous a donné souvent, trop souvent jusqu'ici bien des motifs de le combattre. Nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui à l'approuver. Il vient de rendre à la cause de la République un service inattendu que nous nous faisons un plaisir de signaler. "

Qui a voté l'Amendement WALLON ? Dans un discours de 1904, WALLON rappelle son Amendement à la mémoire des députés et explique comment la droite finit par se rallier à sa proposition :



      1. Un président de la République nommé pour 7 ans par les deux Chambres réunies.

      2. Droit au Président de dissoudre la Chambre sur l'avis conforme du Sénat.

      3. Révision de la Constitution, totale ou partielle.

Ce projet, sans plaire en tout à la Commission, y eut meilleur accueil," nous dit-il ; "il était loin d'y réunir la majorité et dans l'Assemblée, l'article 1er ne fut voté qu'à une voix de majorité. On n'était qu'en première lecture : la majorité ordinaire de l'Assemblée, battue sur l'article 1er prendrait-elle sa revanche dans la deuxième lecture ? Et si elle parvenait à faire rejeter la loi, serait-elle assurée, depuis si longtemps qu'elle travaillait, d'obtenir mieux ? Une chose d'ailleurs la séduisait dans ce qui avait été voté : c'était la révision. La retrouverait-elle dans des conditions aussi larges ? Et dans la dissolution de la Chambre, quel rôle considérable était attribué au Sénat ! "

Donc, moyennant la promesse d'une révision éventuelle, le centre droit va voter l'Amendement et le 30 janvier 1875 à 6h ½ du soir, 353 voix se prononcent pour, contre 352 demeurées hostiles. Si la droite l'accueille sans enthousiasme, la gauche le salue d'acclamations (nous le verrons en étudiant les débats à la Chambre).

Et les catholiques ? II est étonnant de voir que les catholiques libéraux avec DUPANLOUP n'ont pas participé au vote. DUPANLOUP, pourtant d'habitude toujours en relation avec WALLON, pour ce grand moment politique, était loin de Paris - pour des raisons de santé -, mais, peu convaincu des bienfaits de l'Amendement, n'a pas essayé d'influencer ses amis politiques en faveur de WALLON. De MELUN non plus, pourtant de MELUN et WALLON étaient sur la même liste catholique et pour l'ordre en 1871.

Au début de la séance, M.de VENTAVON, rapporteur de la commission des 30, a eu grand soin de déclarer que ses collègues et lui repoussaient le contre-projet de M.WALLON : de BROGLIE écrira dans ses Mémoires :



"Après l'Amendement LABOULAYE où la droite résiste encore, l'Amendement WALLON est passé, grâce à l'intermédiaire de CHESNELONG qui le critique, disant que, quoique camouflée, il s'agit bien de République. Ce qui engendre la réaction de la gauche qui réalise donc que c'est toujours bon à prendre, la droite restant si opposée. "

On peut lire dans L'Impartial du Nord du 3 février que de BROGLIE a fait à ce moment-là une tentative pour ajourner l'amendement (il comptait gagner encore du temps). Mais celle-ci échoue.



"Craignant avec raison que l'Amendement WALLON ne fut adopté, M. de BROGLIE a, pour en atténuer les conséquences, essayé une petite manœuvre qui, bien qu'habile, ne lui a pas réussi. A peine M. WALLON descendait-il de la tribune, après avoir défendu son Amendement, que M. DESJARDINS, sous-secrétaire d'Etat, y montait pour proposer d'en ajourner l'effet "à l'expiration des pouvoirs conférés au Maréchal MAC-MAHON".

Ce petit chef-d'œuvre, signé par M.de BROGLIE, s'est vu repoussé à la majorité. 132 voix : voilà ce qu'il reste à M.de BROGLIE de son "imposante" majorité du 24 mai !"

L'Impartial du Nord voit ainsi la répartition des voix :

"Si la République n'a rallié que 353 voix, on sait qu'orléanistes, bonapartistes et légitimistes composent les 352 voix des opposants.

Ajoutons que derrière les 353 voix républicaines se trouve le pays qui, depuis 4 ans, nomme 10 députés républicains contre un monarchiste. "

L'Opinion Nationale, autre journal républicain, explique aussi le succès de l'Amendement tout à fait indépendamment de WALLON etdu texte constitutionnel :



"Ce résultat a une portée considérable et pour notre part, nous ne sommes nullement fâchés de voir la République surgir dans des conditions aussi modestes d'une Assemblée qui lui était aussi hostile et qui n'a visiblement cédé qu'à la force irrésistible des choses."

