Frère Sylvestre


CHAPITRE VIII ième CONTRADICTION QU'EPROUVE LE VENERE



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CHAPITRE VIII ième




CONTRADICTION QU'EPROUVE LE VENERE

PERE A L'OCCASION D'UN AUMONIER QUI

PRETEND ETRE LUI-MEME LE VERITABLE

SUPERIEUR DE LA CONGREGATION

1°. Parmi les ecclésiastiques des pieuses réunions du grand séminaire dont nous avons parlé dans le chapitre deuxième, deux vinrent s'adjoindre au Père Champagnat : M. Courveille, curé d'Epercieux, et M. Terraillon, aumônier des Sœurs Ursulines à Montbrison. Après tant de contrariétés, de peines et de travail qu'avait coûtés au Vénéré Père la maison de l'Hermitage, il pensait sans doute jouir d'un peu de repos et goûter avec ses Frères le centuple de l'Evangile; mais il se trompait bien, car Dieu a des manières différentes de le donner, ce centuple, et pour les âmes privilégiées, je veux dire pour les saints à vertus héroïques, ce centuple consiste dans beaucoup de tribulations, de chagrins, d'ennuis et de souffrances qui, en centuplant leurs croix, centuplent aussi leurs mérites sur la terre et partant leur bonheur dans le ciel. Donc encore des croix à notre Vénéré Fondateur.

2°. M. Courveille donc prétendant avoir eu le premier au grand séminaire l'idée de fonder la société des Maristes, en concluait que les Pères [140] Maristes, et à plus forte raison les Frères, lui devaient, avant tout autre supérieur, l'obéissance comme supérieur général de tous. Le Père Champagnat qui se croyait indigne d'être à la tête des Frères, le laissa faire et se soumit. Mais les Frères qui comptaient que toujours le Père Champagnat serait à leur tête comme leur fondateur, ne se mirent guère en peine de ce nouveau supérieur qui leur était inconnu, et continuèrent à s'adresser au Père Champagnat. M. Courveille, voyant que son titre de supérieur général rendait son pouvoir insignifiant auprès des Frères, résolut, pour les amener à le reconnaître pour leur supérieur et à être gouvernés par lui, de se faire nommer officiellement par eux. Pour arriver plus facilement à son but, à l'époque des vacances de 1825, il tâcha par tous les moyens possibles de se les attacher et de gagner leur confiance, en usant à leur égard d'une grande tolérance et de toutes sortes de procédés bienveillants.

3°. Croyant les Frères bien disposés en sa faveur, il les fait assembler et après leur avoir fait connaître que la Société des Maristes, à laquelle ils appartenaient, étant destinée à être appliquée à diverses oeuvres, le Père Champagnat comme lui et le Père Terraillon, pouvaient être appelés d'un jour à l'autre à d'autres fonctions, et qu'il était dès lors important de choisir, tandis qu'ils étaient tous trois à leur disposition, celui qu'ils voulaient pour les gouverner en qualité de leur unique supérieur; puis, après quelques paroles d'explication à ce sujet, il leur dit d'écrire sur un billet le nom du Père de leur choix et sort de la salle. Quand il crut la chose faite, il revient, recueille les suffrages et en fait le dépouillement: Père Champagnat, ... Père Champagnat et toujours Père Champagnat, sauf deux ou trois noms différents. Un peu contrarié, il se tourne vers le Vénéré Fondateur et lui dit [141] avec une certaine émotion: « Il paraît qu'ils 'se sont tous entendus pour vous nommer ». Le Vénéré Père, sans s'offenser de ces malignes paroles, lui demande l'annulation du vote, ce que l'on conçoit assez, M. Courveille lui accorda volontiers46.

Alors, le Vénéré Père, prenant la parole et croyant que c'était parce qu'il avait toujours été à leur tête qu'ils l'avaient nommé, leur fit comprendre que lui, ayant toujours été occupé aux travaux manuels, il n'était pas à même, comme M. Courveille et M. Terraillon, de les conduire dans les voies de la perfection que comportait leur vocation, tandis que ces messieurs (M. Courveille et M. Terraillon), s'étant occupés sérieusement de ces matières, avaient sur cela bien des connaissances que lui ignorait. Il les engagea donc à implorer les lumières du St. Esprit et le recours à la Ste Vierge et proposa un second vote; mais le dépouillement ayant amené le même résultat que le premier, « Hé bien! dit M. Courveille, ils vous veulent pour leur supérieur, vous le serez. » En effet, les Frères n’en voulaient pas d'autre et n'avaient pas même eu la pensée de demander M. Courveille. Cela dit, celui-ci se retira, mais malgré le vote décisif et qui montrait d'une manière si évidente l'attachement des Frères pour leur Fondateur, M. Courveille ne perdit pas tout espoir.

