Maxime Felder Ch de Bethléem 6



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qu'il leur porte. Pour la première fois, les sociétés primitives ne sont plus décrites par 

leurs   manques   ou   leurs   retards   par   rapport   aux   sociétés   modernes.   Elles   sont 

différentes,   toutes   deux   structurées   et   porteuses   de   caractéristiques   qui   leur   sont 

propres. 

Ensuite, cet évolutionnisme raisonne en terme de systèmes, opposés les uns aux autres 

dans  une  démarche  comparative.  Le rôle  de   l'événement,   dit  A.  Testart,   n'est  pas 

ignoré, mais son effet est lié à une structure et il permet « de la faire éclater » et de 

laisser   « une   autre   émerger ».   Morgan   considère   la   société   comme   un   ensemble 

complexe de systèmes. Ces systèmes se transforment à des rythmes différents et les 

différences ne doivent donc pas être comprises comme des incohérences. La forme 

de   la   famille,   par   exemple,   évolue   plus   vite   que   le   système   de   parenté.   Morgan 

explique ainsi l'existence de trace « fossiles » de formes anciennes. Enfin, vu les deux 

points précédents, l'évolution ne peut plus être considérée, comme elle l'a longtemps 

été, comme une progression du simple vers le complexe. 

Ce   bref   résumé   des   vastes   travaux   de   L.   H.   Morgan   est   présenté   de   façon 

volontairement   positive.   Nous   basant   sur   deux   auteurs   critiques   face   à 

l'antiévolutionnisme primaire et prônant une lecture plus profonde et moins sensible 

aux artifices textuels, nous avons par exemple choisi de ne pas faire grand cas de la 

terminologie   utilisée,   considérant   celle-ci   comme   propre   à   son   époque   et   non 

transposable à la nôtre. R. Makarius comme A. Testart choisissent de ne pas s'en tenir à 

certaines « déclarations explicites de l'auteur »

27

 et de chercher la théorie derrière ses 



atours terminologiques. Il aurait été aisé de montrer une face moins présentable des 

théories de Morgan.  Si depuis quelque décennies le terme primitif est généralement 

affublé de guillemets, l'usage courant par Morgan des mots sauvages et barbares a 

de quoi choquer. De plus, si la lecture d'Ancient Society ne permet pas de déceler de 

traces d'idéologie ni de véritable jugement moral, on y trouve quelques égarements  : 

« Nous sommes ainsi conduits à admettre un accroissement du volume du cerveau, 

particulièrement de sa partie cérébrale »

28

. Mais il n'y a pas lieu de considérer cette 



position comme racialiste puisque Morgan ne laisse pas penser qu'il puisse exister des 

races   différentes   et   inégalement   perfectibles.   A.   Testart,   en   affirmant   que 

l'évolutionnisme de Morgan est exempt de toute thèse à caractère biologique, ne se 

trompe pas. Cette idée occupe un paragraphe sur plus de 600 pages, ce qui en fait 

un détail plus qu'un thèse et plaide pour l'erreur de parcours.  Encore une fois, ce n'est 

pas là que se focalisent les critiques qui nous intéressent. 



 2  LES CRITIQUES ET LEUR ORIGINE

Les théories de L. H. Morgan sont critiquables à de nombreux égards. Nous avons vu les 

problèmes de terminologie et de concepts courant au XIXème siècle et dont Morgan 

n'a pas su se débarrasser. En outre, certains points théoriques sont clairement réfutés 

par des découvertes archéologiques ultérieures à ses travaux. C'est le cas des thèses 

27 M


AKARIUS

, R., loc. cit., p. XXVIII.

28 M

ORGAN


, L. H., loc. cit., p. 39. Morgan corrèle « l'apparition des inventions et des découvertes 

et   le   progrès   des   institutions »   avec   le   développement   et   l'épanouissement   de   « l'esprit 

humain », auxquels il associe un accroissement du volume cérébral. 