Mais l'article souligne bien que ce succès est encore timide ; l'Assemblée l'accepte parce qu'elle ne peut faire autrement, lasse du pouvoir et aussi par crainte de l'Empire.



"Pour le moment, c'est surtout l'Empire qui est battu dans l'Assemblée."

C'est bien le but d'une grande partie de la droite :



"Le Comte de Paris, par crainte de l'Empire, a demandé à ses amis du centre droit, après l'Amendement LABOULAYE, de se montrer conciliants. Le conciliateur se désigne lui-même ! C'est un député au visage poupin encadré d'un mince collier de barbe grise. Il se nomme H.WALLON, membre de l'Institut, savant helléniste ; sa droiture, sa douceur, sa piété tolérante l'ont rendu sympathique à ses adversaires mêmes. "

Certains membres du centre droit qui ont voté contre LABOULAYE voteront pour WALLON : MM. Adrien Léon BEAU, d'HAUSSONVILLE, DUVERGIER, de HAURANNE, TARGET, etc. (mais LAVERGNE avait voté pour l'Amendement LABOULAYE) .


Comment se déroule le débat à la Chambre99.


Le 29, M.WALLON a déposé un article additionnel. L'extrême gauche s'écrie : "Qu'il le retire."

Mais sur plusieurs bancs à gauche : "Non, non !"

Le 30, le président annonce que la commission l'a repoussé. La gauche s'exclame : "Quelles sont ses raisons ? "

WALLON demande la parole. Il défendra "habilement" son amendement, nous dit PERROT. Cela nous permet de mieux comprendre les intentions de WALLON :



". .. 7 ans de sécurité, c'est beaucoup, sans doute, " dit WALLON, "mais quand vous dîtes que cela ne durera que 7 ans, il semble que ce ne soit plus rien. "(Approbation à gauche).

Puis WALLON s'adresse aux conservateurs, pour leur dire d'abord que la République est inévitable, ensuite à l'Assemblée il rappelle qu'elle a été nommée constituante, enfin la République est le seul gouvernement possible, il faut en faire l'expérience. Puis il s'adresse aux modérés :



". . . Je ne parle pas de la trêve des partis : c'est une lutte, et dans laquelle le parti conservateur, s'il continuait de rester dans la position qu'il a prise, serait infailliblement vaincu. J'appellerai particulièrement l'attention de ce grand parti avec lequel - quoique n'appartenant précisément à aucun groupe et c'est peut-être une faute - je suis cependant heureux de voter le plus habituellement, je veux parler du parti conservateur.

Le projet de la commission est l'organisation du provisoire, eh bien ! je suis las du provisoire !" (Très bien, très bien ! à gauche).

Le ministre de l'Intérieur coupe la parole à WALLON : "Si vous voulez la République, dites-le."

WALLON répond :

"Dès à présent, cela est visible par les élections. Qu'est-ce qui triomphe dans ces élections? La République ou l'Empire ?

Si le provisoire est maintenu jusqu'en 1880, on n'en sortira que par une de ces deux issues :

- la République faite sans vous ou contre vous.

- et l'Empire, c'est la guerre.

C'est votre intérêt aussi, comme représentation nationale. Nous sommes des constituants, nous avons promis de ne point nous séparer sans donner une constitution à la France.

Il faut donc sortir du provisoire, mais comment ?

- L'Empire : personne n'a osé vous proposer de le voter.

- La monarchie : je n'y contredis point, mais je demande : la monarchie est-elle possible ?

Je ne proclame rien. . . Je prends ce qui est. (Très bien , très bien ! à gauche).

J'appelle les choses par leur nom. (Très bien ! à gauche, rumeurs à droite).

Si la République ne convient pas à la France, la plus sûre manière d'en finir avec elle est de la faire. "

A ce moment-là, WALLON est interrompu par un député de LORGERIL qui s'écrie :



"C'est le Wallonat".

Nous pensons qu'il est le premier à donner un nom au groupe, et même (contrairement à ce que dit HANOTAUX) nous pensons que le Wallonat se soit formé seulement au moment du vote de l'Amendement.

