Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne


partie de ces détails se retrouve dans la relation d'Ibn-Bathoutha, qui séjourna pendant quelque temps dans ces îles, vers le milieu du XIV



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Une partie de ces détails se retrouve dans la relation d'Ibn-Bathoutha, qui séjourna pendant quelque temps dans ces îles, vers le milieu du XIVe siècle 2. La dénomination Dybah était encore en usage au commencement du XVIe siècle. On en voit la preuve dans une relation fort curieuse, adressée au roi de Portugal, don Manuel, par un Maure qu'Alfonse d'Albuquerque avait chargé de négocier un traité de paix avec le roi des Maldives 3.

d.060 Il se présente ici une question grave. Pour sortir de la mer de Herkend, les navires qu'aucune affaire n'appelait dans l'île de Ceylan, doublaient-ils l'île, ou bien passaient-ils entre l'île et le continent ? Cette question, soulevée pour les navires grecs et romains, n'a pas été tout à fait résolue ; les témoignages arabes semblent la décider d'une manière satisfaisante.

Les vaisseaux chinois doublaient l'île, et se rendaient par le midi de Ceylan, soit de Java sur la côte de Malabar, soit de la côte de Malabar à Java. Ces navires étaient beaucoup plus forts que les navires arabes, et n'auraient pas pu se hasarder dans le canal, hérissé de bas-fonds, qui sépare Ceylan du continent. On lit dans le Ketab-al-adjayb 4 que les marchands chinois, ayant quelquefois à se défendre contre les d.061 pirates qui de tout temps ont infesté les mers orientales, équipaient des navires montés par quatre ou cinq cents hommes, se munissant d'armes ainsi que de naphte, pour incendier les vaisseaux ennemis.

Abou-Zeyd parle d'un lieu situé à mi-chemin entre le golfe Persique et la Chine, et qui, lorsque les relations entre la Chine et l'empire des khalifes furent interrompues, devint l'entrepôt général de l'Orient ; c'est l'île ou plutôt la presqu'île de Kalah 1. Le marché dont parle Abou-Zeyd s'était établi naturellement à l'époque où les peuples de l'Égypte, de la Syrie, de l'Arabie et de la Perse n'avaient pas encore appris à connaître le chemin de la Chine. Cosmas décrit le marché qui existait de son temps dans l'île de Ceylan, à peu près dans les mêmes termes qu'Abou-Zeyd 2.

d.062 Abou-Zeyd nomme ce lieu Kalah, et on lit au mot Kalah, dans le dictionnaire géographique intitulé Merassid-al-itthila :

« Port de l'Inde, situé à mi-chemin entre l'Oman et la Chine, sous l'équateur.

Cette ville me paraît ne pouvoir être différente de celle qu'on appelle maintenant la Pointe de Galle, sur la côte méridionale de l'île de Ceylan, sous le 6e degré de latitude septentrionale. Le port de Kalah n'a plus aujourd'hui la même importance, d.063 depuis l'extension qu'ont prise en Orient les établissements maritimes des Européens. Mais voici comment s'exprimait, au commencement du XVIIe siècle, François Pyrard, qui avait séjourné dans ces parages :

« En cette île, il y a une pointe dite de Galla, vers le midi, qui est un cap qui avance fort en la mer... Il faut que tous les vaisseaux qui viennent de toutes les côtes et contre-côtes du Bengale, Malaka, la Sonde, Chine, Japon et ailleurs, passent par là et viennent reconnaître cette pointe, comme nous faisons le cap de Bonne-Espérance pour aller aux Indes. On la vient aussi toucher pour venir en tout le reste de la côte de l'Inde, s'entend depuis le cap Comorin jusqu'à Ormuz ; et ceux qui n'en veulent approcher, indubitablement se vont embarrasser dans les bancs des îles Maldives, d'où il est mal aisé de se retirer sans danger 3.

d.064 Du reste, un savant géographe, M. Walckenaer, a placé le pays de Kalah dans la presqu'île de Malaka, dans la province de Keydah, qui est située vis-à-vis de l'île de Sumatra. Dans son opinion, c'est dans cette contrée qu'avait lieu principalement le commerce de l'étain de Malaka et du camphre. Le tableau que l'écrivain arabe trace du commerce qui se faisait à Kalah, s'accorde assez avec ce que Marco-Polo a dit du commerce de Malaka 1.