Maxime Felder

maxime.felder@unifr.ch

 

10



sur l'apparition de l'État à Athènes ou à Rome, rédigées à une époque où l'on ignorait 

l'existence   des   civilisations   étrusques,   minoennes   ou   mycéniennes

29

.   Des   critiques 



peuvent également être formulées contre certains choix arbitraires – celui d'ignorer 

l'étude des religions primitives par exemple – ou contre des spéculations hasardeuses. 

Mais dès leurs publications et jusqu'au début du XXème siècle, les théories de Morgan 

sont critiquées pour de tout autres raisons. Tout d'abord, l'évolutionnisme de Morgan a 

de quoi heurter la sensibilité religieuse de l'époque. Ensuite, le rejet puis la psychose 

liée au communisme a provoqué un boycott général des thèses de L. H. Morgan.



 2.1 

Une théorie immorale

Les   accusations   des   conservateurs   et   des   catholiques   ne   visent   pas   directement 

Morgan.   C'est   d'ailleurs   d'abord   au   darwinisme   qu'on   en   veut   aux   États-Unis.   Les 

conservateurs parviennent même à imposer une loi « contre l'évolution », qui en interdit 

l'enseignement.   Ce   n'est   qu'en   1968   que   la   Cour   Suprême   abolira   cette   loi,   alors 

encore en vigueur dans trois états

30

. L'évolutionnisme biologique est donc considéré 



comme « contraire à la religion catholique ». Lorsque celui-ci devient une évidence et 

s'impose   sur   le   plan   scientifique,   ceux   qui   l'avait   combattu   se   retournent   contre 

l'évolutionnisme social. Alors qu'avec le darwinisme, on avait découvert avec effroi 

que l'être humain avait des origines communes avec le singe, l'évolutionnisme social 

affirme une chose tout aussi scandaleuse : l'homme civilisé et le sauvage seraient des 

semblables. Pire encore, l'homme civilisé, il y a bien longtemps, fut lui aussi un sauvage. 

Et cela ne choque pas seulement le peuple. L'anthropologue britannique H. S. Maine 

se   serait   même   exclamé   :   « que   pouvons-nous   avoir   de   commun   avec   les 

sauvages? »

31

. L'évolutionnisme a ceci de dérangeant qu'il remet en cause et relativise 



les différences que l'on croyait fondamentales. En posant les sociétés primitives et les 

sociétés   civilisées   sur   le   même  continuum,   l'évolutionnisme   bouscule   l'idée   de 

supériorité propre aux occidentaux. 

Alain Testart affirme que l'hypothèse d'un mariage de groupe ou d'une promiscuité 

primitive « n'a jamais choqué personne »

32

, et que ce n'est donc pas là l'origine du 



scandale.   Ces   idées,   dit-il,   « s'accordent   bien   avec   l'opinion   de   l'époque   sur 

l'immoralité   et   la   saleté   des   peuplades   sauvages ».   Raoul   Makarius,   dans   sa 

présentation de « La société archaïque » rapporte des propos de W. H. R. Rivers qui 

laissent   penser   le   contraire.   L'idée   d'une   promiscuité   générale   « répugne 

profondément   à   la   plupart   des   personnes   civilisées »

33

,   peut-on   lire.   Il   mentionne 



également une correspondance entre Morgan et un de ses disciples dans laquelle ce 

dernier lui écrit que la promiscuité « serait terriblement choquante pour beaucoup de 

(ses)   amis   parmi   les   ecclésiastiques »,   il   avoue   aussi   à   ce   propos   avoir   « déjà   eu 

quelques ennuis »

34

. En fait, comme le dit Testart, ce qui choque n'est pas l'idée même 



de la promiscuité. Tant que cela ne concerne que les sauvages. Le problème survient 

lorsque   l'on   propose   que,   toute   société   ayant   passé   par   ce   stade,   les   sociétés 

29 M

ORGAN


, L. H., loc. cit.,

30 M


AKARIUS

, R., loc. cit.

31 T

ESTAR


, A., op. cit.

32 Ibid.

33 R

IVERS


, W. H. R., loc. cit.

34 M


AKARIUS

, R., loc. cit., p. XVIII.



Maxime Felder

maxime.felder@unifr.ch

 

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