Et WALLON continue :

" . . . Si l'emprunt réussit d'une manière si prodigieuse, c'est que nous sommes en république ; si le territoire est libéré avant le temps qui était marqué, c'est que nous sommes en république ; si les catholiques persécutés sont recueillis en France, c'est que nous sommes en république. Au contraire, s'Il y a des Inquiétudes dans les esprits, s'Il y a stagnation dans les affaires, c'est que nous ne sommes pas en république.

Je demande que la République ait la responsabilité de ce qui arrive : je lui souhaite les meilleures chances et suis décidé à faire qu'elle les ait, les meilleures possibles. . . Faites un gouvernement qui ait en lui les moyens de vivre, mais aussi de se transformer ; mais quand le pays le demandera." (Très bien ! à gauche).

Et pour WALLON, l'union des Français pour la République ne se fera que par l'intervention des modérés ; il termine son discours ainsi :



"Je fais appel à tous ceux qui mettent le bien de la chose publique au-dessus de toutes questions de partis : particulièrement à ceux à qui le Maréchal, Président de la République, faisait appel lorsque, dans son voyage dans le Nord, il appelait à lui les modérés de tous les partis. " (Très bien ! à gauche).

II y eut beaucoup d'incidents au dépouillement. Enfin, le résultat est proclamé vers 7 heures du soir :

Par 353 voix pour et 352 contre : l'Amendement est accepté par l'Assemblée.

Des applaudissements éclatent et se prolongent à gauche : toutes les gauches sont pour, toutes les droites contre. C'est donc au centre qu'un léger déplacement de voix décide de la majorité. Comme le dit HANOTAUX : "C'était la République du centre droit. "

"On y retrouve d'HAUSSONVILLE et d'autres de nos amis," écrit le duc de BROGLIE, dans ses Mémoires.

Il dit aussi, à propos de ce petit groupe :



"Ce petit groupe n'avait pas voulu grossir la gauche, mais exprimait tout haut sa résolution de sortir de l'indécision, du provisoire. "

Un article dans Le Journal du 2 février 1925 raconte, d'après un récit de Camille PELLETAN :



"Comment, par une voix de majorité, fut fondée la République. " pour le cinquantenaire de celle-ci.

Une voix de majorité ! Combien de fois, depuis, a-t-on dit que "la République avait été fondée à une voix de majorité ! "

"Cette voix unique," écrit PELLETAN, le 1er février 1875, qui hésita si longtemps avant de se poser à gauche, vous la croyez fixée maintenant ? Erreur, son histoire tourne au roman feuilleton. Dès le début de la séance, un gros homme monte à la tribune et déclare que s'il avait été présent la veille, il aurait voté contre l'amendement. Hélas ! La voix est détruite. La droite laisse percer sa joie. Mais un autre député se présente, un républicain, cette fois. Il vient dire que son bulletin, par erreur ou négligence, s'est égaré. La voix est retrouvée. La gauche est souriante. Pas si vite ! Un monarchiste arrive. Il fait la déclaration contraire. La voix est perdue, bien perdue. Oui, mais une étincelle subtile la vole de poteau en poteau sur les harpes éoliennes du télégraphe. Une dépêche arrive. . . Sauvés ! Un député qu'on a fait voter contre, mande qu'il aurait voté pour. Une voix de moins à droite, un vote de plus à gauche. Cela fait deux. La voix a une fille! Nous avons deux voix !

La droite raille cette voix et de BROGLIE, dans ses Mémoires, écrit :



"Une voix de majorité ! On conçoit les exclamations mêlées de rires avec lesquelles ce résultat fut accueilli dans la Chambre et dans les tribunes. Il fut presque impossible, au premier moment, de prendre l'événement au sérieux".

Mais la gauche considère, elle, cette voix avec grand sérieux et répond :



"II y a un an et demi, écrit PELLETAN, les royalistes disaient : "Nous ferons la monarchie à une voix de majorité".

Le hasard est facétieux. A une voix de majorité, l'Assemblée a fait la République définitive. "

Et PELLETAN rappelle aussi que :



"Le vote de l'Amendement WALLON, le 30 janvier 1875, était seulement un incident de la première lecture du projet de loi. Mais II fut décisif. Ce fut la poussée légère qui détermine souvent un ébranlement considérable préparé à l'avance."

C'est exact : en troisième lecture, le 24 février 1875, l'Amendement WALLON sera voté par 413 voix contre 248. L'unique voix s'était multipliée, et remultipliée encore le 25. Ce jour-là, l'ensemble de la seconde des lois constitutionnelles fut voté par 425 voix contre 254.