Une circonstance qui permettait aux d.065 Chinois, indépendamment de la force de leurs navires, de s'engager plus avant dans les mers, c'est que, depuis une haute antiquité, ils étaient en possession d'un moyen de s'orienter, à la vérité très imparfait, mais qui, dans certains cas, leur était d'un grand secours. Les écrivains chinois parlent de chars magnétiques sur lesquels était placée une petite figure d'homme qui montrait le sud, et à l'aide desquels on reconnaissait les quatre points cardinaux. Ces chars servaient à la fois sur terre et sur mer. Il ne paraît pas que d'ailleurs les Chinois aient connu la boussole avant le XVe siècle de notre ère 2.

Les vaisseaux arabes n'approchaient pas, pour la force, des vaisseaux chinois. Ces vaisseaux étaient restés à peu près tels qu'ils se trouvaient au temps des Grecs et d.066 des Romains. Construits, en général, en bois et sans mélange de fer, ils tiraient très peu d'eau, et ne perdaient que le moins possible les côtes de vue. Les Arabes employaient de préférence, dans leurs constructions navales, des planches de cocotier, et ces planches étaient liées entre elles avec des chevilles de bois ; pour les cordes, elles étaient faites de l'étoupe du même arbre. Dans les mers de l'Inde, l'eau de la mer use promptement le fer : voilà pourquoi les Anglais, dans ces derniers temps, ont mis en usage le cuivre pour le doublage des navires. Les vaisseaux arabes, outre une légèreté qui leur permettait de passer presque partout, avaient l'avantage, lorsqu'ils touchaient sur un rocher, de mieux résister au choc que nos forteresses flottantes.

La manière dont s'exprime Abou-Zeyd 3 montre suffisamment que les navires arabes, et, par conséquent, plus anciennement, les navires grecs et romains, d.067 passaient entre le continent indien et l'île de Ceylan. Édrisi s'exprime d'une manière encore plus positive. Voici ce qu'il dit :

« En face de l'île de Serendib, du côté de la terre de l'Inde, il y a des gobb, c'est-à-dire des golfes dans lesquels se déchargent certaines rivières ; on nomme ces gobb les gobb de Serendib. Les navires pénètrent dans ces golfes, et les franchissent en un ou deux mois, à travers des bois et des jardins, au milieu d'une température moyenne 1.

L'espace de temps d.068 que l'auteur arabe indique pour ce trajet paraîtra un peu long ; mais il faut se rappeler que les navires, dans un lieu si étroit, étant constamment menacés de se briser sur la côte ou de se perdre dans les bas-fonds et au milieu des roches sous-marines, voyageaient seulement pendant le jour, et par un temps calme.

La mer de Herkend s'étendait jusqu'à la chaîne de rochers qui s'avance du continent indien vers l'île de Ceylan, et qu'on nomme le pont d'Adam. Au-delà commençait la quatrième mer, appelée du nom de Schelaheth ; cette mer répond à ce qu'on appelle aujourd'hui le golfe de Palk.

Le marchand Soleyman parle d'une île qui était baignée à la fois par les deux mers, et qui est nommée tantôt Al-ramy, et tantôt Al-ramny 2. Ce que dit Soleyman renferme quelques expressions qui manquent d'exactitude. Les navigateurs d.069 arabes, ne faisant que rarement le tour de Ceylan, et passant entre le continent et l'île, ou bien s'arrêtant au port de Kalah, n'avaient qu'une idée très vague des côtes de Ceylan. Le même désordre se fait remarquer dans la carte qui accompagne la relation chinoise de Hiuen-tsang, carte qui fut dressée vers le milieu du VIIe siècle, et où la vaste île de Ceylan paraît former plusieurs îles différentes 3. À la vérité, l'erreur qui consiste dans l'étendue de huit ou neuf cents parasanges, attribuée par Soleyman à l'île de Ramny, et qui serait de nature à déranger toutes les combinaisons, est corrigée par ce qu'Abou-Zeid dit plus loin 4, à savoir, qu'il s'agit là de parasanges carrées. D'après cela, l'île de Ramny aurait eu vingt-neuf parasanges de long sur vingt-huit de large, ce qui permet de l'identifier avec celle de Manaar, à laquelle on peut joindre, si l'on veut, quelque autre île d.070 voisine. Mais il reste l'opinion, partagée par Soleyman et Abou-Zeyd, suivant laquelle le camphre serait un des principaux produits de l'île de Ceylan ou d'une île voisine. Le camphre vient de l'île Bornéo du Japon, et surtout de l'île Sumatra.