Toutefois, avant de raconter les autres ruses dont il se servit pour arriver à son but, je vais dire à quelle occasion elles eurent lieu.

4°. En cette année 1825, vers la fête de la Toussaint, on fonda l'établissement d'Ampuis. M. Hérard [142] ancien missionnaire d'Amérique, en fit tous les frais. Ce poste fondé, le Vénéré Père se mit en devoir de faire la visite des dix établissements que possédait déjà la Congrégation. Qu'on me permette ici de faire connaître l'esprit de mortification que garda le Vénéré Père dans ces diverses visites.

D'abord, à cette époque, je dirai que des pluies torrentielles avaient rendu les chemins comme impraticables et cependant par esprit de mortification il les fit tous à pied. Il prenait peu de nourriture, ses repas ordinaires consistaient en un potage et quelques fruits, à moins qu'il ne dînât au presbytère. Il ne buvait pas de vin en route et se contentait, s'il était trop pressé par la soif, de demander un peu d'eau. Enfin, pour tout dire en un mot, il n'avait aucun soin de lui et ne paraissait presque pas se soucier de son corps. Je tiens ceci de quelques Frères qui ont voyagé avec lui, et aussi de M. Arnaud; même il me semble qu'il me disait un jour, que l'ayant accompagné dans un voyage de long cours, il avait été tenté plusieurs fois de l'abandonner pour entrer dans une auberge, tant il était pressé par la faim.

5°. Mais revenons à M Courveille. Pendant l'absence du Vénéré Père qui fut assez longue, M. Courveille ne dormait pas et essayait par des voies détournées de ressaisir son titre de supérieur qui lui avait échappé. Il écrivit pendant ce temps-là des lettres pleines d'amertume à quelques Frères des établissements de ce qu'ils ne s'étaient pas prononcés pour lui et en manifesta même son chagrin à tous ceux de la maison-mère. Quand le Père Champagnat fut de retour il se permit de le censurer sur sa manière de gouverner les Frères, soit à l'égard du spirituel, soit à l'égard du temporel. Il lui ôta même l'administration des finances et se chargea lui-même de la bourse, dont souvent le [143] contenu indiquait assez qu'il s'entendait plutôt à la vider qu'à la remplir, et qui en était la cause ? toujours le Père Champagnat.

6°. Cependant les voyages si fatigants du Vénéré Fondateur, les contrariétés incessantes de M. Courveille lui causèrent une grave maladie. Il sentait bien qu'il s'en allait, mais il n'en continuait pas moins ses travaux lorsque, le lendemain de la fête de Noël, après avoir fait les plus grands efforts pour la bien célébrer, il fut obligé de s'aliter. La maladie fit de si rapides progrès que bientôt on désespéra de ses jours. M. Courveille, dans cette circonstance, on ne sait trop pourquoi, parut tout dévoué au Vénéré Père; il fit prier à la maison mère et dans tous les établissements pour sa guérison et ne négligea rien pour les soins à lui donner.

7°. Malheureusement le bruit s'était répandu dans le public que cette maladie conduirait au tombeau le Vénéré Père. Plusieurs créanciers ne pouvant être soldés de suite, menacèrent de faire exproprier et la maison et le mobilier, et ils s'apprêtaient à le faire, lorsque la Frère Stanislas, dévoué plus que jamais au Vénéré Fondateur et à la Congrégation, va à St. Chamond et, les yeux baignés de larmes, supplie M. Dervieux de venir au secours de la maison qui allait devenir la proie des créanciers. Celui-ci le consola et lui promit de payer les dettes; effectivement quelques jours après il en paya pour six mille francs47.