Signification constitutionnelle de l'Amendement


Comment la presse et les contemporains voient-ils l'Amendement ?

On peut lire dans L'Illustration :



"L'événement du 30 janvier est sans contredit le plus considérable qui se soit produit depuis 4 ans et c'est pourquoi l'honorable M. WALLON a conquis le 30 janvier une célébrité universelle. Il sera dans l'histoire le parrain de la République.

Pour les journaux républicains, la grande conséquence est donc l'avènement de la République. Dans L'Opinion Nationale :



"Malgré toutes les atténuations et les précautions de langage: ceci est la République et ne peut être autre chose. "

mais il est souligné "une république discrète".

L'Impartial du Nord exprime le même sentiment :

"On essaierait en vain de le nier, en votant cet article, l'Assemblée a posé les première bases d'une constitution républicaine. "

"Ce n'est sans doute qu'un minimum, mais qui peut se perfectionner et qui, dès à présent, renferme et sauvegarde le principe.

Nous n'avons qu'un désir, c'est que M. WALLON continue à nous fournir l'occasion de le louer et pour cela qu'il persévère dans la voie où il entre. "

Pourquoi dit-on : la république est "implicitement" dans l'amendement ?

Pourquoi parle-t-on d'une république discrète ?

Pourquoi dit-on que le langage (du texte de l'amendement) est atténué ? Est-ce pour éviter de choquer trop brusquement la droite ?

L'Eclair parle ainsi de l'amendement : "II proclame implicitement la République. La République est reconnue comme le gouvernement légal du pays."

CHASTENET juge la formule plus habile dans le projet WALLON que dans le projet LABOULAYE, parce que le projet de WALLON (relatif à l'organisation des pouvoirs publics) commençait par la définition du pouvoir législatif et après parlait du pouvoir exécutif. Tandis que la loi RIVET s'attachait à la personne de THIERS et celle du septennat à MAC-MAHON, la loi WALLON reconnaissait la présidence de la République donc la République. "

Par contre, les journaux de droite refusent de reconnaître l'institution de la République :

La Gazette de France : "L'amendement WALLON est la république organisée sans être proclamée."

L'Union : "Ce n'est pas une république définitive, mais ce n'est plus une république provisoire. C'est l'organisation du fait républicain pour une durée indéterminée. C'est l'indéfini à défaut du définitif La foule est grande de ceux qui voulant se reconnaître au milieu de ces subtilités s'y perdront "

Plus précisément, quelle République annonce l'Amendement ?

Nous avons dit que c'était la République du centre droit ; en fait, comme le dit M. GOGUEL100 :

"THIERS et GAMBETTA réussirent à désarmer l'intransigeance de l'extrême-gauche (ils approuvaient l'amendement WALLON) et, grâce à la lassitude d'une partie du centre droit, la Constitution prit un caractère sensiblement plus démocratique que ne l'eussent souhaité BUFFET et ses amis : ce fut l'amendement WALLON. "

L'Opinion Nationale y voit un caractère constitutionnel très positif :



"Un gouvernement représentatif (deux chambres) où le chef du pouvoir exécutif est élu pour un temps défini, dans des conditions déterminées.

La France a dès aujourd'hui des institutions, une Constitution politique, munie de tous les organes qui lui permettent de vivre.

Qu'il y ait des réserves à faire, des perfectionnements à opérer, cela va sans dire ; cela peut se faire légalement. Il y a donc, malgré le partage à peu près égal des voix, une différence énorme entre ce que nous étions hier et ce que nous sommes aujourd'hui, toute la différence qui existe entre rien et quelque chose . . . "

La République Française écrit : "Par le vote d'hier, la situation politique s'est subitement éclaircie."

Le Siècle accueille le vote avec "joie et calme".

Le National : "Résultat qui a tranché d'un seul coup toutes les grandes questions en litige et ne laissent à discuter que les points accessoires."

La Revue des Deux Mondes du 15 avril 1894 publie, à propos de la discussion sur la révision constitutionnelle, un article sur la Constitution de 1875 du duc de BROGLIE, où il critique les différentes conséquences constitutionnelles de l'Amendement WALLON :

"C'est dans le texte même qu'il faut chercher l'ensemble des précautions qui ont dû avoir pour but, en conservant l'origine parlementaire de l'élection, d'assurer l'indépendance et la dignité de l'élu. "

De BROGLIE y voit des principes monarchiques inconciliables avec un régime républicain.