D'autres circonstances de la relation arabe conviennent également à la dernière île. Aussi Marsden, qui avait étudié avec beaucoup de soin la géographie de ces parages, penchait à voir dans l'île Al-Ramny, l'île Sumatra 1.

La partie la plus étroite du canal, entre Ceylan et le continent indien, est fameuse, chez les indigènes, par les souvenirs d'une expédition probablement fabuleuse, du moins dans ses détails, d'un héros, nommé Rama, contre l'île de Ceylan, qu'ils nomment Lanka. Cette expédition forme le sujet d'un poème sanscrit intitulé Ramayana. Suivant l'auteur du poème, Rama et ses guerriers, manquant de vaisseaux pour pénétrer dans d.071 l'île, lancèrent dans la mer cette chaîne de rochers qu'on nomme aujourd'hui le pont d'Adam, et qui, dans le Ramayana, est appelé Setou-bandha. À côté de l'île Manaar est l'île Rameswara. La partie la plus voisine du continent indien porte le nom de Ramnad ; dans les environs est Ramana-coil, ou le château Ramana. La région entière est remplie du souvenir des exploits de Rama, et tout porte à croire que le nom de l'île de Ramy ou Ramny se rattache à cette circonstance. Du reste, cette contrée et les eaux qui la baignent sont maintenant peu fréquentées par les voyageurs, et elles ne recouvreront leur ancienne importance que si comme on l'a annoncé plusieurs fois, le gouvernement anglais fait débarrasser et élargir le canal qui sépare l'île du continent, de manière à ce que les gros navires puissent s'y frayer un passage 2.

d.072 Le marchand Soleyman parle ensuite des îles nommées Lendjebalous 3, qui, ainsi qu'on le verra plus bas, étaient situées aux environs du cap de Calymère. Après cela, il fait mention de deux îles qui étaient séparées des précédentes par une mer qu'il appelle Andaman. La description qu'il fait des îles Andaman s'applique aux deux îles qui portent aujourd'hui le même nom. Ce sont, je pense, les mêmes îles que Marco-Polo a décrites sous les noms de Necara ou Necuveram et Agaman. Voici ce que dit Marco-Polo :

« Quand l'on se part de Java et du royaume de Lambri, et il va par Tramontana entor cent cinquante milles ; adonc, trouve-t-on deux îles que l'une est appelée Necuveram ; et, en cette île ne ont roi et sont comme bêtes ; et vous dis qu'ils vont tout nuds et mâles et femmes, et ne se couvrent de nulle rien du monde. Ils sont idolâtres, et si vous dis que tous leurs bocages sont de nobles arbres et de grand vailance. Ils d.073 sont sandal vermeil, et noix d'Inde, et garofal (girofle), et berzi (bois de Brésil), et maintes autres bons arbres... Angaman est une île bien grande. Ils ne ont roi. Ils sont idolâtres et sont comme bêtes sauvages. Tous les hommes de cette île ont chef (tête) comme chiens, et dents et yeux comme chiens ; car je vous dis qu'ils sont tout semblables à chef de grands chiens mâtins. Ils ont épiceries assez. Ils sont moult cruels gens ; ils mangent les hommes, tous ceux qu'ils peuvent prendre, puis (pourvu) qu'ils ne soient pas de leurs gens. Ils ont grande abondance de toute manière d'épicerie. Leurs viandes est le lait et cars (chairs) de toutes manières. Ils ont encore fruits devisés (différents) à les nôtres 1.