8°. Mais la chose peut-être encore plus navrante pour le bon Frère, ce fut le découragement qui s'empara des Frères et des novices, voyant leur [144] Père bien-aimé marchant à grands pas vers la tombe. Car, dans des circonstances si désespérantes et si malheureuses, le Père Courveille, au lieu de les consoler et de les calmer, les traitait avec rigueur et sans ménagement; même, les ayant fait rassembler, il leur fit les reproches les plus offensants et finit par leur dire qu'il allait demander son changement à l'archevêché. Ces paroles produisirent un si mauvais effet que, dès lors, chacun ne pensa plus qu'à se créer un avenir et à abandonner une maison où ils ne goûtaient plus la paix qu'ils y avaient tout d'abord trouvée. Alors le Frère Stanislas, voyant que les Frères avaient pris définitivement le parti de quitter leur vocation, alla trouver les uns et les autres et fit tant par ses prières et ses convaincantes paroles qu'il arrêta leur projet lorsqu'ils étaient prêts de l'exécuter. Même il ne craignit pas de faire d'honnêtes représentations à M. Courveille sur la dureté de son gouvernement. Celui-ci, que les dettes seules inquiétaient, répondit à toutes ces justes observations, qu'il ne se chargeait pas des dettes et que, si le Père Champagnat venait à mourir, il se retirerait et que tous en feraient autant. Quant à sa manière de conduire les Frères il n'y eut aucun égard.

9°. Cet excellent Frère, qui ne quittait le Vénéré Père ni le jour ni la nuit, avait évité, de crainte de le fatiguer, de lui parler de la manière dure dont M. Courveille traitait les Frères, ni de l'intention où ils étaient tous de se retirer mais, voyant qu'il allait beaucoup mieux, il lui dévoila tout. Du reste, ce mieux qu'il s'était empressé de faire connaÎtre aux Frères les avait un peu réconfortés, en leur donnant l'espoir d'avoir le Vénéré Père à leur tête. Le Père Champagnat, ayant donc appris ces choses si alarmantes pour son cœur, pria [145] M. Courveille de traiter les Frères avec plus de douceur et de paternité, mais il n'en fit rien. Sur ces entrefaites, le Vénéré Père, ayant appris qu'à un exercice de communauté il allait être fait à un Frère une sévère réprimande, pria le Frère Stanislas de lui donner le bras, (car, il pouvait à peine se soutenir), et de le mener, où il48 se faisait. Mais à peine paraît-il qu'un fort claquement des mains se fait entendre, tous les visages, rayonnants de joie et de bonheur, décèlent visiblement leur attachement pour leur bon Père. M. Courveille, ne pouvant tenir à ce témoignage d'affection si sensible, sort furtivement de la salle. Alors, le bon Père prenant la parole, encourage les Frères, dissipe toutes leurs craintes et les raffermit plus que jamais dans leur vocation.

10°. La santé du Vénéré Père s'accusant de mieux en mieux, M. Dervieux vint le prendre et le mena dans sa cure où toutes sortes de soins lui furent prodigués. Ce digne pasteur était revenu de ses préjugés à l'égard du Vénéré Père et avait enfin reconnu que tout ce qu'on débitait sur son compte n'était que de pures calomnies. Aussi apprécia-t-il toujours de plus en plus son mérite et sa vertu.

11°. Pendant ce temps-là M. Courveille, qui n y avait pu parvenir à détacher les Frères de l'obéissance du Père Champagnat, changea de système de persécution à son égard, et, on peut le dire sans trop se tromper, il chercha à faire enlever par Monseigneur lui-même au Père Champagnat sa qualité de supérieur. Il lui écrivit donc et chargea le [146] Vénéré Père de plusieurs chefs d'accusation. Les deux principaux étaient que le pieux Fondateur recevait des novices sans qu'ils eussent vocation, et qu'il formait mal les Frères sous le rapport des sciences profanes et ne leur donnait pas une éducation religieuse suffisante. Sans trop croire ces rapports, Monseigneur crut devoir envoyer M. Cattet, vicaire général, pour faire la visite de la maison. Le Père Champagnat, encore en convalescence chez M. Dervieux, apprenant cette nouvelle, se rendit aussitôt à l'Hermitage afin de présenter ses respects à M. le vicaire général. Celui-ci le reçut assez froidement, lui fit plusieurs questions, visita la maison dans le plus grand détail et enfin examina les Frères et les novices sur le catéchisme et sur les autres branches de l'enseignement. N'ayant trouvé ni les uns, ni les autres assez instruits, car plusieurs étaient venus depuis peu ne sachant ni lire ni écrire, de plus la construction de la maison avait empêché le plus grand nombre de s'occuper d'études sérieuses, il ne put dissimuler son mécontentement et défendit au Père Champagnat de faire de nouvelles constructions.