Le parlementarisme est trop poussé à son avis. Pourquoi ?


  • droit d'élection confié à deux Chambres : pure affaire de courtoisie avec le Sénat, car les deux Chambres étant numériquement très inégales (pratiquement deux députés pour un sénateur). C'est donc la Chambre des députés qui fait le Président de la République.

  • pouvoir présidentiel conféré à titre irrévocable pour sept années : donc plus longtemps qu'une législature de la Chambre des députés et ne correspondant pas aux renouvellements triennaux du Sénat.

Le Président doit donc assister, pendant le cours de son mandat, au renouvellement presque complet du personnel de ses électeurs.

De BROGLIE souligne que deux principes sont ceux d'une monarchie :



  • droit au Président de dissoudre la Chambre avec accord du Sénat.

  • irresponsabilité personnelle du Président. Libre choix par lui des ministres qui doivent porter toutes les responsabilités.

Et ensuite il montre que :

"toutes les précautions prises pour assurer au président élu l'indépendance de son action, loin d'avoir obtenu le succès qu'on s'en promettait, tournent l'une après l'autre contre leur but. En le faisant irresponsable, on voulait le préserver, on l'annule. En prolongeant son pouvoir, on voulait que son existence légale survécut à celle de ses électeurs, et on l'a tout simplement exposé à rester en butte à l'hostilité dédaigneuse de leurs successeurs. C'est qu'on ne transporte pas à volonté des dispositions d'origine monarchique dans une loi républicaine : Irresponsabilité et élection sont deux Idées qui s'excluent réciproquement.

Pour lui, la loi de 1875 est "d'une précipitation irréfléchie", elle tend vers un régime de "l'omnipotence parlementaire" ; trop démocratique aux yeux de de BROGLIE, elle a pour résultat des Chambres indociles et des ministères mobiles.


Suite des débats constitutionnels


L'Amendement WALLON du 30 janvier, dans la Constitution du 25 février, sera l'article 2 de la loi sur l'organisation des pouvoirs publics.

Le 1er février, l'Assemblée attaque l'article 3 (possibilité de dissoudre la Chambre avant l'expiration de son mandat). C'est au "Maréchal Président" agissant seul que les 30 proposent de confier le droit de dissolution. CHASTENET écrit :



"Enhardi par son succès de l'avant-veille, WALLON monte à la tribune et demande que ce droit ne soit exercé "par le Président de la République" que sur l'avis conforme du Sénat. "

Le centre-gauche accepte de voter cette proposition en faisant des réserves sur la composition du Sénat.

Un autre amendement additionnel, signé H. WALLON, Amédée BEAU, Richard CORNE, Casimir PERIER, BOCHER, J. FERRY, H. BRISSON, définit les pouvoirs du Président de la République :

"Le Président de- la République promulgue les lois quand elles sont votées par les deux Chambres, il en surveille et assure l'exécution, il négocie et ratifie les traités etc. . ."

Parmi les signataires, on peut constater que WALLON est vraiment lié au centre-gauche (ici se sont joints même des membres de la gauche, de l'extrême-gauche comme H. BRISSON).

L'Amendement est adopté par 425 voix contre 243. La République n'avait qu'une voix de majorité le 30, on voit qu'elle en a 200 le 2 février.

Le Prince de JOINVILLE, les ducs d'AUDIFFRET-PASQUIER, DECAZES, de BROGLIE lui-même, ont voté pour par confiance dans la Chambre Haute et méfiance du pouvoir personnel. CHASTENET ajoute :



"Ils ne voient pas que la limitation imposée au mécanisme de la dissolution le rendra presque inopérant. "

Puis sont votés les articles 6 et 7, rançon pour les républicains du pacte conclu tacitement avec le centre droit dissident : la révision des lois constitutionnelles, et le siège des pouvoirs publics à Versailles.