Un fait très important qui ressort du récit d'Abou-Zeyd 2, est l'existence, à cette d.074 époque, du vaste empire fondé par les Javanais, empire qui jouissait d'une grande prospérité, et qui renfermait la meilleure partie des peuples de race malaie, avec certaines portions de l'Inde. Au centre de l'empire étaient les îles de Java et de Sumatra ; une de ces îles portait le nom de Zahedj (Al-zabedj), et c'est là que résidait le souverain, sous le titre sanscrit de Maha-Radja ou Grand radja. L'empire entier était nommé empire du Zabedj ; il occupait une position intermédiaire entre l'Inde et la Chine ; mais, suivant Massoudi, on le comprenait dans les limites de l'Inde 3 ; en effet, les traditions mythologiques et religieuses du pays se rapportent aux doctrines brahmaniques beaucoup plus qu'aux doctrines chinoises 4. Albyrouny dit que les d.075 îles proprement dites du Zabedj correspondaient à celles que les écrivains sanscrits nomment Souvarna-Douipa ou îles d'Or 5. Zabedj est probablement l'île nommée Zapadiv par Ptolémée, et Tche-po par les Chinois 6.

On lit dans le Ketab-al-adjayb un fait qui est confirmé par les écrivains chinois, et qui s'est renouvelé à bien des époques ; c'est qu'à Java, et dans les îles voisines, il y avait un certain nombre de colons chinois qui avaient quitté leur patrie, à la suite de quelques troubles intestins 1.

On a vu que le marchand Soleyman d.076 donnait à la mer qui fait suite à la mer de Herkend, et qui commençait au pont d'Adam, le nom de mer de Schélaheth. C'est la quatrième des sept mers qui conduisent à la Chine 2. Sans doute, Soleyman parlait des trois autres ; mais il y a ici dans sa relation une lacune d'un ou de plusieurs feuillets.

Massoudi, qui donne la suite des sept mers, bien qu'il les comprenne toutes sous la dénomination générale de mer abyssinienne (bahr habeschy 3), appelle la quatrième mer Kalahbar, du nom d'une contrée qui me paraît répondre à la partie méridionale de la côte de Coromandel. La d.077 cinquième mer de Massoudi se nomme Kedrendj ou Kerdendj ; c'est probablement la mer qui mouille la côte orientale de la presqu'île de l'Inde, à partir de l'embouchure de la Kitana, en remontant vers le Nord. On passe de là, dit-il, dans la mer de Senf, qui est la sixième, et qui, suivant Massoudi, renfermait le centre de l'empire du Zabedj, c'est-à-dire où se trouvaient Sumatra et Java. La septième et dernière mer était la mer de Sandjy, qui commençait à l'embouchure du détroit de Malaca et de celui de la Sonde, et qui, d'après l'observation de Massoudi, se prolongeait indéfiniment au Nord et à l'Orient.

Le marchand Soleyman, après être arrivé en Chine, probablement par le détroit qui sépare l'île de Ceylan du continent, d.078 les îles Andaman, etc. revient sur son chemin, pour faire connaître la route ordinaire des navigateurs et les lieux de station qui se trouvaient sur leur passage. Nous allons refaire le voyage avec lui, et cette circonstance nous permettra de traiter de divers points dont il n'a été parlé qu'imparfaitement jusqu'ici et qui méritent un examen approfondi.

Suivant le marchand Soleyman 4, l'entrepôt générai du commerce, qui se faisait par les bouches du Tigre et de l'Euphrate, était le port de Syraf. C'est là que se rendaient les gros navires chinois, venus de la haute mer, et les navires arabes partis de Bagdad et de Bassora ; c'est de là que tous mettaient à la voile pour les mers de l'Inde et de la Chine. Les vaisseaux chinois, par leurs vastes proportions, absorbaient la plus grande partie des marchandises ; ils avaient d'ailleurs l'avantage de mieux résister par leur masse aux vagues impétueuses de l'Océan.

d.079 De Syraf les navires se rendaient sur les côtes de l'Oman. Soleyman fait mention, à cette occasion, d'un lieu nommé Al-dordour ou tournant, et situé au milieu de la mer. Ce sont quelques rochers à fleur d'eau, entre lesquels il ne peut passer que de petits navires. Ces rochers sont encore aujourd'hui l'effroi des navigateurs européens, qui les appellent du nom de Coins, à cause de leur forme en pointe. Voici ce qu'on lit dans l'ouvrage de Horsburgh :