12°. M. Courveille voyant ses intrigues couronnées de succès, s'en flattait démesurément, pensant probablement qu'il allait enfin atteindre son but, mais la mesure était comble, le châtiment ne se fit pas attendre et il fut celui que Dieu inflige ordinairement aux orgueilleux. Bientôt on apprit sa faute à l'archevêché et dès lors on put juger quel cas on devait faire de ses injustes dénonciations et du zèle qu'il faisait paraître extérieurement pour les observances régulières. Pour apaiser les remords de sa conscience, il s'enfuit à la Trappe d'Aiguebelle, mais le croirait-on, cette lourde chute ne le corrigea pas de son orgueil. Croyant que son méfait n'était connu de personne, il écrivit de ce st monastère [147] qu'il ne retournerait à l'Hermitage que dans le cas où les Frères le reconnaîtraient pour leur supérieur. Mais tout fut dévoilé; alors d'après l'avis de Monseigneur, le Père Champagnat et M. TerrailIon lui écrivirent collectivement de rester où il était et qu'il n'avait pas à remettre le pied à l'Hermitage. De tout cela je conclus que les hommes ont leurs ruses pour réaliser leurs vues ambitieuses, mais Dieu à la fin, a toujours le dernier mot et leur prouve d'une manière évidente que toujours s'accomplira ce texte évangélique: « Quiconque s'élève sera abaissé et quiconque s'abaisse sera élevé. »

13°. Mais une autre épreuve qui fut très sensible au Vénéré Père à la même époque fut la nécessité où il se trouva de renvoyer son premier disciple. La Frère Jean-Marie, trouvant que la règle n'était pas assez sévère pour lui fournir les moyens d'arriver à une haute perfection, l'orgueil le poussa à quitter furtivement sa classe de Bourg-Argenta] pour se rendre à la trappe, sans se mettre en peine de qui la ferait. Désillusionné, il en revient, se jette à genoux aux pieds du bon Père et lui demande pardon de sa faute. Le Père Champagnat l'accueille avec bonté et le reçoit de nouveau croyant la folie passée tout de bon, mais il n'en était rien, il en avait conservé le germe. S'étant mis dans la tête de n'en être ni plus ni moins saint qu'un Louis de Gonzague, il se livre à toutes sortes d y austérités en dehors de l'obéissance et malheureusement elles lui ramollirent le cerveau. Le Vénéré Père fut donc forcé de le renvoyer, attendu qu'il dérangeait la communauté par toutes sortes d'extravagances.

14°. Un autre Frère nommé Roumesy, d'abord tout dévoué au Père Champagnat et d'un talent distingué pour diriger les classes et administrer le temporel fut choisi par le Vénéré Père pour remplir [148] ce dernier emploi à la maison-mère; comme il ne s'y plaisait que tout juste et voulant quelque chose de plus élevé, il s'enfuit de la communauté sans avertir le Père Champagnat en se figurant qu'il ferait plus de bien ailleurs. Mais, non seulement il ne réalisa pas ce bien qui n'était qu'apparent, mais il mourut dans la misère et le dénuement; nouvelle victime encore de l'orgueil et de la désobéissance.

15°. Ce fut bien différent chez le Frère Louis. Le démon, jaloux de la constance du Frère Louis, ce véritable enfant du Père Champagnat, le tenta de sortir de sa vocation pour étudier le latin, et probablement qu'il y aurait succombé s'il n'avait été aussi humble qu'obéissant. Ayant fait connaître au Vénéré Père son projet et celui-ci voyant qu'il en était toujours obsédé malgré tout ce qu'il pouvait lui dire pour l'en détourner, lui défendit formellement de ne plus49 s'en occuper; en religieux docile, il obéit exactement et la tentation se dissipa. On voit évidemment par ces trois traits que l'orgueil et la désobéissance rendirent apostats les Frères Jean-Marie et Roumesy, tandis que l'humilité et la docilité conservèrent le Frère Louis dans sa vocation et assurèrent sa persévérance, car il est mort dans son saint état avec toutes les marques d'un prédestiné, récompense de son obéissance et de son ouverture de cœur au Vénéré Fondateur.

16°. Je conclus ce chapitre et ne crois pas me tromper en disant que Monseigneur d'Amasie50 [149] archevêque de Lyon, M. Gardette, supérieur du grand séminaire et notre excellent Frère Stanislas ont été des aides suscités de Dieu au Père Champagnat pour asseoir définitivement son Institut, tandis que M. Bochard, sans doute avec les meilleures intentions du monde, M. le curé de Lavalla et M. Courveille, illusionnés probablement par l'ange du midi, ont failli J'anéantir.

Reconnaissance aux trois premiers! Dieu juge les trois derniers. [150]


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