Avant de parler du rôle de WALLON quant à l'organisation du Sénat, nous pouvons indiquer un article de La Revue de Paris intitulé "La constitution de 1875 et M. WALLON" article de de MARCERE du 1er février 1899 : celui-ci, dans un article précédent, avait raconté les événements, prenant à son compte, tout du moins à celui de son groupe (quelques membres du centre-gauche), l'honneur de l'amendement. D'après lui, ils en auraient pris l'initiative qui réussit "grâce au dévouement actif et persévérant de M.WALLON". Mais WALLON écrit à de MARCERE et raconte les faits tels qu'ils se sont passés, en insistant sur son initiative personnelle et le 1er février 1899, de MARCERE publie un article rectificatif :

"J'écrivais cet article loin de Paris," dit-il, "et sans avoir sous la main les documents à l'aide desquels mes souvenirs auraient pu être fixés, non sur le fond des choses, mais sur les détails. M. WALLON m'écrivit une lettre par laquelle il rectifiait certaines inexactitudes portant sur le rôle qu'il aurait joué dans cette discussion fameuse. Je répondis à mon vénéré collègue que j'étais prêt à lui donner toutes les satisfactions qu'il pourrait désirer. M .LAVISSE, directeur de la Revue, de son côté, a bien voulu s'y prêter ; ce qui offre, d'ailleurs, un certain intérêt pour jeter un jour plus complet sur un point d'histoire contemporaine."

De MARCERE publie la lettre de WALLON :



"Permettez-moi de relever dans votre article un passage où il y a quelque confusion dans vos souvenirs. Vous dites :

". . . Le jour de la discussion, l'article l de la Constitution fut rejeté. C'était le désarroi, le néant. Ce fut alors que, dans la nuit, quelques amis et moi, nous reprîmes l'affaire en sous-œuvre. Ce fait, ignoré du grand public, s'est passé chez moi, le soir même de cette séance mémorable. Nous préparâmes un amendement qui permettrait peut-être de reprendre la discussion. Mais l'apparition de l'un de nous à la tribune eut suffi pour tout perdre. Nous songeâmes à un homme universellement respecté et qui jouissait dans l'Assemblée d'une grande considération, M. WALLON, et qui avait pris une grande part à l'élaboration des lois constitutionnelles ; l'un de nous, M. CHRISTOPHLE, je crois, lui porta notre amendement qu'Il se chargea de présenter et de défendre. En bon citoyen qu'il était, M. WALLON le présenta en effet. "

A ceci WALLON répond :



"Tout en vous remerciant des termes beaucoup trop élogieux que vous inspire votre amitié pour moi, je tiens à définir, d'une manière très nette, ce qu'a été mon rôle en ce moment critique.

Je ne conteste pas ce qui a pu se passer chez vous ; je me borne à dire ce qui s'est passé chez moi : Je n'avais pas eu l'honneur d'être élu membre de la commission, je n'avais donc pris aucune part à la longue élaboration que vous dites. Voyant pourtant que l'on n'aboutissait pas, je me décidai à rédiger un plan de constitution dont les points essentiels étaient :

l) L'élection du Président de la République par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée Nationale, pour 7 ans et rééligible.

2) Le droit au Président de dissoudre la Chambre des députés après avis conforme du Sénat.

3) La révision de la Constitution par l'Assemblée Nationale après le vote de chacune des deux chambres (j'avais dit, d'abord, par l'une des deux chambres, mais je modifiai mon texte avant toute discussion).

C'est l'amendement crue je déposai sous forme de proposition de loi sur le bureau de l'Assemblée, sans aucune communication ni mission de personne. "

Voilà donc ce que nous savons de l'Amendement WALLON (celui dont on parle tant), d'après les documents officiels, la presse, les contemporains de WALLON et WALLON lui-même.

Mais il est un autre amendement WALLON, en ce début de l'année 1875, moins connu, mais tout aussi important. Avant d'étudier celui-ci, voyons pourquoi, justement, il est non moins important : sans lui, le résultat acquis avec le premier amendement s'écroule.

WALLON explique lui-même :



"L'article 1er, l'article décisif, fut voté à la simple majorité d'une voix ; les suivants à des majorités de plus en plus notables, mais on n'en était qu'à la seconde lecture (II y en avait trois alors), et II fut convenu qu'on ne passerait à la troisième qu'après le vote définitif de la loi constitutionnelle du Sénat."

La droite voulait s'assurer que le Sénat soit un contrepoids à la Constitution républicaine ; mais il fallait un Sénat conservateur ; ou alors, elle comptait sur les désaccords qui existaient dans la gauche au sujet de l'organisation, de l'existence même d'un Sénat, donc qu'on ne pourrait jamais voter cette loi sur les pouvoirs publics. En fait, son calcul faillit réussir.

On passe finalement à l'organisation du Sénat.


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