« Les coins sont trois petites îles ou roches, situées très près les unes des autres, et dont deux sont taillées en forme de coins. Les Arabes nomment le grand coin Benatha ou Mamma-Salama, et le petit Ben-Salama ; or, Salama veut dire bienvenue, et Mamma et Ben indiquent leur grandeur relative. Le grand coin est par 26 degrés 30 minutes 25 secondes de latitude septentrionale, et 54 degrés 14 minutes de longitude, méridien de Paris, à six milles trois quarts du cap Mussen-dom ; il a deux ou trois cents pieds de d.080 haut. Le petit coin se trouve à deux milles du grand ; le plus petit des rochers est à environ un mille du premier. On peut passer entre ces îles ; mais, comme le canal est étroit et qu'il y existe, des courants irréguliers, un grand navire ne doit prendre cette voie que lorsqu'il ne peut faire autrement 1.

À l'époque où voyageait Soleyman, la capitale de l'Oman était la ville de Sahar, qui répond probablement au Ομανόν εμπόριον de Ptolémée 2. Mascate, ou plutôt Mascathe, dont le nom signifie en arabe d.081 lieu de descente, désignait un puits d'eau douce où les navigateurs venaient s'approvisionner, et où l'on pouvait se procurer des moutons de l'Oman. La situation de ce lieu était au sud-est de Sahar, et il n'acquit que plus tard l'importance qu'il a aujourd'hui. Quant aux approvisionnements de viande et d'autres objets que les navires faisaient à Mascate, cet usage existe encore à présent 3.

Le marchand Soleyman dit que les navires, en quittant Mascate, mettaient à la voile pour l'Inde, en s'abandonnant à la mousson ; suivant Massoudi, ils se dirigeaient d'abord vers le ras-al-djamdjama, ou cap de la Tête, lieu qui répond probablement au cap Rasalgate, et c'est là qu'avait lieu le départ. Massoudi place ce cap à cinquante parasanges de Mascate, et Mascate à cinquante parasanges de Sahar.

« Le ras-al-djamdjama, ajoute-t-il, est une montagne qui est contiguë aux pays d.082 du Schahr et du Ahcaf. Les sables, qui commencent au pied de la montagne, s'étendent sous l'eau jusqu'à une distance dont on ne connaît pas le terme. Les bancs de sables qui commencent ainsi sur le continent et qui se prolongent dans la mer, sont appelés, dans la mer Méditerranée, du nom de bas-fonds. On trouve un endroit du même genre en Asie Mineure, sur la côte Seleukya ; ce bas-fonds se prolonge sous l'eau jusqu'auprès de l'île de Chypre, et il est funeste à la plupart des navires qui s'y exposent 1.

Le bas-fond dont parle Massoudi, répond probablement aux sables qu'entraîne le Pyramus, fleuve de Cilicie, sables dont Strabon a fait mention 2, et qui sont si considérables que, suivant la prédiction d'un oracle, ils d.083 devaient, avec le temps, aller rejoindre la pointe de l'île de Chypre.

Au rapport de Soleyman, de Mascate, on arrivait en un mois de marche, avec un vent modéré, à Koulam, nom d'un port situé un peu au nord du cap Comorin. Koulam, jusqu'à l'époque où les développements de la marine européenne ont exigé une grande profondeur d'eau, était le port le plus considérable du midi de la presqu'île indienne. On peut comparer à cet égard le témoignage de Marco-Polo et d'Aboulféda 3. Soleyman donne à ce port le nom de Koulam du Malay, du nom de la contrée, appelée, par les Grecs, Μαλέ 4, laquelle, par l'addition du mot indigène bar, signifiant « pays », a donné naissance à la dénomination vulgaire de Malabar.
d.084 Soleyman ne fait aucune mention des possessions des Arabes sur les bords de l'Indus, ni des places du Guzarate et du golfe de Cambaye, où ses compatriotes faisaient un riche commerce. Il ne faut pas perdre de vue que Soleyman avait pour objet le voyage de Chine, et qu'il a craint d'être inconséquent avec lui-même s'il se détournait à droite ou à gauche de sa route.

Au sortir de Koulam, les navires entraient dans la mer de Herkend et se dirigeaient vers les îles Lendjebalous, dans la mer de Schelaheth ; les habitants de ces îles vivaient dans la misère et la barbarie, et on ne pouvait communiquer avec eux que par signes. Les navires arrivaient ensuite au lieu nommé Kalah-bar, lieu dont le nom, dans l'ouvrage de Massoudi, sert à désigner la mer de Schelaheth, et qui, suivant le marchand Soleyman, reconnaissait les lois du roi du Zabedj ou de Java. Peut-être le mot Zabedj a été mis ici par erreur, et, au d.085 lieu du roi de Java, il s'agit d'un prince du continent indien. Ce qui aura induit le copiste en erreur, c'est qu'il est dit plus tard que l'empire du Zabedj comprenait la presqu'île de Kalah, qui semble ne pouvoir pas être différente de la pointe de Galle, au midi de l'île de Ceylan. Édrisi, après avoir parlé des îles Lendjebalous, qu'il nomme Lankialious, et de la presqu'île de Kalah-bar, dont il fait l'île Kalah, fait mention du Djaba, et non pas du Zabedj 1.

J'ai déjà dit que Kalah-bar me paraissait être l'équivalent de Coromandel. On a beaucoup écrit sur l'origine de cette dernière dénomination. Elle se prononce d.086 en sanscrit Tcholamandalam. Tchola, ou Chola, est le nom d'une famille de rois qui régnait jadis dans le Tanjaour, et qui donna son nom au pays. C'est probablement celui d'un prince qui régnait dans les premiers siècles de notre ère, et qu'Albyrouny a désigné par ces mots : le roi Djour 2. Le nom Tcholamandalam a été appliqué, dans des temps assez modernes, à toute la côte dite de Coromandel ; mais, dans l'opinion des Indiens, il désigne spécialement le Tanjaour actuel. On doit donc traduire Tcholamandalam par « pays de Tchola 3 ». Cette dénomination se rapproche de Kalah-bar, que l'absence des voyelles permet de prononcer Kolah-bar.

d.087 Soleyman fait ensuite arriver les navires, après dix jours de marche, au lieu nommé Betoumah. Ce lieu semblerait devoir se trouver auprès de Madras. Si le nom est bien écrit, car les auteurs varient à cet égard, il s'accorde assez bien avec l'opinion de ceux qui, à l'exemple de l'abbé Renaudot, ont vu ici le nom de la ville de San-Thomé, autrement appelée Meliapour, ou plus régulièrement Mailapour, ville où, suivant la tradition, l'apôtre saint Thomas reçut la palme du martyre. Voici ce que dit Renaudot, qui avait étudié avec beaucoup de soin tout ce qui tient aux origines et aux croyances des différentes communions chrétiennes de l'Orient.

« Betouma est un mot d.088 syriaque, dont la véritable orthographe est Beit-Touma, ce qui signifie en arabe et en syriaque « maison ou église de saint Thomas ». Marco-Polo et presque tous les anciens auteurs de voyages témoignent que, selon la tradition du pays, la sépulture de saint Thomas était en ce même endroit. Cette tradition se trouve conservée dans les églises nestoriennes, et un de leurs plus fameux auteurs, après avoir rapporté sommairement la prédication de saint Thomas, dit que son tombeau a été trouvé sur le bord de la mer, dans un village connu par la mémoire de son martyre. On peut ajouter à cette tradition celle des églises de Malabar et de la plupart des autres églises syriennes, qui croient toutes que saint Thomas est entré dans les Indes et que son corps y a été enterré 1.

De Betouma les navires se rendaient au d.089 lieu nommé Kedrendj, et y arrivaient au bout de dix jours. Après dix autres jours, ils atteignaient le pays de Senef, et Senef est aussi le nom de la mer où se trouvaient les îles du Zabedj, c'est-à-dire Sumatra et Java. Il paraît donc que les vaisseaux arabes, au lieu de remonter jusqu'au fond du golfe du Bengale, quittaient la côte orientale de la presqu'île de l'Inde, à l'endroit nommé Kedrendj, et faisaient voile en droite ligne vers la presqu'île de Malaca, aux environs du golfe de Martaban. C'est un point qui mérite d'être discuté.


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